Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 3 novembre 2016 à 10h30
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique – orientation et protection des lanceurs d'alerte — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « transparence », « lutte contre la corruption », « protection des lanceurs d’alerte » : qui ne pourrait s’enthousiasmer pour ces outils précieux pour notre démocratie ? Raison de plus pour y regarder de plus près afin de parfaire la loi et de s’assurer que le contenu du texte corresponde bien à son ambition.

En matière de lutte contre la corruption, le groupe écologiste ne peut que réitérer l’expression de ses craintes relatives à la mise en place d’une transaction judiciaire à l’américaine, sans reconnaissance de culpabilité.

En matière de transparence, l’obligation, pour les entreprises multinationales, de la déclaration publique d’activités pays par pays suscite malheureusement toujours autant de réticences ; l’optimisation fiscale reste officiellement considérée comme une stratégie de compétitivité relevant du secret des affaires.

De ce texte complexe, on pourrait commenter chaque article, mais, si mon groupe m’a confié tout son temps de parole, c’est que le sort fait par l’écriture actuelle du projet de loi Sapin II à la loi du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte est atterrant. Nous aurions dû nous méfier : dès le passage de la loi de 2013 à l’Assemblée nationale, le ministre avait déjà accepté que l’on supprime le droit à la formation des CHSCT en cas d’alerte spécifique. Cette fois-ci, dans un contexte médiatique favorable à la défense des courageux Raphaël Halet, Antoine Deltour et Stéphanie Gibaud, il nous annonce la protection des lanceurs d’alerte en matière financière et, mieux encore, il nous propose de construire, quel que soit le domaine de l’alerte, un véritable socle commun, que le Conseil d’État et les associations citoyennes appelaient de leurs vœux. Alors que cinq textes imparfaits cohabitent aujourd’hui, qui ne pourrait s’en féliciter ?

Dans un premier temps, nous étions confiants et solidaires de cette démarche, monsieur le ministre. À titre personnel, je n’ai pas de prétention d’auteur, et je sais que la loi n’est qu’un véhicule pour enrichir les codes, toujours perfectibles et simplifiables. Toutefois, aujourd’hui, après des heures et des heures de travail avec des juristes, je peux vous démontrer que vous vous êtes livré à une véritable opération de démolition de l’alerte en matière de santé et d’environnement, au point de supprimer des missions indispensables de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, d’étouffer et de faire disparaître les messages d’alerte à venir, de condamner les indispensables registres d’enregistrement, qui font foi pour ces alertes, et de supprimer un pan de la récente loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias : la mention des journalistes comme destinataires possibles de l’alerte, alors que votre collègue Audrey Azoulay, qui défend la liberté de la presse, y avait personnellement veillé.

Monsieur le ministre, ce n’est pas faute de vous avoir alerté, en séance, en privé, oralement, par lettre ; ce n’est pas faute d’avoir expliqué qu’on ne fait pas face à une fuite de mercure ou à une expertise complaisante sur le Mediator de la même façon qu’à une évasion fiscale. S’il y a des points communs indispensables pour ce qui concerne la protection de l’individu qui alerte – citoyen lambda ou salarié –, il y a de grosses différences en matière de traitement du message, de suivi de celui-ci et de traitement du risque ou du danger avéré. Face à cette complexité, le texte uniformise par la suppression ; la restauration de l’indispensable sera l’objet de nos amendements.

Que dire, en outre, de votre choix rédactionnel consistant à définir un lanceur d’alerte comme s’il s’agissait d’un individu à part ou d’un statut plutôt que d’affirmer le droit d’un citoyen à alerter ?

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