Le signalement abusif suffit à caractériser la faute d’un prétendu lanceur d’alerte. La notion de « déloyauté » n’apporte rien à ce texte, si ce n’est de l’incertitude s’agissant du niveau de loyauté : loyauté envers l’entreprise, la famille, l’intérêt général ?
Le Conseil de l’Europe est très clair. Sa recommandation aux États membres « encourage un changement de paradigme, l’alerte n’étant plus considérée comme un manquement à la loyauté, mais comme une responsabilité démocratique. » C’est écrit noir sur blanc !
Conserver le qualificatif « déloyal » serait une régression, y compris par rapport au droit actuel, et ouvrirait la porte à toutes les contestations en justice des démarches utiles à l’intérêt général. Ne pourrait-on imaginer, par exemple, que soit qualifiée de « déloyale » envers l’établissement la démarche des médecins qui ont lancé l’alerte au sujet du surdosage de la radiothérapie dispensée dans les années 2000 par l’hôpital d’Épinal ? Et que dire des cas où une entreprise connaît des difficultés financières et doit affronter un sinistre dû à un dysfonctionnement qu’elle n’a pas traité ? Tout salarié, alors, sera considéré comme « déloyal » dans sa démarche.
Ce qualificatif, Irène Frachon l’a entendu dans les services de son établissement hospitalier : certains de ses supérieurs hiérarchiques lui ont dit : « Madame, vous êtes déloyale ! » Laisser traîner cet adjectif dans notre droit constituerait une régression par rapport à l’état actuel des codes.