L’amendement n° 34 vise à rétablir la notion de menace pour l’intérêt général dans le champ d’application des dispositions relatives au lanceur d’alerte.
En réponse aux propos tenus au cours de la discussion générale, j’appelle l’attention de M. le ministre sur un point : le mot « menace » est le seul que la commission des lois ait retiré de la nouvelle définition qui a été retenue. Pourquoi ? Parce que cette notion est insuffisamment précise et trop subjective pour fonder un régime d’irresponsabilité pénale. Imagine-t-on accorder une irresponsabilité pénale à des gens qui, en toute bonne foi, dénonceront des éléments qu’ils considèrent comme une menace, laquelle se révélerait pourtant infondée ? Les conséquences pourraient être désastreuses.
Par ailleurs, cet amendement tend à supprimer l’engagement de la responsabilité du lanceur d’alerte abusif sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Certes – cette remarque figurera au Journal officiel –, la responsabilité du lanceur d’alerte abusif ou de mauvaise foi pourra de toute façon être recherchée, afin que les préjudices qu’il aura pu causer soient indemnisés. Néanmoins, cette précision nous paraît utile, non pas pour lui faire peur, mais pour l’avertir des risques encourus. En effet, il ne faudrait pas que les juridictions estiment que cette réparation civile doit intervenir sur le fondement de l’infraction de diffamation, ce qui priverait la victime de toute réparation.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 114 vise à remplacer la notion de « menace » – de ce point de vue, ses auteurs apportent des arguments à l’appui de ma thèse – par celle de « risque ». Mais je ferai au mot « risque » la même critique qu’au mot « menace » : il est insuffisamment précis. Cela pourrait même poser un problème eu égard à la constitutionnalité du texte : comment admettre que l’on crée ce qui est extrêmement rare dans notre droit, à savoir une irresponsabilité pénale totale, sans avoir défini avec la plus grande précision les conditions dans lesquelles on pourrait être ainsi pénalement irresponsable, ou en tout cas jouir d’une immunité pénale ?
Ma chère collègue, je voudrais tenter de vous rassurer : le texte fait bien référence à la violation d’une loi et à la dénonciation d’un crime ou d’un délit. La commission des lois n’a pas touché à la rédaction qu’a désormais adoptée l’Assemblée nationale. Dans la mesure où la mise en danger de la vie d’autrui ou la violation d’une obligation particulière de sécurité, pour une personne morale, constituent des délits, le lanceur d’alerte a la possibilité d’agir.
J’espère que ces précisions seront de nature à vous rassurer, au moins partiellement. En cherchant un peu, nous aurions peut-être pu trouver, dans notre droit pénal, d’autres délits susceptibles de vous rassurer.
Il se peut que ces éléments ne vous satisfassent pas. Mais j’insiste beaucoup – cela figurera au compte rendu de nos débats – sur le fait que le terme « délit » recouvre un grand nombre d’hypothèses, dont les exemples que vous avez cités.
La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Concernant l’amendement n° 69, qui vise à supprimer l’engagement de la responsabilité des lanceurs d’alerte, j’ai déjà expliqué les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 110, qui tend à limiter l’engagement de la responsabilité pénale et civile au seul signalement abusif, mon commentaire est identique à celui que j’ai donné au sujet de l’amendement n° 67.
C’est avec regret que je me vois obligé de confirmer l’avis défavorable émis par la commission sur l’ensemble de ces amendements.