Intervention de François Pillet

Réunion du 3 novembre 2016 à 15h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique – orientation et protection des lanceurs d'alerte — Article 10, amendement 76

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Cet amendement vise à conditionner le dépôt d’une candidature aux élections à la présentation d’un casier judiciaire vierge de toute condamnation pour des infractions liées à des manquements à la probité.

Cette disposition a été rejetée ou retirée du texte en commission en raison de son inconstitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel a déjà jugé, en 2010, qu’une peine d’inéligibilité automatique, non explicitement prononcée par une juridiction et ne tenant pas compte des circonstances propres à chaque affaire était contraire au principe d’individualisation des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Cet amendement présente cette sanction comme une condition d’éligibilité, mais le Conseil constitutionnel recherche si, derrière cette formalité de droit électoral, le législateur n’a pas institué une peine. Or la volonté de réprimer des comportements pénalement et moralement répréhensibles est indéniable derrière cet amendement.

Ses auteurs présentent comme une précaution le fait que les personnes condamnées pourraient également voir cette condamnation effacée du casier judiciaire. Toutefois, jusqu’à son abrogation par le Conseil constitutionnel en 2010, l’article L. 7 du code électoral qui prévoyait une inéligibilité automatique permettait à la personne condamnée de solliciter d’être relevée de cette condamnation, y compris dès l’audience où la peine principale était prononcée. Or le Conseil constitutionnel a considéré que même cette faculté, pourtant très favorable à la personne condamnée, n’était pas de nature à permettre l’individualisation de la peine et a tout de même constaté sa contrariété à la Constitution. L’effacement du casier judiciaire n’est donc pas suffisant pour prémunir le dispositif qui nous est proposé d’une censure constitutionnelle.

Nos collègues du groupe CRC font un parallèle, intellectuellement compréhensible, entre un casier judiciaire vierge pour les candidats aux élections et pour les candidats à la fonction publique, condition que le Conseil constitutionnel admet dans ce second cas. La jurisprudence constitutionnelle ne permet cependant pas d’établir cette comparaison sur le plan constitutionnel, car l’accès à la fonction publique s’apprécie au regard de l’article 6 de la Déclaration de 1789, tandis que le droit de vote et le droit d’éligibilité, qui est rattaché au premier, se fondent sur l’article 3 de la Constitution. Et, sur ce point, depuis 1982, le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence limitative : une inéligibilité ne peut être fondée que sur « une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou […] une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu », ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

J’ajoute, pour conclure, que l’amendement n° 76 relève du domaine de la loi organique.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

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