Intervention de Michel Sapin

Réunion du 3 novembre 2016 à 21h30
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique – orientation et protection des lanceurs d'alerte — Article 45 bis

Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances :

Mesdames, messieurs les sénateurs, en vertu d’une disposition que vous avez proposée et adoptée, aujourd'hui, l’échange d’informations entre administrations fiscales sur les données concernant les entreprises est total. Aujourd'hui, ce dispositif fonctionne bien, y compris en matière de finances publiques. En particulier, nous avons des capacités bien plus grandes que naguère pour faire en sorte que les impôts dus en France au titre des bénéfices faits en France par de très grandes entreprises de caractère international, ayant parfois la tête dans les nuages, soient payés en France.

Le débat qui nous intéresse aujourd'hui est de savoir si ces données, aujourd'hui totalement accessibles aux administrations fiscales, peuvent l’être à l’ensemble de nos concitoyens.

Sur le principe, le Gouvernement y est favorable. À titre personnel, je me bats pour que, à l’échelon européen, même si c’est évidemment au niveau international que l’action est la plus efficace, la directive en cours de discussion puisse être adoptée le plus rapidement possible, d’ici à la fin de cette année. La volonté politique du Gouvernement est donc extrêmement claire.

Cela dit, je veux attirer votre attention sur l’existence d’un certain nombre de contraintes, en particulier constitutionnelles. Contrairement à ce que certains sont peut-être en train de dire en ce moment même, il ne s’agit pas d’« arguties juridiques » ! Ces contraintes sont réelles. Elles nous empêchent d’adopter aujourd'hui, en France, des dispositions permettant l’accès direct du public aux informations fiscales indépendamment de la mise en œuvre d’une directive européenne.

Le Conseil constitutionnel a rendu une décision sans ambiguïté. Se prononçant sur une question prioritaire de constitutionnalité, il a récemment montré combien il était attentif à la question de la publicité de données. La fois précédente, le Conseil d’État avait annulé un décret que j’avais moi-même signé, l’estimant attentatoire à des données à caractère personnel. Nous devons donc être très attentifs à ces questions constitutionnelles.

Du fait de la supériorité de la règle européenne, tout dispositif de publicité ne peut intervenir qu’après adoption d’une directive l’autorisant, sous peine d’être jugé inconstitutionnel, non seulement dans son principe, mais aussi dans ses modalités. Il faut donc avoir bien en tête que toute disposition qui contreviendrait aujourd'hui au projet de directive et, demain, à la directive adoptée serait inconstitutionnelle.

Bien sûr, un parlementaire peut toujours se faire plaisir, en votant une disposition dont il sait très bien qu’elle sera ensuite invalidée par le Conseil constitutionnel. Mais ce n’est pas ma vision de l’action politique, qui, selon moi, doit être efficace et déboucher sur des résultats.

Voilà les principes auxquels j’essaie de me tenir, afin d’aller le plus loin possible dans l’affirmation de la volonté politique, tout en évitant une censure par le Conseil constitutionnel dans les prochaines semaines.

La disposition proposée n’est pas constitutionnelle. En cas d’adoption, elle serait directement annulée par le Conseil constitutionnel. C’est la raison pour laquelle je préfère que l’on s’en tienne au texte de l’Assemblée nationale, qui permet, me semble-t-il, d’aller à la limite de ce qui est possible.

Toute proposition ayant pour effet de s’en écarter, par exemple en abaissant le seuil à moins de 750 millions d’euros ou en supprimant la condition d’adoption de la directive européenne, rencontrerait le désaccord du Gouvernement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion