Monsieur Lasserre, notre système de gestion des risques en agriculture a été construit il y a plus de trente-cinq ans. Le Fonds national de garantie des risques en agriculture (FNGRA) est abondé par la taxe que paient les agriculteurs sur leurs propres contrats d'assurance, mais n'a pas été conçu pour prendre en compte les sécheresses récurrentes et les phénomènes structurels qui ont diminué le rendement à l'hectare. En production viticole, par exemple, les rendements baissent, avec 48 millions d'hectolitres en 2012-2013 contre 42 ou 43 millions désormais. Nous pouvons certes replanter, irriguer, mais il faudra aussi changer de modèle agricole - nous ne pourrons plus nous reposer sur nos anciennes pratiques, comme par exemple l'habitude de désherber entre les ceps. En matière de risques sanitaires, la fièvre catarrhale et l'influenza aviaire ont coûté 230 millions d'euros l'année dernière ; la bactérie Xylella, la brucellose et la sécheresse ont aussi coûté 145 millions d'euros ! Nos systèmes de gestion des risques ne sont plus très adaptés à la fréquence et à l'intensité des nouveaux aléas climatiques. Cette année, dans le Loiret et le Loir-et-Cher, certaines zones ressemblaient à des rizières en juin, et étaient complètement sèches quatre mois plus tard. L'État fait face comme il peut aux problèmes sanitaires et climatiques, qui s'accumulent et croissent en intensité, mais ses outils d'action ne sont plus adaptés à ces nouveaux risques.
Le problème de la proposition de loi sénatoriale mettant en place des outils de gestion des risques en agriculture, c'est qu'elle mobilise des financements régionaux. Le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales rendra par conséquent sa mise en oeuvre difficile sans accord avec l'Association des régions de France. Nous travaillons pour notre part, avec le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), à remettre à plat tout ce qui existe.
Mon document d'orientation sur la PAC après 2020 contient des propositions pour créer au sein de celle-ci une sorte de troisième pilier assurantiel destiné à faire face aux aléas sanitaires, climatiques et économiques. Lors de la réunion des ministres de l'agriculture de l'Union européenne à Chambord, j'ai constaté qu'une vingtaine de pays pourraient ne pas être hostiles à cette idée. Aujourd'hui, une enveloppe de 100 millions d'euros est disponible pour assurer une couverture assurantielle encore limitée, couvrant 25 % à 28 % des agriculteurs, et nous avons mis en place un contrat-socle. L'étape suivante sera de couvrir tous les hectares par l'assurance. Tant que cela n'est pas le cas, le régime des calamités est appelé à être sollicité. Le système actuel de couverture du risque climatique par l'assurance est encore peu compréhensible : une baisse de 25 % des fourrages ne donne pas lieu à versement d'indemnités, mais une baisse de 30 % y donne droit : il n'est pas facile d'expliquer le déclenchement d'une aide à 5 points près. Bref, le système doit être entièrement revu.
J'ai demandé au CGAAER d'étudier les pratiques de nos voisins - l'Espagne dispose par exemple d'un système efficace, quoique cher. Je vous donne rendez-vous mi-décembre pour discuter de ses conclusions. Alors seulement nous pourrons décider de modifier le régime assurantiel. La question de l'assurance obligatoire, impossible à mettre en oeuvre aujourd'hui au vu de la crise que traverse l'agriculture, se posera à l'issue de ces travaux. Nous en reparlerons également dans le cadre du débat présidentiel.
Ma proposition reste celle-ci : prélever 1 % ou 2 % du premier pilier pour financer une épargne de précaution mise à la disposition des agriculteurs, pour faire face à des pertes de revenu situées entre 0 et 30 %. Au-delà de 30 %, c'est la solidarité nationale qui doit jouer.
L'arrêté de 2006 sur l'utilisation des produits phytosanitaires n'avait pas été notifié à la Commission européenne. Il a été attaqué au Conseil d'État par l'association nationale pommes et poires. Le Conseil d'État a donc demandé de le refaire. Les professionnels du syndicat majoritaire sont immédiatement venus me voir pour défendre les milliers d'hectares qui, selon eux, allaient disparaître faute de traitement... Je me souviens qu'à l'occasion des débats sur la loi d'avenir pour l'agriculture, un jeune agriculteur de Saint-Brieuc, opposé à la règle interdisant l'épandage à proximité des habitations, m'avait présenté un calcul indiquant que 55 millions d'hectares étaient menacés... soit la superficie de la totalité de la France métropolitaine ! Je vous rassure : on ne sacrifiera pas l'agriculture ! Le Premier ministre a arbitré entre les ministères de la santé, de l'environnement et de l'agriculture : les règles de l'arrêté de 2006 seront reconduites. Les autorisations de mise sur le marché des produits concernés devront naturellement être respectées. Mais nous reconduirons les mêmes règles que celles de l'arrêté de 2006 concernant par exemple les cours d'eau ou les haies. Concernant les épandages à proximité des habitations, il convient de faire respecter les arbitrages rendus en loi d'avenir pour l'agriculture. Toutefois, les préfets devront aussi prendre des arrêtés pour la protection de zones particulièrement sensibles. Une vingtaine d'arrêtés départementaux ont déjà été pris, dans la concertation, et les choses se passent bien sur le terrain.
Les critères de définition des zones défavorisées simples (ZDS) dataient de 1970. Leur actualisation a été décidée en 2010 à Bruxelles - je l'ai d'ailleurs votée en tant que député européen. Les choses étant bien faites, je me trouve désormais chargé de les mettre en oeuvre. Nous avons commencé par appliquer huit critères géophysiques simples, à l'origine de la carte dont vous avez pris connaissance. Les nouveaux bénéficiaires n'y ont évidemment rien trouvé à redire ; les perdants du nouveau dispositif, eux, se sont fait entendre. Il s'agit désormais d'affiner la carte en justifiant de nouveaux critères objectifs au niveau européen, qui pourront intégrer jusqu'à 10 % de territoires supplémentaires. Certaines zones ne sont objectivement plus défavorisées... Environ 5 % des communes seront amenées à sortir de la carte. L'herbe sera un élément structurant. Mais soyons clairs : tout le monde ne pourra en bénéficier.