Le calcul se fera sur les trois derniers mois de 2015 et les derniers mois de l'année 2016. Certes, nous aiderons des agriculteurs ayant déjà baissé leur production, mais cela envoie un signal important au marché, ce qui n'est pas négligeable. Depuis le mois d'août, pas un kilo de poudre de lait n'a été mis à l'intervention publique. Restent 219 000 tonnes dans les frigos européens... Tout ce qui importe, c'est que le prix augmente et, pour l'heure, les signaux sont positifs. Par ailleurs, la Commission européenne a acheté le lait à l'intervention à 22 centimes le litre, et y gagnera lors de la revente.
Le marché du porc a connu une belle remontée, avant de baisser à nouveau. Il devrait se tenir, en dépit de la baisse généralement observée après l'été. Nous restons vigilants. En matière de viande bovine, nous avions ouvert de nouveaux marchés à l'export, comme le marché turc, où nous avons exporté 80 000 bêtes en 2015... juste avant le déclenchement de l'épidémie de fièvre catarrhale ovine, qui a conduit la Turquie à fermer son marché. Nous avons maintenu à niveau nos flux de ventes vers les pays méditerranéens comme l'Algérie, et tentons de renégocier avec la Turquie. Nous respectons tous les critères de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) : toute bête destinée à l'export est vaccinée. Nous essayons en outre d'orienter une partie de l'excédent lié à l'abattage de vaches de réforme sous forme de corned beef destiné aux missions humanitaires, en mobilisant à cette fin nos ambassadeurs à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, dans le cadre du programme alimentaire mondial. Le dossier progresse lentement, comme souvent dans les instances internationales...
Nous travaillons à la structuration de la filière. Je le dis à ceux qui vantent le « made in France » ou le produire en France : c'est une réalité en matière agricole, et cela grâce au label Viandes de France, qui désigne les produits issus de bêtes nées, élevées, abattues et transformées en France. L'arrêté relatif à l'étiquetage des produits transformés procède de la même logique. Nous sommes pionniers en Europe en la matière, et sept pays européens sont d'ailleurs en train de copier notre modèle. La Commission européenne s'y opposait initialement au motif que cela ferait fuir les consommateurs en renchérissant les produits. Les premiers seront mis à la vente d'ici à la fin de l'année : je suis convaincu que cet argument sera invalidé.
M. Cabanel m'interroge sur la baisse des subventions aux Safer. D'abord, nous avons réglé leur problème d'endettement. Ensuite, il leur reste à trouver un modèle économique viable. Nous avons renforcé leurs pouvoirs, leurs modes d'action, leurs capacités de préemption... Nous discutons désormais de leur organisation, dans le cadre de la réforme territoriale. Notre dialogue est prometteur.
Monsieur Dubois, nous avons simplifié les procédures pour les élevages de porcs et de volailles relevant des installations classées pour la protection de l'environnement, et nous le ferons pour les bovins d'ici la fin de l'année.
Le comité de rénovation des normes en agriculture (Corena) présidé par le préfet Bisch fonctionne bien. Nous essayons d'éliminer les règlementations nationales en trop. Mais nous ne pouvons pas modifier de notre propre chef les normes européennes : il faut aussi changer la PAC. Plutôt que de contrôler a posteriori l'absence de pollution par les agriculteurs, mieux vaudrait leur fixer des objectifs, à charge pour eux de les atteindre ensuite. Cela suppose certes des changements profonds dans les modèles de production, mais cela finira par arriver.
Je rejoins M. Labbé sur l'agriculture biologique. Les aides sont en la matière passées de 90 millions d'euros en 2012 à 180 millions d'euros en 2016 et 2017. C'est une vraie réussite en termes de développement. Le budget de l'Agence bio a reçu 4 millions d'euros supplémentaires. Mais attention, il convient que le développement de l'agriculture biologique ne conduise pas à des baisses de prix pour les agriculteurs. Ainsi, les viticulteurs bio se plaignent que les prix du vin bio soient trop proches des prix du vin conventionnel. Les producteurs bio ne peuvent pas simultanément promouvoir un bio accessible à tous et réclamer l'aide du ministère dans le cas où les prix baisseraient... Il est normal que le ministère finance la conversion à l'agriculture biologique, mais pas qu'il soutienne des prix élevés ! J'ai été saisi par le groupe vert au Parlement européen sur les questions de mixité bio/non bio, de lien au sol et de place de l'herbe dans la perspective du débat à venir sur le nouveau règlement sur l'agriculture biologique. Dans les pays du Nord, les élevages biologiques peuvent l'être même s'ils ne laissent pas sortir les animaux à l'air libre : le bio à ce prix-là, non merci...
Notre enseignement agricole, dans lequel nous créons en effet de nouveaux postes, fonctionne très bien. Dans certaines régions, le nombre d'inscriptions croît de 2 % ou 3 % par an. Un taux de déperdition de 10 % ou 12 % est tout à fait normal ; 90 % des jeunes qui s'y engagent pour devenir agriculteurs, ou qui rejoignent ensuite les filières agroalimentaire, forestière, maraîchère ou environnementale, c'est le signe que notre système fonctionne, et je vous encourage à le soutenir - je sais pouvoir compter sur vous.
J'ai eu tort de lier les nouveaux postes de vétérinaires à la seule question du bien-être animal. Ils sont aussi nécessaires pour agréer les exportations ! La Cour des comptes a d'ailleurs pointé en 2013 notre manque de vétérinaires pour remplir cette mission. Il était temps que nous redressions la barre.
Monsieur Labbé, notre taux d'importation de volailles est proche de 40 %, mais il baisse. Nous essayons de reconquérir ce marché.
Les aides déclenchées dans le cadre du plan d'aide à l'agriculture en difficulté sont élevées. Le fonds d'allègement des charges a permis d'aider 47 000 éleveurs. Au total, 200 millions d'euros d'aide ont été versées aux éleveurs, dont 45 millions en provenance de l'Union européenne ; la prise en charge de cotisations destinées à la MSA s'élève à 110 millions d'euros en 2015 et 2016, dont 90 millions pour les seuls éleveurs ; l'année blanche représente une aide de 4 millions d'euros ; l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties s'élève à plus de 50 millions d'euros ; le report de charges dans le calcul des cotisations représente 80 millions d'euros pour 2015 et 2016 dont 13 millions financés par l'Union européenne ; les mesures de soutien aux producteurs de lait et de viande bovine à venir s'élèvent à 49 millions d'euros de la part de l'Union européenne, auxquels nous avons ajouté une cinquantaine de millions d'euros. Au total, ce sont 700 millions d'euros de soutien conjoncturel. Les mesures plus structurelles s'élèvent à 725 millions d'euros, grâce à la suppression de l'assiette minimale maladie, la baisse de 7 points (soit 600 millions d'euros), des charges sociales des agriculteurs, sans parler des majorations du programme des investissements d'avenir, du suramortissement, de la promotion à l'export, etc. Soit, au total, 1,4 milliard d'euros.
Nous nous employons également à compenser la faiblesse des rendements dans les zones intermédiaires, mais le sujet est complexe. Les difficultés se chiffrent à 6 ou 7 milliards d'euros de pertes de rendement et de prix sur les marchés, que nous ne pouvons bien sûr pas compenser budgétairement. Le nouveau plan sur les garanties bancaires fournit une piste de travail. Il faudra le mettre en oeuvre rapidement, en particulier les aides spécifiques sur les exploitations dont les revenus sont négatifs depuis deux ans. La convergence joue, c'est vrai, mais ce n'est pas le seul facteur explicatif. Une autre partie du problème réside dans les calculs faits en 1992 sur les compensations de la baisse des prix : le rendement départemental a été surpondéré, et le rendement national sous-pondéré, en conséquence de quoi nous avons pénalisés ceux qui avaient les rendements les plus faibles.