Intervention de Thierry Mandon

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 2 novembre 2016 à 9h30
Loi de finances pour 2017 — Audition de M. Thierry Mandon secrétaire d'état chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Thierry Mandon, secrétaire d'État :

Je vous remercie, madame la présidente, de me recevoir aujourd'hui. Nous partageons la conviction, j'en suis certain, que les enjeux de l'enseignement supérieur et de la recherche sont déterminants pour la puissance d'un pays. Les évolutions internationales le montrent, puisque même les pays qui consacraient déjà beaucoup de moyens à ces questions, en particulier parmi les grands pays développés, augmentent encore leurs financements. Et je crois que la compétition comme la coopération internationales se construiront, de plus en plus, autour de ces thématiques.

En effet, la capacité d'élever le niveau des qualifications de l'ensemble des couches de la population constitue évidemment une ressource clé pour l'avenir, tant pour accéder à l'emploi que pour évoluer dans le monde du travail de demain et accompagner les inévitables changements.

Qui plus est, des enjeux radicalement nouveaux apparaissent aujourd'hui dans la société : par exemple, les universités accueillent de plus en plus de retraités ou de salariés, qui entrent dans des logiques de réapprentissage ou de rattrapage de qualifications. Notre société se tourne ainsi plus nettement vers tout ce qui tourne autour de la connaissance.

Nous entrons donc dans un cycle nouveau, qui sera d'abord marqué par la nécessité d'un soutien renforcé de la puissance publique à l'enseignement supérieur et à la recherche. Ce qui veut dire, très concrètement, que tous les pays augmenteront leurs financements. Pendant un temps, certains pensaient pouvoir se replier, mais la réalité est tout autre. Partout, y compris en France, les budgets augmentent.

Le quinquennat a été marqué par un effort budgétaire réel, puisque les crédits de l'ensemble du périmètre de l'enseignement supérieur et de la recherche auront augmenté de 1,4 milliard d'euros entre 2012 et 2017, ce qui représente une somme considérable. Cette progression, dont la moitié provient de la mission que je vais vous présenter dans quelques instants, a concerné les universités à hauteur de 720 millions, la vie sociale et étudiante pour 550 millions et la recherche pour 130 millions.

Loin de moi l'idée de dire que tout est parfait et que ces sommes suffisent, mais il faut tout de même noter que, dans une période d'économies, le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche n'y a pas été soumis !

En ce qui concerne plus précisément le projet de loi de finances pour 2017, la partie de la mission consacrée à la recherche atteint 7,9 milliards d'euros, en augmentation de 281 millions par rapport à 2016, soit 3,4 %. C'est la plus forte progression depuis 2012. Pour les opérateurs de recherche, dont les crédits s'élèvent à 5,91 milliards d'euros, la progression atteint 72 millions.

Les moyens d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) sont renforcés : ils s'établiront à 673 millions d'euros en autorisations d'engagement et 609 millions en crédits de paiement, soit une progression respective de 21 % et de 9 %, ce décalage provenant de la programmation pluriannuelle des crédits. Alors que certains d'entre vous nous avaient signalé, dans le passé, que le taux de sélection des projets, qui tournait autour de 10 % en 2015, était bas, cette augmentation des moyens d'intervention de l'Agence nous permettra de passer à environ 14 % l'année prochaine, puis d'atteindre des niveaux plus proches de 20 % par la suite, ce qui constitue un ratio habituel pour ce type d'organisme. En outre, en 2016, ce taux est de 12 % grâce à une dotation exceptionnelle de 50 millions d'euros.

Par ailleurs, les crédits de la mission permettent le recrutement de 400 chercheurs, ce qui constitue une augmentation nette de 50 postes, puisqu'environ 350 d'entre eux quittent, chaque année, leurs fonctions. Nous ferons donc mieux que durant le début du quinquennat, où notre objectif était le remplacement « un pour un ».

Les moyens d'intervention du ministère augmenteront, de leur côté, de 23 millions d'euros, principalement au titre des contrats de plan État-région, dont la dotation progressera de 18 millions.

Par ailleurs, nous avons réalisé un important effort de sincérité pour les dotations liées au rayonnement international de la France. Bien souvent, ces crédits étaient insuffisants au regard des engagements que nous avions pris, par exemple pour les très grandes infrastructures ou pour les organismes de recherche spatiale, et nous avons souhaité que les prévisions budgétaires s'en rapprochent le plus proche possible.

Dernier point en ce qui concerne la recherche, je souhaite rappeler, même s'il ne fait pas partie de la mission que nous examinons, l'effort nouveau lié au troisième programme d'investissements d'avenir (PIA), dont certaines autorisations d'engagement pourront être lancées dès 2017. Un total de 750 millions d'euros pourra financer des investissements structurants pour la recherche et des programmes prioritaires, par exemple le renouvellement de grandes infrastructures ou la recherche fondamentale.

J'en profite pour vous dire que nous essayons, lorsque nous construisons le budget, de consacrer la moitié de l'effort à la recherche fondamentale. En outre, à la suite du rapport commandé à Suzanne Berger sur les relations entre les laboratoires et les entreprises, nous avons modifié certains dispositifs qui facilitent le passage du fondamental aux applications.

J'en viens à la partie de la mission qui concerne l'enseignement supérieur.

Vous le savez, la France, comme d'autres pays, s'est fixé l'objectif d'augmenter le taux des personnes diplômées de l'enseignement supérieur, en le portant à 60 % d'une classe d'âge d'ici à 2025. Cette évolution est indispensable face à la véritable révolution que connaît l'emploi aujourd'hui même si elle ne sous-entend évidemment pas que l'absence d'un tel diplôme est un échec. Qui plus est, nous développons les possibilités, pour les salariés qui ne sont pas diplômés, d'intégrer l'université avec des parcours adaptés, afin d'obtenir des niveaux de licence, voire de master. On peut donc tout à fait réussir sa vie et faire un travail de qualité sans être diplômé de l'enseignement supérieur.

Cet objectif de 60 % a naturellement des conséquences, en particulier financières. Les universités françaises ont été confrontées, depuis quelques années, à des progressions sensibles du nombre d'étudiants, de l'ordre de 40 000 par an. Cela représente l'équivalent de deux ou trois universités nouvelles chaque année ! Pour la première fois, en 2017, nous accompagnons financièrement cette pression démographique, en isolant une enveloppe de 100 millions d'euros qui sera attribuée aux universités accueillant, sur une période de référence de trois ans, plus d'étudiants.

Par ailleurs, comme depuis le début du quinquennat, le budget 2017 comprend le financement de 1 000 postes dans l'enseignement supérieur, ce qui nous permettra d'atteindre notre objectif de 5 000 postes créés sur cette période.

Les universités bénéficieront également d'une dotation de 13 millions d'euros supplémentaires pour compenser, à l'euro près, l'exonération des droits d'inscription pour les étudiants boursiers.

Au total, nous fournissons donc un effort budgétaire important en faveur de l'enseignement supérieur. Il inclut la prise en compte intégrale des besoins liés à la revalorisation du point d'indice, ainsi que ceux relatifs aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations, ce que la fonction publique appelle le PPCR.

Conséquence du choix de démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur et de ne pas augmenter les droits d'inscription, la puissance publique doit effectivement mettre plus d'argent et faire des efforts pour accompagner les personnes issues de catégories sociales moins favorisées.

C'est pourquoi, outre le maintien des droits d'inscription, que je viens de mentionner, et celui du coût du restaurant universitaire, nous produisons un effort sur la question de la vie étudiante : 85 millions d'euros permettront, par exemple, de financer le passage d'étudiants boursiers de l'échelon 0 à l'échelon 0 bis ; 92 millions sont aussi inscrits pour financer l'aide à la recherche du premier emploi (ARPE), ce qui permettra d'accompagner environ 77 000 jeunes diplômés pendant quatre mois, sous réserve qu'ils se livrent à une recherche active d'emploi ; enfin, les CROUS seront financés à hauteur de 58 millions.

Cette exigence d'accompagnement social implique également deux conséquences, plus qualitatives que strictement budgétaires.

D'une part, l'innovation pédagogique : l'augmentation du nombre d'étudiants entraîne une plus grande diversité de situations et nécessite un meilleur accompagnement et la mise en place de parcours différenciés. C'est pourquoi 250 millions d'euros sont prévus dans le PIA 3 pour l'innovation pédagogique.

D'autre part, l'actualisation de l'accès aux masters et aux doctorats. Je saisis l'occasion pour vous remercier du travail que nous avons, ensemble, réalisé sur la proposition de loi, que le Sénat a largement adoptée la semaine dernière. Je signale aussi, même si on en a moins parlé, la transformation de l'examen préparatoire à la profession d'avocat, qui est passé de régional - avec des taux de succès très variables - à national. Je crois donc que nous avons, en peu de temps, fait un effort important sur la qualité de l'organisation des enseignements.

Au total, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche que je vous présente connaît la plus forte progression depuis l'année 2000, hormis l'année du passage à l'autonomie des universités.

Certes, la Nation n'est pas quitte des investissements importants qu'elle doit faire dans ce domaine. J'ai d'ailleurs demandé à la commission préparatoire du Livre blanc de l'enseignement supérieur et de la recherche de réfléchir à un exercice de programmation pluriannuelle et d'envisager les différents scénarios possibles pour les prochaines années. Il nous faut de toute manière procéder cette année à l'évaluation de la loi de juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui prévoit l'adoption d'une stratégie nationale de l'enseignement supérieur et d'une autre pour la recherche ; cette évaluation nous permettra de nous projeter dans l'avenir et de mesurer les moyens nécessaires.

Enfin, je saisis l'occasion qui m'est donnée par la présentation du projet de loi de finances pour vous dire quelques mots sur d'autres sujets. Sur l'immobilier, je suis à votre disposition pour répondre à vos questions éventuelles, mais sachez que nous avançons. Sur le plan « Sciences humaines et sociales » annoncé le 4 juillet 2016, diverses mesures seront présentées dans les prochaines semaines. Par ailleurs, nous soutenons les universités dans les transformations nécessaires vers le monde numérique et nous présenterons prochainement un deuxième train de mesures de simplification de l'enseignement supérieur.

Bref, vous le voyez, nous réformons jusqu'au terme de ce quinquennat !

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