Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 novembre 2016 à 9h30
Loi de finances pour 2017 — Mission « action extérieure de l'etat » - programme 105 « action de la france en europe et dans le monde » - examen du rapport pour avis

Photo de Christian CambonChristian Cambon, rapporteur pour avis :

Les crédits de paiement du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » s'élèvent à 1,93 milliards d'euros en 2017, soit une diminution de 1,7 % par rapport à 2016.

Si les crédits du titre 2 portant sur la masse salariale augmentent de 6,3 % - pour des raisons que Leïla Aïchi vous détaillera - les autres crédits du ministère diminuent de 5,3 % pour des motifs qui apparaissent justifiés. L'un d'entre eux est de nature conjoncturelle : les dépenses de protocole sont en baisse de 12 millions d'euros parce qu'aucun sommet international n'est prévu en 2017, alors que le sommet de la Francophonie à Antananarivo avait mobilisé des crédits de 2016.

L'autre raison, structurelle, est la réduction de 98,6 millions d'euros des crédits dédiés aux contributions obligatoires de la France ; elle résulte de l'ajustement à la baisse du barème des contributions internationales de notre pays et de la diminution du budget de l'ONU, attendus depuis quelques années. Cela explique en grande partie la baisse de 11,2 % des contributions obligatoires qui s'établissent à 795,24 millions d'euros. La fin ou la réduction de format de certaines opérations de maintien de la paix au Libéria, au Darfour, en Haïti, au Kosovo ou encore en Côte d'Ivoire amplifient ce mouvement de baisse.

Autre motif de satisfaction : conformément aux recommandations formulées l'année dernière, le différentiel entre la somme appelée et les dépenses réelles pour les opérations de maintien de la paix closes a été recouvré par la France, soit 13 millions d'euros venus en atténuation de dépenses liées aux opérations de maintien de la paix (OMP).

Pour 2016, les reliquats s'élevaient à 3,4 millions d'euros dont il conviendra de vérifier, comme l'année dernière, le reversement au programme 105. On voit tout l'enjeu d'une gestion rénovée des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix !

Après ce satisfecit, le modèle de gestion immobilière du ministère appelle une critique significative. La vente des biens immobiliers détenus par le ministère à l'étranger me semble devoir être soutenue aux conditions suivantes : il vaut mieux acheter que louer, la location revenant à jeter l'argent par les fenêtres sur le long terme ; et il convient de vendre pour améliorer le rayonnement de la France. Je comprends la nostalgie qui pousse à regretter la vente d'un vieux palais au coeur d'une vieille capitale européenne ; mais lorsque le bâtiment concerné est peu pratique, qu'il n'est plus aux normes, et qu'il engendre des coûts d'entretien disproportionnés que nous n'avons plus les moyens d'honorer, le conserver n'est pas une solution de bonne gestion. Au contraire, lorsque la vente rend possible le regroupement sur un même plateau de tous les services - services consulaires, poste économique, etc. - tout en conservant une résidence bien placée et bien calibrée, le rayonnement de la France y gagne. Le nouveau consulat général de Sydney, qu'une délégation de notre commission a récemment visité, montre la voie à suivre.

Enfin, et c'est une conviction forte, la vente se justifie lorsqu'elle favorise la mutualisation et la co-localisation avec des pays amis ou des services de l'Union européenne comme à Abuja, au Nigeria. Comme les responsables du ministère nous l'ont confirmé, ces expériences donnent des résultats positifs en contribuant au partage des coûts de sécurité, à la visibilité accrue de notre action, et au maintien de l'universalité de notre réseau. Autant de bonnes raisons pour les soutenir ! La construction en 2016 d'ambassades franco-allemandes à Dacca, au Bangladesh, et à Koweit City sont de bons exemples d'une co-localisation réussie.

La gestion de notre patrimoine à l'étranger fait malheureusement dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles. Ce modèle n'est pas vertueux : financer des dépenses de fonctionnement par des recettes patrimoniales, c'est appauvrir l'État. De plus, ce système est en voie d'essoufflement en raison de la diminution des produits de cession. On est loin des 171 millions d'euros obtenus en 2015 pour la vente du seul campus diplomatique à Kuala Lumpur, amenant le produit de cessions, cette année-là, à 252 millions d'euros. En 2016, les ventes les plus importantes portaient sur le palais Clam-Gallas à Vienne, pour 22 millions d'euros, et de la résidence consulaire à Munich pour 12 millions d'euros. Certes, notre bâtiment viennois abritera désormais l'ambassade du Qatar, ce qui n'est pas idéal au point de vue de la lisibilité, mais il n'était plus adapté aux besoins. Il faut réaliser plus d'une vingtaine d'opérations pour espérer obtenir, si toutes les ventes aboutissent, un montant total de cessions de 66 millions d'euros en 2016 et de 71 millions d'euros en 2017.

Le PLF pour 2017 prend acte, au demeurant, de cette évolution : il augmente les crédits d'entretien lourd de l'immobilier à l'étranger de cinq millions d'euros pour les porter à 12,23 millions. Toutefois, cette dotation budgétaire est augmentée sur le programme 105 pour financer des dépenses d'entretien auparavant imputées sur le compte d'affectation spéciale (CAS) intitulé « Immobilier de l'État ». Il s'agit par conséquent d'un transfert d'imputation et non d'une augmentation de crédits à proprement parler.

Il est normal que les projets du ministère soient examinés par la Commission de l'immobilier de l'État - encore faut-il qu'elle se réunisse suffisamment tôt dans l'année pour que les projets validés puissent être menés à bien... Espérons donc qu'elle se réunira avant le mois de mai, ou même de mars 2017.

De plus, les conditions du droit de tirage du ministère des affaires étrangères sur le CAS doivent être optimisées. La gestion interministérielle de ce compte et la prise en compte de son montant dans les déficits publics ne doit pas empêcher le ministère qui l'alimente et qui en dépend pour l'entretien de ses biens à l'étranger de disposer des fonds, en temps et en heure. Il est également nécessaire et de bonne gestion publique de sécuriser la programmation pluriannuelle. Sa mise en place, à la demande de la Cour des Comptes et des rapporteurs du budget, conduit à des situations ubuesques où le ministère engage plus de 300 000 euros pour un projet en phase d'étude sans savoir s'il pourra ensuite financer les travaux, les études et les travaux n'ayant pas lieu sur le même exercice... Qui plus est, lorsqu'il s'agit d'un projet de co-localisation avec nos partenaires allemands, nous perdons toute crédibilité et toute capacité à peser sur les choix d'investissement !

On considère louable que le ministère participe au désendettement de l'État pour 60 millions d'euros encore en 2017, portant sa contribution totale à 220 millions d'euros depuis 2012. Mais en 2017, aucune vente exceptionnelle ne justifie cette contribution exceptionnelle. Si vous me passez l'expression, c'est une goutte d'eau dans le tonneau des Danaïdes de la dette... De plus, le besoin d'entretien des biens situés à l'étranger est compris entre 15 et 30 millions d'euros par an. Les crédits inscrits en loi de finances initiale étant insuffisants, il est regrettable que le maintien en l'état du patrimoine du ministère dépende d'une part d'objectifs de vente pour 2017, par nature soumis à la fois au risque de change et aux incertitudes liées au marché de l'immobilier, et d'autre part des règles d'utilisation des crédits du CAS. Nous ne nous opposons pas aux ventes immobilières, mais que leur produit bénéficie au ministère, plutôt que d'être affecté au désendettement de l'État !

Enfin, quelques remarques sur le recalibrage des postes du réseau diplomatique. Un bilan interne a conduit à l'ajustement des postes de présence diplomatique (PPD) ; l'ambassadeur sera assisté par un cadre B plutôt que par un cadre C, et deux à six personnes en contrat de droit local : ainsi, en toute circonstance, la présence française sera maintenue à un niveau suffisant. De plus, ces postes, jusqu'à présents offerts aux cadres les plus âgés avant leur départ en retraite, seront occupés en priorité par de jeunes ambassadeurs motivés par le défi qui consiste à faire au mieux avec peu de moyens. Ils auront un cahier des charges centré sur deux ou trois objectifs adaptés à la réalité locale.

En application de l'extension prévue du dispositif, 25 PPD seront créés. Pour que la politique menée ne se cantonne pas à une politique d'influence, ces postes doivent s'appuyer sur l'ensemble du réseau de l'action publique française. Il convient, pour cela, de mettre à profit les ressources dont disposent les treize grandes régions nouvellement créées. Laurent Fabius avait décidé l'affectation d'un conseiller diplomatique auprès des présidents de région ; c'est désormais aux préfets qu'ils seront rattachés. Quoi qu'il en soit, le relais est indispensable pour mobiliser les PME et les aider à saisir les opportunités que présentent les marchés à l'étranger.

Enfin, il apparaît que ces postes de présence diplomatique reposent tout entier sur la personnalité de l'ambassadeur nommé. Le métier étant désormais orienté à 40 % vers des objectifs économiques, il convient que le ministère réfléchisse au parcours de formation de ces personnels traditionnellement tournés vers l'analyse politique. Le partenariat noué avec Business France sur ce sujet va dans le bon sens.

Les crédits du programme 105 feront l'objet, avec l'ensemble des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », d'un vote global le 16 novembre prochain. Je vous proposerai d'émettre un avis favorable au vu de la prise en compte de certaines de nos observations et de la contraction du budget, qui doit être encouragée.

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