Intervention de Leila Aïchi

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 novembre 2016 à 9h30
Loi de finances pour 2017 — Mission « action extérieure de l'etat » - programme 105 « action de la france en europe et dans le monde » - examen du rapport pour avis

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi, rapporteure pour avis :

Comme Christian Cambon l'a indiqué, les crédits du titre 2 du programme 105 sont en hausse de 6,7 % pour atteindre 630,8 millions d'euros en 2017. Le nombre d'équivalents temps plein travaillés (ETPT), qui s'élevait à 7 836 en 2016, sera de 7 871 en 2017. La programmation triennale 2015-2017 prévoyait la suppression de 246 emplois sur trois ans dont 56 en 2017. La définition de nouvelles priorités en matière de sécurité se traduit par la création de 67 ETP par dérogation au schéma d'emplois initialement prévu et par la révision dudit schéma pour 2017, qui prévoit désormais une baisse de 48 ETP.

Cette évolution appelle deux remarques. D'abord, pour financer les différentes priorités définies en 2017, un effort substantiel est prévu au titre des moyens de fonctionnement des ambassades portés à 83,3 millions d'euros, soit une baisse de 4,6 %. Il porte sur le fonctionnement courant et les voyages et missions qui constituent l'essentiel du programme 105. Or les économies déjà réalisées depuis plusieurs années laissent à penser que la marge d'action est désormais très réduite dans ce domaine.

Les priorités définies pour 2017, très attendues, me semblent pertinentes. Le Plan de renforcement des moyens de lutte-antiterroriste et de protection des communautés et des intérêts français à l'étranger, qui sera doté de 78 millions d'euros, augmente de 22 millions d'euros les crédits consacrés à la sécurisation de nos emprises. 40 ETP supplémentaires sont prévus pour les effectifs de policiers et gendarmes en poste dans notre réseau diplomatique et consulaire. Cet effort s'accompagnera d'un accroissement parallèle des dispositifs de gardiennage à hauteur de 16,6 millions d'euros. 53 millions d'euros seront consacrés aux dépenses de sécurité passive et active et à l'achat de véhicules blindés. Voilà un effort nécessaire, urgent et sans doute de long terme ! Nous ne pouvons plus nous contenter de renforcer les postes dits exposés, l'action terroriste pouvant frapper n'importe quelle emprise.

La coopération de sécurité et de défense appelée coopération structurelle est une ligne de dépenses dite pilotable du programme 105, par opposition aux lignes contraintes que sont les contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix et les dépenses de personnel ; à ce titre, elle a souvent été la variable d'ajustement du programme 105 : ses crédits sont passés de 106,41 à 62,90 millions d'euros en une dizaine d'années, ce que nous avons regretté et dénoncé. Cette politique au fort effet de levier voit enfin ses crédits augmenter après des années de baisse : le PLF pour 2017 augmente de 38 % les moyens consacrés à la coopération militaire structurelle pour les porter à 101,60 millions d'euros.

S'il faut s'en féliciter, il faut aussi regretter que le nombre de coopérants militaires continue de baisser de 20 ETP en 2017, soit une baisse de 50 unités entre 2015 et 2017. Nous avions 334 coopérants en 2007, nous en aurons 243 l'année prochaine. Cette réduction des moyens entrave la capacité de la France à faire émerger une architecture de sécurité africaine. Elle ne répond pas à la nécessité de lutter contre le terrorisme et les trafics transnationaux dans la bande sahélo-saharienne et de renforcer la sécurité maritime, notamment dans le golfe de Guinée. Enfin, elle n'est pas compatible avec l'implication de nos forces armées sur tant de théâtre d'opérations extérieurs. Il est essentiel que les crédits consacrés à la prévention et à la consolidation des capacités de sortie de crise de nos partenaires africains ne soient plus sacrifiés aux autres priorités du ministère. Un tournant décisif et durable s'impose pour mettre fin à cette contradiction de la politique étrangère française.

En matière de diplomatie économique, je déplore que, malgré nos recommandations et alors que les indicateurs de performance sont largement basés sur ses actions et ses résultats, l'opérateur Business France reste rattaché au ministère de l'économie. L'essentiel des crédits de la diplomatie économique dépend par conséquent de Bercy et non du Quai d'Orsay.

Il faut saluer l'initiative des rencontres express ou speed dating, lancée lors de la semaine des ambassadeurs, qui donne la possibilité à toute entreprise le demandant de rencontrer l'ambassadeur à Paris ou dans le cadre de rendez-vous réguliers par visioconférence. Ce rendez-vous devient annuel et pérenne. De même, l'instauration de conseils économiques pour les 126 postes situés dans les pays recevant plus de 50 millions d'euros d'exportations françaises, et l'insertion systématique d'un volet économique dans les plans d'action des ambassades forgent peu à peu de nouvelles habitudes qui ancrent la diplomatie économique comme composante essentielle de la politique étrangère de la France. Nous le savons, les points de PIB indispensables à notre croissance doivent être recherchés sur les marchés étrangers plus que sur le marché national.

Pour autant, l'emploi trouve sa source sur nos territoires, dans nos régions : c'est pourquoi nous suivrons avec attention l'évolution du dispositif des ambassadeurs pour les régions, évoqués par mon co-rapporteur, qui seront désormais remplacés par des conseillers diplomatiques auprès des préfets de région. Si leur rattachement à la tutelle étatique est compréhensible, il est essentiel que ces conseillers nouent des liens étroits avec les régions qui sont certainement les grands acteurs de demain du développement du commerce international français. Par leur connaissance du tissu industriel et économique, les régions sont le lien essentiel à travers lequel le ministère des affaires étrangères accompagnera efficacement les PME sur le chemin de l'exportation. Il est également souhaitable que le réseau diplomatique mène une action proactive, en analysant les marchés puis en sollicitant les PME, qui n'ont pas les réflexes ou les outils pour envisager l'exportation.

Enfin, à l'appui de Christian Cambon, je rappelle que la politique immobilière du ministère ne saurait subir les diktats de Bercy sans que soit pris en compte son impact essentiel sur la diplomatie économique. Nos emprises influent sur notre rayonnement, sur l'attractivité de notre territoire et sur l'image de la France. Mener une diplomatie économique efficace dans des locaux délabrés n'a pas de sens. Il me semble donc peu compréhensible qu'en 2017 le ministère contribue à un tel niveau au désendettement de l'État au détriment de ses propres investissements.

Enfin, un mot sur le programme 341 « Organisation de la COP21 », créé à titre temporaire en 2014 au sein de la mission « Affaires extérieures » afin de retracer les dépenses liées à la préparation et à l'organisation de la COP 21. Sa vocation remplie, il a été supprimé du PLF 2017.

Que la COP 21 ait été un grand succès pour la protection du climat et pour le rayonnement de notre pays n'exclut en rien un examen de sa gestion. Sur une enveloppe initiale de 187 millions d'euros dans les PLF 2015 et 2016, le programme 341 aura consommé 172 millions d'euros. Le respect du budget initialement prévu ne prend cependant pas en compte les 26 millions d'euros de dépenses supplémentaires que les attentats ont rendues nécessaires pour la sécurisation de la manifestation. Aux 13 millions d'euros initialement prévus pour le dispositif de sécurité ont été ajoutées des mesures de sécurité complémentaires déployées sous la responsabilité des ministères de l'Intérieur et de la Défense et imputées sur leurs crédits. L'essentiel de ces dépenses, soit 20,6 millions d'euros, sont des dépenses de rémunération de personnels titulaires (policiers, gendarmes...) qui auraient, sans la COP 21, touché la même rémunération en étant affectés à d'autres missions. Le ministère a considéré qu'il ne s'agissait donc pas là de surcoûts liés directement à la COP 21, interprétation qui prête à discussion. En effet, le chiffrage du dispositif de sécurité aurait été très incomplet et n'aurait eu que peu de sens si l'impasse avait été faite sur ces dépenses de personnel, coeur du dispositif de sécurisation.

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