Intervention de Henri de Raincourt

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 2 novembre 2016 à 9h30
Loi de finances pour 2017 — Mission « aide publique au développement » - programmes 110 « aide économique et financière au développement » et 209 « solidarité à l'égard des pays en développement » - examen du rapport pour avis

Photo de Henri de RaincourtHenri de Raincourt, rapporteur pour avis :

Nous nous sommes félicités, l'année dernière, de la tenue de grands événements réaffirmant l'engagement de la communauté internationale pour le développement : la conférence d'Addis-Abeba sur le financement du développement en juillet 2015, le sommet des Nations-Unies sur les nouveaux objectifs du développement durable en septembre, enfin la COP 21 à Paris en décembre. Le Président de la République avait également annoncé l'augmentation de l'aide publique au développement (APD) française de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020, les dons devant augmenter à due concurrence des prêts : 2 milliards d'euros seraient consacrés au climat, les deux autres au développement stricto sensu.

Au-delà de ces signes encourageants, quelle est la situation réelle de l'APD au niveau mondial ? En 2015, environ 131 milliards de dollars d'APD - soit 0,3 % du revenu national brut (RNB) cumulé - ont été versés par les membres du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. C'est une baisse en valeur mais, compte tenu de l'inflation et de la dépréciation de plusieurs monnaies par rapport au dollar, une hausse notamment alimentée par la croissance de l'aide aux réfugiés.

En effet, il est de plus en plus jugé nécessaire de ne pas s'en tenir aux réponses d'urgence face aux crises humanitaires et aux mouvements internationaux de réfugiés qui en résultent. La lutte à la racine contre ces phénomènes, en promouvant une aide au développement plus puissante et plus efficace, commence ainsi à pénétrer la société et à faire consensus. Cette prise de conscience est observée aussi, et de manière plus marquée, en Allemagne et aux États-Unis, deux pays qui ont donné une nouvelle impulsion à leur APD. Mme Merkel a mis l'accent sur le lien entre les flux de réfugiés et la pauvreté et l'instabilité de certaines régions du monde : elle a effectué une tournée des chefs d'État africains, tandis que d'autres se sont déplacés eux-mêmes à Berlin. Les projets de développement allemands dans les pays francophones d'Afrique de l'Ouest vont probablement se multiplier dans les années à venir ; soyons des partenaires de l'Allemagne dans cette évolution.

Les États-Unis ont connu une évolution similaire : la nécessité d'accroître l'aide au développement fait désormais l'objet d'un consensus bipartisan. En outre, il y a deux semaines, la fondation Gates a signé un accord avec l'AFD pour une coopération de grande ampleur en Afrique de l'Ouest, notamment sur la santé, la nutrition, l'agriculture et la sécurité alimentaire.

Le budget de la mission interministérielle « Aide publique au développement » s'élève à 2,616 milliards d'euros en crédits de paiement dans le PLF 2017, soit une hausse de 132 millions d'euros - et donc une augmentation de 5,3 % - par rapport aux 2 484 millions d'euros de crédits demandés en loi de finances initiale pour 2016.

Les ressources extrabudgétaires, issues de la taxe sur les transactions financières (TTF) et de la taxe sur les billets d'avion, affectées au fonds de solidarité pour le développement (FSD), s'élèveront à 738 millions d'euros, soit 268 millions d'euros de plus que l'année dernière. Cette hausse provient en réalité d'un amendement voté l'année dernière par les députés, qui avait affecté 25 % supplémentaires du produit de la TTF directement à l'AFD. Si l'apport supplémentaire de 268 millions d'euros est ainsi préservé, l'affectation de ces crédits au FSD, et non à l'AFD, n'est pas tout à fait conforme à l'intention initiale. En principe, le FSD est en effet consacré à l'environnement et à la santé. Il ne finance ni l'éducation, ni l'amélioration de la gouvernance - nouvelle responsabilité de l'AFD - ni les infrastructures ou les réseaux - tous secteurs qu'il faut soutenir dans les pays les plus pauvres. C'est un bémol qu'il convient d'apporter à cette consolidation.

Le programme 110 « Aide économique et financière au développement », géré par le Trésor, retrouve simplement le niveau de crédits inscrit au projet de loi de finances pour 2016 dans sa version initiale, avant l'amendement des députés qui en avait réduit le niveau de 50 millions d'euros au profit du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». Ce dernier prévoit davantage de subventions versées par l'AFD, conformément à nos recommandations de longue date. Cette augmentation - une victoire que je dédie à Christian Cambon, qui y a tant oeuvré ! - s'élève à 35 millions d'euros environ, dont une partie est consacrée à la prise en charge par l'agence des experts techniques internationaux du ministère dans le cadre du transfert de la compétence « gouvernance ».

Le programme 209 affiche également une augmentation importante des crédits multilatéraux, en conséquence d'une hausse de 50 millions d'euros des contributions volontaires aux Nations-Unies pour soutenir les programmes humanitaires au Moyen-Orient.

Toutefois, les députés ont jugé insuffisante la progression totale des crédits par rapport à 2016, qui ne permet pas de retrouver le niveau de 2011. Depuis cette date, la mission « Aide publique au développement » a baissé d'environ 700 millions d'euros et la part de l'aide au développement dans le budget est passée de 0,46 à 0,37 %, nous éloignant des objectifs du développement à l'échelle internationale. Dès lors, les députés ont adopté un amendement augmentant le taux de la TTF de 0,2 à 0,3 % - soit environ 500 millions d'euros de recettes supplémentaires. Parallèlement, ils ont, comme l'année dernière, adopté un amendement affectant directement 270 millions d'euros du produit de la TTF à l'AFD, afin de soutenir l'activité de l'agence en matière de subventions. Cette affectation doit demeurer sans servir in fine, comme l'année dernière, à financer des dépenses multilatérales comme le fonds mondial Sida, alors que l'intention est bien de renforcer les subventions bilatérales.

La débudgétisation progressive des crédits de l'aide au développement au profit du FSD, dont le montant atteint cette année 738 millions d'euros, doit s'accompagner d'un effort de clarté. Je me réjouis de l'évolution réglementaire de ce fonds annoncée ici-même par la directrice générale du Trésor lors de son audition, avec l'établissement, en début d'année, d'un échéancier des dépenses du FSD : nous aurons ainsi la visibilité nécessaire sur cette composante désormais essentielle de notre APD.

Compte tenu de l'augmentation prévue des crédits et de l'évolution du texte à l'Assemblée nationale, je vous proposerai de donner un avis favorable aux crédits de la mission « Aide publique au développement ». Toutefois, nous devons attendre le vote de la seconde partie du budget par les députés pour nous prononcer au moment opportun.

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