Je me félicite de voir que vous vous saisissez de tous ces sujets. Les Britanniques ont construit un beau consensus bipartisan autour du développement, ce qui les a amenés à 0,7 % de leur PIB en dons. J'ai été frappé par ce qui s'est passé en Allemagne. La visite de la Chancelière au Mali, au Niger, en Éthiopie, puis son accueil du président tchadien et du président nigérien il y a trois semaines ne sont pas passés inaperçus. Jeune Afrique les a d'ailleurs qualifiés d'évènements historiques. La Chancelière est allée chercher en Afrique une réponse à sa crise domestique. L'axe franco-allemand doit être renforcé.
J'ai également été frappé par ce qui se passe aux États-Unis : je vivais sur des souvenirs des années Bush. Lors de mon dernier voyage, j'ai rencontré tous les acteurs américains : les Républicains et les Démocrates ont adopté l'an passé cinq lois importantes sur le développement, avec des allocations budgétaires conséquentes.
Les évolutions européennes et françaises sont encourageantes. Tous les projets de l'AFD comprennent désormais des crédits européens. Les Allemands, les Italiens, les Suédois, les Français ont des banques de développement. Lorsque les Espagnols reviendront à meilleure fortune, ils devraient également créer une telle structure. Avec la Commission et la BEI, le système est de plus en plus coordonné et efficace, même si sa visibilité politique n'est pas encore totale.
J'ai publié une petite tribune dans La Croix après mon voyage en août.
Pour répondre à M. de Raincourt, nous allons présenter le projet de l'Agence pour 2020. Le contrat avec l'État devrait être signé mi-2017 et le CICID sera une étape importante. À mon sens, nous devrons continuer à faire le maximum pour l'Afrique : nous devrons financer d'autres entités que les États, d'où le lien avec la gouvernance. Ainsi, nous ne pouvons plus prêter au Ghana, d'où l'importance de pouvoir le faire auprès du secteur privé et des collectivités locales. L'ouverture à d'autres pays est une décision purement politique. Les subdivisions administratives dans le traitement de l'Afrique n'ont plus de légitimité, même si des sous-régions existent. Les phénomènes actuels ne sont pas suffisamment pris en compte, dans leur dimension globale, au niveau de l'Afrique. L'AFD devrait être la première agence non-africaine à avoir cette approche continentale. J'étais en Tunisie il y a une semaine et j'ai été frappé par le fait que mes interlocuteurs voulaient bâtir des liens plus étroits avec leurs voisins du sud. Nous devons accompagner ce mouvement.
Mme Conway-Mouret m'a interrogé sur les changements climatiques. L'Agence réalise 50 % de son activité en Afrique, 55 % en faveur du climat et 50 % avec d'autres acteurs que les gouvernements. C'est notre spécificité.
Dès mon arrivée, j'ai validé un plan d'action sur la mise en oeuvre du programme énergies renouvelables en Afrique. Nous nous étions engagés sur 2 milliards, mais mes équipes me disent que nous allons dépasser ce chiffre. Les Africains vont expérimenter des formes de production et de distribution novatrices. L'Afrique va donc nous apprendre des process que nous ne connaissons pas. De même, la ville de Medellin a réorganisé tout son système de transport, y compris avec le métro câble. La France va s'inspirer de ce modèle. Mme Keller m'a dit sa surprise devant cette gestion novatrice des transports collectifs : la France pourrait sans doute s'en inspirer, y compris pour le ferroviaire.
L'éducation de base en français doit bien sûr être favorisée. La formation supérieure doit aussi être encouragée. Les deux secteurs les plus rentables en Afrique subsaharienne sont la micro-finance et l'éducation. L'AFD peut jouer un rôle important pour accompagner des entrepreneurs qui voudraient investir le champ de l'éducation. N'oublions pas non plus le partenariat mondial pour l'éducation dirigé par Mme Albright.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur Expertise France : j'ai rencontré M. Sébastien Mosneron Dupin dès ma prise de fonction. Nous souhaitons travailler en commun car les deux maisons sont très complémentaires. Nous finançons tandis qu'Expertise France a un rôle d'expertise technique. Nos programmes font donc régulièrement appel à cet organisme. Reste que nos actions doivent apparaître coordonnées à la Commission européenne.
Oui, madame Perol-Dumont, l'AFD est la première agence à émarger sur les fonds européens. Nous souhaitons conserver ce leadership. Nous avons inauguré un centre d'enfouissement technique à Lomé : la France a investi 3 millions sur un projet qui a en coûté 20, dont 7 financés par l'Union européenne et 10 par la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). Le Premier ministre français a posé la première pierre.
M. Malhuret m'a interrogé sur les partenariats : je vous avais dit que je voulais que l'AFD soit plus forte, plus innovante et plus partenariale. Les 12 milliards de projets prévus en 2020 ne pourront être menés par la seule AFD. Tous nos partenaires doivent être partie prenante et apporter des projets. Nous sommes en partenariat rapproché avec la société civile et avec les ONG, notamment depuis le transfert du guichet ONG en 2011. Dans le projet de budget pour 2017, 87 millions sont prévus pour ce guichet, en augmentation régulière depuis 2012. Dans la prochaine convention d'objectifs et de moyens (COM), nous définirons l'étape suivante. Nous devons aussi augmenter les crédits en faveur des collectivités locales qui se montent aujourd'hui à 3 millions. Lorsque j'étais à Lille et à Roubaix, j'ai senti que les collectivités avaient besoin d'un appui national pour aller de l'avant. Le partenariat implique, à mes yeux, davantage de projets.
Un mot sur la recapitalisation de l'AFD : l'Agence va disposer de près de 2,5 milliards de fonds propres supplémentaires d'ici la fin de l'année. Cette décision financière est majeure. Pour ce qui est des budgets à venir, nous savons ce qu'il en est : chaque année, le combat doit être mené ; c'est la règle.
Je ne me prononcerai pas sur le bien-fondé de la TTF. En revanche, je n'ai pas de doutes sur l'emploi de cet argent : les besoins sont tels que nous saurons employer les 270 millions qui nous ont été affectés par l'Assemblée nationale si, bien sûr, vous confirmez ce vote.
Je vous transmettrai des éléments précis sur le fonds Bêkou, messieurs Lorgeoux et Reiner. C'est un exemple parmi d'autres de l'utilisation des fonds européens, dont je n'entends que des témoignages positifs.
Dès que je vais dans un pays, j'entends une demande de France, monsieur Guerriau. C'est vrai en Afrique, mais aussi dans les pays émergents, d'où mon insistance à développer des réseaux et à trouver des alliés en France.
Je rencontre régulièrement le chef d'État-major des armées. Le général de Villiers est un grand avocat de l'aide au développement. J'ai employé l'expression « Barkhane du développement » afin de renforcer notre efficacité collective. Vous avez parlé de phase 2 : à mon sens, ces distinctions ont vécu. Dès le départ, sécurité et développement doivent oeuvrer de concert. M. Jean-Marie Guéhenno nous a bien dit qu'il fallait être très attentif dès le début de la crise, car c'est à ce moment-là que les lignes peuvent bouger, alors qu'ensuite, elles se cristallisent à nouveau.
Bien sûr, l'évaluation est indispensable, monsieur Cambon. Nous avons lancé 377 recrutements cette année, dont 225 nouveaux postes. Nous remettons à niveau divers services, dont ceux chargés de rendre des comptes. Avec le conseil d'administration, nous allons réfléchir au bon pilotage de cette maison : après les engagements viennent les signatures puis le décaissement et enfin les mesures d'impact. Nous devrons certainement renforcer notre management.