Intervention de Jean-François Husson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 2 novembre 2016 à 9h35
Loi de finances pour 2017 — Mission « écologie développement et mobilité durables » budget annexe « contrôle et exploitation aériens » et article 64 comptes d'affectation spéciale « aides à l'acquisition de véhicules propres » « services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « transition énergétique » - examen des rapports spéciaux

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson, rapporteur spécial :

Au regard des mesures prévues par le projet de loi de finances pour 2017, je constate que la politique budgétaire et fiscale du Gouvernement en matière environnementale est à la fois insuffisante et incohérente.

S'agissant des moyens budgétaires, il est regrettable que le Gouvernement se contente trop souvent de faire de la communication autour de l'écologie, à travers des annonces qui ne connaissent aucune traduction budgétaire.

Ainsi, l'annonce du doublement du fonds « chaleur » géré l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) n'est pas effective. La ministre de l'environnement avait en effet indiqué que ce fonds serait doté de 420 millions d'euros en 2017 afin de soutenir les investissements en matière de production et de distribution de chaleur renouvelable ; or l'enveloppe prévue n'est que de 221 millions d'euros.

Autre exemple, le fonds de financement de la transition énergétique, créé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, devait être doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans afin de financer des projets relatifs à la transition énergétique dans les territoires. Or il n'a été pourvu que de 250 millions d'euros en 2015 et aucun crédit supplémentaire n'est prévu en 2016 et 2017.

S'agissant de la fiscalité énergétique, la politique du Gouvernement traduit un manque de vision stratégique. Ainsi, le rapprochement de la fiscalité entre le diesel et l'essence a été annoncé précipitamment à la suite du scandale du « dieselgate », sans qu'un calendrier de rapprochement n'ait été indiqué pour que les constructeurs et les consommateurs s'adaptent.

De même, après avoir refusé l'ouverture de la déductibilité de la TVA aux véhicules essence lors du débat budgétaire de 2015, le Gouvernement a annoncé cette année souhaiter opérer l'alignement sur le régime fiscal applicable au diesel en deux ans, soit un rythme très rapide qui risquerait de déstabiliser la filière diesel. Les députés ont pour leur part proposé un alignement en cinq ans, ce qui correspond au rythme que j'avais proposé par amendement l'année dernière.

Que dire également du rétropédalage du Gouvernement s'agissant du prix plancher du carbone ! Après avoir annoncé, sans aucune concertation avec les acteurs économiques concernés, que la France s'engagerait unilatéralement à donner un « prix plancher » au carbone, le Gouvernement a finalement renoncé à cette mesure qui aurait eu des conséquences sociales très importantes. L'objectif de sortie de la production d'électricité à partir du charbon ne peut être poursuivi que de manière progressive et raisonnée, avec un accompagnement des industriels concernés.

Enfin, s'agissant des outils de programmation, je déplore le retard pris dans l'adoption du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) prévu par la loi relative à la transition énergétique, dont le rôle est notamment de fixer des objectifs chiffrés de réduction des émissions de polluants atmosphériques, et qui devait être adopté au plus tard le 30 juin 2016.

De même, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), publiée après plusieurs mois de retard la semaine dernière, est insatisfaisante. Si elle contient des objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables, par filière, elle ne comporte aucune indication relative à l'évolution du parc nucléaire français nécessaire pour atteindre l'objectif fixé par la loi d'une part de nucléaire de 50 % dans la production d'électricité à l'horizon 2025.

Venons-en à l'examen plus détaillé de certaines politiques financées par la mission « Écologie ». La politique de lutte contre la pollution de l'air est marquée par la fragilité de la situation financière des associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) : compte tenu du désengagement financier de certaines collectivités, il est impératif que l'État consolide sa participation financière auprès de ces associations.

S'agissant de la politique de prévention des risques, quinze ans après la catastrophe de l'usine « AZF », la quasi-totalité des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) a été adoptée. Les prochaines années seront dédiées à la mise en oeuvre opérationnelle de ces plans. Par ailleurs, le projet de loi de finances prévoit de prélever 70 millions d'euros sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), qui connaît un solde positif de plus de 300 millions d'euros en 2016.

La politique de l'eau et de la biodiversité est marquée par la création de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) au 1er janvier 2017. Elle bénéficiera de 45 postes supplémentaires par rapport aux structures qu'elle remplace afin de tenir compte de l'élargissement de ses missions, notamment à la gestion des parcs naturels marins. La mise en place de l'AFB pose la question de l'articulation de ses missions avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Les services départementaux de ces deux structures pourraient à terme être mutualisés.

Certains opérateurs de la mission sont trop fortement mis à contribution. C'est notamment le cas du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) qui est confronté à une équation impossible : sa subvention baisse plus vite que l'augmentation de sa masse salariale, ce qui réduit les moyens dont il dispose pour développer ses activités, notamment en direction des collectivités territoriales, comme le prévoit pourtant son plan stratégique 2015-2020.

D'autre opérateurs pourraient être sous dimensionnés à terme pour faire face à l'accroissement de leurs missions. C'est le cas de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui bénéficie d'une augmentation de ses moyens humains, mais qui voit par ailleurs ses missions fortement augmenter en raison notamment du vieillissement des centrales nucléaires et de l'instruction des demandes de prolongation de leur fonctionnement.

Enfin, je tiens à vous présenter brièvement les crédits des deux comptes d'affectation spéciale (CAS) qui participent à la mise en oeuvre de la politique de transition énergétique.

Le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », d'une part, a été créé à l'occasion de la réforme de la fiscalité énergétique opérée en 2015. Cette réforme permet désormais au Parlement, et il faut s'en féliciter car il s'agissait d'une demande répétée de la commission des finances du Sénat, de pouvoir suivre les dépenses de soutien aux énergies renouvelables et fixer le taux de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Toutefois, le Parlement ne peut toujours pas encadrer le montant des charges de service public à compenser, puisque les niveaux des tarifs d'achat et des compléments de rémunération sont fixés par voie réglementaire.

Or, les dépenses de soutien aux énergies renouvelables sont très dynamiques : en 2017, le CAS doit être abondé de 1,7 milliard d'euros de recettes supplémentaires afin de compenser la hausse des dépenses. Ce financement est assuré grâce à la montée en puissance de la contribution climat énergie (ou « taxe carbone ») pesant sur les énergies fossiles, dont 85 % du produit supplémentaire en 2017 est affecté au CAS.

Le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition des véhicules propres », d'autre part, est marqué par une hausse prévisionnelle de la dépense en 2017 en raison de l'augmentation anticipée du nombre de véhicules électriques qui bénéficieront du « bonus » l'année prochaine. Par ailleurs, le Gouvernement envisage d'élargir l'année prochaine le « bonus » aux deux et trois roues et aux quadricycles électriques. Afin de compenser cette augmentation des dépenses, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une révision du barème du « malus » appliqué aux véhicules les plus polluants avec un seuil d'application abaissé à 127 grammes de CO2 par kilomètre (contre 130 grammes actuellement). Le surcoût pourrait atteindre 4 000 et 6 000 euros pour les véhicules émettant respectivement 180 et 190 grammes de CO2 par kilomètre. Cette révision du barème induirait un produit supplémentaire de 124 millions d'euros.

Au regard de l'ensemble de ces éléments et en particulier des insuffisances de la politique relative à la transition énergétique, je propose de rejeter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et des comptes d'affectation spéciale « Transition énergétique » et « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».

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