Une thèse de doctorat d'État présentée en 2007 par un ancien colonel de sapeurs-pompiers lorrain met en exergue un certain nombre de dysfonctionnements des services d'urgence français : délais d'intervention à « géométrie variable », appels téléphoniques au « 15 » ou au « 18 » qui n'aboutissent pas, effectifs et matériels insuffisants, coordination déplorable avec les services d'aide médicale urgente, les SAMU. Je n'évoquerai ici que pour mémoire la difficulté supplémentaire d'établir une communication par téléphone portable à partir d'une zone « grise » ou « blanche »...
Ainsi, malgré les réels efforts accomplis par les départements et les communes en faveur du renouvellement du matériel des sapeurs-pompiers, malgré le professionnalisme et le dévouement de ces derniers, unanimement reconnus par la population, l'organisation des secours pose problème. Cela se traduit d'ailleurs par une augmentation du nombre de procédures pénales engagées à ce titre, qui est passé de 19 en 1996 à 621 en 2006.
La thèse du colonel Schmauch souligne l'existence d'un certain nombre de difficultés récurrentes : le délai d'attente pour obtenir une communication téléphonique avec le centre régulateur du « 15 », qui provoque souvent de l'insatisfaction ; les temps d'intervention, qui peuvent être plus ou moins longs suivant que le sinistre ou l'accident se produit la nuit, le week-end ou en zone rurale, du fait de l'éloignement du centre de secours ; l'équipement en matériels des sapeurs-pompiers - si les textes étaient véritablement appliqués, il faudrait doubler le nombre d'engins ; l'âge des matériels, certains étant en service depuis en moyenne vingt ans ; les effectifs, car bien que la France compte 200 000 volontaires, 38 000 professionnels et 12 000 militaires, ces derniers affectés à Paris et à Marseille, la densité des sapeurs-pompiers aux cent kilomètres carrés n'est que de 49 dans notre pays, alors qu'elle est de 346 en Allemagne ; la mauvaise coordination entre sapeurs-pompiers et SAMU, puisqu'il semble que le « bleu » et le « blanc » ne s'accordent pas toujours très bien ; l'obligation, pour les sapeurs-pompiers, de transférer tout appel pour une urgence médicale vers le centre « 15 », qui entraîne souvent des délais d'attente supplémentaires pour la victime et des incompréhensions, voire des cafouillages, entre les services ; l'insuffisance de la permanence des soins assurée par les médecins libéraux, surtout en zones rurales, décrite par un récent rapport comme aléatoire, instable et fragile, ce qui conduit à un engorgement, la nuit, des systèmes d'urgence et de la chaîne des secours.
Le directeur de la sécurité civile a cru devoir indiquer que les observations formulées par le colonel Schmauch étaient « dépassées ». Si j'en juge par le manifeste adopté par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à la fin du mois de septembre dernier, qui fait état d'une « profonde dégradation de la situation au détriment des victimes et d'une augmentation des délais d'intervention », je crains que ce ne soit pas le cas.
Je crois pour ma part que, s'il doit y avoir une régulation médicale préalable à tout départ de secours, le doute devrait profiter à la victime. Dans ces conditions, pourquoi ne pas accorder une plus grande autonomie aux sapeurs-pompiers, comme c'était le cas avant la mise en place des centres 15 ?
Enfin, nous ne pourrons pas plus longtemps faire l'économie de l'application d'objectifs de performance très stricts au niveau tant des appels que des délais d'intervention. La plupart de nos voisins européens y sont arrivés : ainsi, en Angleterre, il faut moins de trois secondes pour répondre à 90 % des appels d'urgence ; en Allemagne, chaque citoyen doit pouvoir être atteint par une ambulance en moins de huit minutes.
Je ne vois pas pour quelle raison nous ne pourrions pas aboutir aux mêmes résultats en France, car il en va tout de même de la vie de nos concitoyens.
J'espère pouvoir être rassuré sur le sujet.