L'examen du prélèvement sur recettes reversé au budget européen répond à un impératif de contrôle démocratique. Il offre également l'occasion d'évoquer l'actualité des sujets budgétaires européens.
L'article 27 du projet de loi de finances pour 2017 évalue le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne à 19,1 milliards d'euros. Ce montant intègre, à titre exceptionnel, la participation de la France au financement, à hauteur de 136 millions d'euros, de la « facilité en faveur des réfugiés en Turquie ». En vertu de la déclaration des chefs d'État et de gouvernement du 29 novembre 2015, l'Union européenne s'est en effet engagée à verser 3 milliards d'euros pour apporter une aide humanitaire et un soutien matériel aux réfugiés présents sur le sol turc, dont 1 milliard d'euros financé par le budget européen et 2 milliards d'euros par des contributions des États membres. La participation de la France, calculée en fonction de son poids dans le revenu national brut, s'élève à 309 millions d'euros sur la période 2016-2018.
Au total, si l'on ajoute les ressources propres traditionnelles que sont les droits de douane et les cotisations sur le sucre, versées directement au budget européen, la contribution de la France devrait donc s'élever à 20,9 milliards d'euros en 2017. Notre pays demeurerait ainsi le deuxième contributeur net, derrière l'Allemagne, et le premier contributeur, à hauteur de 26 %, soit 1,38 milliard d'euros, au mécanisme de correction britannique. La France est également le premier État membre, devant l'Espagne, à bénéficier de « retours » du budget européen puisque 14,5 milliards d'euros ont été dépensés en France en 2015, soit 11,1 % du budget total de l'Union européenne.
Cela étant, le niveau du prélèvement sur recettes prévu en 2017, inférieur de 5,4 % à la prévision pour 2016 et de 3,0 % à l'exécution 2015, est anormalement bas. Par rapport au montant inscrit dans la loi de programmation des finances publiques 2014-2019, l'écart est de 1,4 milliard d'euros. Cette situation s'explique par le faible montant de crédits de paiement retenu par la Commission européenne dans le cadre du projet de budget pour 2017, en baisse de 6,2 % par rapport à 2016. En effet, le démarrage des programmes de la politique de cohésion de la période 2014-2020 se révèle plus lent que prévu, ce qui a conduit la Commission européenne à proposer, pour ces fonds, un montant de crédits de paiement inférieur de 23 % au montant inscrit en 2016.
Après avoir rencontré une pénurie de crédits de paiement en 2013 et en 2014, l'Union européenne est donc aujourd'hui confrontée à une sous-exécution des fonds européens structurels et d'investissement (FESI). L'explication principale réside dans la complexité et la rigidité des procédures de gestion de ces fonds. En premier lieu, le rythme d'adoption des programmes opérationnels, auxquels sont adossés les crédits des fonds structurels, est lent. Or la validation de ces programmes par la Commission européenne est nécessaire pour que l'autorité de gestion puisse engager des dépenses. Je relève que la complexité des procédures a été accrue par la régionalisation de la gestion de certains fonds : nous avions 36 programmes opérationnels durant la précédente programmation, nous en avons à présent 53. En second lieu, le remboursement par la Commission européenne des dépenses engagées n'est possible qu'après la désignation officielle de l'autorité de gestion. Or le processus d'audit de désignation est relativement long. En France, le taux de désignation des autorités de gestion des fonds structurels atteignait près de 60 % fin août 2016, soit un résultat supérieur à la moyenne européenne. En revanche, il n'était que de 39 % en Allemagne et de 36 % en Italie à la même date.
De toute évidence, les règles de mise en oeuvre des fonds de la politique de cohésion gagneraient à être simplifiées. La Commission européenne a d'ailleurs proposé récemment une révision du règlement financier.
Enfin, compte tenu de cette situation, le « reste à liquider » devrait continuer de croître en 2017 pour atteindre 251,6 milliards d'euros en fin d'année, soit une hausse de 16 % par rapport à la fin 2015. En guise de comparaison, le budget annuel de l'Union européenne s'élève à 140 milliards d'euros en crédits de paiement...
Un mot sur deux sujets d'actualité que sont la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020 et les conséquences du « Brexit » sur le budget européen.
Le 14 septembre 2016, la Commission européenne a présenté une communication et un ensemble de propositions législatives en vue de réviser le cadre financier pour la période 2014-2020, conformément à une demande constante du Parlement européen. Trois points positifs sont à retenir de cet ensemble de propositions. D'abord, des priorités politiques claires sont définies : en faveur de la croissance et de l'emploi d'une part, de la gestion de la crise migratoire d'autre part. Ces priorités bénéficieraient de 3,8 milliards d'euros de crédits d'engagement supplémentaires entre 2017 et 2020.
Ensuite, la décision d'accorder davantage de moyens financiers aux programmes et aux instruments qui ont déjà fait leurs preuves pour soutenir l'investissement est une bonne approche - je pense en particulier au programme européen pour la compétitivité des petites et moyennes entreprises, COSME, dont j'ai pu constater les résultats positifs en juillet dernier dans le cadre d'un contrôle budgétaire.
Enfin, la proposition de révision du cadre financier pluriannuel répond au besoin d'adapter le budget européen aux nouveaux défis auxquels l'Union européenne est confrontée, en renforçant sa flexibilité et en améliorant sa réactivité. Pour ce faire, il est proposé de doubler la capacité de certains instruments spéciaux et de créer une nouvelle réserve de crise de l'Union européenne, qui serait financée par les crédits dégagés d'office, c'est-à-dire les crédits non consommés deux ans après leur engagement.
Un bémol toutefois : selon les estimations de la direction du budget, cet ensemble de propositions, et plus particulièrement la comptabilisation des instruments spéciaux au-delà des plafonds du cadre financier, pourrait entraîner une hausse de 10,5 milliards d'euros, au maximum, du montant des contributions nationales d'ici 2020.
Enfin, les conséquences budgétaires de la sortie officielle - dont nous attendons notification - du Royaume-Uni, sont entourées de nombreuses incertitudes, le Royaume-Uni étant l'un des principaux contributeurs nets au budget européen. La dépréciation de la livre sterling d'environ 15 % a déjà entraîné, en 2016, un manque à gagner estimé à 1,8 milliard d'euros pour le budget européen. La Commission européenne a, en conséquence, provisionné 1,1 milliard d'euros d'amendes mais il existe toujours un risque de report négatif sur le budget 2017. Bien que les effets de change puissent parfois jouer en faveur du budget européen, il est très surprenant qu'aucun mécanisme spécifique n'ait été prévu pour se prémunir contre les risques de change entre l'euro et la livre sterling. Un tel mécanisme devra être mis en place à l'avenir.
Sous réserve de ces différentes observations, je recommande à la commission l'adoption, sans modification, de l'article 27 du projet de loi de finances pour 2017.