Intervention de Joël Guerriau

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 12 octobre 2016 : 1ère réunion
Plf pour 2017 — Audition du général andré lanata chef d'état-major de l'armée de l'air

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Mon général, vous avez mentionné l'extension du champ d'intervention de l'armée de l'air, qui déploie aujourd'hui vingt avions de combat de manière permanente. Quelles sont les conséquences de cette situation en termes du budget de maintenance, sur des matériels de pointe ? Ce budget est-il en augmentation, pour les matériels et pour le personnel ?

Vous avez évoqué le déploiement de 4 M2000 en Lituanie, avec, récemment, six sorties en 24 heures. Quels effectifs et quels moyens un tel déploiement représente-t-il ?

Général André Lanata.- Je commencerai par répondre à vos interrogations sur le domaine spatial. J'estime nécessaire de moderniser et d'élargir nos capacités de surveillance, afin de continuer à nous inscrire dans un domaine d'effort inéluctable. Il faut comprendre que nous nous appuyons très fortement sur le segment spatial pour nos opérations, pour des raisons d'autonomie stratégique, bien sûr, mais nous constatons également une utilisation extensive du segment spatial dans nos opérations en particulier dans le domaine de l'observation ou des communications. Ce recours quasi systématique au domaine spatial génère de nouvelles vulnérabilités dont il est essentiel de se préoccuper. Le domaine spatial n'échappe pas à la compétition stratégique entre les puissances. C'est pourquoi nous aurions souhaité aller au-delà de la rénovation a minima du système GRAVES, afin de contrôler davantage d'orbites et donc davantage d'objets spatiaux. Les arbitrages de la LPM ne l'ont pas permis, mais il faudra se demander, à l'avenir, comment nous continuons à garantir notre autonomie stratégique dans ce milieu essentiel pour nos opérations.

S'agissant de l'aviation de chasse, j'estime qu'il s'agit d'un des enjeux, peut-être l'enjeu principal pour l'armée de l'air, aujourd'hui et demain, tant l'aviation de chasse structure l'ensemble du système de combat de l'armée de l'air. Des décisions essentielles doivent être prises au début de la prochaine décennie, afin d'orienter l'avenir en la matière. Cela concerne notamment le renouvellement de la composante aéroportée de la dissuasion dont une dimension de la problématique concerne le porteur.

Vous m'avez posé la question de la poursuite des livraisons de Rafale. Pour l'armée de l'air, un seul Rafale sera livré l'année prochaine. En 2018, trois Rafale seront livrés en compensation des avions prélevés pour assurer les premières livraisons à l'Égypte. Pourquoi cette livraison est-elle indispensable en 2018 ? Parce qu'en 2018 l'armée de l'air devra assurer l'entrée en service opérationnelle du deuxième escadron de Rafale à vocation nucléaire, et sans ces avions, je ne saurais garantir la tenue de cet objectif extrêmement important et exigeant. Ensuite, il n'y aura plus de Rafale livrés à l'armée de l'air jusqu'en 2021, date de reprise de la livraison de la fin de la quatrième tranche.

Pour garantir les formats prévus aujourd'hui par la LPM, il nous faut absolument la livraison des 28 Rafale de la quatrième tranche suivie d'une nouvelle commande pour compenser le retrait des Mirage 2000D. Cela permettra de garantir strictement le modèle décidé dans la LPM, soit 185 avions de combat pour l'armée de l'air. Ensuite se posera la question de la forme de ces nouvelles livraisons dans la seconde partie de la décennie suivante, parce que celles-ci devront prendre en compte le renouvellement de la composante aéroportée de la dissuasion - vecteurs et missiles - et les choix qui seront faits en la matière.

Il faudra enfin soulever, lors des débats à venir, la question de l'ajustement des contrats opérationnels et des conséquences à en tirer pour le plan de livraison de nos avions de combat.

Dans cette situation, comment arrivons-nous à soutenir les équilibres organiques, compte tenu des tensions et des multiples sollicitations qui s'exercent sur l'aviation de chasse de l'armée de l'air, pour atteindre les normes d'activité par exemple ? A format constant, il est évident qu'il arrivera un moment où l'aviation de chasse ne pourra plus produire davantage d'heures de vol. Nous conduisons actuellement tous les efforts possibles pour optimiser cette production. Par exemple, cette année, il était prévu que nous réalisions pour l'aviation de chasse un peu plus de 46 000 heures de vol. En augmentant la productivité de notre système, nous allons atteindre 48 000 heures. Nous y sommes parvenus en commandant davantage de rechanges grâce à l'actualisation de la LPM, mais aussi grâce aux ressources exceptionnelles du soutien à l'export. Nous avons aussi conduit de nombreuses mesures en interne : plan d'actions pour le moteur M88 négocié avec Safran, achat de réacteurs et de radars supplémentaires, adaptation des plans de maintenance des Mirage 2000, doublement des cadences au SIAé, augmentation du nombre d'heures de vol fait par avion et par an... Sur le Rafale, nous sommes passés de 250 heures à 275 heures de vol effectuées par avion et par an. Ainsi nous sommes proches du volume d'heures de vol maximum que peut produire le format actuel. C'est dans cette enveloppe, en définitive plafonnée, qu'il nous faut absorber les différentes sollicitations. Ainsi, par exemple, plus le soutien à l'exportation sera gourmand, plus cela réduira l'entraînement pour nos équipages. Plus les opérations demanderont d'heures de vol, plus il sera compliqué de garantir la formation des jeunes pilotes et l'entraînement sur tout le spectre des savoir-faire de l'armée de l'air. L'enjeu est là.

Je parle des équipages, mais les équilibres reposent aussi sur nos mécaniciens dont dépend la capacité de régénération technique, et de façon plus générale, sur l'ensemble des capacités de régénération industrielle pour augmenter la productivité de l'outil. S'agissant des mécaniciens, j'ai une contrainte et cela rejoint la question que m'avez posée sur la tension en matière de recrutement. Globalement, je n'ai pas de problème de recrutement. Je rencontre en revanche un problème de fidélisation. La situation est différente par spécialité. Ainsi, j'ai plus de difficultés pour le recrutement des fusiliers commandos que pour celui des mécaniciens ou des pilotes. L'évaporation est très importante chez les fusiliers commandos et il faut donc que nous soutenions cette spécialité par des mesures attractives, mais aussi par la valorisation des compétences. À cet égard, nous travaillons par exemple avec l'Éducation Nationale et avec le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), pour permettre la reconnaissance des qualifications acquises. Pour une plus grande attractivité, il est également nécessaire de diversifier les missions. Dans le cas des fusiliers commandos, le contexte actuel rend la chose difficile. Tant que nous ne réussirons pas à augmenter significativement les effectifs, il nous sera difficile de faire évoluer cet état de fait.

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