Serge Vinçon, sénateur du Cher et président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de notre Haute Assemblée, est mort le 16 décembre dernier.
C'est peu de dire que, toutes et tous, nous avons ressenti, à l'annonce de son décès, une grande douleur, une profonde tristesse et une extrême affliction.
Serge Vinçon a été emporté dans la force de l'âge, au faîte d'une carrière qui était loin d'être achevée.
Vous me pardonnerez de penser aussi, en cet instant, aux trois gendarmes morts tragiquement alors qu'ils accomplissaient leur devoir, et que nous avons enterrés ce matin.
La mort de Serge Vinçon a mis un terme brutal et prématuré à un parcours sans fautes ni failles.
Son dernier combat, il l'a livré voilà un an, après l'accident cardiovasculaire qui l'avait brutalement atteint, nous plongeant déjà dans la consternation, à quelques jours des fêtes de fin d'année.
Serge Vinçon était un homme doté d'une force morale peu commune. Il a puisé jusqu'au bout, jusqu'à son dernier souffle, dans cette formidable énergie qui l'a toujours habité le courage infini de faire face aux lourdes responsabilités que lui avaient confiées ses concitoyens et ses collègues du Sénat, qui l'estimaient tant.
Serge Vinçon était aussi un grand serviteur de la personne humaine, unanimement respecté, au parcours exceptionnel et à l'engagement républicain exemplaire, un homme à la fidélité inaltérable, aux convictions intransigeantes, à l'engagement passionné.
Né à Bourges il y a moins de cinquante-neuf ans, au coeur même de ce département du Cher qu'il aimait tant, Serge Vinçon était l'aîné d'une famille de neuf enfants. Il revendiquait ses origines modestes et y était demeuré profondément fidèle.
Professeur au collège de Saint-Amand-Montrond, il se fera très vite remarquer pour ses qualités pédagogiques et sera unanimement apprécié et aimé de ses élèves comme de ses collègues.
Très tôt, il manifeste aussi un goût aigu pour les affaires publiques.
Élu une première fois en 1977 conseiller municipal de la capitale du Boischaut, il en deviendra maire en 1983, à trente-quatre ans.
Il sera réélu sans discontinuer jusqu'à ce que la vie le quitte. Son attachement indéfectible à sa ville ne sera jamais démenti et c'est pour distinguer son action dynamique que lui sera notamment remise, en 1995, une « Marianne d'or » à la mairie de Saint-Amand-Montrond.
Parallèlement, presque naturellement, Serge Vinçon deviendra président de l'association des maires du Cher en 1995. En 2001, il sera distingué du titre de président de Ville et Métiers d'Art, avant de devenir, l'année suivante, président de l'association homologue européenne.
Passionné par sa ville, Serge Vinçon le fut aussi par son département du Cher.
Élu sénateur en septembre 1989, il sait, dès son arrivée au sein de la Haute Assemblée, se faire apprécier de tous. Qui ne se souvient de son extrême courtoisie, de son attention aux autres, de la finesse de son intelligence et du respect qu'il apportait aux opinions de chacune et de chacun ?
Approfondissant encore son implication locale, Serge Vinçon fut élu, en 1992, conseiller général du canton de Saint-Amand-Montrond. Réélu en 1998, il présida alors aux destinées de l'assemblée départementale jusqu'en 2001. Il y déploya l'efficacité qui est très vite devenue sa marque, en faveur de l'aménagement du territoire et du développement économique de son département. Il fut toujours soucieux de mettre en valeur l'histoire et la richesse culturelle de ce département central dans lequel, dit-on, « battent puissamment les trois coeurs de la France ».
Auditeur de la quarante-septième session de l'Institut des hautes études de défense nationale en 1994-1995, il cultiva un intérêt jamais démenti pour les questions de défense. À ce titre, il fut désigné, en 1995, au Rassemblement pour la République, secrétaire national chargé de la défense, puis, en 1996, président fondateur de l'association Diplomatie et Défense.
Il fut aussi, à partir de 1993, rapporteur pour avis du budget des forces terrestres au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Une nouvelle page de son activité parlementaire s'écrivit alors.
Dès février 1996, il fut élu au bureau de cette même commission, à laquelle il allait montrer tant d'attachement.
Réélu au Sénat en 1998, il fut porté à la fois aux fonctions de vice-président de la commission des affaires étrangères et de la défense et de secrétaire national chargé des affaires européennes du Rassemblement pour la République. Dans ces nouvelles responsabilités, Serge Vinçon suscitera l'estime de tous par la pertinence de ses analyses, mais aussi par ses qualités humaines incomparables.
Continuant à remplir ses différents mandats, il décida en mars 2001 de ne pas se représenter à la présidence du conseil général du Cher, afin de privilégier le lien direct avec ses chers administrés saint-amandois. Ces derniers lui manifesteront sans réserve leur confiance en le renouvelant, encore une fois, à la tête de la commune.
Fort de ce parcours exemplaire, Serge Vinçon fut alors désigné par ses pairs aux fonctions de vice-président du Sénat. Chacun, dans cet hémicycle, se souvient de son doigté, de sa compétence et de son savoir-faire, et - pourquoi ne pas le dire ? - de sa gentillesse dans la conduite, parfois délicate, de nos débats.
La douce et talentueuse autorité dont Serge Vinçon fit preuve dans ces fonctions, puis, plus tard, à la tête de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, révélait à l'évidence une facette de sa personnalité : un homme profondément cultivé, subtil, à l'intelligence aiguisée, et qui aimait les autres sans faire de distinctions selon les fonctions ou les grades.
Parallèlement à son engagement politique, Serge Vinçon avait montré, dès son adolescence, une réelle passion pour la poésie et l'écriture. Sa réserve naturelle l'avait conduit à ne révéler que tardivement ce jardin secret. Il aura attendu l'an 2000 pour publier son premier recueil, intitulé Proésie, craignant jusqu'au dernier instant de se révéler sous un jour singulier. Il nous fit parfois, au Sénat, le plaisir de quelques démonstrations de son talent, rosissant, chaque fois, sous les compliments, comme un débutant.
« L'art est un jeu. Tant pis pour celui qui s'en fait un devoir », écrivait Max Jacob. Il est vrai que la poésie était pour Serge Vinçon, comme il l'avouait lui-même, l'achèvement de sa liberté de pensée, la soupape par laquelle il exprimait ses émotions les plus profondes.
Sa ville de Saint-Amand-Montrond fut l'objet constant de son inspiration, allant jusqu'à la mise en musique d'une de ses poésies.
En 2004, élu de la région Centre, Serge Vinçon démissionnera de son mandat, en application de la loi sur le cumul des mandats, mais il réalisera alors son voeu le plus cher en étant élu, en octobre de la même année, président de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il ne cessera alors d'être ce président plein de finesse, compétent, dynamique, assidu et efficace, que tous ici ont apprécié.
Assurant parallèlement la présidence active de groupes d'amitié, avec la Slovénie et avec la Jordanie, Serge Vinçon portait haut les couleurs du Sénat et ne dédaignait pas de porter aussi haut son engagement au service d'une certaine idée de la grandeur de notre nation.
C'est dans cet esprit qu'il prit une part active à la réforme du service national et à la professionnalisation de nos forces armées.
Serge Vinçon était de ces hommes publics chaleureux, toujours bienveillants et sachant s'intéresser à chacun, un homme d'une absolue fidélité envers les siens, d'une réelle authenticité dans l'engagement : double exigence qui s'impose, oui, qui s'impose à chacune et à chacun d'entre nous et qui demeure, sans aucun doute, la qualité éminente des grands serviteurs de la République.
Serge Vinçon restera pour tous une référence. Jusqu'au bout, jusqu'à l'extrémité de ses forces, jusqu'à ses derniers jours, il poursuivit sa tâche.
Il avait insisté, en juillet dernier, pour que la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, dont il était membre, se réunisse au Sénat, ce lieu où il apporta, avec modestie et efficacité, sa contribution personnelle à la démonstration permanente qu'il est une enceinte privilégiée de la réflexion et de la sagesse.
Ainsi fut Serge Vinçon, notre collègue, notre ami. Ce fils de la République en fut un serviteur éminent. S'il fit honneur au Sénat, à son département et à sa ville, il fut aussi l'honneur de la République.
À ses collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, unanimement touchés par la disparition de leur cher président, j'exprime toute la compassion du Sénat.
À ses collègues du groupe de l'UMP, cruellement éprouvé par la disparition, en moins d'un an, de quatre des siens, j'adresse mes sentiments de vive et profonde sympathie.
À son épouse, Bernadette, à sa fille, Maud, à ses parents et à tous ses proches qui vivent intensément la douleur de la séparation d'un être aimé, je tiens à dire combien nous partageons leur chagrin. Qu'ils soient assurés que, dans ces murs, la figure, la voix et le souvenir de Serge Vinçon resteront présents, à la mesure de l'homme d'exception qu'il fut.
Que Serge Vinçon repose en paix !
Je vous invite maintenant, monsieur le Premier ministre, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à observer une minute de silence en mémoire de notre collègue.