Qu'on conteste ou non le bien-fondé du recours, à l'époque, à l'article 11, ces précédents existent et, dès lors, soumettre au référendum ce projet de révision est juridiquement acceptable.
MM. Pierre Avril et Jean Gicquel, dans leur ouvrage de référence sur le droit parlementaire, le confirment : « L'application de l'article 89 de la Constitution n'est pas exclusive en matière de révision, comme l'a montré le précédent de la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962, dont les articles 1er et 2 révisent les articles 6 et 7 de la Constitution en instituant l'élection au suffrage universel du Président de la République. Adoptée suivant la procédure de l'article 11 de la Constitution par le référendum du 28 octobre 1962, cette loi avait naturellement été soustraite à l'élaboration parlementaire. »
Rien n'empêche une mise en oeuvre de l'article 11 sur une révision constitutionnelle. Certains pourraient tenter de s'opposer à cette démarche, ce que fait apparemment la majorité de la commission des lois, en indiquant que l'article 11 s'appliquerait aux seuls projets de loi, excluant de son champ les lois organiques et constitutionnelles.
Là encore, si le doute peut exister, la doctrine est claire. MM. Prélot et Boulouis, dans leur ouvrage Institutions politiques et droit constitutionnel, sont explicites : « L'article 11 mentionne ?tout projet de loi?. Or cette formule englobe bien les projets de loi de révision comme les autres. Il ne pourrait en être autrement que si une exclusion particulière était indiquée. Tel n'est pas le cas. »
J'ajouterai que le fait que nous soyons dans une procédure globale de ratification, dont la révision est l'un des éléments au titre de l'article 54 de la Constitution, légitime plus encore notre démarche.
Notre deuxième argument, une fois la recevabilité juridique démontrée, est plus politique.
Je vous rappelle que l'article 89 de la Constitution pose le principe du référendum pour le vote d'une révision de la Constitution.
C'est le Président de la République, et lui seul, qui décide de s'interposer entre le Parlement et le peuple pour clôturer la discussion en convoquant le Parlement en Congrès.
Contrairement à ce qui est prétendu, il n'est pas valorisant pour les assemblées de supplanter le peuple. Affirmer les droits du Parlement, c'est lui permettre de répondre à la démarche du Président de la République en se déclarant en quelque sorte incompétent et en renvoyant la décision au peuple.
À l'heure où l'on parle beaucoup des droits du Parlement, n'est-ce pas un point fondamental que de permettre aux parlementaires de ne pas accomplir un déni de démocratie en ne validant pas définitivement une révision de la Constitution que le peuple avait, de fait, censurée deux ans auparavant ?