Intervention de Nuihau Laurey

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 novembre 2016 à 14h35
Loi de finances pour 2017 — Mission « outre-mer » et article 58 - examen du rapport spécial

Photo de Nuihau LaureyNuihau Laurey, rapporteur spécial :

La mission « Outre-mer » représente une partie de l'intervention budgétaire de l'État dans ses collectivités d'outre-mer : les moyens budgétaires regroupés dans cette mission représentent 13,9 % des crédits bénéficiant à l'outre-mer, plus de 86 % de ceux-ci passant par différentes politiques sectorielles transversales, comme par la mission « Enseignement scolaire », qui représente à elle seule plus de 32 % des autorisations d'engagement (AE).

Chaque année, à l'occasion de l'examen de la loi de finances, il est fait état de la zone économique exclusive cumulée de ces territoires, qui font de la République la seconde puissance maritime au monde. L'on rappelle aussi les handicaps considérables qui découlent de leur dissémination et de leur isolement. Éloignés des grandes métropoles et parfois éclatés géographiquement, ils souffrent de la petitesse de leurs marchés intérieurs, du poids de certains oligopoles et de la difficulté à stimuler la concurrence, ainsi que de l'impossibilité de mutualiser certains coûts publics compte tenu de la rupture océanique, de l'éloignement des centres d'approvisionnement ou encore de la difficulté d'assurer un service public équitable à des coûts supportables par de petites collectivités isolées.

Ces handicaps se sont accumulés dans tous les domaines au point que les écarts de développement entre la métropole et les différentes collectivités d'outre-mer atteignent jusqu'à trois décennies de retard, comme l'indiquent de multiples indicateurs sociaux et économiques : taux de chômage, indice de développement humain, PIB par habitant, niveau d'équipements sanitaires, illettrisme ou taux de réussite au bac. Le retard est tel qu'un projet de loi visant à tendre vers l'égalité réelle en faveur de ces territoires a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 11 octobre dernier et devrait être examiné par notre assemblée à la fin de l'année ou en début d'année prochaine.

C'est dans ce contexte que nous examinons cette mission, constituée pour 86 % d'un budget d'intervention destiné à combler ces écarts de développement. Ses moyens budgétaires sont en hausse par rapport à la loi de finances pour 2016, de 2,1 % en AE et de 0,8 % en crédits de paiement (CP), et s'établissent respectivement à 2,078 milliards d'euros et 2,080 milliards d'euros. Toutefois, cette hausse ne s'effectue pas à périmètre constant. En effet, elle fait l'objet d'importants transferts de crédits. Hors mesures de transfert, les crédits budgétaires de la mission baissent de manière significative, de 2,2 % en AE et de 3,9 % en CP. Ces baisses de moyens budgétaires sont en contradiction avec la loi sur l'égalité réelle des outre-mer et, de manière plus générale, elles vont à l'encontre de la nécessité sans cesse répétée de rattraper les écarts de développement.

Les deux programmes de la mission « Outre-mer », le programme 138 « Emploi outre-mer » et le programme 123 « Conditions de vie » connaissent des évolutions opposées.

Le premier, qui représente plus de 62 % de la mission, enregistre une baisse de près de 6 % en AE et en CP, du fait de la réforme de la mesure d'exonérations des charges sociales initiée en 2014 et ciblant les bas salaires. Ce dispositif constitue à lui seul la moitié de la mission « Outre-mer » et nécessite, après plusieurs réformes, d'être stabilisé pour donner de la visibilité aux entreprises.

À l'inverse, les crédits affectés au second augmentent de 18 % en AE et de 12 % en CP, en raison d'importants transferts de crédits, notamment pour les investissements scolaires en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, pour un montant total de 183,4 millions d'euros. Hors ces transferts, ce programme connaît une hausse de 6,3 % en AE et de 1,4 % en CP.

En dépit de la baisse réelle des crédits affectés à la mission « Outre-mer », hors mesures de transfert, des points positifs sont à relever.

L'objectif de 6000 jeunes en service militaire adapté (SMA) pour 2017 est atteint, avec une hausse du plafond d'emplois des volontaires, une masse salariale globale en augmentation et un doublement des capacités d'accueil depuis 2009. Il faut préserver ce dispositif particulièrement efficace, qui enregistre un taux d'insertion professionnelle en fin de stage avoisinant les 80 %, alors que le taux de chômage est particulièrement élevé dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer.

Autre point positif, l'augmentation des CP alloués au Fonds exceptionnel d'investissement (FEI), sur lequel Georges Patient et moi-même avons effectué l'année dernière un contrôle budgétaire à La Réunion. Nous avions souligné l'efficacité de ce dispositif compte tenu de son effet de levier et de la simplicité de sa mise en oeuvre, même si l'objectif d'y consacrer 500 millions d'euros jusqu'en 2017, fixé par le président de la République en 2012, ne sera pas atteint.

Les crédits dévolus à l'appui au financement bancaire outre-mer augmentent également de manière significative, pour atteindre un montant de 47,1 millions d'euros en AE et 13,2 millions d'euros en CP. En plus du renforcement des missions traditionnelles, cette hausse permettra la mise en place d'un prêt à taux zéro au profit de projets en faveur du développement des énergies renouvelables et de la lutte contre les effets du changement climatique dans les collectivités d'outre-mer.

Enfin, notons le réajustement de la dotation globale d'autonomie (DGA) de la Polynésie française à son niveau initial, conformément aux engagements tenus par le Président de la République lors de son déplacement sur place.

À l'inverse, quelques points demeurent préoccupants.

Les crédits liés aux opérations contractualisées sont clairement insuffisants, ce qui signifie, compte tenu des sous-dotations opérées parfois depuis plusieurs exercices, l'échec prévisible de certaines conventions et l'abandon de nombreux projets d'investissements visant au rattrapage des écarts de développement déjà évoqués.

Pour le contrat de projet de la Polynésie française, ce sont aujourd'hui près de 30 millions d'euros qui manquent en AE comme en CP après trois ans.

La défiscalisation des investissements outre-mer a été maintenue jusqu'en 2025 par la loi de finances pour 2016. Hélas, on constate de nombreux blocages de la procédure d'agrément sur des dossiers d'investissement pourtant importants et éligibles.

Enfin, les crédits destinés au logement demeurent largement insuffisants pour couvrir les besoins identifiés dans l'ensemble des collectivités, avec une stagnation budgétaire depuis 2014 et une baisse en AE et en CP pour l'exercice 2017. Cette remarque a déjà été formulée l'année dernière. La baisse est d'autant plus préjudiciable que les charges à payer sur la ligne budgétaire unique (LBU) s'établissent à 33,5 millions d'euros, en hausse de plus de 10 millions d'euros par rapport à 2014.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je m'en remets à la sagesse de la commission.

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