Intervention de Nelly Tocqueville

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 9 novembre 2016 à 9h30
Loi de finances pour 2017 — Mission « recherche et enseignement supérieur » - crédits « recherche en matière de développement durable » - examen du rapport pour avis

Photo de Nelly TocquevilleNelly Tocqueville, rapporteure pour avis :

Il m'appartient de vous présenter les crédits du programme 190, inscrits dans la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2017. Je succède en cela à notre collègue Odette Herviaux qui les avait présentés l'année dernière.

Le programme 190 a pour objet de financer des actions de recherche dans l'ensemble des domaines du développement durable, qu'ils portent sur l'énergie, les risques, les transports ou encore la construction et l'aménagement.

Le projet de loi de finances pour 2017 envisage d'allouer à ce programme 1,718 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,724 milliard d'euros en crédits de paiement.

Ce montant global est stable par rapport à celui ouvert par la loi de finances initiale pour 2016. Je crois que nous pouvons nous en réjouir, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles.

Les crédits du programme 190 sont destinés à financer les actions de recherche menées par six opérateurs de l'État. Trois d'entre eux lui sont rattachés à titre principal : l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN), l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) et l'Institut de radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN). Trois autres bénéficient de subventions au titre du programme 190 tout en étant rattachés principalement à d'autres programmes : le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Parmi tous ces établissements, le CEA reste, avec l'attribution de 1 230 millions d'euros de subventions pour charges de service public, le principal bénéficiaire du programme 190. Viennent ensuite l'IRSN, l'IFPEN et l'IFSTTAR qui devraient percevoir respectivement 172,7, 135,6 et 86,2 millions d'euros. L'INERIS et l'Anses recevront des dotations plus modestes : 6,4 et 1,6 millions d'euros au titre du programme 190.

Au lendemain de l'adoption de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte et de la loi pour la reconquête de la biodiversité, et compte tenu du rôle majeur joué par notre pays dans l'obtention d'un accord lors de la COP21 à Paris, les six établissements financés par le programme 190 ont aujourd'hui un rôle fondamental à jouer. Leurs recherches, menées par des experts passionnés - et passionnants - devront permettre d'accélérer, tout en les sécurisant, les mutations de la France face au changement climatique. Leur rôle est indispensable pour faire de notre pays un modèle d'excellence environnementale !

Je commence par le CEA, qui reçoit plus de la moitié des crédits budgétaires du programme 190.

La première enveloppe apportée par ce programme vise à financer ses activités de recherche en matière de nucléaire civil et de nouvelles technologies de l'énergie. Ces crédits seront stables en 2017 à 490 millions d'euros.

Dans le domaine du nucléaire, le CEA travaille notamment sur la conception des réacteurs de 4e génération, et sur le réacteur Jules Horowitz, en cours de construction au centre de Cadarache. En matière d'énergies renouvelables, les travaux du CEA se concentrent sur trois secteurs particulièrement consommateurs d'énergie : le bâtiment, l'industrie et les transports.

La seconde enveloppe de crédits apportés par le programme 190 vise à couvrir les charges nucléaires de long terme associées aux installations du CEA, et les dépenses d'assainissement et de démantèlement. Cette enveloppe s'élève, comme en 2016, à 740 millions d'euros.

Ces dépenses ne concernent que le parc du CEA, qui comprend 32 installations. Toutefois, l'estimation de ces coûts, comprise entre 16 et 21 milliards d'euros, est susceptible d'être revue à la hausse. En effet, le Royaume-Uni, confronté à une problématique de même ampleur, a retenu une évaluation bien plus élevée. Par ailleurs, la diversité et la complexité des installations du CEA pourraient accroître les coûts.

Toujours dans le domaine du nucléaire, j'en viens à l'IRSN, qui concentre l'expertise publique indépendante en matière de sûreté nucléaire. Rattaché au programme 190, cet établissement a vu ses missions s'accroître fortement ces dernières années, avec la multiplication des demandes d'expertise.

Ainsi, en 2017, l'IRSN aura à examiner plusieurs sujets majeurs, comme la mise en service du réacteur EPR de Flamanville, la prolongation de la durée d'exploitation du parc nucléaire de 900 Mégawatts, l'application des modifications prescrites suite à l'accident de Fukushima, et l'examen des choix de conception du projet CIGEO.

Les avis de l'IRSN sont systématiquement rendus publics. L'institut participe également à la montée en compétence de la société civile par des actions de formation auprès des commissions locales d'information.

Pour remplir ces différentes missions, les crédits de l'IRSN sont stabilisés pour 2017 à 172 millions d'euros, et le nombre d'emplois augmente d'une vingtaine d'ETPT. Cette évolution me semble bienvenue, pour répondre aux nombreuses commandes transmises à l'IRSN par les pouvoirs publics.

J'aurai deux remarques à propos de l'IRSN.

Premièrement, il me semble important que les activités d'expertise ne supplantent pas durablement les activités de recherche. C'est une inquiétude latente au sein de l'institut, et la baisse des moyens de la recherche, passés de 44 à 38 % du budget entre 2010 et 2016 confirme cette tendance.

Deuxièmement, les activités de recherche menées par l'IRSN et par le CEA se recoupent dans certains domaines. Sans remettre en cause la séparation historique et institutionnelle entre ces deux organismes, il me semble qu'ils gagneraient à développer une véritable coopération et à mutualiser certaines actions.

J'en viens à l'IFPEN, rattaché à titre principal au programme 190. Cet établissement, héritier de l'Institut français du pétrole, est un acteur important de la recherche nécessaire à la transition énergétique. Il mène notamment des travaux sur la mobilité durable, sur les énergies renouvelables offshore, et sur des carburants innovants. À ce titre, l'IFPEN a contribué en tant qu'expert à la commission mise en place par la ministre de l'environnement sur les émissions des moteurs diesel, à laquelle a participé notre collègue Louis Nègre.

Il faut rappeler que le développement industriel est une activité majeure pour l'IFPEN, qui valorise ses brevets par la création de filiales, dont les redevances représentent 55 % des ressources de l'établissement.

Malgré cette stratégie de valorisation de la recherche, et une réduction des charges de fonctionnement, l'IFPEN a subi une forte baisse de sa dotation budgétaire entre 2010 et 2016, au point que l'an passé, notre collègue Odette Herviaux s'était inquiétée de l'avenir de cet établissement. Pour 2017, la dotation augmente de 4,5 %, passant à 135,6 millions d'euros, atténuant ainsi la pression budgétaire des années précédentes.

Néanmoins, la situation de l'établissement reste fragile, compte tenu du prix bas du pétrole, qui ralentit la progression de ses ressources propres. L'IFPEN anticipe des difficultés de trésorerie pour le début 2017. Il faudra être attentif à l'exercice budgétaire de l'année prochaine, car il me semblerait regrettable que les efforts de l'institut à la fois sur ses ressources propres et sur ses charges de fonctionnement ne soient pas accompagnés par l'État.

L'IFSTTAR pilote notamment le projet Sense-city que nous avons pu découvrir en juin dernier lors d'un déplacement de la commission : une mini-ville climatique qui permet de tester en milieu réel des capteurs développés pour piloter la ville intelligente de demain. 86,2 millions d'euros devraient être alloués à cet institut en 2017. Cette dotation représente 78% de son budget et lui sert principalement à couvrir ses dépenses de personnel. Son activité de recherche tend, quant à elle, à être principalement financée par ses ressources propres.

Je me réjouis que cet établissement bénéficie d'une subvention identique à celle allouée par la loi de finances initiale pour 2016. Son nouveau contrat d'objectifs et de performance a prévu de recentrer ses activités autour de trois thématiques prioritaires : la sécurité routière, l'efficience et la résilience des infrastructures, l'aménagement et la protection des villes et des territoires.

Cette sélection d'activités stratégiques plus ciblées est opportune car elle devrait permettre à l'institut, jusqu'à présent impliqué dans des domaines très variés, de clarifier ses relations avec les autres établissements publics de recherche et de s'en démarquer davantage.

S'agissant maintenant de l'INERIS : cet institut occupe une place singulière parmi les opérateurs du programme. En effet, ses missions recouvrent l'ensemble des risques liés aux activités industrielles, qu'ils soient chroniques, accidentels, associés aux innovations technologiques ou aux activités souterraines. Proche de l'IRSN, cet établissement s'en distingue toutefois en ne traitant ni le nucléaire ni la radioprotection. À la différence d'autres opérateurs du programme (le CEA ou l'IFPEN, par exemple), il ne produit pas de développements technologiques : sa vocation est d'évaluer les technologies et leurs risques.

Je me félicite que sa dotation au titre du programme 190, à hauteur de 6,4 millions d'euros, ne subisse aucune baisse.

Toutefois, son schéma d'emplois, en diminution de 11 ETPT en 2017, interroge sur sa capacité à correctement mener les nouvelles missions de recherche que lui confie son contrat d'objectifs et de performance pour la période 2016-2020. Il devra en effet évaluer les risques des batteries haute densité énergétique au lithium-souffre, le comportement à long terme des déchets, les potentiels effets chroniques des radiofréquences sur la reproduction, ou encore des expositions aux pesticides. Il conviendra donc de rester vigilant dans les années à venir.

Même constat s'agissant de l'Anses, qui perçoit, comme l'an dernier, 1,6 million d'euros au titre du programme 190 (soit 1,7 % de sa dotation budgétaire totale). Cette subvention aide à financer les recherches menées par les 11 laboratoires de l'agence en matière de santé et d'environnement, par exemple pour évaluer les effets des expositions aux déchets sur les écosystèmes, pour anticiper les incidences du changement climatique sur le microbiote intestinal et pulmonaire, ou encore pour étudier les impacts du bruit des éoliennes sur la santé.

Je me réjouis que la dotation allouée à l'Anses par le programme 190 reste stable, mais l'établissement connaît une légère diminution de son plafond d'emplois. Les missions de l'agence ont été considérablement élargies en 2015 et 2016 sans que ses moyens en personnel soient renforcés.

En conclusion, je rappellerai combien les crédits du programme 190 sont indispensables pour permettre aux opérateurs de l'État d'accomplir leurs projets de recherche et de contribuer au succès d'un nouveau modèle de développement durable.

Nous devrons peut-être, si le contexte financier difficile perdure, nous interroger sur l'opportunité d'opérer des rapprochements entre certains de ces établissements dont les missions sont, au fil du temps, devenues proches. Je vous proposerai néanmoins de donner un avis favorable à l'adoption des crédits qui financent ces fleurons de notre recherche en matière de développement durable, puisque leur niveau est stable par rapport à ceux votés l'an dernier.

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