ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. - Je vous remercie de me recevoir.
J'ai annoncé en septembre une baisse de 66 300 du nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A. Ce chiffre mensuel doit être replacé dans une tendance et comparé avec l'évolution des autres catégories, comme l'a souligné avec raison votre commission d'enquête sur les chiffres du chômage. En l'espèce, je constate une baisse de 90 000 demandeurs d'emploi dans cette catégorie depuis le début de l'année.
Le budget de la mission « Travail et emploi » s'établit à 15,3 milliards d'euros, soit une augmentation de 13 % par rapport à 2016. L'effort est inédit ; il accompagne une dynamique de reprise, en cohérence avec les réformes menées par le Gouvernement, dont la philosophie s'articule autour du triptyque réaffirmé en janvier par le Président de la République : modernisation, formation et cohésion.
La modernisation a été engagée par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Travail, mais aussi par l'introduction de nouveaux droits pour les salariés. La formation, c'est le plan « 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emploi » : un cap quantitatif mais aussi qualitatif, mis en place en lien avec les entreprises, les régions et les partenaires sociaux. Reconnaissons-le, notre pays souffre d'un retard significatif en matière de formation des demandeurs d'emploi. Enfin, la cohésion est assurée grâce au soutien de ceux qui ont le plus besoin d'emploi, à travers les contrats aidés, la garantie jeunes et la prime à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises (PME).
Ce triptyque se retrouve dans le budget qui vous est soumis. D'abord, le développement de l'emploi dans les TPE et PME est soutenu par l'augmentation d'environ 1,85 milliard d'euros des crédits des dispositifs d'aide à l'embauche PME et d'aide à la première embauche dans les très petites entreprises (TPE). Le premier dispositif a fait l'objet de 825 000 demandes, dont 66 % concernent des CDI et près de 40 % des jeunes de moins de 26 ans. Ne nous le cachons pas, cette aide est peu utile lorsque les carnets de commandes sont vides ; mais quand ils se remplissent, elle devient un accélérateur de la décision d'embauche de la PME. Ce matin même, j'ai préparé, avec les responsables des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et les directeurs régionaux de Pôle Emploi, la mise en place d'un service gratuit d'information sur le droit du travail. Nous savons combien il est important, pour les employeurs, de pouvoir s'adresser directement aux Direccte et de disposer d'une information sécurisée pour prévenir les risques de contentieux.
La loi Travail a accéléré la modernisation de notre droit, à travers la modulation du temps de travail sur neuf semaines au lieu de quatre, et bien sûr les accords types de branche, sur lesquels les négociations ont été engagés dans certains secteurs.
Deuxième priorité, la formation professionnelle : c'est l'une des principales réponses aux défis d'un monde du travail de plus en plus polarisé entre les personnes qualifiées et celles surqualifiées. La formation réenclenche la mobilité sociale ; c'est une exigence morale, sociale et économique. Elle doit aussi aider à la construction des parcours professionnels, alors que la reconversion paraît trop souvent inaccessible aux demandeurs d'emploi. L'accompagnement est au coeur de nos enjeux, notamment à travers le conseil en évolution professionnelle (CEP) et le compte personnel de formation (CPF). La prise de conscience a été longue, mais le plan 500 000 formations marque un tournant. Enfin, je tiens à préciser que les demandeurs d'emploi en formation dans ce cadre ne disparaissent pas, comme on a pu le suggérer, des statistiques du chômage puisqu'ils passent en catégorie D. Une évaluation de ce plan est prévue avec les régions et les partenaires sociaux.
Dans le cadre de ce plan, nous proposons d'ajouter 196 millions d'euros en 2017 pour le financement des conventions de 2016 et cinq millions pour lancer le compte personnel d'activité (CPA) créé par la loi Travail. Certains décrets sont en préparation, d'autres ont déjà été pris, comme celui qui double le nombre d'heures de formation pour les salariés les moins qualifiés. La formation s'inscrit dans un parcours : le développement des préparations opérationnelles à l'emploi et des contrats de professionnalisation y pourvoit.
La troisième priorité est l'insertion des jeunes. La situation s'améliore : le nombre de jeunes inscrits en catégorie A à Pôle Emploi a baissé de 40 000 en un an, soit 7 %. Il y a moins de jeunes chômeurs qu'en 2012 ; mais, avec 747 millions d'euros alloués, soit 176 millions de plus qu'en 2016, la jeunesse reste une priorité. Ce budget doit notamment financer la généralisation de la garantie jeunes, qui sera un droit universel à partir du 1er janvier 2017. J'ai pu me rendre compte, lors de ma visite en Guyane, que la mission locale de Maripasoula n'avait pas de représentant nommé. Le service public de l'emploi sera organisé afin que la totalité des missions locales proposent la garantie jeunes au 1er janvier prochain. Je m'y engage.
Le déploiement des établissements pour l'insertion dans l'emploi (Epide), que vous connaissez bien M. Forissier, se poursuit : deux nouveaux établissements seront créés dans le Sud-Ouest. Les moyens de fonctionnement des missions locales seront augmentés à hauteur de 15 millions d'euros. Nous avons demandé un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le modèle économique de ces missions. Dans les Epide, 88 % des bénéficiaires ont au mieux un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) et 33 % d'entre eux sont issus d'un quartier relevant de la politique de la ville. La moitié des jeunes en ressortent avec un contrat de travail ou une entrée en formation qualifiante.
D'après les premiers résultats publiés en juillet, le taux d'emploi des bénéficiaires de la garantie jeunes, dont 87 % sont des « NEET » - ni en emploi, ni en études, ni en formation - est passé de 30 à 40 %. Cette hausse recouvre presque entièrement un accès à des CDI ou CDD de plus de six mois dans le secteur marchand. La garantie jeunes, je le rappelle, a été saluée par la Cour des comptes.
Cet effort s'inscrit dans un cadre plus large : revalorisation des bourses, soutien aux jeunes décrocheurs et aux entrepreneurs à travers le CPA, ou encore relance de l'apprentissage. Dans notre bataille pour l'emploi, je n'oublie pas le gain d'efficacité que représentent le numérique et les big data. Dans le cadre du plan « Numérique, emploi, travail », piloté à travers le plan d'investissement pour l'avenir, nous avons lancé, après un an de tests dans vingt-deux missions locales et un Epide, le dispositif Clic'n Job en partenariat avec Emmaüs Connect et WeTechCare, dont l'objectif est d'accompagner un million de jeunes. C'est un dispositif conçu par, pour et avec les jeunes. Je vous invite à diffuser cette information : ces plateformes numériques seront mises à disposition des jeunes dans les missions locales. Dans les prochaines semaines, je lancerai avec Paul Duan, fondateur de l'organisation non-gouvernementale (ONG) Bayes Impact, et en partenariat avec Pôle Emploi, une plateforme de facilitation de l'orientation et de l'accès à la formation et à l'emploi alimentée par dix ans de bases de données anonymisées et de parcours de demandeurs d'emploi.
Au-delà de ces trois priorités, ce budget honore également les engagements forts du Gouvernement, à commencer par la consolidation des budgets d'insertion par l'activité économique et les mesures en faveur des travailleurs handicapés : à 1,18 milliard d'euros, ils sont en progression de 7,8 millions et financent notamment 88 500 aides au poste.
Une enveloppe de 80 millions d'euros est prévue pour l'amélioration de la rémunération des apprentis, conformément aux engagements pris au mois d'avril. L'apprentissage est une priorité pour Clotilde Valter, secrétaire d'Etat, comme pour moi-même. On constate une reprise dans ce domaine, avec 4 % d'entrées supplémentaires pour la campagne 2015-2016. Les apprentis bénéficient de nouveaux droits : la carte étudiant, l'accès au Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), l'aide à la recherche du premier emploi, la prime d'activité, la prise en compte des heures d'apprentissage dans le calcul des droits à la retraite, l'ouverture des titres professionnels du ministère - déjà mise en oeuvre dans certaines régions et qui permettra des entrées en apprentissage tout au long de l'année - et enfin l'aide TPE jeune apprenti, qui a concerné 76 000 recrutements depuis juin 2015.
Nous travaillons également avec le ministère de l'Education nationale pour améliorer l'orientation professionnelle des élèves, qui sera facilitée par l'obligation pour toute structure de formation d'indiquer les taux d'accès à l'emploi pour chaque filière.
Par ailleurs, mon ministère et celui de la fonction publique montrent l'exemple en recrutant 10 000 apprentis.
Cet ensemble de mesures est de nature à lever les freins au développement de l'apprentissage. Un décret sur les apprentis marins, qui règlera la question du cycle de travail de nuit, sera publié au 1er janvier.
Au total, l'effort financier de l'État sur l'apprentissage aura été porté de 2,75 à 2,84 milliards d'euros entre 2013 et 2017 soit une progression de 3,3 %. Certes, en 2015, le nombre de contrats d'apprentissage signés n'était pas revenu à son niveau de 2012 - 280 000 contre 307 000. Mais un cadre de confiance a été établi ; il appartient à l'ensemble des partenaires de se mobiliser. Si les TPE jouent le jeu, l'effort des grands groupes n'est pas à la hauteur.