Il n'y a aucun blocage sur l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » mais une très forte attente dans les territoires travaillant depuis plusieurs années sur ce sujet. Il n'y aura pas de place pour tout le monde : l'expérimentation, sur dix territoires pour 2 000 salariés environ, durera, selon la loi - votée à l'unanimité - cinq ans. L'expérimentation est lancée : le conseil d'administration de l'association gestionnaire du fonds s'est réuni à plusieurs reprises ; le conseil scientifique d'évaluation de l'expérimentation s'est réuni pour la première fois le 14 octobre. Les territoires pouvaient candidater jusqu'au 28 octobre ; les candidatures sont donc closes, plus de 50 territoires se sont montrés intéressés. La liste des territoires retenus sera proposée par le fonds, votée en conseil d'administration le 21 novembre, avant que je signe l'arrêté.
Je pense que les cinq territoires où les projets sont extrêmement avancés seront prioritaires et probablement retenus par le fonds. L'État sera le principal contributeur financier pour amorcer le dispositif : dès cette année, 100 000 euros sont dédiés au fonctionnement de l'association gestionnaire du fonds, un projet de convention avec le fonds a été présenté le 24 octobre dernier, tandis que le projet de loi de finances prévoit un budget de 15 millions d'euros. Il n'y aura pas de retard de l'Etat, conformément à nos engagements et à nos objectifs. Nous attendons un soutien financier de la part des conseils départementaux : l'association gestionnaire regardera ce critère lors de l'examen des candidatures.
Sur les 10 milliards d'euros relevés par la Cour des comptes, 57% relèvent de l'apprentissage : évitons toute confusion. Concentrons-nous plutôt sur les 3,465 milliards consacrés strictement à l'accompagnement des jeunes par le service public de l'emploi et aux contrats aidés. Le rapport de la Cour des comptes de 2011 a une vision budgétaire, sans analyse qualitative des dispositifs 2010-2015, notamment des emplois d'avenir. C'est pourquoi j'ai accéléré la sortie du rapport de la Dares sur les emplois d'avenir. Monsieur Vanlerenberghe, vous présidez une mission locale, vous savez pertinemment que les emplois d'avenir favorisent l'emploi des jeunes.
Selon le rapport de la Cour des comptes de 2011, il faut renforcer le ciblage, la durée des contrats et la formation. Répond-on à cette demande ? Fin juin 2016, 79,6 % des jeunes recrutés en emplois d'avenir n'avaient pas le bac, et 34 % résidaient dans un quartier relevant de la politique de la ville ou dans une zone de revitalisation rurale ; 80 % des bénéficiaires de la garantie jeunes ont un niveau inférieur au bac ; 88 % des jeunes des Epide ont au plus un CAP, 33 % proviennent de quartiers populaires. Cibler ceux qui en ont le plus besoin est déterminant. Quel est leur taux d'emploi ou d'insertion ? Pour la garantie jeunes, il atteint 30 à 40 %. Nous le savons grâce au suivi de cohortes : une cohorte a bénéficié du dispositif, l'autre non. On devrait réaliser de telles évaluations pour la prévention contre la petite délinquance, la lutte contre la récidive ou le travail d'intérêt général. J'avais lancé une telle évaluation à la mairie de Paris.
Ces jeunes doivent accéder à une qualification. Trois quarts des emplois jeunes ont bénéficié durant leur première année d'une formation de 26 jours en moyenne. La moitié d'entre eux ont suivi une formation certifiante, déterminante pour le retour à l'emploi. Chaque mois, lors de visioconférences, je demande aux préfets que davantage de jeunes bénéficient de formation, ou qu'ils se rendent davantage, trois mois avant la sortie du dispositif, devant un conseiller de mission locale. L'évaluation est-elle trop lourde, sert-elle à quelque chose ? Oui, il faut simplifier, et nous allons le faire, comme le propose le rapport du comité scientifique chargé de l'évaluation de la garantie jeunes. Mais comment puis-je disposer d'éléments - autres que budgétaires - si je ne peux savoir ce qui favorise le retour à l'emploi ? Les missions locales doivent faire du reporting. Ainsi, constant que le taux d'insertion des contrats de professionnalisation était important, j'ai réorienté, avec les partenaires sociaux, le plan « 500 000 formations » vers ce dispositif.
L'Igas réfléchit sur le modèle économique des missions locales, et notamment sur les raisons pour lesquelles certaines sont en grande souffrance financière. Est-ce à cause des emplois d'avenir ? Le rapport du comité d'évaluation sur la garantie jeunes, qui sera présenté le 15 novembre, mettra l'accent sur la nécessité de simplifier ce dispositif, malgré la lourde procédure d'obtention de crédits européens. J'ai écrit en ce sens à Marianne Thyssen, commissaire européen, et nous travaillons à des améliorations avec le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique.
La réduction de la subvention de l'État au fonds de solidarité ne remet pas en cause son équilibre financier, ni les prestations de solidarité pour les demandeurs d'emploi. Le projet de loi de finances prévoit de leur affecter l'intégralité du produit de la contribution exceptionnelle de solidarité, contre 85 % actuellement, soit 325 millions d'euros de recettes fiscales supplémentaires propres et dynamiques, ce qui réduit mécaniquement le montant de la subvention d'équilibre de l'Etat, sachant que les dépenses du fonds croissent de 57 millions d'euros.
Je vous remercie pour le travail de votre commission d'enquête. La publication mensuelle des chiffres du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) - seuls chiffres autorisant des comparaisons internationales - est déjà réalisée par Eurostat. Mais leurs chiffres ont une fiabilité incertaine, car ils mélangent des enquêtes trimestrielles - exemple de l'enquête Emploi de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et des données administratives de pays où les définitions diffèrent. Vouloir associer de tels chiffres peut prêter à confusion. L'enquête Insee coûte 20 millions d'euros. La rendre mensuelle coûterait 40 millions d'euros en plus. Qui financerait ? Seuls deux pays européens ont des données mensuelles. Je préfère observer les tendances - la Dares suggère trois mois. Je suis en revanche favorable à votre proposition d'organiser annuellement des Assises de l'emploi : elles sont nécessaires.
L'apprentissage concilie les impératifs liés à la formation avec les règles du temps de travail des jeunes en entreprise, ce qui complexifie la réglementation des congés payés. Fluidifions les choses. L'ouverture des titres professionnels du ministère laissera de la souplesse aux jeunes. Depuis un an, 50 jeunes apprentis expérimentent la mobilité franco-allemande, au sein des mêmes entreprises côté allemand et côté français - malgré des cycles de formation et des rémunérations différents. Cela redonne ainsi corps à l'Europe sociale et à l'identité européenne. Erasmus a une très forte identité : construisons un Erasmus des apprentis beaucoup plus important qu'aujourd'hui !
Avant des accords transfrontaliers, obtenons d'abord des accords de réciprocité. Revoyons la directive de 1996 sur les travailleurs détachés : il n'est pas normal qu'un résident français soit embauché au Luxembourg puis détaché en France ! Arrêtons ces détournements. Nous travaillons avec l'Unédic pour renégocier des accords bilatéraux.
Je partage votre interrogation sur la précarité de l'intérim. Les contrats extrêmement courts coûtent 6,2 milliards d'euros à l'Unédic. Cela concerne l'inspection du travail. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi a permis de développer le CDI intérimaire - mais insuffisamment - car le CDI constitue le Graal pour obtenir un logement ou des prêts. Il ne faut pas taxer mais développer un système de bonus-malus : le cumul contrats courts - chômage est devenu le modèle économique de certaines branches professionnelles, même si elles doivent payer des indemnités de précarité. J'ajoute que le CDD d'usage connaît de nombreux dysfonctionnements.
S'agissant des chiffres du chômage, il n'y a pas de manipulation des statistiques. Je recevais 200 courriers par mois de demandeurs d'emploi désespérés que leur formation ne soit pas financée par Pôle Emploi : le plan « 500 000 » formations répond à cet enjeu. Certes, pour 11 % des bénéficiaires de ces formations, il y a un problème d'adéquation - une photographe peut se voir proposer un emploi de laveur de vitres...On ne peut pas toujours tomber juste, mais Pôle Emploi, Cap emploi et les missions locales veulent bien faire.
S'y retrouve-t-on en création nette d'emplois ? Telle est ma seule préoccupation. Après plusieurs années de destruction d'emplois, nous sommes à cinq trimestres consécutifs de création nette d'emplois : plus 185 000 emplois. Chance pour notre pays mais défi économique, nous avons 700 000 départs à la retraite contre 850 000 entrants sur le marché du travail, contre 700 000 départs et 400 000 entrées en Allemagne, avant l'accueil des migrants. Le défi d'entrée dans l'emploi des jeunes est quotidien. Même si le nombre de NEET a diminué de 150 000 à 110 000, ce chiffre demeure trop élevé. Les créations sont majoritairement portées par le secteur tertiaire hors intérim mais la création d'emploi stagne depuis deux trimestres dans l'intérim. Lorsque l'intérim repart, l'emploi repart ensuite.
Selon votre commission d'enquête, 500 000 personnes de catégorie C travaillent à temps plein mais recherchent un emploi : cette catégorie n'a donc pas beaucoup de sens. Aujourd'hui, des emplois de qualité sont créés grâce à nos dispositifs, avec 60 % d'aide pour les CDI dans le cadre de l'aide à l'embauche dans les PME. Améliorons la qualité de l'emploi et développons l'emploi durable.
Certes, le licenciement économique est une mesure anxiogène, mais les petites entreprises ont davantage recours à la rupture conventionnelle ou à des contrats très courts. Mon rôle est aussi de protéger les salariés - ce que ne fait pas la rupture conventionnelle. Le licenciement économique, grâce au contrat de sécurisation professionnelle et au maintien de 92 % du salaire la première année, selon la taille de l'entreprise, protège mieux le salarié. Les petites entreprises utilisent rarement le licenciement économique alors qu'elles en ont le droit. Regardons la réalité en face. Ce qui protège le mieux, c'est de conserver un emploi mais aussi la qualité de l'emploi et du recrutement, d'où la pertinence de la réflexion sur les bonus-malus sur les contrats courts - y compris parmi les organisations patronales.
L'encadrement des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse a fait l'objet d'un compromis avec les organisations syndicales dites réformistes. Le barème est indicatif, il est actuellement en cours de concertation, pour une meilleure égalité entre salariés et pour plus de visibilité. Un salarié avec un meilleur salaire reçoit plus de dommages et intérêts en raison de son niveau de rémunération mais il n'est pas normal qu'il touche plus de mois de salaires qu'un autre moins bien payé. La loi Travail repose sur un compromis et un équilibre entre des droits nouveaux et la sécurisation des employeurs.