Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Réunion du 29 janvier 2008 à 16h15
Titre xv de la constitution — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État :

...comme l'avait justement anticipé l'un de mes prédécesseurs ici présent dès 1976.

Comment faire vivre ce projet alors que la présidence du Conseil tourne toutes les vingt-six semaines et que, dans nombre de domaines, un seul État peut bloquer les décisions ? L'addition des volontés ne fonctionne pas, parce que la règle de l'unanimité entrave la prise de décision.

Comment faire partager un tel projet lorsque, au-delà de ces blocages, le fonctionnement de l'Union n'est pas assez démocratique : les citoyens ne sont pas associés, le Parlement européen n'a que des pouvoirs limités, les Parlements nationaux ne jouent qu'un rôle trop modeste et la démographie est mal prise en compte ?

Il est donc urgent de changer ce cadre si nous voulons une Europe vivante, active, influente et, surtout, capable de remplir les missions qui lui sont confiées.

La première des missions de l'Union, la promotion de la paix, ne peut être réalisée sans que les États se donnent clairement pour objectif la prévention des conflits et sans qu'ils s'engagent ensemble à développer leurs capacités de défense.

L'autre mission essentielle de l'Union européenne est de relever les défis globaux du xxie siècle pour mieux défendre ses citoyens et leurs intérêts.

Ces intérêts et ces défis, quels sont-ils dans un proche avenir ?

Ce sont la gestion des migrations, le changement climatique, la nouvelle donne énergétique, la solidarité face aux grandes catastrophes et, bien sûr, la lutte contre le terrorisme.

Dans ces domaines, ce que les Européens ne feront pas ensemble, personne ne le fera pour eux et dans leur intérêt. Et il est urgent d'agir, urgent pour l'Europe de donner l'exemple. Il est donc impératif de disposer de moyens juridiques nouveaux.

Le traité de Lisbonne dote l'Union de ces moyens, par l'extension de la majorité qualifiée, la création d'une présidence stable du Conseil, la mise en place d'un Haut représentant et d'un service européen d'action extérieure, l'établissement d'une coopération structurée en matière de défense et la reconnaissance de nouvelles bases juridiques pour l'énergie et la lutte contre le changement climatique. C'est une véritable clarification institutionnelle, comme l'a rappelé M. le Premier ministre.

Mais il apporte également une réponse aux préoccupations soulevées par nos concitoyens. Il promeut des valeurs nouvelles, plus solidaires. L'Europe a pour objectif de protéger les citoyens dans la mondialisation. En revanche, la « concurrence libre et non faussée » ne figure plus parmi les finalités de l'action européenne.

La France pourra garantir l'accès aux services publics sur tout notre territoire à un prix abordable sans se heurter aux règles de concurrence ou du marché intérieur.

La représentation nationale pourra se prononcer sur les projets européens et veiller au respect des compétences entre les États et l'Union européenne à travers le contrôle de la subsidiarité.

Pour la première fois, les Parlements nationaux contribueront à la prise de décision européenne et seront les gardiens de la répartition des compétences entre l'Union et les États membres. Ce traité est donc plus démocratique, comme l'a souligné M. le Premier ministre.

Ce traité est donc le premier à avoir été signé par les vingt-sept États membres, le premier à avoir fait l'objet d'un accord en dépassant les clivages anciens, entre États plus ou moins peuplés, entre nouveaux et anciens États membres, entre pays ayant dit « oui » et pays ayant dit « non », et ce grâce à l'initiative du Président de la République et au travail remarquable des présidences allemande et portugaise.

Par ailleurs, compte tenu de l'abandon de la démarche constitutionnelle, ce traité sera ratifié par la voie parlementaire dans vingt-six États membres, et notamment les Pays-Bas. La seule exception est l'Irlande, dont la constitution ne permet pas d'emprunter cette voie pour approuver un traité européen.

L'engagement de la France dans une procédure de ratification parlementaire était fondamental pour nos partenaires, car il a donné enfin de la crédibilité à la perspective d'un autre traité pour l'Europe et a permis d'en définir le contenu en tenant compte des propositions françaises.

Le traité ne résume bien entendu pas le projet européen. C'est clair. Mais il crée une dynamique nouvelle, et c'est sa principale vertu.

Déjà, la Hongrie a ratifié le traité, et près d'une vingtaine d'États membres s'apprêtent à le faire dès le premier semestre de l'année 2008. Il est symbolique que les premières ratifications soient venues d'anciens pays du bloc de l'Est et de ceux qui ont cru que leur liberté se trouvait au sein de l'Union européenne.

Déjà, le Danemark manifeste son souhait d'entrer de plain-pied dans la construction européenne et d'abandonner ses protocoles, qui le placent à la marge de certaines politiques de l'Union.

Pour notre part, nous aborderons notre présidence le 1er juillet prochain avec une dynamique nouvelle, avec un bon traité, qui pose les jalons sur la voie d'une Union européenne plus démocratique, plus forte et tournée vers l'avenir.

Enfin, comme M. le Premier ministre l'a souligné, ce traité nous permet aussi de clore un débat institutionnel qui n'avait pas été résolu depuis les années quatre-vingt-dix et de nous consacrer à l'essentiel, ...

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