Intervention de Hubert Haenel

Réunion du 29 janvier 2008 à 16h15
Titre xv de la constitution — Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Hubert HaenelHubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne :

Venons-en au projet de révision constitutionnelle qui nous est soumis.

La décision de non-conformité qui a été rendue par le Conseil constitutionnel est dans la lignée de ses précédentes décisions sur le même sujet.

Quel est le raisonnement du Conseil ? Le traité de Lisbonne transfère de nouvelles compétences à l'Union, essentiellement en matière de justice et d'affaires intérieures ; il change les modalités d'exercice de certaines des compétences transférées, en étendant à de nombreux domaines la procédure où le Conseil décide à la majorité qualifiée en codécision avec le Parlement européen ; il contient également des clauses particulières permettant de modifier certaines règles sans passer par la procédure de révision ordinaire. Ainsi, comme le souligne le Conseil constitutionnel, le nouveau traité affecte « les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » et appelle donc une révision constitutionnelle.

Nous sommes là dans une parfaite continuité avec les cinq précédentes décisions concernant la révision des traités européens.

De même, le projet de loi constitutionnelle s'en tient, comme ses prédécesseurs, à la révision strictement nécessaire pour permettre l'approbation du traité précis sur lequel le Conseil constitutionnel a été consulté.

Comme l'a rappelé le doyen Gélard, d'autres pays membres procèdent différemment : ils ont inséré dans leur Constitution une clause européenne de portée générale et n'ont pas, de ce fait, à réviser leur Constitution aussi souvent que nous.

Faudrait-il s'inspirer de cet exemple ? Je ne le crois pas. Bien sûr, notre procédure est plus compliquée, forcément plus lente. C'eût été un beau symbole que la France soit la première à ratifier le traité de Lisbonne, mais notre procédure comportait trop d'étapes pour que ce soit possible. Nous serons donc le deuxième pays à le faire.

Mais là n'est pas l'essentiel. En visant à chaque fois les transferts de compétences tels qu'ils sont organisés par un traité précis, nous nous obligeons à examiner dans toutes ses conséquences chaque étape de la construction européenne. Nous prenons la pleine mesure des enjeux sans éluder aucune question de droit. En outre, nous nous prononçons selon la procédure parlementaire la plus exigeante, impliquant l'accord des deux assemblées et la majorité des trois cinquièmes du Congrès. De cette manière, on ne peut nous reprocher de faire avancer l'Europe en tapinois !

On aurait également pu concevoir que le projet de révision soit l'occasion de prendre en compte les propositions de la commission Balladur concernant le titre XV de la Constitution. Mais le risque aurait été grand que le débat se focalise sur l'obligation de référendum pour toute nouvelle adhésion, avec le risque d'introduire une confusion dans l'opinion, car le traité de Lisbonne n'a rien à voir avec la question des élargissements futurs. Il me semble donc que l'approche retenue pour le projet de révision constitutionnelle doit être approuvée.

Cependant, une conséquence de cette approche est que le jugement porté sur le projet de révision dépend avant tout, qu'on le veuille ou non, du jugement porté sur le traité. Comme la révision ne sert qu'à permettre la ratification d'un traité bien précis, c'est en fonction de ce traité que chacun de nous va se prononcer en réalité. Pourtant, nous devons essayer de ne pas anticiper sur l'examen du traité lui-même. Une chose après l'autre...

Je voudrais donc seulement rappeler que ce texte trouve en grande partie sa source dans la Convention sur l'avenir de l'Europe où le Sénat était représenté par Robert Badinter et moi-même. Je constate d'ailleurs que l'on y retrouve un certain nombre des préoccupations que nous avons essayé, avec d'autres, de faire valoir au fil des ans.

Je citerai d'abord les droits fondamentaux.

Nous souhaitions que les principes reconnus par la Charte des droits fondamentaux soient inscrits dans le droit primaire de l'Union. C'était ce que prévoyait le traité constitutionnel. Sous une autre forme, le traité de Lisbonne parvient au même résultat. En particulier, de nombreux droits sociaux seront ainsi reconnus par l'Union : le droit à l'éducation, le droit à l'information et à la consultation des travailleurs au sein de l'entreprise, la protection en cas de licenciement injustifié... Ces droits seront garantis par les juges nationaux et européens. Par ce biais, nous verrons progresser l'harmonisation sociale en Europe, qui est si souhaitable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion