Dans le même ordre d'idées, la Charte des droits fondamentaux ne figure plus dans le corps même du nouveau traité et, comme le faisait remarquer tout à l'heure le président Hubert Haenel, si tout cela change peu juridiquement, cela change beaucoup politiquement.
La Constitution européenne était considérée, selon les cas, comme un point d'arrivée pour les « euroréalistes », ou comme un point de départ pour les plus fédéralistes. Le traité de Lisbonne clôt le débat institutionnel pour longtemps.
Ce nouveau traité comporte de nombreuses garanties afin que l'Union européenne ne s'écarte pas de sa mission. L'Union européenne dispose, en effet, de compétences d'attribution qui doivent être exercées de manière stricte. Elle n'a pas la compétence de sa compétence, comme le terme « constitution » pouvait, à tort, le faire croire.
Par ailleurs, le principe de subsidiarité est réaffirmé, l'Union n'est légitime pour intervenir que pour autant qu'elle est mieux à même d'agir que les États membres.
Bien entendu, les mécanismes prévus par le traité constitutionnel pour mieux contrôler l'exercice des compétences de l'Union européenne ont été maintenus.
Je pense à la procédure dite du « carton jaune », qui permet aux parlements nationaux de demander à la Commission européenne de revoir un projet qu'ils jugent contraire à la subsidiarité, et à la procédure dite du « carton rouge », qui leur permet de saisir la Cour de justice après l'adoption d'un texte.
Non seulement le traité de Lisbonne conserve ces avancées, mais il les complète par une troisième procédure dite du « carton orange », qui permet à une majorité de parlements nationaux d'obtenir - et c'est important - l'interruption de la discussion sur un texte au nom du respect du principe de subsidiarité.
En instaurant ainsi cette véritable « question préalable » à l'encontre d'un texte qui outrepasserait les compétences de la Commission européenne, le traité de Lisbonne renforce le contrôle politique - et donc démocratique - de la construction européenne.
Pour le Sénat, le traité de Lisbonne constitue une exceptionnelle avancée.
Jusqu'à présent, en vertu de l'article 88-4 de la Constitution, le Sénat était, comme l'Assemblée nationale, destinataire des projets ou propositions d'actes comportant des dispositions de nature législative. Le Gouvernement, qui pouvait lui soumettre d'autres textes, aura d'autres possibilités, et le Sénat aura également d'autres opportunités. Les pouvoirs du Sénat étaient limités, jusqu'à ce jour, puisqu'il ne pouvait adopter que des résolutions.
Avec le traité de Lisbonne et les modifications qu'il nous est proposé d'apporter à la Constitution, les attributions du Sénat se trouvent substantiellement renforcées.
Le nouvel article 88-6 prévoit que le Sénat peut « émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité », c'est-à-dire sur un projet qui nous paraîtrait en dissonance avec le principe de subsidiarité.
Par ailleurs, le Sénat pourra « former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité ».
Enfin, concernant la procédure de révision simplifiée, le nouvel article 88-7 de la Constitution prévoit qu'il appartiendra à l'Assemblée nationale et au Sénat d'adopter, le cas échéant, une motion en termes identiques pour s'opposer à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne au titre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération civile.
Mes chers collègues, vous le voyez, le traité de Lisbonne est une avancée en matière de renforcement des garanties démocratiques.
Il en est de même de la question de l'élargissement de l'Union, qui a constitué un autre motif d'inquiétude. Là encore, le traité de Lisbonne apporte des améliorations notables, puisqu'il introduit une référence aux fameux critères d'adhésion adoptés en 1993.
À cet égard, le groupe UMP, et le doyen Gélard l'a dit, ne peut que saluer le choix du Gouvernement de ne pas ouvrir, à l'occasion de cette révision constitutionnelle, des débats sans rapport avec le traité, à l'image de l'avenir du débat sur l'article 88-5 relatif aux conditions d'approbation des futures adhésions à l'Union.
C'est là une marque de sagesse, comme l'a dit M. Patrice Gélard, le rapporteur de la commission des lois. Qu'il me permette d'exprimer mon avis : gardons l'arme référendaire tant qu'avec la Turquie on n'aura pas substitué un projet de partenariat privilégié à l'actuel processus d'adhésion.