Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a trois ans, le Parlement adoptait un projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, en vue de permettre la ratification du traité établissant une constitution pour l'Europe.
Cette loi est restée lettre morte après la victoire du « non » au référendum. Elle disparaît aujourd'hui avec le nouveau projet de loi constitutionnelle soumis à notre approbation, qui modifie de nouveau le titre XV de la Constitution.
Pour la clarté du débat, ce projet appelle des considérations distinctes relatives au traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 et à son contenu, à la décision rendue le 20 décembre 2007 par le Conseil constitutionnel et à la procédure de ratification de ce traité par la voie parlementaire, retenue par le Président de la République.
Le traité de Lisbonne simplifie, dans la mesure du possible, et améliore, par rapport au droit antérieur - c'est-à-dire par rapport au traité de Nice -, les règles de fonctionnement de l'Union européenne, afin de les adapter à la situation nouvelle qui résulte, notamment, de l'élargissement de l'Union à vingt-sept membres.
Il procède ainsi à une nouvelle pondération des droits de vote des États membres, plus proche des réalités démographiques ; il permet, dans certains domaines, la substitution progressive d'une règle majoritaire à la règle de l'unanimité ; il dote l'Union d'un président du Conseil durable et d'un Haut représentant unique pour les affaires étrangères ; il renforce les coopérations entre États membres dans les domaines de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme, des contrôles aux frontières ainsi que dans le domaine judiciaire, notamment en matière pénale ; il s'efforce également de rendre le fonctionnement de l'Union européenne plus démocratique, en associant davantage le Parlement européen et les parlements nationaux au processus d'adoption ou au contrôle des actes européens, en particulier au regard du principe de subsidiarité.
À ces différents égards, après l'échec du traité constitutionnel du 29 octobre 2004, désormais caduc, le traité de Lisbonne apparaît comme une chance à saisir pour les vingt-sept États membres qui l'ont signé et il mérite d'être ratifié.
Deuxième considération : la décision du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 2007 doit être rappelée. Par cette décision, le Conseil constitutionnel a estimé que l'autorisation de ratifier le traité de Lisbonne nécessitait, au préalable, une révision constitutionnelle. Bien entendu, cette décision n'a pas pour conséquence une obligation absolue de révision constitutionnelle. La révision n'est un préalable nécessaire que si, comme nous le pensons, l'approbation de ce traité apparaît souhaitable.
Cette approbation appelle une révision pour deux séries de raisons.
D'une part, le traité de Lisbonne transfère des compétences affectant les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale dans des matières nouvelles - par exemple, dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile ou pénale - ou encore, il modifie les modalités d'exercice de compétences déjà transférées dans des conditions affectant la souveraineté nationale - par exemple, en attribuant un nouveau pouvoir de décision au Parlement européen ou en substituant, dans certaines conditions, une règle de majorité qualifiée à la règle de l'unanimité au sein du Conseil européen.
D'autre part, et c'est plus rare, le traité reconnaît aux Parlements nationaux des prérogatives qu'aucune disposition constitutionnelle ne leur attribue jusqu'à présent. La révision doit, pour ainsi dire, combler un vide en donnant au Parlement ce pouvoir. Il en va ainsi des stipulations permettant au Parlement d'intervenir, fût-ce par un avis, pour veiller à limiter les interventions de l'Union européenne lorsque les objectifs qu'elle poursuit pourraient être atteints par les États membres.
Pour ce qui concerne l'essentiel, les transferts de compétences, la Constitution ne comporte pas, comme vous le savez, de clause générale autorisant une fois pour toutes les transferts de compétences opérés au bénéfice de l'Union européenne - nous y sommes, monsieur le doyen Gélard !
L'adoption d'une telle clause - que le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par M. Édouard Balladur, n'a d'ailleurs pas recommandée - ouvrirait un débat inutile et incertain à nos yeux.
Notre procédure d'approbation des traités européens, qui fait intervenir périodiquement le pouvoir constituant, peut apparaître à certains égards excessivement complexe, mais elle constitue une garantie protectrice de la souveraineté nationale.
Il est par conséquent inévitable que le pouvoir constituant, déjà appelé à plusieurs reprises à tirer les conséquences de la construction européenne, notamment en 2005, dans le cadre du traité constitutionnel, soit conduit à modifier à plusieurs reprises les mêmes dispositions. C'est notamment ce qui explique que le Sénat soit invité aujourd'hui, au travers de la rédaction présentée dans le projet de loi en discussion pour l'article 88-2 de la Constitution, à s'y reprendre à deux fois s'agissant des règles applicables au mandat d'arrêt européen, domaine dans lequel, le Gouvernement en conviendra, la nécessité de la révision ne s'imposait pas d'évidence.
Enfin, une troisième considération tient à l'intention, manifestée clairement et de longue date par le Président de la République, de soumettre à la représentation nationale plutôt qu'au référendum le projet de loi autorisant la ratification du traité dit simplifié.
Cette considération ne peut toutefois nous arrêter, à condition du moins de ne pas confondre la procédure de ratification du traité et la révision constitutionnelle qui en est le préalable.
En réalité, le refus du peuple souverain d'approuver, lors du référendum du 29 mai 2005, le traité constitutionnel du 19 octobre 2004 n'implique en rien que le projet de révision constitutionnelle soit soumis au référendum. Rappelons, à cet égard, que la révision constitutionnelle du 1er mars 2005, intervenue en vue de l'approbation de la constitution européenne, a été adoptée par le Congrès.