Je salue l’intention des auteurs de l’amendement n° 79 rectifié, qui rejoint l’objectif Gouvernement d’abroger le régime des cercles de jeux et d’expérimenter à Paris un nouveau type d’établissements de jeux.
Je souligne que la commission des affaires européennes, sous votre autorité, monsieur Bizet, a publié il y a plusieurs mois une étude de grande qualité sur l’organisation et l’exploitation des jeux dans l’Union européenne, laquelle montrait déjà les failles du régime des cercles et la nécessité d’y mettre fin et de trouver d’autres solutions.
Cependant, monsieur le sénateur, la rédaction de votre amendement nous semble poser quelques difficultés qui empêchent le Gouvernement d’émettre un avis favorable.
En effet, les dispositions qu’il contient ne permettent pas de satisfaire à l’ensemble des impératifs législatifs d’ordre public régissant les établissements de jeux. Par exemple, il est nécessaire de prévoir l’application de certains principes en matière d’établissement de jeux : dérogation au principe général de prohibition des jeux d’argent et d’utilisation de matériel de jeux, délivrance d’une autorisation temporaire d’exploiter les jeux, agrément des personnels de jeux, application du code monétaire et financier en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux.
Or, monsieur le sénateur, toutes ces règles sont de niveau législatif. Un simple décret, ainsi que vous le prévoyez dans votre amendement, ne peut donc suffire à les établir.
En outre, le renforcement du régime de police administrative spéciale applicable aux établissements de jeux et l’élargissement des moyens d’investigation des services d’enquête ne peuvent être réalisés par voie décrétale.
C’est pourquoi, afin de permettre la prise en compte de l’ensemble des mesures législatives nécessaires, il vous est proposé d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance.
Loin de déposséder le Parlement de ses compétences, une telle habilitation vous permettrait, par le biais de la ratification, de constater que le Gouvernement n’a pas travesti votre pensée, mais l’a au contraire suivie. Cette méthode confère, en effet, plus de pouvoir au Parlement que le simple décret prévu dans votre amendement.
La concertation, sur ce sujet sensible, associera les associations d’élus, à la fois de manière informelle et dans le cadre des organismes consultatifs dédiés, le Comité des finances locales, ou CFL, et le Conseil national d’évaluation des normes.
Certaines idées présentes dans votre amendement pourront néanmoins inspirer les travaux, par exemple en ce qui concerne les modes possibles de composition du capital social des futures sociétés commerciales.
Voilà pourquoi, monsieur le sénateur, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement et vous appelle à lui préférer le sien.
Cet amendement n° 122 vise à rétablir l’article 28 du projet de loi que la commission a souhaité supprimer, en s’étonnant que la thématique des jeux d’argent soit incluse dans un texte portant sur le statut de Paris et que le sujet des jeux à Paris soit traité par voie d’ordonnance plutôt que dans le cadre de dispositions législatives.
J’observe, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il s’agit là de remarques de méthode, même si elles sont importantes.
Il n’en reste pas moins que nous devons avant tout traiter d’une question de fond : voulons-nous remettre en cause le statut des cercles de jeux à Paris ?
Depuis de nombreuses années, le constat est fait que ce statut est insatisfaisant et peu propice – je pèse mes mots ! – à la bonne transparence des flux financiers et à un contrôle effectif des pouvoirs publics.
Durant les deux dernières années seulement, la Cour des comptes a rappelé en 2016 l’urgence d’abroger le statut des cercles et le rapport rendu en 2015 par le préfet Jean-Pierre Duport, président de la commission des casinos, a confirmé que le statut associatif des cercles constituait non seulement une source de complexité pour les autorités de contrôle, mais également un vecteur d’opacité.
Renoncer aujourd’hui à rétablir l’article 28, je vous le dis tranquillement, mais avec beaucoup de conviction, c’est prendre la responsabilité d’enterrer la réforme pour un long moment, alors qu’elle est unanimement considérée comme indispensable.
La volonté du Gouvernement n’est pas de remettre en cause le statut des casinos. L’exception parisienne, selon laquelle il n’existe aucun casino dans un rayon de cent kilomètres sauf Enghien, est maintenue.
Les cercles de jeux, qui permettent à des associations d’exploiter à titre accessoire des jeux d’argent et de hasard, et qui, eux, peuvent être autorisés à Paris, sont les seuls concernés. Seuls deux cercles sont encore en activité sur le territoire national et ils sont tous les deux situés à Paris.
Le projet a donc simplement pour but d’expérimenter une nouvelle offre légale de jeux, au-delà des casinos, à Paris seulement, dans le seul objectif de fournir une solution de substitution aux cercles. La suppression sèche de ces derniers laisserait en effet une place au développement du jeu clandestin et au blanchiment d’argent.
Cet amendement répond donc à une nécessité urgente d’ordre public à Paris pour clarifier l’organisation de l’offre de jeux dans la capitale et pour renforcer les principes actuels de la police administrative des jeux. Il est, en outre, indispensable de compléter les techniques d’enquête auxquelles les services de police peuvent recourir pour lutter contre le jeu clandestin.
Pour finir, je veux saluer, je le répète, la pertinence et la qualité des travaux du président Bizet, dont les intentions rejoignent celles du Gouvernement. L’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance est indispensable, empêchant ainsi le Gouvernement d’être favorable à l’amendement qu’il propose, mais certaines de ses idées ont été reprises et inspireront utilement les travaux à venir, en ce qui concerne, par exemple, je l’ai dit, les modes possibles de composition du capital social des futures sociétés.
En résumé, le Gouvernement souhaite conserver son projet initial, dans un objectif – c’est très important ! – de préservation de l’ordre public, de transparence des flux financiers, de lutte contre le blanchiment des capitaux, de lutte contre le jeu clandestin et de maintien de la dérogation parisienne en matière de casinos.
Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je vous demande instamment d’adopter cet amendement du Gouvernement pour que nous puissions remettre de l’ordre dans les cercles de jeux parisiens.