Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 29 janvier 2008 à 22h00
Titre xv de la constitution — Suite de la discussion et adoption conforme d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la relance de la construction européenne est, sans aucun doute, l'une des plus importantes réalisations à mettre au crédit de l'action du Président de la République depuis son élection.

L'engagement historique de la famille politique que je représente en faveur de l'intégration européenne n'est un secret pour personne. Le non français au référendum du 29 mai 2005 nous a meurtris et a conduit l'Europe à une impasse ; le Président de la République, autant par son volontarisme que par son habileté, est parvenu à sortir l'Europe de cette impasse.

À la suite à la dernière élection présidentielle, la famille centriste s'est retrouvée divisée. Ceux qui ont rejoint la majorité présidentielle, parmi lesquels figurent les membres du groupe UC-UDF, ont été confortés dans leur choix par l'action du Président de la République en matière européenne. Je le salue d'autant plus solennellement qu'une mise en perspective montre que nous ne pouvons plus nous permettre d'hésiter et de piétiner. Les grands ensembles mondiaux que sont le Brésil, l'Inde et, plus encore, la Chine, se sont mis en place à une vitesse incroyable.

Rappelez-vous que, lors du débat sur le référendum en 2005, un rapport de la CIA prévoyait que la Chine serait peut-être en 2020-2025 la deuxième puissance économique mondiale. Trois ans plus tard, elle est déjà parvenue à la troisième place. Face à la mise en place à marche forcée de ces grands blocs, l'Europe n'a plus le choix. Sans énergie, sans défense, fragile, sans institutions, elle doit avancer si elle veut continuer de peser sur la scène internationale. Elle pourra le faire grâce au traité de Lisbonne.

Bien sûr, en tant que théologiens de l'Europe, nous regrettons l'abandon des symboles : le drapeau, l'hymne et la devise ont été bannis des textes fondateurs. C'est dommage ! De même, les mots ont un sens. Comment ne pas regretter que les termes de loi et de loi-cadre ne remplacent pas ceux de règlement et directive, trompeurs et inappropriés, notamment au regard de la terminologie juridique française ? La primauté explicite de l'ordre juridique communautaire était, à notre avis, d'autant plus nécessaire que la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne la rend bien réelle.

De même, comment ne pas regretter que la Charte des droits fondamentaux disparaisse de l'acte fondateur pour ne plus y figurer qu'implicitement, par un renvoi ? Laissez ces regrets à nous qui sommes les théologiens de l'Europe.

Mais tout cela est finalement de bien faible poids comparé à toutes les avancées positives.

En faisant seulement preuve de réalisme et de pragmatisme, pragmatisme que les pères fondateurs de l'Europe, Robert Schuman en tête, ont toujours préconisé, nous pourrions dire qu'il faut adopter le traité de Lisbonne parce qu'il permet à l'Europe de repartir et parce qu'il redonne vigueur à un processus de décision.

Mais nous n'adhérons pas au traité de Lisbonne seulement par pragmatisme et par réalisme : nous adhérons parce que ce texte est porteur d'avancées significatives - elles ont déjà été soulignées par d'autres orateurs, mais que je souhaite les rappeler - par rapport aux traités en vigueur et, singulièrement, au traité de Nice. De plus, il fait de l'Union une entité infiniment plus sociale, humaniste et démocratique. Avec ce texte, les objectifs de l'Union deviennent explicitement beaucoup plus sociaux et humanistes qu'ils ne l'étaient auparavant ; je fais allusion, en particulier, à l'ajout au nombre des objectifs de l'Union de « la lutte contre l'exclusion sociale et les discriminations, la justice sociale, la solidarité entre les générations, la protection des droits de l'enfant ».

L'Europe ne peut plus être simplement une pure construction économique : avec le traité de Lisbonne, la vision de l'Europe comme un simple marché économique est dépassée.

Dans le même ordre d'idées, la Charte des droits fondamentaux reçoit enfin une valeur contraignante.

De même, le renforcement substantiel des pouvoirs du Parlement européen démocratise considérablement l'Union européenne. La généralisation de la codécision et l'augmentation des pouvoirs budgétaires du Parlement européen avec la suppression des notions de dépenses obligatoires et non obligatoires sont d'énormes avancées.

Sur le plan institutionnel, je ne peux également que saluer la reconnaissance du Conseil européen et l'élargissement du vote à la majorité qualifiée.

En matière d'affaires extérieures, les deux personnalités qu'étaient le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et le commissaire européen chargé des relations extérieures sont remplacées par un unique Haut représentant qui parlera sur la scène internationale au nom de l'Europe. Rappelez-vous à quel point nous étions ridicules lorsqu'il s'agissait de savoir s'il fallait s'adresser à Mme Ferrero-Waldner ou à M. Solana et qu'au final on estimait qu'il valait mieux que ce soit à Mme Ferrero-Waldner parce qu'elle disposait d'une ligne budgétaire plus importante.

Quant à l'élargissement du rôle de la Cour de justice des communautés européennes, il ne peut être analysé que comme un progrès de l'état de droit européen.

Toujours au chapitre institutionnel, en tant que membre du Sénat, assemblée représentative de nos territoires, je ne peux que réserver une mention spéciale à l'élargissement de la capacité d'action du Comité des régions. Il aura désormais la possibilité de saisir la Cour de justice pour contester la conformité d'un acte au principe de subsidiarité et pour sauvegarder ses propres prérogatives.

Ainsi, les actes fondateurs de l'Union gagneront, grâce au traité de Lisbonne, en démocratie.

L'Union verra ses moyens d'action renforcés dans de nombreux domaines grâce à l'une des principales avancées du traité de Lisbonne - l'Union européenne est dotée de la personnalité juridique - et grâce aux clauses de flexibilité prévues pour l'extension de ses compétences.

Les compétences de l'Union sont aussi approfondies dans des domaines non négligeables. Au nombre de ceux-ci, il en est un qui, comme vous le savez, me tient particulièrement à coeur en tant que membre de la commission des affaires étrangères et du groupe UC-UDF : c'est celui de la défense. Compte tenu du contexte international très incertain, de la fragilité de l'Europe face à sa défense, et de l'inflexion de la politique américaine, le développement d'une défense européenne autonome et digne de ce nom est à nos yeux une priorité plus que jamais urgente. Nous savons que tel est l'objectif du Président de la République.

Or, en matière de défense, le traité de Lisbonne comporte des avancées notables.

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