Séance en hémicycle du 29 janvier 2008 à 22h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Michèle André.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le pouvoir d'achat est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le titre XV de la Constitution.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la relance de la construction européenne est, sans aucun doute, l'une des plus importantes réalisations à mettre au crédit de l'action du Président de la République depuis son élection.

L'engagement historique de la famille politique que je représente en faveur de l'intégration européenne n'est un secret pour personne. Le non français au référendum du 29 mai 2005 nous a meurtris et a conduit l'Europe à une impasse ; le Président de la République, autant par son volontarisme que par son habileté, est parvenu à sortir l'Europe de cette impasse.

À la suite à la dernière élection présidentielle, la famille centriste s'est retrouvée divisée. Ceux qui ont rejoint la majorité présidentielle, parmi lesquels figurent les membres du groupe UC-UDF, ont été confortés dans leur choix par l'action du Président de la République en matière européenne. Je le salue d'autant plus solennellement qu'une mise en perspective montre que nous ne pouvons plus nous permettre d'hésiter et de piétiner. Les grands ensembles mondiaux que sont le Brésil, l'Inde et, plus encore, la Chine, se sont mis en place à une vitesse incroyable.

Rappelez-vous que, lors du débat sur le référendum en 2005, un rapport de la CIA prévoyait que la Chine serait peut-être en 2020-2025 la deuxième puissance économique mondiale. Trois ans plus tard, elle est déjà parvenue à la troisième place. Face à la mise en place à marche forcée de ces grands blocs, l'Europe n'a plus le choix. Sans énergie, sans défense, fragile, sans institutions, elle doit avancer si elle veut continuer de peser sur la scène internationale. Elle pourra le faire grâce au traité de Lisbonne.

Bien sûr, en tant que théologiens de l'Europe, nous regrettons l'abandon des symboles : le drapeau, l'hymne et la devise ont été bannis des textes fondateurs. C'est dommage ! De même, les mots ont un sens. Comment ne pas regretter que les termes de loi et de loi-cadre ne remplacent pas ceux de règlement et directive, trompeurs et inappropriés, notamment au regard de la terminologie juridique française ? La primauté explicite de l'ordre juridique communautaire était, à notre avis, d'autant plus nécessaire que la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne la rend bien réelle.

De même, comment ne pas regretter que la Charte des droits fondamentaux disparaisse de l'acte fondateur pour ne plus y figurer qu'implicitement, par un renvoi ? Laissez ces regrets à nous qui sommes les théologiens de l'Europe.

Mais tout cela est finalement de bien faible poids comparé à toutes les avancées positives.

En faisant seulement preuve de réalisme et de pragmatisme, pragmatisme que les pères fondateurs de l'Europe, Robert Schuman en tête, ont toujours préconisé, nous pourrions dire qu'il faut adopter le traité de Lisbonne parce qu'il permet à l'Europe de repartir et parce qu'il redonne vigueur à un processus de décision.

Mais nous n'adhérons pas au traité de Lisbonne seulement par pragmatisme et par réalisme : nous adhérons parce que ce texte est porteur d'avancées significatives - elles ont déjà été soulignées par d'autres orateurs, mais que je souhaite les rappeler - par rapport aux traités en vigueur et, singulièrement, au traité de Nice. De plus, il fait de l'Union une entité infiniment plus sociale, humaniste et démocratique. Avec ce texte, les objectifs de l'Union deviennent explicitement beaucoup plus sociaux et humanistes qu'ils ne l'étaient auparavant ; je fais allusion, en particulier, à l'ajout au nombre des objectifs de l'Union de « la lutte contre l'exclusion sociale et les discriminations, la justice sociale, la solidarité entre les générations, la protection des droits de l'enfant ».

L'Europe ne peut plus être simplement une pure construction économique : avec le traité de Lisbonne, la vision de l'Europe comme un simple marché économique est dépassée.

Dans le même ordre d'idées, la Charte des droits fondamentaux reçoit enfin une valeur contraignante.

De même, le renforcement substantiel des pouvoirs du Parlement européen démocratise considérablement l'Union européenne. La généralisation de la codécision et l'augmentation des pouvoirs budgétaires du Parlement européen avec la suppression des notions de dépenses obligatoires et non obligatoires sont d'énormes avancées.

Sur le plan institutionnel, je ne peux également que saluer la reconnaissance du Conseil européen et l'élargissement du vote à la majorité qualifiée.

En matière d'affaires extérieures, les deux personnalités qu'étaient le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et le commissaire européen chargé des relations extérieures sont remplacées par un unique Haut représentant qui parlera sur la scène internationale au nom de l'Europe. Rappelez-vous à quel point nous étions ridicules lorsqu'il s'agissait de savoir s'il fallait s'adresser à Mme Ferrero-Waldner ou à M. Solana et qu'au final on estimait qu'il valait mieux que ce soit à Mme Ferrero-Waldner parce qu'elle disposait d'une ligne budgétaire plus importante.

Quant à l'élargissement du rôle de la Cour de justice des communautés européennes, il ne peut être analysé que comme un progrès de l'état de droit européen.

Toujours au chapitre institutionnel, en tant que membre du Sénat, assemblée représentative de nos territoires, je ne peux que réserver une mention spéciale à l'élargissement de la capacité d'action du Comité des régions. Il aura désormais la possibilité de saisir la Cour de justice pour contester la conformité d'un acte au principe de subsidiarité et pour sauvegarder ses propres prérogatives.

Ainsi, les actes fondateurs de l'Union gagneront, grâce au traité de Lisbonne, en démocratie.

L'Union verra ses moyens d'action renforcés dans de nombreux domaines grâce à l'une des principales avancées du traité de Lisbonne - l'Union européenne est dotée de la personnalité juridique - et grâce aux clauses de flexibilité prévues pour l'extension de ses compétences.

Les compétences de l'Union sont aussi approfondies dans des domaines non négligeables. Au nombre de ceux-ci, il en est un qui, comme vous le savez, me tient particulièrement à coeur en tant que membre de la commission des affaires étrangères et du groupe UC-UDF : c'est celui de la défense. Compte tenu du contexte international très incertain, de la fragilité de l'Europe face à sa défense, et de l'inflexion de la politique américaine, le développement d'une défense européenne autonome et digne de ce nom est à nos yeux une priorité plus que jamais urgente. Nous savons que tel est l'objectif du Président de la République.

Or, en matière de défense, le traité de Lisbonne comporte des avancées notables.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

La politique étrangère et de sécurité commune est profondément réformée par la mise en place d'une présidence stable du Conseil européen, par la création du Haut représentant de l'Union et par l'attribution de la personnalité juridique à l'Union.

Le traité prévoit un développement significatif de la politique de sécurité et de défense commune, avec un élargissement des missions, une clause très importante de défense mutuelle, une clause de solidarité antiterroriste, le lancement d'une forme de coopération renforcée sui generis - la « coopération structurée permanente » -, et la création d'une agence d'armement, l'Agence européenne de défense, qui a déjà été mise en place par anticipation. Pour un coût de 40 millions d'euros, je peux vous dire que cette agence est d'une efficacité extraordinaire et qu'elle ne demande qu'à être développée.

Mais ce traité ne comporte pas des avancées positives uniquement au regard des traités en vigueur : il nous paraît meilleur que le texte constitutionnel sur des points non négligeables.

Nous ne pouvons que très vivement saluer la place que ce texte accorde enfin aux représentations nationales. Les parlements auront désormais un vrai rôle à jouer dans la construction communautaire au travers du contrôle de subsidiarité, pour lequel leur sont accordés de véritables moyens d'action.

J'exprimerai tout de même un seul regret concernant spécifiquement le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis ; j'entre un peu dans le débat juridique, monsieur Gélard !

La rédaction proposée pour l'article 88-1 ne rompt pas avec la technique juridique employée lors des révisions constitutionnelles préalables aux ratifications des traités de Maastricht et d'Amsterdam consistant à n'autoriser que les seuls transferts de compétences induits par la ratification desdits traités. Nous aurions préféré, pour éviter la multiplication des révisions constitutionnelles ponctuelles, que soit prévue une clause générale autorisant par avance tous les transferts de souveraineté requis par la construction européenne. Tel n'a pas été le cas. Tant pis ! Espérons que ce sera pour la prochaine fois !

Il reste la critique du choix de la voie parlementaire pour la ratification du traité, critique qui, curieusement, émane très souvent de ceux qui se plaignent de l'affaiblissement du Parlement.

La représentation nationale représente tout le peuple français et parle en son nom. C'est l'essence même de la démocratie. Arrêtons, parlementaires que nous sommes, de douter de nous-mêmes ! Nous sommes la France, et nous prenons des décisions pour les Français qui nous ont mandatés.

Lors de la campagne pour l'élection présidentielle - dernière élection majeure du pays -, Nicolas Sarkozy a toujours dit qu'il procéderait par la voie parlementaire. Les Français l'ont entendu, et l'ont choisi pour cinq ans.

Ainsi, vous l'aurez compris, notre groupe est pleinement favorable au traité de Lisbonne en lui-même, au processus de ratification engagé, et bien sûr à la modification du titre XV de la Constitution, objet de ce débat, même si l'importance du sujet nous a obligés à dépasser les arguments essentiellement juridiques pour redonner vie à la politique européenne.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle est la première étape de la ratification du traité de Lisbonne et nous pouvons difficilement séparer les deux étapes.

La question de principe essentielle qui se pose, au-delà même du contenu juridique du traité, c'est celle du choix du Congrès plutôt que celle du référendum, après le rejet massif par les Français du traité établissant une Constitution pour l'Europe le 29 mai 2005.

Or il est clair, et plus encore sous la Ve République, qu'une décision référendaire est d'essence supérieure à une décision parlementaire, parce qu'il s'agit de l'expression la plus directe de la volonté générale.

C'est d'ailleurs en partant de ce postulat que, pendant la campagne présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy envisageait le recours à la procédure parlementaire uniquement pour un traité qui serait, comme il l'avait alors écrit et déclaré, substantiellement différent sur deux points essentiels : il devait s'agir d'un texte simple - mini-traité ou traité simplifié - ne reprenant que les dispositions n'ayant pas suscité de désaccord majeur durant la campagne référendaire, donc d'une sorte de compromis ou de synthèse entre le oui et le non.

Cette position était juridiquement fondée et politiquement légitime. C'est donc à l'aune de ces deux critères qu'il faut examiner le traité de Lisbonne.

En premier lieu, s'agit-il d'un traité simplifié ?

Tout d'abord, jamais l'élaboration d'un traité ne s'est faite avec aussi peu de transparence. Il n'a été organisé aucune consultation des parlements nationaux, dont aucun des représentants n'aura été associé aux travaux de la présidence allemande.

Ensuite, il faut avoir une bonne dose d'humour pour prétendre qu'avec plus de 250 pages il s'agirait d'un traité simplifié. Ce texte est encore moins lisible que le projet constitutionnel qu'on a éclaté en mille morceaux pour les disperser et les loger dans les traités existants, lesquels, du coup, changent profondément de nature pour pourvoir avaler, digérer et intégrer la première et la troisième partie du projet constitutionnel.

Ce n'est plus un mini-traité, c'est un maxi-traité. Ce n'est pas non plus un traité simplifié, c'est un traité complexifié, et qui malmène au passage un principe essentiel, celui de la sécurité juridique : les normes édictées doivent être claires et intelligibles.

En second lieu, le traité de Lisbonne permet-il de réconcilier le oui et le non ? Bien sûr que non ! Du reste, avez-vous entendu beaucoup de partisans du non, de droite comme de gauche, affirmer qu'ils se retrouvaient dans ce texte ? Cela n'a rien d'étonnant. Ainsi, le groupe Open Europe a réalisé un minutieux travail d'analyse qui révèle que seules dix dispositions diffèrent sur le fond des deux cent cinquante propositions du traité constitutionnel.

Surtout, les points de désaccord entre le oui et le non subsistent toujours. Je n'en citerai que quatre.

Le principe de primauté du droit européen, y compris sur la Constitution, n'est pas inscrit dans le corps du traité, mais la déclaration n° 27 consacre définitivement la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes : aucun doute ne subsiste !

Le principe de concurrence libre et non-faussée n'est plus un objectif de l'Union européenne, mais il est réaffirmé dans le protocole n° 6, qui a la même portée en droit que le traité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La Charte des droits fondamentaux, qui ouvre grand la porte à tous les communautarismes - lesquels s'y engouffreront rapidement -, fait certes l'objet d'une déclaration séparée, mais l'article 6 du traité sur l'Union européenne, dans sa nouvelle rédaction, fait le lien en lui conférant « la même valeur juridique que le traité ». Du reste, en matière de champ d'application au droit de l'Union européenne ou au droit national, c'est encore le juge européen qui fera ce que bon lui semblera : le Conseil constitutionnel, à n'en pas douter, s'inclinera.

Enfin, les transferts de compétences sont plus nombreux que la Constitution ne le prévoyait, dans des domaines régaliens comme la justice ou l'immigration. Ce n'est donc pas une Europe subsidiaire que l'on construit ; c'est une Europe concentrée sur des sujets où les États seuls seraient impuissants et où l'Europe serait nécessaire. C'est donc une Europe qui va se mêler de tout.

Mes chers collègues, que pèse la nouvelle procédure de contrôle de subsidiarité dont on parle tant dans cette enceinte face à ces transferts massifs de compétences, qui, bientôt, échapperont à la souveraineté du Parlement ?

En réalité, le traité de Lisbonne ne peut pas être une synthèse entre le oui et le non dans la mesure où c'est bien la défunte Constitution que l'on ressuscite. Vous le savez et d'autres, d'ailleurs, ne s'en cachent pas, d'Angela Merkel à José Luis Zapatero, en passant par Jean-Claude Juncker ou même Valéry Giscard d'Estaing qui, bon connaisseur de l'ancien traité constitutionnel, déclare : « Le texte des articles du traité constitutionnel est donc à peu près inchangé [...]. On est évidemment loin de la simplification. [...] Quel est l'intérêt de cette subtile manoeuvre ? D'abord et avant tout d'échapper à la contrainte du recours au référendum... ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce n'est ni un dangereux gauchiste ni un dangereux souverainiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Sa position est beaucoup plus nuancée que vous le dîtes, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il l'a dit !

Voilà qui n'est pas de nature à renforcer la confiance des Français dans leurs institutions, ni dans l'Europe telle que vous la faites, sans les peuples. Si je comprends bien, vous estimez que, pour que cette Europe progresse, il faut tenir le peuple à l'écart. C'est une bien curieuse conception de la démocratie !

Finalement, ce fameux déficit démocratique qu'il est toujours de bon ton de déplorer n'est ni un hasard ni un simple dysfonctionnement ; il est même une condition de cette construction particulière. Jacques Delors, à Strasbourg, en 1999, reconnaissait d'ailleurs avec clairvoyance et avec un certain courage que l'Europe s'était constituée sous l'égide d'un « despotisme doux et éclairé », moderne en somme !

Non, le traité de Lisbonne n'est certainement pas une simple étape intermédiaire. Il constitue une étape décisive dans la mise en place d'une quasi-structure étatique fédérale, dotée de la personnalité juridique, qui acquiert au fil des traités la faculté de déterminer son propre champ d'intervention, c'est-à-dire ce que l'on appelle la compétence de la compétence, grâce à la clause de flexibilité inscrite à l'article 308, aux clauses passerelles, et surtout grâce aux juges de la Cour de justice des Communautés européennes. Combinée avec la règle de la décision à la majorité et celle de la primauté du droit européen, c'est elle qui donne sa pleine-puissance constitutionnelle et fédérale au traité.

L'option fédérale est une opinion parfaitement respectable. Encore faut-il l'assumer devant le peuple et le dire tout haut, au lieu de s'en cacher.

Mes chers collègues, j'ai la conviction que vous prenez un risque majeur, celui d'une perte du sens civique, du sens collectif, au moment même où l'individu et ses intérêts prennent trop souvent la place du citoyen et de ses idéaux, comme l'a écrit Dominique Schnapper dans un très bon livre. Il faut en effet du temps, beaucoup de temps, pour créer une unité politique et pour que chacun accepte de dépasser sa singularité dans une longue chaîne de solidarité qui nous permet de vivre ensemble. D'ailleurs, ce n'est sans doute pas un hasard que le non soit venu des Français, peuple éminemment politique s'il en est, c'est-à-dire de la France qui est la nation qui jouit de la plus ancienne conscience d'elle-même.

L'Europe peut-elle devenir une nation, une véritable unité politique ? À vingt-sept États membres et plus, rien n'est moins sûr ! Il faudra beaucoup plus que cette construction juridique pour créer un véritable sentiment d'appartenance, qui est la véritable condition d'une démocratie européenne.

Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes amenés aujourd'hui à nous prononcer sur le projet de loi constitutionnelle permettant la ratification du traité de Lisbonne. Le vote qui conclura ce débat devrait, à mon sens, être le seul incombant aux parlementaires sur cette question.

Il est normal que le Parlement se prononce sur les aspects techniques d'une modification de la Constitution. Néanmoins, la dévolution au peuple du choix de modifier la Constitution et de ratifier le traité de Lisbonne doit être considérée comme un impératif.

En effet, aucune raison valable ne s'oppose à ce que le peuple se prononce directement sur ces deux questions distinctes. Souhaitez-vous une modification de la Constitution ? Souhaitez-vous ratifier le traité de Lisbonne ? Les Verts pensent que ces deux points auraient dû faire l'objet d'un référendum.

Comme l'a souligné M. le rapporteur, nous sommes ici pour traiter de la première question relative à la modification constitutionnelle, nécessaire pour la ratification du traité européen modifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Aussi ne parlerai-je que de cette problématique, sans entrer dans le contenu du traité de Lisbonne, même s'il y aurait beaucoup à dire sur celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Concernant la révision de la Constitution, l'article 89 précise que le recours au référendum est le principe et la réunion du Congrès l'exception.

Ce préalable n'est pas une faveur donnée au peuple : il est un droit constitutionnellement garanti. Malheureusement pour le peuple français, le Président de la République est sur le point de spolier ce droit.

Tout constitutionnaliste nous le confirme : le droit d'option du Président de la République n'est pas discrétionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

La révision de la Constitution est un acte grave. Lorsqu'elle a pour effet d'entamer les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté, de transfert de la souveraineté, il revient au peuple de décider ce qu'il consent comme concession et ce qu'il considère comme le noyau intangible de la Constitution.

De la même manière, tout projet de loi ayant pour effet de porter atteinte aux conditions primordiales d'exercice de la souveraineté devrait faire l'objet d'une ratification par le peuple.

L'article 3 de la Constitution le prévoit dans son premier alinéa : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Il est bien précisé « et », et non pas « ou » !

Dans cet article, la théorie de la souveraineté nationale, chère à Sieyès, côtoie celle de la souveraineté populaire, chère à Rousseau. La première confère au Parlement le droit d'exercer la souveraineté, la seconde attribue au peuple le soin de l'exercer directement, par la voie du référendum.

Il fut une époque, sous la Ve République et particulièrement en 1969, où le référendum avait un sens : à lui seul, il pouvait défaire le pouvoir.

Comprenez bien, chers collègues, que le peuple ne veut pas légiférer. Il souhaite seulement pouvoir s'exprimer sur des questions touchant à l'essence de la souveraineté.

En 2005, la révision de la Constitution a été votée dans la perspective de la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Or, quelques mois après, les Français ont décidé par référendum de refuser ce texte. Pourtant, la Constitution avait été révisée par le Congrès, mais la coquille est restée vide en raison du non qui l'avait emporté.

Beaucoup avaient cru que le peuple suivrait. Il ne l'a pas fait ! Est-ce un désaveu ? Je ne le pense pas : il s'agit de la marche normale de la démocratie.

En votant contre le projet de traité européen, pour les besoins duquel la majorité parlementaire avait modifié la Constitution, le peuple nous a donné un signal : ce que la majorité exprime au Parlement, ce n'est pas forcément ce qui est exprimé par la majorité du peuple. Il aurait fallu en tenir compte.

Depuis presque trois ans, notre loi fondamentale, pierre angulaire de notre système juridique, contient des dispositions qui ne servent plus à rien. Elles vont être supprimées par ce projet de loi constitutionnelle, mais leur existence est un symbole à lui tout seul : elle nous rappelle que le peuple est maître de son destin démocratique. Si sa volonté a été respectée en 2005, elle est sur le point d'être bafouée par la réunion du Congrès le 4 février prochain !

Je vous rappelle que, selon un dernier sondage, 75 % des Français souhaitent que le traité de Lisbonne soit ratifié par voie référendaire. Or ces citoyens sont de tout bord politique. Favorables ou non au contenu de ce traité, ils veulent s'exprimer !

Ces Français, que nous ne faisons que représenter, sont les premiers destinataires du traité de Lisbonne. Nous ne pouvons donc pas nous substituer à eux : la majorité qualifiée qui siège au Congrès ne peut se substituer à ces 75 % de Français, pas plus que la majorité simple qui adoptera la loi de ratification du traité de Lisbonne.

Puisqu'en 2005 le choix du référendum avait été fait, le principe du parallélisme des formes impose aujourd'hui que ce nouveau traité soit ratifié par le peuple, quelle qu'en soit l'issue. Nous ne devons pas craindre l'expression démocratique.

Les élus Verts estiment que si l'on souhaite vraiment édifier une Europe des peuples, ce sont les peuples d'Europe eux-mêmes qui doivent définir dans quelle mesure ils souhaitent y prendre part.

Dans une Europe où le déficit démocratique est trop souvent reconnu et déploré depuis longtemps, nous avons une occasion unique de montrer que la France donne l'exemple d'une démocratie respectueuse de la volonté de son peuple, courageuse et audacieuse. En choisissant de convoquer le Congrès, le Président de la République commet un hold-up démocratique, une imposture morale et politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

La volonté du peuple de pouvoir s'exprimer directement est aujourd'hui bafouée. Pourquoi tant de mépris ? La crédibilité du chef de l'État serait-elle en jeu ?

Pourquoi ce refus obstiné du référendum, alors que M. Sarkozy, lorsqu'il était étudiant, avait présenté un mémoire de DEA sur le référendum du 27 avril 1969 ? Notre président a-t-il peur de subir le même destin que le général de Gaulle ?

Pourquoi tant de mépris pour l'expression populaire de la part d'un homme qui, lorsqu'il était ministre de l'intérieur, défendait le recours au référendum pour le défunt traité constitutionnel européen ?

Je souhaite citer les propos tenus par M. le Président de la République, alors qu'il était ministre, au cours d'un conseil national de l'UMP le 9 mai 2004 : « l'Europe doit être au service des peuples [...] Mais l'Europe ne peut pas se construire sans les peuples [...] la souveraineté c'est le peuple. À chaque grande étape de l'intégration européenne il faut donc solliciter l'avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple.

« Si nous croyons au projet européen comme j'y crois, alors nous ne devons pas craindre la confrontation populaire. [...]

« Je le dis comme je le pense, simplement. Je ne vois pas comment il serait possible de dire aux Français que la Constitution européenne est un acte majeur et d'en tirer la conséquence qu'elle doit être adoptée entre parlementaires, sans que l'on prenne la peine de solliciter directement l'avis des Français. »

Il concluait par ces mots : « J'appartiens à la famille gaulliste qui - à tort ou à raison - a toujours considéré le référendum populaire comme l'une des expressions les plus abouties de la démocratie ».

Aujourd'hui, le Président de la République oublie ses propres déclarations. Il bafoue non seulement la volonté du peuple, mais également les idées de sa propre famille politique. Pourquoi ce changement significatif ? Il n'y a aucune raison à cela, si ce n'est que le choix de la ratification parlementaire est en l'espèce un choix strictement personnel du Président de la République, et non un choix pour les Français et pour la France.

D'ailleurs, tout le monde consent à dire que le Président de la République a porté ce traité comme son propre enfant depuis le début. Il lui a même donné plusieurs noms - mini- traité, traité simplifié -, avant que la conférence intergouvernementale ne lui en attribue un d'office. Il l'a porté devant nous, comme si nous étions le conseil de famille de la construction européenne.

Il en a fait une affaire personnelle, alors que ce traité concerne tous les Français. Ce sont eux qui doivent décider directement ; ce sont eux les parents de la démocratie.

La voie de la ratification parlementaire est un déni de souveraineté ; l'absence de référendum nie le droit du peuple français de décider de la construction européenne. Le Président de la République, en faisant ce choix, condamne les Français à être les parents pauvres de la construction européenne. Il condamne le peuple français, relégué au rang de spectateur muselé, à perdre la maîtrise de sa liberté démocratique.

Que pensera ce peuple de France, à qui l'on retire le droit de se prononcer, d'un Gouvernement et d'un Président de la République qui bafouent ainsi leur volonté ?

Pour certains, présents dans cet hémicycle, la question serait tranchée depuis les élections présidentielles. En effet, puisque le candidat Nicolas Sarkozy évoquait déjà, dans son programme électoral, le recours à la voie parlementaire pour la ratification du traité de Lisbonne, en votant pour lui, les Français auraient également voté pour le recours à la ratification parlementaire !

M. Jacques Blanc s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Une élection ne donne pas au Président de la République un blanc-seing sur le contenu de sa politique, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

...notamment en matière européenne Les Français auraient-ils eux-mêmes renoncé à leur souveraineté en élisant M. Sarkozy à la magistrature suprême ? La question de la construction européenne est trop importante pour qu'on évacue le recours au référendum par une telle construction mentale et politicienne.

II faut l'avouer : le Président de la République a engagé sa crédibilité auprès des partenaires européens pour une ratification du traité de Lisbonne. Le choix du Congrès n'est pas un choix pour les Français : il est un choix contre eux, pour seulement permettre au chef de l'État de garder bonne figure auprès de nos partenaires européens. Si le traité était refusé par référendum, toute la confiance dont le peuple a investi Nicolas Sarkozy en l'élisant s'évanouirait.

Est-ce pour éviter ce désaveu hypothétique que le Président de la République contourne le référendum au profit d'un Congrès au sein duquel il sait disposer d'une majorité suffisante ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Le choix de recourir à une ratification parlementaire d'un traité ne doit jamais être un instrument stratégique ou une ruse politique pour censurer la voix du peuple ; il doit être conforme à la volonté du peuple.

Enfin, ne nous trompons pas de combat : que l'on ait soutenu ou non le traité établissant une constitution pour l'Europe, le TCE, en 2005, que l'on soit pour ou contre les modifications apportés dans le traité de Lisbonne, il ne s'agit pas, aujourd'hui, de se prononcer pour ou contre le traité européen. Là n'est pas la question !

Pour nous les Verts, il s'agit de défendre la légitimité du recours au référendum, afin de redonner la parole au peuple français sur ce qui engage notre pays pour de longues décennies. Nous n'avons pas été élus pour priver le peuple de sa souveraineté ! La volonté du peuple est simple : le choix du référendum pour la révision de la Constitution et pour la ratification du traité de Lisbonne.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Madame la ministre, ne m'en veuillez pas si, anticipant quelque peu sur le calendrier, je m'exprime dès aujourd'hui devant vous sur le fond du traité de Lisbonne plus que sur la réforme constitutionnelle qui rendra sa ratification possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Je voudrais le faire, d'abord, en tirant les leçons de l'échec du référendum de 2005, ensuite, en m'interrogeant sur les conditions du succès de la mise en place de la réforme institutionnelle et, enfin, en m'exprimant sur les perspectives à long terme de l'Union européenne, qui, avec ce traité, a certes éclairci son propre horizon, mais se trouve confrontée à un monde où dominent plus que jamais l'incertitude et le risque.

Il faut en effet revenir sur le projet de traité constitutionnel refusé par nos compatriotes en 2005, car des leçons doivent être retenues de cet épisode.

La construction de l'Europe avait été, jusque-là, un processus pragmatique, bien adapté à une visibilité à moyen terme qui s'élaborait par des traités successifs. Chacun d'eux prenait en compte de façon réaliste les évolutions récentes, identifiait les besoins à satisfaire, les inscrivait dans le marbre et éclairait le proche avenir, dans la perspective du traité suivant.

Proposer une constitution pour l'Europe rompait avec cette méthode et présentait l'ambition de figer définitivement le cadre dans lequel évoluerait désormais un processus qui est pourtant loin d'être achevé.

Ce caractère solennel et irrémédiable a d'autant plus inquiété certains de nos concitoyens qu'ils ont aussi voulu y voir un choix définitif en faveur d'un certain type de société qu'ils récusent, alors qu'il ne s'agissait que de prendre en compte l'acquis communautaire, dans un ensemble cohérent, et de fournir un nouveau cadre institutionnel, permettant à l'Europe des Vingt-Sept de fonctionner.

Revenir à la construction européenne par l'élaboration d'un traité tous les six ou sept ans est la bonne méthode. Si l'on considère un jour que cette construction est définitivement achevée, alors peut-être pourra-t-on penser à une constitution, mais le moment n'est pas venu.

Le choix d'une ratification de forme référendaire a encore contribué à solenniser l'acte et a permis d'ouvrir un débat qui n'avait que de lointaines références avec la question européenne.

Le référendum a par ailleurs encouragé des approches strictement politiciennes, notamment de la part des auteurs d'un prétendu plan B, qui n'a jamais existé.

Donc, la bonne méthode, ce sont des traités, pas de constitution, et des ratifications parlementaires chaque fois que la complexité des textes expose le référendum à des réponses qui n'ont rien à voir avec la question posée.

J'espère également, madame la ministre, que, dans une prochaine réforme constitutionnelle, le Gouvernement reviendra sur l'obligation de recourir au référendum pour la ratification de l'entrée de nouveaux membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

De même, s'il est très utile que des sages s'interrogent sur l'avenir à long terme de l'Europe, qu'ils se gardent bien de vouloir en dessiner dès maintenant un contenu trop précis et surtout des contours, autrement dit des frontières, définitifs.

Où en seront dans vingt ans la Turquie, la Biélorussie, l'Ukraine, la Moldavie et même bientôt la Serbie, après l'indépendance du Kosovo ? Nul ne peut le dire ! Au demeurant, l'Europe peut avancer sans répondre aujourd'hui à ces questions.

C'est en respectant ces règles que l'Europe a pu se sortir de ce mauvais pas, grâce au dynamisme de notre Président de la République, au travail de Mme la Chancelière d'Allemagne et à la volonté partagée de la plupart des membres de l'Union.

Espérons que tous les pays, y compris l'Irlande, tenue de procéder à un référendum et qui ferait bien de l'organiser après les vingt-six autres ratifications, permettront la mise en oeuvre de ce traité en 2008 ou, au plus tard, avant les élections au Parlement européen.

Le deuxième point de mon intervention concerne la mise en oeuvre de ce traité, en particulier de sa partie institutionnelle.

Le traité de Lisbonne met en scène cinq grands personnages à la tête de l'Union, à savoir le président de l'Union, qui va enfin donner une voix et un visage à l'Europe, le président de la Commission, le président du pays qui assurera la gestion semestrielle de l'Union, le Haut représentant, le président du Parlement.

Certes, leurs relations de pouvoir seront réglées par les textes des traités, mais nous savons bien aussi que de leur entente personnelle et de celle de leurs plus proches collaborateurs dépendra le bon fonctionnement des institutions.

Des réunions régulières informelles de ce quintette paraissent indispensables pour assurer une bonne gouvernance de l'Union...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

...sous la conduite de son président. J'espère que ce dernier, pour être pleinement représentatif, sera issu d'un pays fondateur, membre de la zone euro et de l'espace Schengen.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

En revanche, pour le poste absolument stratégique et de première importance que doit être celui du Haut représentant, on pourrait se référer à la longue et excellente tradition diplomatique de nos amis anglo-saxons pour souhaiter la désignation d'une personnalité de dimension internationale, capable de s'imposer à l'intérieur dans la formulation d'une politique étrangère que nous espérons de plus en plus commune, et d'agir avec efficacité dans tous les secteurs de la vie internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Certes, le titre de ministre des affaires étrangères aurait mieux correspondu au niveau et au profil souhaité, mais c'est précisément celui à qui je pense pour ce poste qui n'en a pas voulu...

Au-delà de ces questions institutionnelles et de ces désignations qui devront être marquées par le souci de choisir les meilleurs au lieu de résulter d'un processus de négociations et de marchandages - on peut toujours rêver ! -, nous ne pouvons que nous féliciter des autres avancées que marque le traité, en particulier l'amélioration de la capacité de décision, le rôle accru des parlements nationaux et européens, le contrôle de la subsidiarité, qui font du traité de Lisbonne un texte équilibré et porteur de progrès pour la construction démocratique de l'Union.

De ce point de vue aussi, le traité de Lisbonne aura vraiment libéré l'avenir européen.

Une fois l'horizon éclairci, les ratifications acquises et les responsables désignés, l'Europe pourra repartir du bon pied, douze ans, tout de même, après la conférence de Turin, qui marqua le début du processus de réforme.

Ce sera un moment privilégié pour réaffirmer le sens profond de la construction européenne, sa vocation et son ambition.

L'Europe est d'abord un projet de civilisation. Je ne me sens autorisé à utiliser cette formule que parce que je l'ai écrite dans un article en 1996. En effet, l'objet de la construction européenne ne s'arrête pas à la création d'un marché unique, lui-même simple partie de plus en plus indifférenciée de l'espace économique mondial.

Nous croyons à la force des valeurs dans une société qui place l'homme au centre de toute chose. La recherche de la paix, le respect des droits de l'homme, la défense des libertés, la démocratie pluraliste, le développement de nos entités culturelles, mais aussi la solidarité, les notions de service public, de coopération et de mutualisme contribuent à faire de nos sociétés des communautés singulières, que nous voulons préserver et développer en les modernisant.

Mais pour être une civilisation, l'Europe doit être aussi une puissance.

Nous n'imaginons pas qu'à l'heure de la mondialisation l'Europe puisse se réfugier dans une attitude de neutralité ou se contenter de jouer le rôle d'une puissance régionale, car nous devons défendre nos valeurs et nos intérêts et assurer leur promotion dans le monde.

Nous ne pensons pas qu'il soit bon que la société internationale soit livrée aux seules forces du marché et de la mondialisation. L'Europe ne doit pas être le cheval de Troie de cette mondialisation, mais elle ne peut pas être non plus un simple rempart contre elle.

D'une façon plus réaliste, en matière monétaire, sociale et environnementale - il s'agit là des trois domaines essentiels du dumping mondial - nous devons nous rapprocher des pays émergents pour « civiliser » avec eux les forces qui déterminent la société internationale et dont l'accélération, certainement trop brutale, crée des drames aussi bien chez eux que chez nous.

Pour toutes ces raisons, nous ne nous contenterons pas d'organiser un espace : nous voulons bâtir une puissance.

À cet égard, le renforcement de notre puissance économique par la relance de la stratégie de Lisbonne, l'élaboration d'une diplomatie commune, par exemple, en créant, dans le cadre de la Commission et sous l'autorité du Haut représentant, un centre d'analyse et de propositions pour la politique étrangère, ainsi que, par ailleurs, la construction d'une réelle politique de défense et la promotion, dans le cadre de l'ONU, d'une enceinte de négociations pour toutes les questions de développement durable, apparaissent aujourd'hui essentielles.

Pour organiser cette puissance, l'Europe doit devenir une fédération.

Il s'agit non pas de forger une « fédération-Léviathan » qui ferait de l'Europe un État-nation, mais, au contraire, d'organiser une fédération décentralisée, fondée sur la subsidiarité et le respect de nos identités. Toutefois, cette fédération doit être dotée d'une structure de pouvoir qui lui permette d'agir et de réagir avec l'efficacité nécessaire.

Un État unitaire européen ne correspond pas aux aspirations du rassemblement de vieilles nations que nous représentons. Au contraire, nous sommes persuadés que nos diversités géographiques, historiques et culturelles constituent un formidable atout dans la compétition mondiale qui fait rage ; aussi pensons-nous que cette fédération doit prendre la forme d'une communauté de nations.

Jusqu'ici, les relations entre les peuples se sont développées selon deux modes essentiels, l'impérialisme et le nationalisme, qui ne sont pas satisfaisants au regard de nos propres valeurs. Ce que nous visons, avec la construction de l'Europe, n'est rien moins que l'invention d'un nouveau mode de relations entre les peuples : une Communauté fondée sur la libre adhésion, la démocratie et le respect des identités culturelles de chacun.

Ainsi notre ambition pour l'Europe pourrait-elle être précisée : un projet de civilisation servi par une puissance organisée sur le mode du fédéralisme décentralisé et qui constitue une communauté de nations.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il nous est proposé de modifier notre Constitution, ce pour la dix-septième fois au cours des quinze dernières années.

Les difficultés que nous éprouvons pour nous y retrouver dans ce patchwork seront encore accentuées par les modifications annoncées, modifications qui se révéleront d'ailleurs certainement inutiles, si, comme cela n'est que trop probable, le traité de Lisbonne est ratifié, puisqu'il a pour objet de faire disparaître la souveraineté du peuple français.

Les partisans de l'abandon s'offusquent en qualifiant l'attitude de ceux qui pensent comme moi de souverainisme, croyant, en vertu d'un penchant bien français, la déconsidérer. Si cette position est minoritaire dans certaines sphères bien pensantes, est-on sûr qu'elle le soit dans nos quartiers et dans nos campagnes ?

Pour ce qui me concerne, je n'ai pas vu, dans le texte du traité, non plus que dans les commentaires lénifiants qui l'accompagnent, de motifs à reconsidérer ma position : comme en 2005, c'est toujours non !

Il est trop facile d'opposer l'argument de paresse intellectuelle consistant à dire que les adversaires de la ratification sont contre l'Europe. Il n'y a rien de plus faux. Ce sont du reste des affirmations de ce genre qui ont contribué, en 2005, à affaiblir les positions du oui, au point qu'il fut minoritaire, car elles laissaient entendre que les partisans de la ratification n'avaient pas d'autres arguments.

Ce qui nous différencie, ce n'est pas de croire ou non en la nécessité d'une construction européenne ; ce sont nos conceptions respectives de ladite construction européenne et la façon dont, les uns et les autres, nous entendons la réaliser.

Je regrette évidemment que l'on ne recoure pas à la procédure référendaire. Bien sûr, la procédure suivie est conforme à la Constitution, mais est-elle légitime ? Je ne le crois pas !

Une fois de plus, on adresse aux citoyens, à propos de l'Europe, des messages négatifs - « Circulez, il n'y a rien à voir ! », « Cause toujours, tu m'intéresses ! » - comme si ces questions étaient hors de leur portée. Je les crois, au contraire, parfaitement aptes à comprendre : si les tenants et les aboutissants du traité, avec leurs points forts et leurs points faibles, avec les avantages que la France peut en espérer, leur étaient expliqués clairement, ils pourraient éventuellement voter oui.

Le meilleur moyen de « remettre la France en Europe », selon la très discutable formule employée, est de donner la parole au peuple plutôt que de le faire de façon contestable, en catimini, dans le secret des cabinets et le clair-obscur des cours de justice. On est fondé à parler d'une conspiration du silence pour imposer le culte du fédéralisme.

On préfère continuer à construire l'Europe sans les peuples, voire contre les peuples et les États qui les représentent.

Évidemment, les potentats qui règnent dans l'ombre à Bruxelles se méfient, car, quand on donne la parole aux peuples, ceux-ci posent des questions et peuvent exiger que la copie soit revue. Pourtant, comme le déclarait en 1962 le général de Gaulle, la voie du référendum s'impose parce que c'est la plus démocratique. Cela éviterait la quasi-clandestinité de la ratification. En réalité, les promoteurs du texte ont tout simplement peur du peuple.

L'utilisation du référendum serait plus conforme à l'article 3 de la Constitution et plus en harmonie aussi avec les conclusions de la commission Balladur sur le rôle accru qu'elle souhaite donner aux citoyens dans le fonctionnement de nos institutions.

Quand on voit ce qui se passe à propos des traités précédents, on peut craindre que, dans quelque temps, les thuriféraires du traité n'en disent pis que pendre et tentent même de s'affranchir de certaines de ses contraintes, mais ce sera trop tard.

À cet égard, l'exemple le plus caricatural est notre attitude vis-à-vis du traité de Maastricht, de la monnaie unique et du rôle de la Banque centrale : « Avons-nous déjà oublié le franc fort à tout prix qui nous a coûté cher en emplois, en pouvoir d'achat, en déficits et en endettement public pour que nous nous sentions obligés de recommencer, alors même que nous n'avons plus à gérer la réunification allemande et la marche vers l'euro ? Être un Européen conséquent, c'est admettre les grands principes de la concurrence comme fondement du marché unique, mais c'est refuser que le droit européen de la concurrence laisse les entreprises européennes à la merci des prédateurs du monde entier. » ; ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Président de la République.

J'avoue ne pas comprendre : on ne peut pas, d'un côté, remettre en cause les politiques européennes et, de l'autre, nous demander de réduire encore plus les marges de manoeuvre de la France vis-à-vis des instances européennes qui, conformément aux traités, mettent en oeuvre ces politiques.

De deux choses l'une : ou bien on s'aligne, et on le dit aux Français, ce qui est le sens du traité de Lisbonne ; ou bien on le refuse, et on a le courage de proposer une construction de l'Europe plus conforme à l'avenir de la France et de l'Europe.

Il est d'ailleurs à noter que nous n'avons guère respecté les critères fixés par le traité de Maastricht depuis que le peuple français l'a approuvé.

Que dire également de notre attitude vis-à-vis de certaines règlementations, comme les quotas, qui, si on l'a bien compris, ne sont que l'application des politiques que les gouvernements français successifs ont approuvées à Bruxelles ? C'est regretter des effets dont on a chéri les causes.

Il est vrai aussi que l'on attend toujours la réalisation des promesses mirifiques de 1992 sur l'Europe sociale. M. Védrine a d'ailleurs déclaré : « Le terme d'Europe fédérale et sociale est un oxymore. » Je crois qu'il parle d'or en la circonstance.

Les questions que l'on peut se poser à propos du traité de Lisbonne sont les suivantes : y a-t-il eu simplification, et le traité est-il allégé ? S'il y a un changement par rapport à 2005, a-t-on tenu compte de l'avis des peuples ? La réponse à ces deux questions est non.

Je note d'ailleurs la discrétion, voire la pudeur dont ont fait preuve les rédacteurs de l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle sur les raisons qui ont nécessité l'élaboration de ce projet de loi. Une telle réserve est quasiment un aveu : « Cachez ce texte qu'on ne saurait montrer aux citoyens ! »

En effet, il ne s'agit pas d'un traité simplifié. Un document qui s'étend sur 287 pages, comprend plus de 400 articles, est complété de 65 annexes, de 13 protocoles additionnels, ne saurait mériter ce qualificatif, ...

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

... sauf par abus de langage.

Est-ce un mini-traité par rapport à la maxi-Constitution de 2005 ? Non plus, puisqu'il reprend quasi intégralement feu la Constitution : elle est écrite sous une autre forme, après que d'obscures et absconses modifications des 3 000 pages des traités existants ont été opérées. La Constitution est morte, mais vive la Constitution ! On se croirait au jeu de bonneteau.

Ce texte est un avatar de la Constitution, une Constitution bis, comme beaucoup de ses auteurs l'ont honnêtement reconnu.

Ainsi, Mme Angela Merkel a déclaré : « La substance de la Constitution est maintenue. »

M. Anders Fogh Rasmussen, Premier ministre danois, a affirmé : « Ce qui est positif c'est (...) que les éléments symboliques aient été retirés et que ce qui a réellement de l'importance - le coeur - soit resté. »

M. José Luis Zapatero a dit : « Nous n'avons pas abandonné un seul point essentiel de la Constitution. »

M. Bertie Ahern, Premier ministre de la République d'Irlande, a déclaré : « 90 % [de la Constitution] sont toujours là... ces changements n'ont apporté aucune modification spectaculaire à l'accord de 2004. »

Comme l'a fait remarquer un professeur de droit analysant le texte : « Les modifications de forme et de fond sont de nature psychologique ! C'est pour faire avaler la pilule ! »

C'est en effet le sosie de la Constitution, comme le laissent à penser les propos tenus par M. Giscard d'Estaing, qui est un expert confirmé du sujet, le 26 octobre dernier : « les propositions institutionnelles - les seules qui comptaient pour les conventionnels - se retrouvent intégralement dans le traité de Lisbonne, mais dans un ordre différent, et insérés dans les traités antérieurs. »

On ne peut pas être plus clair : le flacon n'est pas le même, mais le contenu n'a pas changé §; c'est moins ronflant, mais c'est plus habile. Le texte est simplement devenu incompréhensible aux non-juristes, offrant ainsi un exemple parfait du fossé entre les citoyens et les eurocrates.

Les mêmes quatre éléments fondamentaux sont toujours là : la personnalité juridique, c'est-à-dire la pleine capacité pour l'Union de signer des traités, notamment, la supériorité des textes européens sur les textes nationaux, une politique extérieure autonome, enfin, un système de décision indépendant avec de considérables transferts de souveraineté.

Ce texte est donc bien une Constitution, comme le souligne le député européen M. Bourlanges : « Toute la Constitution est là ! Il n'y manque rien ! »

La personnalité juridique est accordée à l'Union : c'est le point cardinal du fédéralisme. Bien sûr, on a fait en sorte que l'affirmation soit plus discrète, mais il y a malgré tout de plus en plus d'abandons de souveraineté.

La Commission pourra se mêler de tout ; rien ne lui échappera : droit de la famille, code civil, maintien de l'ordre public, etc.

Il faudra d'ailleurs en tirer les conclusions en supprimant bon nombre de ministères français : l'agriculture, l'environnement, les transports, et la liste n'est pas terminée.

Les parlements nationaux, eux aussi, seront devenus parfaitement inutiles.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Le droit de pétition est reconnu aux citoyens s'ils estiment qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire, mais pas aux parlements, qui ont obtenu des miettes par ailleurs.

La souveraineté nationale n'est pas limitée, elle est bel et bien abolie.

La supériorité des textes européens sur les textes nationaux est plus que jamais affirmée dans un protocole additionnel rappelant la jurisprudence de la Cour de justice, dont les pouvoirs demeurent exorbitants. Cette affirmation n'était même pas nécessaire, comme le démontre l'arrêt de la Cour rendu le 18 décembre dernier aux dépens des syndicats suédois.

Ainsi, le fameux principe de concurrence libre et non faussée qu'on nous dit avoir fait sortir par la porte rentre « illico » par la fenêtre.

Les textes antérieurs conféraient aux États le droit de se retrancher derrière la protection des exigences de leurs constitutions respectives. Cette protection a disparu.

La primauté du droit de l'Union - ce n'est même plus le droit communautaire ! -, sorte de nouvel Être suprême devant lequel il faut se prosterner, amène à une situation curieuse : en principe, au moins en France, la justice est rendue au nom du peuple ; désormais, au nom de qui sera-t-elle rendue ?

La politique extérieure est confiée à un Haut représentant, qui sera aussi vice-président de la Commission européenne. Selon l'expression que le Président de la République a employée le 20 juin dernier, ce sera « un ministre des relations extérieures sans le nom ». Cela a le mérite de la clarté et nous permettra de supprimer le poste de M. Kouchner et de quelques autres qui ne seront plus que des excellences superflues...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, et M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État, s'exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

On nous dit que la référence à l'OTAN disparaît, mais, dans la mesure où l'on renvoie au traité de Maastricht, la disposition est plus que jamais valable : ce n'est qu'un tour de passe-passe de plus.

Le système de décision est encore plus indépendant, avec une quantité considérable de transferts de souveraineté, avec une présidence stable de l'Union pendant deux ans et demi, voire cinq ans. Le comble serait que celle-ci soit attribuée à un représentant du pays le moins européen.

Les décisions seront désormais très majoritairement prises à la majorité qualifiée. Quelques pays, cependant, réussissent à s'exonérer de ces contraintes pour certaines dispositions, mais pas le nôtre.

La trouvaille la plus remarquable est celle qui développe les clauses dites « passerelles », lesquelles court-circuitent le pouvoir constituant des États. On en ajoute une grande quantité. Ainsi, il n'y aura à l'avenir même plus besoin de traité pour passer de l'unanimité à la majorité qualifiée. Par conséquent, les peuples n'y verront plus rien du tout : passez muscade !

La clause passerelle de flexibilité sur le contenu des compétences permettra absolument tout et constitue quasiment un coup de force.

La charte des droits fondamentaux annexée, dont certains pays se sont aussi exonérés - mais pas la France ! - est plus vaste que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle sera juridiquement contraignante et permettra éventuellement de nous imposer ce que nous ne voulons pas.

Notre déclaration des droits, nos lois de bioéthique, notre code de la famille seront remis en cause. Nous pourrons gagner du temps puisqu'il sera inutile que nous en débattions dans cet hémicycle.

Nous pouvons craindre que certaines dispositions ne soient utilisées contre les États pour arriver à un fédéralisme des régions d'Europe. Ainsi l'Europe sera-t-elle transformée en une « poussière d'entités », ce qui est à la fois porteur de très gros risques et tout à fait contraire à nos traditions républicaines.

Nous aurions également aimé trouver dans le texte une définition de l'Europe que l'on veut nous imposer : la liste des membres, qui figurait dans le traité de Nice, a, bien sûr, disparu.

C'est l'un des drames de l'Europe, souligné ainsi par l'historien Elie Barnavi : « Et l'un des drames de l'Europe est précisément qu'elle ne sait pas se donner des frontières physiques, car elle est incapable de se donner des frontières mentales. Elle ne sait pas définir un eux et un nous. Cette frontière entre eux et nous n'est pas forcément hostile, ni imperméable, (...) mais pour être amicale et poreuse, il faut d'abord qu'elle existe. »

L'exemple le plus emblématique est la question de la Turquie. Lors de la dernière campagne électorale, on nous avait laissé entendre que la France s'opposerait à l'extension de la négociation. On attend toujours, puisque, pour l'instant, chaque étape franchie par la Commission a été avalisée.

L'entrée de la Turquie serait secondaire si l'Europe n'était destinée qu'à être un vaste marché selon le souhait des utilitaristes et mercantilistes Anglo-Saxons. Mais si elle doit être une entité politique supranationale, cela mérite débat et non pas le silence qui nous est imposé. D'autant que beaucoup de pays, notamment à l'Est, sont favorables à cette entrée, dans la mesure où, à leurs yeux, elle permettrait bien sûr, en toute logique, une extension à des pays comme l'Ukraine, la Biélorussie et quelques autres, lesquels ont certes de nombreux titres à faire valoir.

Pour l'instant, l'obligation du référendum pour une éventuelle adhésion est maintenue dans notre Constitution - je sais que c'est très provisoire ! -, ce qui souligne le paradoxe suivant : pour instituer l'Europe, il n'y a pas besoin de référendum, mais, pour y entrer, il en faut un. Cela permet de penser que, si l'on n'a pas osé le faire, cela viendra très certainement lors des prochaines révisions.

Vous l'avez compris, si je suis pour l'Europe, c'est non pas pour un système fédéral supranational, mais pour une Europe confédération, association d'États-nations.

Les Français sont majoritairement pour l'Europe, mais ils veulent une Europe réelle, où ils demeurent maîtres de leur destin, et non une Europe abstraite, dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.

Or le traité dont on nous demande d'autoriser la ratification n'est pas un traité ordinaire, comme ceux d'Amsterdam ou de Nice. Il représente un saut qualitatif, puisque l'Union est dotée de l'essentiel des attributions ordinairement dévolues aux États, dans le cadre d'un système de plus en plus opaque duquel il est, en pratique, impossible de se retirer.

Sans doute un État souverain peut-il utiliser sa souveraineté pour l'aliéner irréversiblement, ce qui masque cette pratique de la formalité d'incessantes révisions constitutionnelles : face à cela, nous tombons dans le syndrome de Stockholm, où la victime d'un enlèvement trouve son ravisseur de plus en plus sympathique, au point d'épouser sa cause.

Dans l'indifférence générale, mais voulue, on met en place une nouvelle légitimité, « a-nationale », indépendante du pouvoir souverain de la nation, ce qui signe l'acte de décès de notre souveraineté puisque la Constitution française ne sera plus qu'une variable d'ajustement et un règlement de procédure.

C'est amplement suffisant pour que je vote contre la révision constitutionnelle qui nous est présentée et contre la ratification du traité que l'on nous proposera la semaine prochaine.

M. Bruno Retailleau, Mme Josiane Mathon-Poinat et M. Robert Bret applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai souhaité intervenir pour apporter dans ce débat ma toute petite pierre - je serais tenté de dire mon caillou !

Mais non ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Avant toute chose, vous le savez, mais je me permets de vous le rappeler, je siège dans cette assemblée pour représenter les quelque 2 millions de Français résidant hors de France, dont un million en Europe, lesquels sont donc directement concernés par la réussite du traité de Lisbonne.

Pour eux, réussite signifie entrée en vigueur. Pas seulement parce que le traité de Lisbonne consacrera des avancées démocratiques importantes et nouvelles au bénéfice des citoyens et des parlements nationaux.

M. Jean-Luc Mélenchon s'esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Mon cher collègue, je ne vous ai pas interrompu ; je vous demande de faire de même !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Pour la petite histoire, permettez-moi de vous rappeler que, si les Français ont rejeté le premier traité par référendum, ceux qui résident hors de France ont dit oui à 84 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

C'est sûr, on n'a pas pu débattre avec eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Ce pourcentage rend inutile tout commentaire.

Nos compatriotes qui vivent à l'étranger, notamment en Europe, comme c'est mon cas, ont mal vécu cette période d'incertitude institutionnelle, se sentant en tant que Français quelque peu responsables de la situation. Et pourtant, eux avaient fait le bon choix !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Aujourd'hui, nous avons donc à nous prononcer sur un texte qui permettra la révision de la Constitution et qui entraînera plus tard la ratification par le Parlement dudit traité européen.

Ce traité n'est pas de même nature que l'ancien « traité constitutionnel » défunt, car celui-ci, rappelons-le, changeait la nature même de la Constitution européenne. Faisant table rase des anciens traités, il proposait pratiquement une Constitution pour l'Europe.

Or tel n'est pas le cas aujourd'hui avec le nouveau traité. Voilà donc aussi une raison de choisir de le ratifier par la voie parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

C'est d'ailleurs conforme à l'engagement du Président de la République, qui l'avait prévu, annoncé et même carrément mis sur la table pendant sa campagne. Comme l'a souligné Hubert Haenel, 53 % des Français ont voté pour lui et approuvaient donc cette méthode de ratification.

En outre, mes chers collègues, il y a une certaine urgence à faire ratifier le traité de Lisbonne par les Vingt-Sept, car il importe qu'il puisse entrer en vigueur au 1er janvier 2009, pour s'appliquer non seulement à l'investiture de la future Commission européenne, mais aussi et surtout aux élections européennes de juin 2009.

À ce sujet, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, j'espère que, d'ici là, le Parlement aura voté une loi pour permettre aux 2 millions de Français résidant à l'étranger, dont, je le répète, 1 million en Europe, de voter à ces élections européennes, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Monsieur le secrétaire d'État, si nous aurons bien sûr l'occasion, comme je l'espère, d'en débattre à l'occasion d'un projet de loi ou d'une proposition de loi, je souhaite revenir sur les inquiétudes que vous avez exprimées à propos de ce que pourraient penser nos partenaires européens des deux sièges de députés susceptibles d'être récupérés et accordés aux Français de l'étranger.

Cela fait suite à la proposition d'Alain Lamassoure : au lieu de six sièges, on n'en perdrait que quatre, les deux restants étant donc destinés aux Français de l'étranger. Il y a peut-être une solution : intégrer ces deux sièges dans la huitième circonscription, qui s'intitulerait alors « DOM-TOM et Français de l'étranger », et les pourvoir, bien sûr, à la proportionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

C'est la huitième section du « bon choix » !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je le répète, il faut faire vite. C'est pourquoi le Président de la République a engagé la procédure de ratification le jour même de la signature du traité en saisissant immédiatement le Conseil constitutionnel. Il importe aujourd'hui de franchir cette étape, en inscrivant dans notre Constitution les avancées du traité de Lisbonne.

Mes chers collègues, en 1979, lors de son discours d'intronisation en qualité de présidente du Parlement européen, Mme Simone Veil avait rappelé que tous les États constituant à l'époque la Communauté européenne étaient confrontés à trois défis majeurs : la paix, la liberté et le bien-être.

Le défi de la paix a été relevé par les pères fondateurs et cette réalité, inédite dans l'histoire de notre continent, constitue aujourd'hui un bien exceptionnel, que personne ne songe à remettre en cause.

Le défi de la liberté s'est d'abord caractérisé par l'intégration des jeunes démocraties du Sud, puis par la chute du Mur de Berlin et l'élargissement à l'Europe de l'Est. Aujourd'hui, l'Europe est un îlot de liberté envié dans le monde entier.

Le troisième défi est celui du bien-être, c'est-à-dire, finalement, celui du niveau de vie des populations soumises, de manière de plus en plus forte, à la mondialisation et aux changements. Comme ce fut le cas pour les deux premiers, nous ne pourrons relever efficacement ce défi que par une action commune et solidaire ; le traité de Lisbonne nous en donnera peut-être l'occasion.

Mes chers collègues, voilà quelques jours, j'étais en compagnie d'un signataire d'un traité européen, et pas n'importe lequel puisqu'il s'agit du traité de Rome, le traité fondateur. Vous l'avez deviné, je veux parler de Maurice Faure, dernier signataire vivant.

Cinquante ans après, son enthousiasme n'a pas fléchi. Au contraire, il est convaincu du rôle essentiel de l'Europe dans le monde actuel, avec la mondialisation de l'économie et de la politique. Voici ce qu'il m'a dit en substance : notre seule chance est d'affirmer notre Europe ; ne nous arrêtons pas aux modalités de ratification et mettons en place le traité, pour avancer.

À la question qui lui a été posée de savoir quelle était finalement, selon lui, la signification du pouvoir, il nous a répondu, après réflexion : le pouvoir, c'est quand on l'a.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

La Palice ! Vous avez bien fait d'intervenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Nous avons aujourd'hui le pouvoir d'avancer et de modifier la construction de l'Europe en révisant la Constitution. Alors, faisons-le !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. Car il ne faudrait pas que Sophocle ait eu raison lorsqu'il disait : « Les peuples n'apprennent pas dans les livres mais dans les larmes ». Ne pleurons pas sur l'Europe !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

et du Gouvernement. Cela nous a permis de sortir de l'impasse et de créer un nouvel élan pour la France et pour l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

C'est un événement politique majeur.

Le Président de la République a eu le courage, comme candidat, de s'engager, alors que tous les autres plaidaient pour un référendum. Il n'a donc pris personne de court. Il a indiqué clairement sa position.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Et il a perdu huit points dans les sondages !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Il a réussi à changer nos propres mentalités. Là est peut-être la vraie rupture, car nous sommes sortis d'une situation dans laquelle un certain nombre d'entre nous n'avaient peut-être pas encore saisi ce que l'Europe est devenue. En effet, parmi les partisans du non, on retrouve des personnalités fortes.

M. Jean-Pierre Raffarin a évoqué le souvenir de Maurice Schumann et des fondateurs de l'Europe, qui pensaient construire un petit groupe, une fédération regroupant six pays ou un peu plus. Ils n'ont pas réalisé à l'époque que, dès l'entrée de la Grande-Bretagne dans l'Union, l'Europe franchissait une étape nouvelle.

Aujourd'hui, la Communauté européenne regroupe vingt-sept membres. Comment ne pas mesurer, dans ces conditions, l'exigence d'une modification des modalités de gouvernance et des traités ?

Le traité de Nice, certes imparfait, a tout de même permis de répondre à l'attente angoissée des pays victimes des accords de Yalta, que le système communiste avait écrasés, privant leur jeunesse de toute perspective d'épanouissement ! Pouvait-on laisser ces pays de côté ?

Le traité de Nice leur a permis d'entrer dans l'Union européenne. Mais il est vrai qu'à ce moment-là on s'est heurté à l'impossibilité d'aller plus loin dans l'organisation de cette Union. Le référendum a permis d'exprimer et de révéler des opinions divergentes.

Aujourd'hui, c'est le miracle de la démocratie dans notre pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

On est sortis du système oui-non et une perspective nouvelle s'ouvre devant nous.

Lorsqu'on écoute les uns et les autres, on constate que certains restent crispés sur des positions auxquelles ils ne croient pas. Le message de ceux qui souhaitent bloquer le processus ne trouve plus d'écho parmi le peuple de France. Au contraire, une espérance se fait jour grâce à la France, mais aussi grâce au Président de la République, au Gouvernement, à Mme Merkel, à nos amis du Portugal et aux représentants des vingt-sept pays membres, qui ont été capables de se retrouver non plus autour d'une Constitution, mais autour d'un traité.

Ce traité nous oblige à modifier la Constitution, et c'est ce que nous allons faire. Nous pourrons ensuite ratifier le traité de Lisbonne et faire la démonstration, auprès des Françaises et des Français, qu'il existe une nouvelle modernité !

Nous devons aborder la question de l'Europe non plus en nous enfermant dans le problème des institutions, comme l'a dit Jean-Pierre Raffarin, mais en considérant les différentes actions dont l'Europe est porteuse et dont bénéficiera, notamment, la jeunesse de France. Nous sommes tous mobilisés, par exemple, dans la lutte pour le développement durable, pour la réduction des émissions de CO2.

N'est-il pas significatif qu'ait lieu aujourd'hui même, à Londres, une réunion entre les représentants de la France, de l'Italie, de l'Angleterre, de l'Allemagne et le président de la Commission, afin de tenter de trouver des solutions aux problèmes financiers qui se posent sur le plan mondial ?

N'est-ce pas la démonstration que l'approche voulue par la France, approche qui va conduire la Grande-Bretagne à ratifier le traité par la voie parlementaire, est une révolution culturelle ?

Nous allons enfin pouvoir parler de l'Europe en évoquant des perspectives d'actions importantes tant pour notre société, la défense de notre civilisation, l'emploi, la dimension sociale, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. ... que pour la qualité de la vie, pour nos agriculteurs et la cohésion territoriale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat sourit

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Nous allons pouvoir parler des vrais sujets ! Nous nous apercevrons que le traité de Lisbonne permettra aux pays membres de l'Union européenne, mais également aux pays qui désirent établir entre eux des coopérations renforcées, de répondre aux attentes des femmes et des hommes d'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Au lieu de nous replier sur nous-mêmes et d'avoir peur des États-Unis, de la Chine, de l'Inde ou d'autres puissances, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous serons enfermés dans l'Europe comme dans une forteresse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

...nous ferons enfin la démonstration qu'il est possible, une fois libérés d'un certain nombre d'angoisses, de contribuer à la mise en place d'une nouvelle organisation du monde et à l'émergence de nouvelles espérances chez les femmes et les hommes du monde entier.

Nous vivons ce soir un grand moment, qui va nous permettre de franchir l'étape définitive de la signature du traité de Lisbonne. Il fait suite aux remarquables travaux de la commission des lois ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

... et à la réflexion approfondie menée par la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

J'entendais tout à l'heure l'un de nos collègues dire que les parlements nationaux deviendront inutiles. Or ce traité, mes chers collègues, et c'est ce qui rend ces modifications constitutionnelles nécessaires, confère au Parlement des pouvoirs nouveaux d'intervention ! §Parfaitement ! Notamment s'agissant du contrôle de la subsidiarité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Je peux vous le citer ! Désormais, mon cher collègue, nous serons saisis automatiquement des projets et des textes européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Ne dites pas « désormais » ! C'est déjà le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

En outre, sur ces textes, nous avons la possibilité de saisir la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Je souhaiterais d'ailleurs que nous reprenions demain la proposition de la commission Balladur tendant à faire bénéficier cette délégation d'une reconnaissance supplémentaire quant à son rôle de contrôle de la subsidiarité.

Vous avez eu raison, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, de réduire strictement la modification constitutionnelle aux exigences rappelées par le Conseil constitutionnel afin de permettre la ratification du traité.

J'espère que nous pourrons, lors d'une future révision constitutionnelle, examiner d'autres propositions, comme celles de M. Balladur portant sur la transformation de la délégation en comité

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

J'ajoute, et ce sera ma conclusion, que nous ne pouvons pas tout mélanger. Ainsi, les défenseurs des langues régionales n'ont peut-être pas tort, mais ce n'est pas le moment de débattre d'un tel sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. Roger Romani. Nous ne sommes pas pour les langues régionales !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

On ne peut pas l'aborder à l'occasion de cette modification constitutionnelle. C'est donc une erreur fondamentale ! Mais il ne faut pas prétendre, parce que l'on ne veut pas évoquer cette question aujourd'hui, que tout le monde est opposé aux avancées dans le domaine des langues régionales.

Nous disposons à présent d'un texte précis, et je crois que nous pouvons suivre l'avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Nous devons voter ce texte avec enthousiasme afin que naisse, demain, une nouvelle espérance pour toutes les générations et pour que vive l'Union européenne ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Raffarin, je vous remercie de votre remarquable intervention. Nous devons rendre le projet européen fort, juste et moderne. Oui, le traité apporte des réponses certaines aux craintes qui se sont exprimées en 2005, il renforce les pouvoirs des parlements et le contrôle démocratique, il précise les critères de l'élargissement de l'Union européenne et il améliore les traités existants, sans modifier la nature de la construction européenne. Le Gouvernement souhaite que cette Europe plus forte soit un facteur de paix dans le monde.

Monsieur Bel, je regrette que vous vous absteniez sur un sujet aussi essentiel. Vous avez indiqué que l'important, désormais, c'était la volonté politique de faire progresser l'Europe. Réviser la Constitution aujourd'hui, c'est permettre la ratification du traité de Lisbonne pour relancer la construction européenne.

Monsieur Jacques Blanc, vous avez eu raison de rappeler cet ordre logique.

Monsieur Bret, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que le peuple est « contourné ». Le Président de la République a été très clair lors de la campagne présidentielle et les Français lui ont fait confiance très majoritairement pour renégocier un traité qui tienne compte de leurs aspirations et pour le faire ratifier rapidement, en passant par la voie parlementaire, comme il l'avait indiqué.

À cet égard, vous avez eu raison, monsieur Pozzo di Borgo, de souligner que la légitimité des parlementaires était aussi forte que celle du peuple se prononçant par la voie du référendum.

Monsieur Alfonsi, ce traité est effectivement une chance pour une Europe à Vingt-Sept.

Vous avez évoqué, à l'instar de Patrice Gélard, l'idée d'introduire une clause générale de compétence dans notre Constitution. Nous n'avons pas fait ce choix, car une révision constitutionnelle suppose la réunion d'une majorité des trois cinquièmes au Congrès, majorité plus forte que celle qui est nécessaire pour autoriser la ratification du traité. Il s'agit d'un gage supplémentaire de démocratie à chaque étape de la construction européenne.

Madame Boumediene-Thiery, vous avez invoqué l'article 3 de la Constitution. Je ne fais pas la même lecture que vous de cet article. Celui-ci met les représentants du peuple et les référendums au même niveau. Le traité de Lisbonne est de même nature que le traité d'Amsterdam, qui a été ratifié sans référendum.

Enfin, comme vous l'avez indiqué, monsieur del Picchia, il y a urgence à ratifier le traité de Lisbonne.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

Je remercie M. Raffarin, M. le président de la commission des lois, M. le rapporteur, ainsi que l'ensemble des orateurs de leurs interventions, qui ont contribué à éclairer les enjeux de notre débat d'aujourd'hui, dans ses aspects juridiques et européens.

Je répondrai brièvement sur plusieurs points.

Le Sénat a choisi de concentrer ses débats sur le projet de loi constitutionnelle, qui se borne au strict nécessaire pour permettre la ratification du traité de Lisbonne.

J'ai bien écouté les propositions de M. Gélard, rapporteur, et de M. Pozzo di Borgo, ainsi que les commentaires de M. Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, de M. Raffarin et de M. Alfonsi. En effet, l'équilibre interne de nos institutions et la façon dont nous menons le débat européen en France méritent un débat à part entière dans le cadre de la réforme sur les institutions, indépendamment du processus de ratification du traité.

Je voudrais ensuite marquer mon accord avec l'idée exprimée par Jean-Pierre Bel : il ne faut pas discuter des projets européens seulement lorsqu'on ratifie un nouveau traité. Mais nous pourrons le faire davantage avec le mécanisme renforcé de contrôle de la subsidiarité.

Nous avons surtout devant nous deux occasions exceptionnelles de parler non pas des institutions, mais de vrais projets politiques concrets pour l'Europe : d'une part, la présidence française de l'Union européenne et, d'autre part, les élections européennes qui la suivront de peu. M. Robert del Picchia y a également fait allusion et j'ai bien noté sa proposition relative à la représentation des Français de l'étranger.

En outre, le poids de ces élections sera renforcé dans la désignation du président de la Commission européenne qui prendra ses fonctions en novembre 2009.

Je ne reviendrai pas sur la question du recours ou non au référendum. Je soulignerai simplement, pour compléter les propos de Mme le garde des sceaux, que ce n'est pas là une exception française. Les autres États membres ont suivi avec attention ce débat, car il définissait la possibilité de rédiger à vingt-sept un nouveau traité qui tienne compte des oui et des non. C'est aussi un choix européen dans le mode de ratification, car vingt-cinq autres États ratifieront ce traité par la voie parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

L'Europe n'a pas à choisir le mode de ratification !

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Ce n'est pas ce que j'ai dit !

Je répondrai à M. Retailleau qu'il s'agit d'un traité simplifié dans sa structure, beaucoup moins long que l'ancien traité. Mais cela reste un traité. Il a sans doute été plus débattu que d'autres sur le plan politique, notamment compte tenu des débats qui ont présidé à son élaboration.

Ce traité modifie les traités existants. Le traité de Maastricht faisait figure d'exception, car il créait de fond en comble une politique nouvelle pour l'Europe, se substituant complètement aux politiques monétaires nationales et ayant une incidence directe sur la vie quotidienne des Français, à savoir la création de l'euro en remplacement du franc.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Les Français l'ont approuvé, et le président Mitterrand ne s'était pas dégonflé !

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Tel n'est pas le cas du traité de Lisbonne, qui apporte au contraire des contrepoids à la politique monétaire unique en permettant la création d'un gouvernement économique avec l'Eurogroupe et une meilleure représentation des intérêts de la zone euro dans les enceintes financières internationales. M. Bret, M. Bel et M. Alfonsi, ne peuvent, à mon sens, que s'en réjouir.

J'ai entendu les interrogations de chacun sur ce traité, mais je constate que la balance est très largement positive.

Je ne reviendrai pas sur les avancées soulignées par MM. Haenel, Bernard-Reymond, del Picchia, Pozzo di Borgo, Raffarin, Bel et Alfonsi.

Le point sur lequel, après un certain nombre d'entre vous, je voudrais insister parce qu'il est trop souvent méconnu concerne les avancées sociales contenues dans ce traité, notamment la lutte contre les discriminations et les exclusions sociales.

Comme M. Raffarin l'a justement relevé, c'est, depuis 1985, le traité qui comporte le plus d'avancées sur le plan social et sur le plan démocratique.

En réponse à MM. Retailleau et Lardeux, je rappelle la différence, soulignée par toutes les analyses juridiques, qui existe entre le fait de figurer au sein des objectifs de l'Union, ce qui était le cas de la concurrence libre et non faussée, et le fait d'être un simple moyen.

Contrairement à ce qui a été indiqué, les transferts de compétences à la majorité qualifiée sont un gage d'efficacité, notamment pour la coopération judiciaire. Comment lutter contre le terrorisme et l'insécurité, comment protéger nos concitoyens si un seul État peut bloquer les décisions ? La majorité qualifiée est une avancée fondamentale de ce traité.

Pour moi, c'est un bon traité, porteur d'un nouvel élan, comme l'a souligné Jacques Blanc. Il ne nous exonère pas de la responsabilité de porter des projets européens qui peuvent être bénéfiques pour l'ensemble des Français. Je rejoins M. Pierre Bernard-Reymond pour dire que ce traité est équilibré, qu'il est un gage de progrès. Nos débats doivent, pour l'essentiel, porter sur le contenu et l'orientation des politiques qui seront développées à partir de cette base.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie, par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi constitutionnelle adopté par l'Assemblée nationale modifiant le titre XV de la Constitution (170, 2007-2008).

.Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si le peuple ne convient pas, peut-être faut-il le changer...

Le 29 mai 2005, le peuple français a refusé la ratification du Traité constitutionnel européen par 54, 67 % des suffrages exprimés. Ce vote n'était pas un vote de circonstance. Il résultait d'un vaste débat national, sans doute sans précédent, sur l'Europe, sa construction, sa politique.

Le peuple a dit non à cette Europe fondée sur la seule loi du marché et au fonctionnement démocratique déficient.

Contrariant par là le vote des parlementaires qui l'avaient approuvé à 93 %, le peuple a tenu bon ; il a réfuté non seulement un projet, mais aussi et surtout, une réalité vécue, celle de l'Europe de la flexibilité et du dumping social, de la détérioration des services publics, de la libre circulation des capitaux et des emplois, mais non des hommes.

Le peuple a constaté que, depuis le traité de Maastricht, la construction européenne creusait le déficit démocratique et sacralisait le marché financier au détriment de toute politique de croissance au service de l'emploi.

Les votes successifs des Français, le 29 mai 2005, puis des Néerlandais, ont rendu caduc le Traité constitutionnel, mais ils n'ont pas été suivis de la réorientation exigée et nécessaire.

Les dirigeants européens ont mis à profit ces deux années pour tenter de faire oublier leur échec et cherché le moyen de passer outre le choix d'une partie des peuples de l'Europe.

Candidat, M. Sarkozy s'est présenté comme le héraut d'un nouveau départ pour l'Europe, tirant les leçons des référendums français et néerlandais et du mécontentement croissant de l'ensemble des peuples européens qui, d'ailleurs, exigent un référendum sur le traité de Lisbonne : 76 % des personnes en Allemagne, 75 % au Royaume-Uni, 72 % en Italie, 65 % en Espagne et 71 % en France.

Nicolas Sarkozy, lors de son principal discours de candidat sur l'Europe à Strasbourg le 21 février 2007, annonçait déjà ce tour de passe-passe. Comme il a été beaucoup cité pour justifier l'absence de référendum, je tiens à rappeler ses termes exacts :

« Je veux que l'Europe redevienne un projet. Je veux remettre la volonté politique au coeur de l'Europe. Je veux que l'on refasse l'Europe des politiques communes plutôt qu'une Europe sans politique.

« Les Français ont dit non à la Constitution européenne parce qu'ils avaient le sentiment que l'Europe ne les protégeait plus et qu'elle faisait d'eux, non des acteurs, mais des victimes de la mondialisation.

« La conséquence de ce qui s'est passé, c'est qu'avant de refonder politiquement l'Europe nous devons la refonder économiquement et socialement. Dans la situation actuelle, l'ambition de tous les Européens devrait être de redéfinir les principes et les règles de l'Union économique et monétaire, en les inscrivant dans cette dimension humaniste et sociale qui fait aujourd'hui tant défaut à l'Europe. La priorité doit désormais être donnée à la croissance et à l'emploi. »

Après une longue diatribe contre l'actuelle Europe, le futur Président de la République concluait : « Je proposerai à nos partenaires de nous mettre d'accord sur un traité simplifié qui reprendra les dispositions du projet de Traité constitutionnel nécessaires pour que l'Europe puisse se remettre en marche, qui n'aient pas suscité de désaccord majeur durant la campagne référendaire. Ce traité simplifié de nature institutionnelle sera soumis par ratification au Parlement. »

Voilà ce dont vous vous prévalez pour refuser le référendum ! Cette citation était nécessaire pour rétablir l'exactitude des propos du candidat Sarkozy.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à une véritable manipulation, très dangereuse pour la démocratie : le traité de Lisbonne est identique, dans son contenu, au Traité constitutionnel rejeté en 2005.

Sa présentation est, certes, différente : il s'agit de modifications des traités antérieurs et non plus d'un texte homogène. Cependant, comme le Traité constitutionnel, il aborde l'ensemble de la politique européenne, et pas seulement les questions institutionnelles. Toute la politique économique et sociale, la politique de défense, la politique étrangère et la politique de sécurité sont concernées.

M. Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, reconnaît cette similitude dans son rapport du 8 novembre 2007 : « Le Traité de Lisbonne reprend en règle générale le contenu du Traité constitutionnel, même si c'est dans une forme complètement différente. » La lecture de votre rapport, monsieur Haenel, est édifiante tant l'énumération des différences entre les deux traités est succincte !

Permettez-moi encore une citation : « L'institution d'une dernière trouvaille consiste à vouloir conserver une partie des innovations du Traité constitutionnel et à les camoufler en les faisant éclater en plusieurs textes. Les dispositions les plus innovantes feraient l'objet de simples amendements aux traités de Maastricht et de Nice. Les améliorations techniques seraient regroupées dans un traité devenu incolore ou inodore. »

C'est un spécialiste, M. Valéry Giscard d'Estaing, vous l'avez reconnu, qui, dès le 14 juin 2007, pressentait ainsi l'opération à venir. Plus récemment, il se bornait à constater que 98 % de son « bébé», « sa » Constitution, étaient repris par le traité de Lisbonne.

Exemple emblématique : la référence à l'article 3 du Traité constitutionnel à la libre concurrence non faussée aurait disparu à la demande de M. Sarkozy quand il était encore candidat. Or il n'en est rien, nous l'avons vérifié, puisque, à l'article 4, c'est « l'économie de marché où la concurrence est libre » qui surgit. Le protocole n° 6 rappelle que le marché intérieur comprend « un système garantissant que la concurrence est non faussée ».

Tous les observateurs non tenus par un engagement ministériel ou électif à l'égard de M. Sarkozy reconnaissent cette réalité.

D'ailleurs, on dit aux Espagnols, qui, à l'époque, ont voté oui - mais sans guère de débats - lors du référendum sur le Traité constitutionnel, que ce n'est pas la peine qu'ils se prononcent à nouveau par référendum, car le traité est le même. Vérité d'un côté des Pyrénées, erreur au-delà...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le Conseil constitutionnel, par les termes de sa décision du 20 mai 2007, admet la similitude. L'attestent les renvois systématiques à sa décision de 2004 sur le Traité constitutionnel européen, effectués au nom de cette similitude.

Évoquant, sur un site officiel, la question essentielle des transferts de compétences, les membres du Conseil constitutionnel indiquent : « Le traité de Lisbonne ne transfère pas à l'Union, par rapport au Traité constitutionnel européen, d'autres compétences intervenant dans des matières régaliennes nouvelles. Ils ne retirent par ailleurs aucune matière transférée par le TCE. L'amalgame fait en 2004 demeure entièrement valable. Pour autant, il existe des différences de rédaction entre le traité de Lisbonne et le TCE. » Vous voyez comme c'est subtil !

Aussi les juges constitutionnels tentent-ils de se dédouaner en se réfugiant derrière leur décision de 2004.

Pourtant, et c'est un premier motif d'irrecevabilité, nous estimons que le Conseil Constitutionnel, au regard de sa jurisprudence antérieure, aurait dû se déclarer incompétent.

Par une décision du 6 novembre 1962, reprise sur le principe par celle du 23 septembre 1992, le Conseil constitutionnel s'est en effet déclaré incompétent en matière de loi référendaire.

Deux constitutionnalistes commentaient ainsi ces décisions : « Le fait capital est que la haute juridiction a cru pouvoir déduire de l'ensemble des dispositions constitutionnelles qu'elle n'avait reçu mission que d'assurer la régulation de l'expression ? indirecte ? de la souveraineté nationale par les représentants et non de l'expression ? directe ? par les peuples. Selon ses propres termes, le Conseil constitutionnel se refuse à juger les lois qui, ? adoptées par le peuple à la suite d'un référendum, constituent l'expression directe de la souveraineté nationale?. »

Un simple raisonnement a contrario paraît s'imposer. Le Conseil constitutionnel n'aurait pas dû se prononcer sur des dispositions qu'il reconnaît lui-même comme similaires. Il établit systématiquement la référence des nouveaux articles aux anciens articles du TCE, qui ont été repoussés par « l'expression directe de la souveraineté nationale, cette souveraineté populaire qui effraie tant les puissants d'Europe, par référendum. »

Je demande d'ailleurs au président de la commission des lois de s'exprimer avec précision sur ce point. Peut-être consultera-t-il les éminents constitutionnalistes ; je pense à M. Gélard, qui, ici même, en 2005, déclarait : « Il est sans doute dommage qu'à chaque étape de la construction européenne nous n'ayons pas toujours, par le passé, utilisé le référendum. ». Là, ce n'est pas d'un côté à l'autre des Pyrénées, c'est d'une année sur l'autre !

Deuxième motif d'irrecevabilité : nous estimons que le Conseil constitutionnel a omis, comme en 2004, ou même en 1992, un certain nombre d'incompatibilités entre le traité de Lisbonne et la Constitution - je parle évidemment ici de la nôtre, celle de la République française -, incompatibilités que le Gouvernement aurait dû prendre en compte.

J'insiste sur le caractère profondément antidémocratique de la méthode choisie : le Conseil constitutionnel, organe non élu, fixe le cadre - il l'a fait en moins d'une semaine cette fois-ci - de la révision constitutionnelle. Il serait le seul juge, bien sûr, de la compatibilité avec ce que le Conseil constitutionnel lui-même dénomme « l'identité constitutionnelle française ».

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, le Parlement existe ! Le peuple est nié ; faut-il également bâillonner le Parlement ?

Nous estimons qu'un certain nombre d'autres motifs d'inconstitutionnalité existent, et qu'il faudrait en débattre.

L'article 42-2 du traité de Lisbonne est, selon nous, contraire à la Constitution. Cet article subordonne la politique de sécurité et de défense commune à l'OTAN. De fait, l'article 3 de la Constitution de 1958, qui affirme la souveraineté nationale, devrait être modifié en conséquence.

L'article 106 du traité, qui soumet les services publics aux règles de concurrence, est, de fait, en contradiction avec le Préambule de la Constitution de 1946, qui, dans son alinéa 9, évoque les monopoles de fait de certains services publics.

Et, en cette période où la restauration d'un contrôle politique sur la finance apparaît si nécessaire, que dire de l'article 282, qui consacre l'indépendance de la Banque centrale européenne ? Il est, lui aussi, en contradiction flagrante avec le principe de souveraineté nationale en la matière.

Je rappelle que ce principe englobe la souveraineté populaire : l'article 3 de la Constitution la place bien au même rang que celle de la nation.

L'article 48 du traité, qui concerne les clauses dites « passerelles » permettant aux autorités européennes, sans consultation des parlements nationaux, de passer de l'unanimité à la majorité qualifiée dans certains domaines, exige une adaptation plus explicite de notre Constitution.

Enfin, et ce débat n'est pas le moindre, la référence aux fondements religieux de l'Europe dans les premières lignes du traité mériterait un débat précis sur la compatibilité entre une telle référence, lourde de conséquences, et le caractère laïque de notre République.

Il n'y a pas de mots anodins dans un tel texte. La référence, si manifeste, au religieux pourra d'ailleurs engendrer un important contentieux sur ce thème devant la Cour de justice européenne, dont les jugements auront autorité sur les droits nationaux.

À la lecture de cette énumération, qui pourrait être complétée, vient forcément à l'esprit une question : la construction européenne dans le cadre de ce « traité constitutionnel bis » qui cache son nom respecte-t-elle la « forme républicaine du Gouvernement » ? C'est là un troisième motif d'irrecevabilité. Le cinquième alinéa de l'article 89 de la Constitution dispose en effet expressément qu'une révision ne peut comprendre des dispositions qui portent atteinte à ce principe fondateur ; c'est le Conseil constitutionnel qui, dans le cadre des décisions relatives au traité de Maastricht, a fixé ces limites.

Or, monsieur le secrétaire d'État, alors que la politique économique et monétaire est décidée ailleurs par des oligarques qui n'obéissent qu'au seul dogme du marché, alors que des transferts massifs de souveraineté sont engagés sur le plan de la justice et de la sécurité, ou encore du fait de la mise sous tutelle progressive de l'OTAN, alors que le pouvoir de faire la loi européenne, qui s'impose à la loi nationale, est en réalité entre les mains d'une Commission sans légitimité démocratique, la « forme républicaine du Gouvernement » est-elle préservée ? Mes chers collègues, il est temps de se poser cette question essentielle pour l'avenir de notre peuple, mais aussi des peuples européens dans leur ensemble.

Nous savons bien qu'un certain modèle démocratique est en crise, sous la pression d'une mondialisation financière en pleine expansion anarchique. Les derniers soubresauts boursiers doivent servir d'avertissement. Le peuple doit s'exprimer et ses représentants doivent l'aider à le faire, et non pas l'en empêcher.

J'estime donc, avec de nombreux parlementaires, que cette révision constitutionnelle n'a pas lieu d'être : le peuple a le droit de changer d'avis, mais il n'appartient pas au Parlement de changer l'avis du peuple.

Enfin, dernier motif d'irrecevabilité, la souveraineté populaire qu'établit, je le rappelle, l'article 3 de la Constitution est bafouée par le passage en force de dispositions internationales déjà repoussées par référendum.

Comme le rappelait M. Vidalies, député socialiste qui s'est prononcé pour un nouveau référendum, ni l'article 11 ni l'article 89 de la Constitution ne prévoient de disposition concernant l'échec d'un référendum proposé par l'exécutif. Pourquoi ? Parce que l'évidence s'impose : la voix du peuple doit être respectée sans ambiguïté aucune !

D'ailleurs, en 1946 et en 1969, s'agissant des deux référendums à l'occasion desquels le peuple a été consulté sur des projets de textes, qu'il a refusés - ces référendums n'étaient donc pas des plébiscites -, les résultats ont été suivis d'effets puisque les gouvernements en cause en ont tiré immédiatement les conséquences.

Ce serait donc la première fois de notre histoire qu'il ne serait pas tenu compte de la réponse du peuple exprimée lors d'un référendum. En quelque sorte, la droite aime les plébiscites, elles détestent les référendums...

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'estime donc avec mon groupe que ce projet de loi constitutionnelle est irrecevable en l'état.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

La motion qui nous est présentée tend à opposer l'exception d'irrecevabilité à l'examen du projet de loi constitutionnelle.

Cette exception serait motivée par le fait que le Conseil constitutionnel n'aurait pas pleinement accompli la mission qu'il tiendrait de la Constitution elle-même d'examiner si un traité est contraire ou non à celle-ci.

Par l'article 54 de la Constitution, le constituant a fait du Conseil constitutionnel l'interprète ultime et authentique tant de la Constitution que du traité international concerné. Il conditionne même la ratification d'un traité à l'absence de contrariété de ce dernier à la Constitution et, logiquement, prévoit que la Constitution doit être révisée pour lever une contrariété éventuelle.

La motivation à laquelle recourt la motion revient donc à contester la légitimité du Conseil constitutionnel et de sa jurisprudence. Mais elle ne saurait s'appuyer sur aucune considération de nature constitutionnelle.

Au contraire, la procédure de l'article 54 est pleinement respectée : le projet de loi constitutionnelle est en effet une réponse point par point à la décision du Conseil constitutionnel et a pour objet de lever l'ensemble des contrariétés avec notre Constitution relevées par le Conseil constitutionnel.

En outre, et surtout, le principe même de l'exception d'irrecevabilité est de « faire reconnaître que le texte en discussion est contraire à une disposition constitutionnelle, légale ou réglementaire ». Il suffit de rappeler que le constituant est souverain et qu'il n'existe en France aucun principe de valeur supra-constitutionnelle.

En conséquence, l'exception n'est pas fondée et votre commission émet un avis défavorable à la motion.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission que vient d'exprimer le doyen Patrice Gélard, qui d'ailleurs m'a enseigné le droit et qu'il me serait difficile de ne pas suivre...

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Comme vous le voyez, madame Borvo Cohen-Seat, je ne m'en porte pas plus mal !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Ce n'est tout de même pas la vérité révélée !

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Non, mais nous sommes là pour parler du droit, et, selon nous, cette exception d'irrecevabilité n'est pas fondée, car, comme l'a excellemment exposé le M. Gélard, le projet de loi constitutionnelle que nous examinons a précisément pour objet de réviser la Constitution.

Au surplus, les motifs que vous avez développés ne peuvent pas recueillir notre assentiment puisqu'ils remettent en cause par eux-mêmes la décision du Conseil constitutionnel. Or, comme vous le savez, les décisions de cette juridiction s'imposent aux pouvoirs publics.

Quant au fond du traité, je n'y reviens pas, car nous avons déjà longuement débattu et souligné les avancées sociales et démocratiques qu'il permet.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi constitutionnelle.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 72 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie, par M. Mélenchon, d'une motion n°2 tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3 du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le titre XV de la Constitution (170, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minute, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour modifier la Constitution parce que c'est la condition de la ratification du traité de Lisbonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Pour ma part, je m'oppose au traité de Lisbonne, mais je m'expliquerai seulement sur sa constitutionnelle.

En toute franchise, j'ai l'intention, avec d'autres, de faire tout ce qui est en mon pouvoir et d'user de toute ma force de conviction afin de réunir une minorité des deux cinquièmes au Congrès du Parlement à Versailles, de sorte que la réforme de la Constitution soit rejetée et que le Président de la République n'ait d'autre issue, pour faire ratifier le traité, que de provoquer un référendum.

C'est parce que je suis partisan du référendum, et pour nulle autre raison, que je m'oppose à la modification de la Constitution. Non pas, comme d'aucuns l'ont sournoisement insinué, que nous établirions une hiérarchie, tout à fait aberrante pour un parlementaire entre, d'une part, la légitimité du Parlement, et d'autre part, celle du suffrage populaire quand il s'exprime à travers le référendum. Non ! C'est parce que nous posons un diagnostic sur l'état de la construction de l'union politique de l'Europe que nous refusons la révision constitutionnelle !

Selon nous, en effet, l'Europe, dans son état actuel, avec vingt-sept pays membres, est surtout malade d'un manque de démocratie et d'une insuffisance d'implication populaire. Voilà le fond du problème ! Vouloir le référendum, c'est vouloir commencer à guérir l'Europe en impliquant le peuple dans sa construction.

Ici, la forme, c'est le fond. La forme à laquelle nous aspirons est, si vous me permettez l'expression, conforme au génie des Français. À cette tribune, comme dans les médias et partout ailleurs, il est d'usage qu'on bée d'admiration devant la moindre coutume locale, mais il est de bon goût de dénigrer la participation particulière des Français à l'histoire universelle, sur un point précis qui fait leur identité : la République !

Je le rappelle, la méthode républicaine, l'inspiration issue du courant des Lumières, c'est l'idée, toute simple, qu'un peuple ne se forme pas par les communautés qui le constituent, par les religions qui le traversent, par les langues qui le partagent, mais que seule la communauté légale formée par l'ensemble des citoyens lui permet de définir un intérêt général. Et là où l'on peut définir un intérêt général, il y a un peuple et des institutions démocratiques ; c'est tout le contraire de ce que nous avons sous les yeux.

À cet impératif, d'aucuns ici opposent un premier mandat que nous aurions reçu. Celui-ci nous viendrait du peuple français lui-même qui, en désignant M. Nicolas Sarkozy comme Président de la République, aurait de ce fait avalisé la totalité de ses propositions.

Certes, il est tout à fait légitime que le gagnant de cette élection applique le programme qu'il a proposé aux Français -ce point n'est pas en discussion entre nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Toutefois, je ferai deux remarques. Tout d'abord, la République n'est pas suspendue entre deux élections présidentielles et, par conséquent, les droits démocratiques de discussion et d'inversion des décisions prises antérieurement restent ouverts. Ensuite, le Président de la République a pris l'engagement de passer par la voie parlementaire, non pas à propos du traité de Lisbonne en particulier, mais de façon générale et en se référant à des normes d'appréciation qu'il avait lui-même fixées et auxquelles nous pouvons nous référer pour apprécier sa décision actuelle.

Premièrement, le texte soumis au Parlement devait être un mini-traité. Or, mes chers collègues, vous admettrez, après tout ce que vous avez entendu, que tel n'est pas le cas, puisque le traité de Lisbonne est plus long que le texte précédent. Deuxièmement, ce traité ne devait concerner que les questions institutionnelles. Or, s'il est vrai qu'il reprend exactement toutes les dispositions de cette nature qui figuraient dans le précédent traité constitutionnel, la moitié de ses articles, soit 198 sur 356, évoquent non pas les institutions, mais le contenu des politiques et modifient les précédents traités européens sur des questions de fond, comme la politique économique et la politique sociale, entre autres.

Par conséquent, aucun des critères que le Président de la République avait invoqués pour justifier le passage par la voie parlementaire au lieu du référendum ne se trouve satisfait.

Au demeurant, le Président de la République devrait en être le premier juge, puisque lui-même, nous l'avons rappelé, avait affirmé à de nombreuses reprises que l'on ne saurait construire un dispositif constitutionnel aussi complexe que celui de l'Union européenne sans aller à la rencontre du peuple souverain et sans lui demander son avis.

Par conséquent, il n'est pas vrai, selon moi, que nous aurions reçu de l'élection présidentielle un mandat sur ce traité et sur la manière de le ratifier. Le premier mandat que nous avons, c'est le peuple qui nous l'a donné, en mai 2005. Il est contenu dans le « non ». Car c'est bien le même texte qui revient aujourd'hui devant nous !

Qu'avez-vous fait de ce mandat ? Je ne m'adresse pas ici à vous, mes chers collègues, mais à celui qui avait pris l'initiative de convoquer le référendum de 2005. Qu'en a-t-il fait ? Rien ! Il a laissé faire, alors que son devoir eût été, après que le peuple français a voté « non », de retirer la signature de la France du précédent traité constitutionnel.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

On ne retire pas comme cela sa signature d'un traité ! Vous ne connaissez pas le droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Ainsi, on n'aurait pas laissé des peuples ratifier les uns après les autres ce traité par voie parlementaire, pour ensuite en tirer argument afin d'exiger des Français et des Néerlandais qu'ils cèdent ! Cet abandon du mandat de 2005 a été une forfaiture et nous a conduits à un véritable encerclement.

Vives protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Non, mon cher collègue. Il est fort, mais il n'est pas trop fort ! Car une forfaiture désigne l'acte par lequel quelqu'un se soustrait aux obligations de sa charge.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Quand le peuple français vote « non », le titulaire de la charge présidentielle a pour mission de faire en sorte que cette décision soit respectée. Or ce n'est pas ce qui s'est passé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Mes chers collègues, je formule une appréciation politique. Si vous voulez m'interrompre, il vous faut l'autorisation de Mme la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

C'est tellement vrai que nous avons assisté à ce spectacle incroyable : dix-huit pays se sont réunis à Madrid pour faire la leçon aux Français et aux Néerlandais et expliquer qu'en toute hypothèse le traité s'appliquerait. Avez-vous oublié ce moment ? Pas moi ! J'ai eu mal alors pour ma patrie républicaine, qui ne méritait pas d'être traitée de la sorte ni de recevoir ces leçons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Et puisque nous parlons de référendums, je rappellerai qu'à trois occasions seulement le peuple français a répondu « non » à la question qui lui était posée, et que sa décision a toujours eu des conséquences politiques immédiates.

À la Libération, tout d'abord, après qu'eut été rejetée la Constitution proposée, une nouvelle assemblée constituante a tout de suite été convoquée et les Français ont voté de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

En 1969, ensuite, les Français ont répondu « non » au référendum proposé par le général de Gaulle, qui s'en est allé le lendemain.

Aujourd'hui, c'est la première fois que le peuple vote « non » et qu'il ne se passe strictement rien ensuite - sauf que l'on vient narguer ceux qui ont fait valoir leur droit démocratique de s'opposer à une décision gouvernementale, en leur demandant où est passé leur « plan B ». Mais nous n'avons jamais eu de « plan B » ; il s'agit d'une invention des partisans du « oui » !

Protestations sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Comment osez-vous dire cela ? C'est votre ami Fabius qui en a parlé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Je n'étais en aucun cas en état, pas davantage que mes collègues de l'opposition, d'ailleurs, de proposer un « plan B », car ce n'est pas nous qui exercions les responsabilités de l'État et qui détenions la majorité au sein de la représentation nationale, c'était le président Chirac et vous !

Il ne pouvait y avoir de « plan B » que s'il était proposé par la France ou un autre pays européen, et nous n'étions pas en situation de le faire. Votre procès est donc injuste, sournois et souvent fielleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Vos propos sont non seulement emphatiques, mais complètement faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Vous n'avez retenu du référendum de 2005 qu'une seule leçon : en 2005, onze référendums étaient prévus en Europe ; cette année, sur le même texte, il n'y en a pas un seul ! Et quand un peuple décide que, peut-être, il va en discuter, il est réprimandé ! Ainsi, on a vu la Slovénie, un pays récemment entré dans l'Union européenne et qui préside celle-ci pour la première fois, faire les gros yeux au Portugal, lui adresser une admonestation publique et lui demander pourquoi il envisage un référendum alors que ce n'était pas prévu. Voilà la seule leçon qui a été tirée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Mais la France avait des engagements antérieurs au « non » de 2005 ! Elle devait respecter le traité de Maastricht, qu'elle avait signé. L'Union européenne, cela existe ! Respectez les autres États membres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Monsieur Raffarin, je vous donne raison sur un point : il faut penser grand, et en lien avec les autres peuples d'Europe. Parlons-en !

Ce n'est pas la première fois que l'on veut faire l'union politique de l'Europe ; maintes tentatives ont eu lieu dans le passé. En remontant aux époques les plus lointaines, on peut ainsi évoquer les Romains §, les Barbares, puis, de manière plus civilisée, les Capétiens, les Habsbourg, qui ont bien failli parvenir à leurs fins, le Saint Empire romain germanique, enfin nous, les Français : lorsque nous avons rompu les chaînes du vieux monde avec la Révolution de 1789 et que la « contrainte extérieure » s'est présentée chez nous, armée jusqu'aux dents, pour nous faire changer d'avis, nous avons franchi les frontières et nous sommes passés chez les autres. Nous aussi avons souhaité faire l'Europe, mais l'Europe napoléonienne.

Les nazis ont voulu en faire autant, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

... mais il s'agit là d'un souvenir que tous, ici, nous abominons.

Après la Grande Guerre et la Seconde Guerre mondiale, nous avons commencé un nouveau processus d'unification ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

... qui doit être mis en perspective car, en réalité, plusieurs Europe ont été mises en place depuis cette date.

On ne peut pas dire, en effet, que l'Europe de la Communauté européenne du charbon et de l'acier soit la même que celle, avortée, de la Communauté européenne de défense, ou que l'Europe des Six, des Sept, des Douze, des Seize, puis des Vingt-Sept !

À chaque étape de l'élargissement, l'augmentation du nombre des États membres fait franchir des seuils qui modifient la nature du projet politique. En outre, les circonstances ne sont pas les mêmes, entre la période antérieure à la chute du mur de Berlin, quand l'Europe était coupée en deux, et celle qui a suivi. Nous devons avoir à l'esprit tous ces éléments.

Qu'ont en commun toutes ces expériences qui ont échoué avant la tentative actuelle ? Non pas d'avoir manqué au respect de la diversité - les Habsbourg la respectaient très bien, le Saint Empire romain germanique parfaitement -, mais, à chaque fois, de s'être passées de l'avis du peuple !

On ne peut pas constituer un ensemble politique dans lequel quatre cents millions d'individus accepteraient de se soumettre et de reconnaître comme un principe d'autorité légitime une décision prise pour eux, sans qu'ils y aient pris part. Ne pas le comprendre, c'est ne pas comprendre que la crise dans laquelle nous sommes entrés ne peut finir que dans le fracas.

Le modèle européen d'aujourd'hui nie la souveraineté populaire. Mes chers collègues, je vous le dis à regret, pour avoir été de ceux qui ont voté « oui » à Maastricht et qui ont adhéré pleinement à l'idée que l'Union européenne constituait une construction politique singulière : avec le passage à vingt-sept États membres, après le traité de Nice, nous avons changé de monde ! Et nous ne réglons pas le problème de la transition démocratique de l'Europe, nous mettons en place un système institutionnel aussi verrouillé que l'était la précédente Constitution, et qui interdirait toute évolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Mes chers collègues, j'ai entendu ici d'innombrables voeux pieux et d'enthousiastes actes d'adhésion à l'Europe. Que n'a-t-on dit ? Demain devait venir l'harmonisation sociale et la lutte contre le dumping fiscal ; après-demain, la limitation de cette circulation des capitaux qui ruine la planète. Mais tout cela est spécifiquement interdit par le texte du traité de Lisbonne ! - je ne développerai pas davantage ce point, car je veux non pas entrer dans le contenu du traité, mais en rester à la question de la forme démocratique.

Oui, le décrochage démocratique est patent. Les peuples qui viennent d'adhérer à l'Union européenne ont battu des records d'abstention lors des dernières élections européennes -les derniers à se prononcer, c'est-à-dire les Roumains, se sont abstenus à plus de 70 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Il est vrai que, quand vos amis étaient au pouvoir, ils votaient à 99 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Comment n'êtes-vous pas sensibles à cet aspect ?

Les Roumains sont-ils moins Européens que nous ou, plutôt, n'ont-ils pas compris que la construction européenne était totalement extérieure à leurs préoccupations et à leurs revendications démocratiques initiales, qui ont fondé la Roumanie nouvelle ?

Un point m'intrigue : pourquoi cet acharnement à nous dénigrer, à nous humilier, à nous clouer le bec - car nous en sommes là ? Les Français ne sont-ils pas dignes d'un beau et grand débat public ? Certes, nous discutons dans nos assemblées parlementaires, et c'est heureux. Mais ne pourrions-nous pas le faire avec le public ? N'est-il pas possible de discuter du fond de ce traité au grand jour et devant tous ?

Car qui a raison, entre ceux qui prétendent que le traité interdit telle ou telle politique et ceux qui affirment le contraire ? Comment peut-on savoir ce que contient ce texte, sinon par un grand débat démocratique et contradictoire ? Pourquoi vouloir l'empêcher ? Vous n'êtes d'ailleurs pas seuls en cause : je trouve lamentable l'attitude des médias, qui se préoccupent moins du fond que des querelles entre les personnes.

Pourquoi ne voulez-vous pas d'un référendum ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Il doit bien y avoir une raison !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

On nous reproche, à nous, d'établir une hiérarchie, mais vous aussi, vous en établissez une !

Alors, pourquoi ne voulez-vous pas d'un référendum ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Je viens de l'expliquer, mon cher collègue !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous n'êtes que les représentants du peuple élus au suffrage indirect !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Je l'ai expliqué pendant dix minutes : organiser un référendum, c'est commencer à régler la question de l'implication populaire dans la construction européenne.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Vous l'avez mal expliqué parce que je n'ai pas compris !

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l'Ump

Et le Parlement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Mais personne ne discute la légitimité de la représentation nationale ! Je le répète : un référendum permettrait de commencer à régler le problème de la crise démocratique.

Laissez-moi vous dire pourquoi vous ne voulez pas de référendum : c'est parce que vous en connaissez le résultat ! S'il en avait la possibilité, le Président de la République - vous savez comment il est ! - ne manquerait pas de solliciter du peuple français une nouvelle marque d'amour !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Oui madame la présidente.

J'espère que vous n'aurez jamais de regrets.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

quand les Français vous demanderont si l'Europe est en mesure de nous aider, vous pourrez répondre autre chose que : « Non, car le texte que nous venons de voter prévoit qu'il ne doit être mis aucune limite à la libre circulation des capitaux ».

Souhaitez que, lorsque l'on vous demandera ce qu'il est possible de faire pour empêcher le dumping social, si l'Europe va se doter de normes sociales communes, vous aurez autre chose à répondre que : « Non, car le texte que nous venons d'adopter interdit l'harmonisation sociale

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit

Protestations sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Vous n'avez pas le droit de dire n'importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ils méprisent le peuple et ils méprisent les parlementaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne raconte pas n'importe quoi et je vous prie de respecter ma parole ! Je peux vous citer les passages du texte où il est question de ces sujets.

M. Josselin de Rohan proteste

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Monsieur de Rohan, je vous mets au défi de débattre publiquement avec moi de cette question. Nous comparerons alors nos arguments. Je ne dis pas que vous dites n'importe quoi ; vous soutenez un point de vue, j'en soutiens un autre ! Ne méprisez pas notre argumentation ! §

La question de la souveraineté populaire est ancienne sur notre continent. Nous, Français, nous la connaissons et nous pouvons en parler mieux que d'autres parce qu'elle a fondé notre démocratie et notre République. Elle est à l'origine du partage entre droite et gauche, au moment où le ci-devant Capet prétendait partager dans la salle les élus entre partisans du droit de véto - c'est-à-dire le droit pour un de suspendre la décision de tous, comme on nous propose de le faire aujourd'hui - et partisans de la souveraineté populaire. C'est ce jour-là, à l'occasion de ce vote, que la droite et la gauche ont vu le jour. C'est une vieille histoire ! Mais sachez-le, rien n'empêchera la souveraineté des peuples européens de s'affirmer un jour ou l'autre, et le plus tôt sera le mieux !

La crise de la démocratie européenne n'est pas celle d'une superstructure lointaine, un simple inconvénient passager, extérieur à notre quotidien ; c'est la crise de notre propre démocratie !

Mes chers collègues, est-il raisonnable du point de vue européen d'accepter que, demain, l'initiative des lois appartienne à la Commission, quand n'y siégeront ni les Français ni les Allemands, parfois ni les uns ni les autres en même temps, comme cela se produira du fait du tourniquet prévu ? Est-il normal que 80 % des mesures qui s'appliqueront aux Français soient décidées dans de telles conditions ?

L'autorité de la Commission sera-t-elle légitime alors que les deux peuples les plus nombreux en seront écartés ? Allez-vous tenter de nous démonter que oui, monsieur Jouyet ?

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Mon propos ne se veut pas nationaliste. Je souhaite simplement dire que la représentation des peuples et la démocratie, pour un peuple, cela existe, comme un impératif et non comme une faveur ! Il n'y a pas d'autres racines au consentement à l'autorité dans une démocratie que la certitude que la décision est légitime ; or, la décision n'est pas légitime quand elle n'est pas le fait du peuple.

Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je me vois contraint de dire à M. Mélenchon qu'il n'a pas du tout défendu sa motion tendant à opposer la question préalable !

M. Jean-Luc Mélenchon s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

J'ai tout de même passé un quart d'heure à avancer des arguments !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous ne savez pas ce qu'est une motion tendant à opposer la question préalable !

M. le rapporteur proteste.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur.

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

M. Mélenchon n'a effectivement pas abordé la révision constitutionnelle en tant que telle. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Contrairement à ce que vous pensez, j'ai écouté attentivement M. Mélenchon, que j'ai trouvé très intéressant, et je suis prêt à débattre avec lui du fond du traité. Mais ce n'est pas le propos d'aujourd'hui !

Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il n'y aura pas de débat sur le respect de la démocratie !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Arrêtez de donner des leçons ! Vos arguments ne tiennent pas debout !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi constitutionnelle.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 76 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie par M. Bret, Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°20 tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant le titre XV de la Constitution (170, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Robert Bret, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le dépôt par l'opposition sénatoriale de cette motion tendant au renvoi en commission n'est pas un acte de procédure, encore moins une manoeuvre dilatoire pour refuser un débat que nous appelons de nos voeux.

Depuis des semaines, notre démarche vise à donner la parole aux Françaises et aux Français : la motion référendaire tendait à permettre la mise en oeuvre par le Parlement de l'article 11 de la Constitution, qui organise le référendum. La motion, si le Sénat l'avait adoptée, aurait dû être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Permettez-moi de vous rappeler le contenu de l'article 11 de la Constitution : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur les réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. »

La commission des lois aurait dû se pencher, monsieur Hyest, sur la question de l'organisation, ou non, d'un référendum.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Une chose est sûre : le traité de Lisbonne, comme le traité constitutionnel européen, est bel et bien susceptible d'avoir des conséquences sur le fonctionnement des institutions. Il peut donc être soumis à référendum. C'est une possibilité juridique, mais également une exigence politique, monsieur Hyest.

Par référendum en date du 29 mai 2005, le peuple français a massivement refusé la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Par cet acte de souveraineté, le peuple a clairement signifié, de manière la plus forte qui soit, son rejet de l'Europe libérale consacrée par ce texte. Il a refusé une conception marchande de l'Europe. Pour autant, ce refus ne remet pas en cause l'adhésion populaire à l'aventure européenne.

Confrontés à leur échec; les dirigeants européens ont décidé de relancer l'Union européenne en contournant les peuples. Les États membres ont tout orchestré sans consulter ni informer les citoyens européens !

Pour la première fois dans l'histoire des révisions des traités, la conférence intergouvernementale a été non pas chargée d'élaborer les modifications du nouveau traité, mais de retranscrire les principes et règles arrêtés par les chefs d'État et de gouvernement réunis lors du Conseil européen de Bruxelles les 21 et 22 juin 2007.

Le traité de Lisbonne doit passer coûte que coûte et à n'importe quel prix démocratique ! Telle est l'idée commune à tous les tenants de la constitution européenne et de son prolongement, qui voient là un moyen de prendre leur revanche sur le peuple !

Comment ne pas se rappeler que l'argument d'une Europe plus démocratique avait été avancé pour faire accepter la Constitution européenne ? Même la méthode conventionnelle est passée à la trappe, au nom de calculs politiques fondés sur le postulat d'une opposition de principe entre l'Europe et les peuples.

Après l'échec de la constitution européenne, les gouvernements ont décidé d'abandonner l'expérience mise en place pour l'élaboration du traité constitutionnel européen. En l'occurrence, on s'en souvient, une « Convention sur l'avenir de l'Europe » avait élaboré le projet de constitution européenne. L'originalité de la méthode conventionnelle résidait dans sa mixité organique et dans la participation majoritaire des membres des parlements nationaux et européen.

La constitution européenne prévoyait même, et c'était un élément positif, que sa révision solennelle devrait passer par la convocation d'une convention du même acabit.

Hélas ! au lieu de garder l'un des rares éléments appréciables de la constitution européenne

Marques d'ironie sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Les dirigeants européens ont donc opté pour le retour de la méthode intergouvernementale et adopté le traité de Lisbonne dans le cadre de négociations à huis clos, sans représentation des institutions démocratiques que sont les parlements.

Le 13 décembre 2007, les vingt-sept États membres ont signé le traité de Lisbonne sur l'Union européenne.

Ne vous en déplaise, selon le numéro 24 de la revue Cahiers du Conseil constitutionnel, « un nombre important de dispositions de 2007 reprennent celles de 2004 »

Certes, comme le précise le Conseil constitutionnel, le traité de Lisbonne est un traité formellement différent du précédent.

Comme je l'ai rappelé à l'occasion de la discussion générale, contrairement au traité constitutionnel, qui visait à remplacer les traités actuels par un texte unique et à s'y substituer, le nouveau traité amende les traités existants, c'est-à-dire le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne.

Outre le terme de « constitution », l'accessoire est écarté, mais le principal demeure !

Le traité de Lisbonne est un concentré de la Constitution européenne. Sur le fond, on retrouve le noyau dur du projet constitutionnel, autrement dit les bases d'une Europe libérale et concurrentielle.

Par exemple, si la référence à « la concurrence libre et non faussée » n'apparaît plus dans le corps du traité, elle est reprise dans un protocole annexe de même valeur juridique que le traité.

S'agissant des politiques de l'Union, qui faisaient l'objet de la troisième partie dans l'ancien texte, le traité de Lisbonne ne les mentionne pas. Elles demeurent donc inchangées.

La commission des lois et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ont refusé d'admettre cette réalité évidente. Pourtant, monsieur Hyest, à mon sens, l'objet de la commission des lois n'est pas seulement d'obéir aveuglément au Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

D'ailleurs, cela ne correspond pas véritablement, me semble-t-il, à ce à quoi vous nous avez habitués ! Le devoir de la commission des lois est de mener un travail législatif sérieux et responsable. C'est ce que nous demandons.

Le choix de la ratification par la voie parlementaire est un choix éminemment politique, qui exprime un manque de courage. Vous ne voulez pas soumettre la question directement au peuple. Le traité a été conçu pour éviter des référendums, mais, surtout, pour ne pas avoir à expliquer son contenu. Le refus d'organiser un référendum correspond à la volonté de soustraire ce texte au débat public.

Pourtant, à la lecture de la Constitution française, on aurait pensé que le recours au référendum allait de soi pour une telle question.

En effet, si, selon l'article 53 de la Constitution, la procédure normale de ratification d'un traité relève du Parlement, aux termes de l'article 11, le Président de la République peut demander l'accord du suffrage universel s'agissant de la ratification d'« un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». C'était le cas pour le traité constitutionnel européen. C'est évidemment le cas pour le traité de Lisbonne, puisque ce dernier reprend les principales dispositions novatrices prévues par le traité constitutionnel de 2004.

On aurait donc pu légitimement s'attendre à l'organisation d'un référendum pour ratifier le traité de Lisbonne. Subtiliser ce traité au débat citoyen ne va certainement pas dans le sens d'une réappropriation du projet européen par le peuple. C'est très inquiétant, surtout lorsque l'on sait que la construction européenne souffre d'un déficit démocratique originel.

Chacun doit bien comprendre que l'utilisation de la démocratie représentative pour échapper à l'expression directe du peuple dénature le rôle du Parlement, qui se trouve ainsi, une nouvelle fois, instrumentalisé par l'exécutif.

Pourtant, pour se revendiquer de la démocratie, il faut que le peuple soit susceptible d'avoir le dernier mot.

Il va sans dire que les mandataires n'ont pas le droit moral de violer la volonté directement et clairement exprimée par les mandants. Le Conseil constitutionnel lui-même, en se déclarant incompétent pour contrôler les lois référendaires, qui sont l'expression directe de la souveraineté nationale, reconnaît que la loi référendaire est d'une essence supérieure à la loi parlementaire

M. le président de la commission des lois exprime son étonnement

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

D'ailleurs, à quoi servirait-il logiquement de soumettre un projet de loi au peuple si le Parlement pouvait aussitôt ignorer et piétiner la volonté populaire ?

Dans ces conditions, que l'on soit favorable ou défavorable au traité, peut-on passer outre la décision du peuple du mois de mai 2005 en l'annulant par un vote du Parlement ? Pour reprendre l'expression de Didier Maus, président de l'Association française de droit constitutionnel, le Parlement peut-il « désavouer le peuple » ?

L'organisation d'un nouveau référendum est une exigence démocratique majeure pour notre pays. À partir du moment où le traité de Lisbonne n'est pas substantiellement différent du traité établissant une constitution pour l'Europe, passer outre la volonté des électeurs aurait de dramatiques conséquences que votre gouvernement ne semble pas mesurer.

D'une part, si le traité est ratifié sans les peuples, à l'avenir, il risque d'y avoir un accroissement de la défiance des électeurs à l'égard de leur système politique et constitutionnel.

D'autre part, cela amplifiera le fossé béant qui existe entre les spécialistes et les peuples. La construction européenne renoncera pour de bon à toute légitimité démocratique.

L'enjeu est donc d'importance ! Au regard des nouveaux éléments que nous avons apportés dans le débat, nous demandons le renvoi en commission.

La surdité est mauvaise conseillère en politique. Monsieur le président de la commission des lois, nous estimons que le Sénat peut encore se ressaisir. Le débat peut repartir sur des bases saines, mais il faut pour cela abandonner l'a priori...

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

M. Robert Bret. ... selon lequel le traité doit être ratifié coûte que coûte, fût-ce au détriment de l'idéal républicain !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Eh oui ! Puisque vous êtes si sûrs de vous, pourquoi avez-vous peur du référendum ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce n'est pas la question !

Monsieur Bret, vous avez déposé une motion tendant au renvoi en commission. Fort bien ! Simplement, je vous rappelle que nous avons auditionné des experts, des professeurs d'université et des ministres, et que nous avons eu un débat extrêmement fourni en commission. Nous avons retenu tous les arguments. Le travail a été effectué.

Ce matin même, nous nous sommes de nouveau réunis pour examiner des amendements, dont les auteurs étaient d'ailleurs absents...

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En fait, comme à l'accoutumée, nous avons fait notre travail. Je ne vois pas pourquoi il y aurait lieu de renvoyer l'examen du projet de loi constitutionnelle en commission. Cela serait strictement inutile, puisque nous n'avons rien à apporter de plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour ma part, je trouve paradoxale l'attitude de certains collègues qui souhaitent un référendum sur le traité de Lisbonne.

Que je sache, pour que le traité puisse éventuellement être soumis à référendum, il faut d'abord que l'on ait procédé à la révision constitutionnelle. (

Quel serait le sens d'un rejet du projet de loi constitutionnelle ? Cela signifierait que la France, malgré ses engagements, ne respecterait pas sa signature et ne soumettrait pas le traité au Parlement...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si, monsieur Mélenchon ! Je suis désolé. Il faut resituer les éléments dans leur contexte et faire preuve d'une certaine cohérence.

Par ailleurs, s'agissant des arguments que vous avez avancés, monsieur Bret, nous n'avons pas vérifié les conclusions du Conseil constitutionnel, mais je vous renvoie à l'article 53 de la Constitution : quand un traité est contraire à la Constitution, il faut d'abord modifier la loi fondamentale.

En réalité, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes et communistes, vos arguments sur le traité ne sont qu'un écran de fumée, parce que vous êtes divisés et incapables de parvenir à une position commune sur ce sujet difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il faut avancer et reconstruire ce qui a été arrêté à un moment donné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En quelque sorte, votre argumentation, c'est le chien qui se mord la queue !

Souriressur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Bien entendu, la commission émet un avis défavorable sur la motion tendant au renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous n'avez pas répondu à la question : comment le Parlement peut-il remettre en cause l'avis du peuple ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Mais nous ne remettons pas en cause l'avis du peuple !

Brouhaha.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je mets aux voix la motion n° 20, tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 74 :

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous allons passer à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la présidente, pourrions-nous avoir une idée de l'heure à laquelle nous lèverons cette séance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En effet, si j'en crois la dernière conférence des présidents, nous devions poursuivre la discussion sur le projet de loi constitutionnelle demain à partir de quinze heures.

Or je vois que vous avez décidé de prolonger cette séance. J'ignore qui est à l'origine de ce fait, mais il y a bien une modification de l'ordre du jour.

Par conséquent, je souhaiterais en connaître les raisons et savoir jusqu'à quelle heure nous allons siéger.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. Le président de la commission des lois veut se venger !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La conférence des présidents avait prévu, éventuellement, la suite du débat demain, à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Ce n'est pas écrit « éventuellement » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous considérons que, compte tenu de ce qui reste en débat, nous pouvons continuer et terminer l'examen du texte ce soir ; c'est déjà arrivé.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Il est à la disposition de la Haute Assemblée : si vous voulez poursuivre le débat, nous le poursuivons.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je consulte le Sénat.

Nous passons donc à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Marc, Bel, Auban et Courteau, Mmes Y. Boyer, Bricq et Campion, MM. C. Gautier et Gillot, Mmes Herviaux et Jarraud-Vergnolle, MM. Josselin, Journet, Le Pensec, Lise, Miquel, Muller, Pastor, Piras et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Sutour, Mme Voynet, MM. Cazeau et S. Larcher et Mme Alquier, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 53-2 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Dans le respect du premier alinéa de l'article 2, la République française peut ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe. »

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme vous le savez, de nombreuses langues minoritaires régionales sont aujourd'hui en péril dans notre pays. Nous constatons malheureusement une baisse considérable du nombre de locuteurs de ces langues, que ce soit l'occitan, le basque, le breton, l'alsacien et bien d'autres.

Il s'agit d'un problème très important, mes chers collègues. D'ailleurs, le 2 février 2003, le Président de la République de l'époque, Jacques Chirac, avait évoqué l'importance d'une mobilisation pour enrayer la disparition des langues dans le monde, lors des Rencontres internationales des organisations professionnelles de la culture.

D'après les chiffres qui avaient été évoqués, la moitié des langues auraient disparu dans un demi-siècle, ce qui était jugé comme une perte incommensurable. Face à la montée en puissance de la langue anglaise, en Asie et partout dans le monde, d'ici à quelques décennies, j'imagine que c'est sur le sort du français que nous devrons nous pencher.

C'est au regard de ce constat qu'un certain nombre d'entre nous ont manifesté, depuis quelques années, la volonté de préserver ce patrimoine. Si nous voulons consolider les dispositifs éducatifs de transmission et donner un signe de la détermination de la puissance publique en ce sens, la signature de la Charte européenne des langues régionales peut se révéler particulièrement probante et incitative.

C'est dans cet esprit que cet amendement a été proposé. La référence que nous devons avoir à l'esprit, c'est la signature par la France, en mai 1999, des articles de cette charte déclarés conformes à la Constitution, comme le gouvernement Jospin l'avait, à l'époque, proposé.

Nous pensons qu'une mise à jour de la Constitution permettrait aujourd'hui de remédier à cet état de fait et constituerait une bonne solution.

L'amendement que nous défendons vise donc à compléter l'article 53 de la Constitution par les mots : « Dans le respect du premier alinéa de l'article 2, la République française peut ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe ».

Il ne s'agit pas d'une remise en cause de notre langue nationale, cela va de soi. Cet amendement ne peut en aucun cas constituer une menace pour la langue française. Nous avons d'ailleurs souhaité que soit réaffirmé, au travers de cet amendement, notre attachement à l'unité de la République et à la suprématie du français, garant de la cohésion nationale.

Je tiens également à rappeler que, au moment de la signature de la Charte, d'autres précautions avaient été prises dans ce sens par Lionel Jospin, alors Premier ministre, au nom de notre pays. La déclaration de la France précisait ainsi que la Charte serait ratifiée « dans la mesure où elle ne vise pas à la reconnaissance et à la protection de minorités, mais à promouvoir le patrimoine linguistique européen, et que l'emploi du terme de ?groupes? de locuteurs ne confère pas de droits collectifs pour les locuteurs des langues régionales ou minoritaires ».

Mes chers collègues, ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est la reconnaissance officielle de notre diversité culturelle et linguistique. Cette question est traitée à l'échelle de l'Europe de manière régulière depuis une quinzaine d'années, et les avancées pour la reconnaissance de la pluralité culturelle au sein des États européens sont avant tout vécues comme des avancées démocratiques. Pourquoi cela ne serait-il pas le cas en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La démarche qui est la nôtre depuis maintenant six ans est légitimée par le péril constaté, et il importe que des garanties puissent être apportées par la signature de cette charte. C'est la raison pour laquelle, depuis six ans, à chacune des modifications constitutionnelles, nous avons proposé que la France s'engage dans cette voie.

À chaque fois, on nous a répondu que ce n'était pas le moment, qu'il ne fallait pas inscrire cette disposition dans le texte, que le Gouvernement allait prendre des initiatives. Rien n'ayant été fait depuis, nous renouvelons notre démarche.

À notre sens, la reconnaissance de ces héritages culturels et linguistiques doit s'accompagner de la réfutation de toute forme de communautarisme. Je pense, d'ailleurs, que cette reconnaissance a vocation à constituer un véritable rempart contre toute dérive de cette sorte. Celle-ci intervient, en effet, comme un remède à l'humiliation qui est encore très fortement ressentie par certains et qui pourrait favoriser un repli communautaire contre lequel nous luttons.

Il est donc temps que le Parlement puisse enfin traiter sereinement de cette question et reconnaisse l'existence de véritables droits culturels. À travers l'amendement que nous défendons, il peut le faire dans le respect des principes républicains fondamentaux et de notre unité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Cet amendement n'est pas une nouveauté pour nous, puisqu'il est déposé à l'occasion de chaque révision constitutionnelle. À chaque fois, nous sommes obligés d'utiliser les mêmes arguments pour dire que nous ne pouvons pas, en l'état actuel, ratifier la proposition qui nous est faite.

En effet, dans sa décision du 15 juin 1999 sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe, le Conseil constitutionnel a conclu à l'incompatibilité de la Charte avec la Constitution, tout en indiquant qu'aucun des trente-neuf engagements que la France avait prévu de souscrire n'était contraire à notre texte fondamental.

Cette décision n'empêche donc pas de reconnaître aux langues régionales leur place dans le patrimoine culturel national, dans le cadre des principes constitutionnels. Ainsi, un peu plus de 250 000 élèves de l'enseignement secondaire suivent-ils actuellement des cours de langues régionales. Par ailleurs, une place accrue a été faite à ces langues dans l'enseignement supérieur comme dans le service public de l'audiovisuel.

En revanche, la ratification de la Charte remettrait en cause certains principes fondamentaux. Le Conseil constitutionnel a ainsi relevé : d'une part, qu'en conférant des droits spécifiques à des «groupes de locuteurs de langues régionales ou minoritaires », à l'intérieur de « territoires » dans lesquels ces langues sont pratiquées, la Charte portait atteinte aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français ;...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

...d'autre part, que ses dispositions étaient également contraires au premier alinéa de l'article 2 de la Constitution, dans la mesure où elles tendaient à reconnaître un droit à pratiquer une langue autre que le français, non seulement dans la vie privée, mais également dans la vie publique, à laquelle la Charte rattache la justice et les autorités administratives ainsi que les services publics.

Un tel choix mérite, par conséquent, un examen plus important. Le projet de loi a uniquement pour objet de permettre la ratification du traité de Lisbonne. N'ouvrons pas ici un débat qui doit être approfondi. Nous pourrons peut-être revoir cette question lorsque nous étudierons la révision constitutionnelle globale, au printemps prochain.

En attendant, la commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Cet amendement a pour objet d'autoriser la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui a été signée le 7 mai 1999. Or, tel n'est pas l'objet de la révision constitutionnelle ni celui du texte que nous vous présentons aujourd'hui, qui est de permettre de relancer l'Europe.

Le Gouvernement n'entend pas, pour l'instant, rouvrir le débat sur les langues régionales. Nous aurons l'occasion d'examiner à nouveau cette question lors de la révision constitutionnelle qui suivra les travaux du comité présidé par Édouard Balladur. Le Premier ministre s'y est d'ailleurs engagé à l'occasion de la présentation du même amendement à l'Assemblée nationale.

Je veux néanmoins dire que notre droit ne fait pas obstacle à la reconnaissance des langues régionales, puisque l'État prend en charge l'enseignement de ces langues au sein des établissements scolaires, notamment, et dans l'enseignement supérieur. Aller au-delà, ce serait reconnaître un droit à l'utilisation d'une langue régionale pour accomplir des actes administratifs, pour se défendre devant une juridiction, ce qui poserait de vraies questions.

Vous savez que ce sujet n'est pas consensuel et il ne doit pas compromettre la relance de l'Europe. C'est pourquoi, en contrepartie du débat que nous aurons au moment de la révision constitutionnelle, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Madame la présidente, François Marc a eu raison d'insister : on ne cesse de nous dire que ce n'est pas le moment, que nous en discuterons plus tard... Bref, ce n'est jamais le moment d'adopter des dispositions qui permettraient enfin à la République française de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe !

Aujourd'hui, l'occasion nous est donnée d'avancer enfin et de lever l'obstacle constitutionnel ; je vous demande de la saisir. Je rappelle que le Président de la République nous a invités à nous enrichir de notre diversité, à la reconnaître et à la favoriser. Les langues régionales sont, convenons-en, l'un des éléments de cette diversité. N'oublions pas qu'elles font partie de notre culture, de notre histoire, de notre patrimoine et que, faute de reconnaissance officielle, elles sont peu à peu menacées.

Alors, madame la présidente, en cette année proclamée par l'ONU « année internationale des langues », il serait bon que nous tous, ici, mettions enfin en accord les discours et les actes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Madame le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je crois qu'autour de cette affaire des langues, il y a un très gros malentendu.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Il y a un très gros malentendu dans la mesure où, si on veut ratifier la Charte des langues régionales dont nos collègues ont parlé à l'instant, il n'y a aucun inconvénient à le faire et il n'est nul besoin de modifier la Constitution pour cela, dès lors qu'on ne ratifie pas celles des dispositions rappelées par M. Gélard tout à l'heure, qui ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 juin 1999, n'a déclaré contraires à la Constitution qu'une partie du préambule de la Charte, l'article 1 a partie 5, l'article 1 b et l'article 7 paragraphes 1 et 4.

Et il a déclaré que les autres dispositions n'étaient pas contraires en ajoutant d'ailleurs qu'elles se bornent à reconnaître des pratiques déjà mises en oeuvre par la France en faveur des langues régionales.

Ce sont donc ces seuls articles qui font problème et ils font problème parce que le Conseil constitutionnel a dit qu'ils portaient atteinte, comme M. Gélard l'a rappelé, aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français.

Or, mes chers collègues, et je fais appel à la science juridique du doyen Gélard, alors que, conformément à l'article 54 de la Constitution, lorsque le Conseil constitutionnel déclare qu'un traité n'est pas conforme, nous ne pouvons autoriser sa ratification ou son approbation qu'après révision de la Constitution ; alors que, depuis 1958, dans toutes ses décisions concernant des traités et accords internationaux, le Conseil constitutionnel a toujours indiqué qu'un traité non conforme ne pouvait être ratifié qu'après révision de la Constitution - c'est la traduction littérale de l'article 54 dans le dispositif de l'article 1er des décisions du Conseil constitutionnel sur les traités contraires- cette fois-ci en revanche le Conseil a dit, pour la première et unique fois à ma connaissance : la Charte européenne comporte des clauses contraires à la Constitution. Et il n'a pas ajouté comme d'habitude : « il faut préalablement réviser la Constitution ». Pour une raison très simple : quand on touche à l'indivisibilité de la République, à l'égalité devant la loi et au principe d'unicité du peuple français, on touche à la République dont la forme ne peut faire l'objet d'aucune révision.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Par conséquent, comme je ne pense pas que mes amis socialistes, que je connais et que j'aime bien à tous égards, aient l'intention de remettre en cause la République, rien n'interdit à certains d'entre nous, ou même à la commission des lois, de prendre une initiative autorisant la ratification de la charte, parce qu'une proposition de loi peut le faire, en celles de ces dispositions qui n'ont pas été déclarées contraires par le Conseil constitutionnel et qui ne concernent pas les trois séries de dispositions non révisables de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Au lieu d'écrire, chers amis, « Dans le respect du premier alinéa de l'article 2, la République française peut ratifier », si vous aviez écrit « peut ratifier celles des dispositions de la Charte qui n'ont pas été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 juin 1999 », il n'y aurait pas de problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Mes chers collègues, je pense qu'il faut que la commission des lois nous aide à sortir de cet imbroglio pour qu'on ne se retrouve pas régulièrement avec ce débat récurrent qui fait que nos collègues qui sont légitimement attachés aux langues régionales ont l'impression qu'on ne veut rien faire alors qu'on a les moyens de faire. Il faut qu'on trouve la solution pour nous permettre de passer à travers les gouttes en préservant la République dans ses fondements institutionnels les plus précieux, les plus anciens, tout en avançant dans le domaine qui intéresse nos collègues en ce qui concerne les langues régionales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Bonsoir à tous, salü binander !

Les langues et cultures régionales sont celles que l'on qualifie de langues minoritaires, mais elles font partie du patrimoine vivant de la France et de l'Europe.

Loin de faire concurrence à la langue française, de porter atteinte à notre identité, l'alsacien, le basque, le breton, le catalan, le corse, le créole, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

... le flamand et les autres langues régionales complètent, renforcent et enrichissent cette identité. En ce domaine, force est de reconnaître que notre pays s'est construit au long des siècles à travers la négation, voire la répression de ces langues et de ces cultures ainsi que de ceux qui les pratiquaient ; négation, répression fondées sur un universalisme resté abstrait et un jacobinisme dogmatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Heureusement, dans de nombreuses régions, des actions se multiplient, des initiatives se créent afin de favoriser et de développer l'usage des langues régionales.

Loin d'être reconnues comme l'expression d'un repli identitaire, contrairement à ce que certains affirment de manière péremptoire, nos langues régionales sont en réalité un vecteur d'enracinement et de cohésion sociale. L'identité nationale n'est pas une réalité univoque et homogène, un monolithe. Elle est au contraire une réalité multiple, complexe et vivante. La France reste cependant l'un des rares pays de l'Union européenne, avec l'Italie, à ne pas avoir ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, signée le 7 mai 1999.

Lors des débats à l'Assemblée nationale, le 15 janvier 2008, Mme la garde des sceaux s'est engagée à ce qu'un débat parlementaire ait lieu sur « la délicate question des langues régionales ». Cette question reste délicate, mais pour qui et pourquoi ?

En janvier 2005, le Gouvernement avait déjà pris un tel engagement, mais nous n'avons toujours rien vu venir. Or il est indispensable que l'on cesse de reporter en permanence le débat sur ce sujet et que le Gouvernement prenne ses responsabilités.

Même si le Conseil constitutionnel a considéré, le 15 juin 1999, que la Charte européenne comportait des clauses contraires à la Constitution, cet obstacle peut être levé. Je propose donc que nous sous-amendions l'amendement n° 5 rectifié bis afin d'intégrer les remarques constructives de notre collègue Michel Charasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Il ne faut plus attendre, car on a perdu assez de temps, mer an jetzt z'viel zit verlora. Allons-y !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

J'interviens pour préciser que je ne voterai pas cet amendement et pour dissiper un malentendu.

Être hostile à la Charte ne signifie pas être opposé à la pratique des langues régionales. Qu'il soit dit pour l'honneur de notre patrie républicaine qu'il n'est interdit à personne en France de s'exprimer dans la langue de son choix aussi bien en famille qu'en public.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Il n'est également interdit à personne de jouer la musique de son choix, de créer des festivals régionaux et de pratiquer librement ce qui lui semble conforme à ce qu'il croit et à ce qu'il chérit. Il faut le rappeler : personne n'est réprimé en France pour cette raison !

Si la dispute porte sur l'application de l'ensemble de la Charte, comme le prévoit cet amendement, alors nous butons sur une difficulté constitutionnelle. J'ajoute que cette difficulté est non pas de la technique juridique, mais de nature philosophique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Pour des raisons philosophiques, les Français sont en effet fondamentalement opposés à ce que des groupes de locuteurs aient des droits particuliers. Ce ne sont pas des « jacobins dogmatiques », mais tout simplement des républicains !

Qu'est-ce que la France ? La France n'est pas décrite par une définition essentialiste ni par la conjugaison des diversités qui la composent. La France est la communauté légale une et indivisible qui fait que, entre la loi et la personne, il n'y a pas d'intermédiaire.

Nous sommes tous partis prenantes de la définition de la loi : elle s'applique à tous, car décidée par tous. Quiconque intercale une communauté crée des droits particuliers pour ses membres et rompt l'unité et l'indivisibilité constitutionnelles de la République. De ces droits particuliers, nous ne voulons pas ! Nos collègues doivent entendre ce raisonnement et non pas mépriser ceux qui l'expriment en les réduisant à je ne sais quel rôle d'oppresseur.

Je tiens à mettre en avant deux arguments.

Tout d'abord, s'il s'agit de n'appliquer que les dispositions qui n'ont pas été déclarées contraires à la Constitution, il faut savoir qu'un grand nombre d'entre elles ont été mises en oeuvre avant même l'adoption de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Par exemple, c'est l'État républicain qui finance les postes pour l'enseignement de ces langues dans les régions où elles se pratiquent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

On peut toujours considérer que l'on n'en fait pas assez, mais c'est un autre débat. En tout cas, cela prouve que ces mesures existent déjà.

Ensuite, on aborde souvent le sujet des langues régionales sans vraiment définir ces dernières. Heureusement, sinon on s'exposerait à des difficultés considérables !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

J'attends que l'on me dise quel créole on compte enseigner sachant qu'il en existe sept ou huit différents...

Quant à la langue bretonne - en fait, il y en a cinq, et toutes respectables -, admirable en bien des points, nous ne saurions la confondre avec le manuel qui concentre son apprentissage, car je ne pense pas que quelqu'un ici ait l'intention d'en défendre son auteur, qui fut condamné à mort par contumace pour fait de collaboration, dont notamment la production de cette « langue » avec un financement de l'occupant nazi. Cessons également de ne voir que des Bretons bretonnant alors qu'un grand nombre d'entre eux n'ont pas d'attache particulière avec cette bataille et se sentent suffisamment Français tout en étant Bretons.

Cette difficulté n'est pas la seule.

L'ancien ministre délégué à la formation professionnelle auprès du ministère de l'éducation nationale que je suis ajoutera ceci : ces langues doivent en outre répondre à la modernité, ce qui n'est pas toujours le cas. Car s'il s'agit seulement de dire allumetti pour allumette ou fusei pour fusée, leurs locuteurs sont mal partis dans l'ère moderne ! Dans le vocabulaire technique, ces transpositions n'existent pas. C'est donc par un artifice que l'on fait comme si tout était réglé en exigeant, sans autres précisions, l'application de la Charte des langues.

Moi, je donne mon opinion, et je ne méprise par celle des autres. Je ne traite pas de communautaristes mes amis qui, eux, me traitent de jacobin intransigeant. Certes, Jacobin, je le suis, et intransigeant est un pléonasme.

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

À vouloir créer l'obligation de témoigner en langue régionale, de disposer d'un traducteur dans un tribunal, de traduire tous les formulaires administratifs en différentes langues régionales, comme le prévoit la Charte, je crains que l'on ne crée une difficulté absolument inextricable, sans compter que je ne vois pas en quoi cela serait un rempart au communautarisme. Ce serait le contraire !

Je vous en prie, ne confondons pas la République française, libre, une et indivisible avec ces pays où l'on réprime les locuteurs qui ne parlent pas la langue officielle.

Le français est une langue de liberté qui a été instituée par les rois. À partir du moment où elle a été enseignée, ceux qui vivaient dans tel ou tel recoin du pays pouvaient se déplacer et être compris partout. Ils pouvaient ainsi échapper à la mainmise de ceux qui les auraient dominés uniquement parce qu'ils n'étaient pas capables de s'exprimer dans la langue des autres.

La langue française n'a rien à craindre de la concurrence. C'est la langue de la liberté et ce n'est pas du tout son problème.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

M. Nicolas Alfonsi. Mes chers collègues, je suis perplexe. Pour ma part, je parlais corse, ma langue maternelle, avant de connaître l'imparfait du subjonctif, que je maîtrise d'ailleurs difficilement.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Les arguments qui viennent d'être avancés par Michel Charasse, s'ils me conduisent sans doute à adopter la position qu'il suggère, ne m'interdisent pas de demander aux auteurs de l'amendement comment ils comptent concilier le respect du premier alinéa de l'article 2 de la Constitution, qui dispose que la langue de la République est le français, avec la multitude de dispositions de la Charte, qui sont complexes et dont beaucoup, M. Mélenchon l'a rappelé, sont déjà appliquées.

Je me trouve donc face à une contradiction. Si je devais laisser parler mon coeur, je voterai des deux mains la ratification de la Charte. Mais, dans le même temps, je m'interroge sur les difficultés que cette ratification pourrait provoquer dans certaines régions.

Quand on lit l'article 9 relatif à la justice, on comprend les raisons qui ont poussé le Conseil constitutionnel à adopter sa décision. Car on imagine aisément les difficultés qui surgiraient devant des tribunaux si on exigeait des documents en langue régionale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

C'est vrai, mais on invoquera des affidavits, comme s'il s'agissait de traduire une langue étrangère telle l'anglais ou le russe.

Il y a, notamment, dans l'article « Justice » et dans l'article « Autorités administratives et services publics » toute une série de dispositions qui apparaissent clairement en contradiction avec l'article 2. On ne voit pas, en effet, dans quel domaine la langue française pourrait, en vertu de l'article 2, s'appliquer, sinon a priori, dans la vie administrative et judiciaire, d'où ma perplexité.

Il me semble, finalement, que la solution viendrait peut-être d'une initiative législative qui consisterait à extraire des quarante, cinquante ou soixante points extrêmement complexes qui sont contenus dans la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires la partie qui pourrait nous intéresser, nous permettant ainsi de trouver un accord général.

En tout état de cause, il me semble que les auteurs de l'amendement nous rendraient un grand service en le retirant.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

On peut dire beaucoup sur l'histoire de France et sur l'histoire des langues dans notre pays.

Debut de section - Permalien
Un sénateur socialiste

Des contrevérités !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Certes, et on en a encore entendu un certain nombre ce soir !

La réalité du débat, aujourd'hui, est que les langues régionales ou minoritaires sont en train de disparaître dans notre pays.

J'ai indiqué, tout à l'heure, que les prévisions faites par l'UNESCO et par un certain nombre d'organisations internationales laissaient apparaître que la moitié des langues allaient disparaître dans le monde au cours des trente prochaines années. Nous sommes pris dans cette spirale, et c'est à cela que les auteurs de l'amendement font référence.

Dans nos régions, aujourd'hui, il y a au plus - j'insiste sur ce point à l'intention de certains de mes collègues qui viennent d'intervenir - 2 % des enfants qui apprennent à devenir des locuteurs réguliers de la langue régionale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Dire que l'unité de la République serait en danger parce que 2 % des enfants apprendraient une langue régionale de manière à préserver un patrimoine linguistique, c'est aller un peu loin !

En outre, la déclaration de la France - sous le gouvernement Jospin, auquel appartenaient certains de nos collègues ici présents - qui précisait que l'on pouvait ratifier la Charte, prenait, bien entendu, des précautions. Il était indiqué qu'il s'agissait non de viser à la reconnaissance ou à la protection de minorités, mais simplement de promouvoir un patrimoine linguistique.

Par conséquent, on peut raisonnablement penser que l'adoption de cette charte renforcera la consolidation des dispositifs de préservation de nos langues régionales.

C'est dans cet esprit que nous souhaitions, aujourd'hui, que la Haute Assemblée puisse faire avancer les choses. J'ai bien compris, madame la ministre, que vous vous engagiez à organiser dans les prochains mois un débat sur cette question, qui nous paraît essentielle, mais j'aimerais que vous nous le confirmiez de nouveau. Un débat approfondi sur ce sujet serait préférable au dépôt en séance d'un amendement qui demande, sans doute, à être réexaminé.

Si cette proposition était confirmée et suivie d'effets, ce serait une bonne solution pour essayer véritablement d'avancer. Car nous avons trop attendu. Cela fait six ans que nous recevons ce type de réponse : ce n'est pas le moment, c'est trop tôt, on verra plus tard. !

En tout état de cause, votre engagement nous conforterait dans l'idée que nous pourrons peut-être, dans les mois à venir, aboutir à une solution acceptable pour tous. Si vous acceptez, madame la ministre, de le confirmer, je suis prêt à retirer cet amendement.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs socialistes

Non !

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je confirme les propos que j'ai tenus en réponse à la présentation de cet amendement : un débat sera organisé lors de la révision constitutionnelle issue des travaux du comité présidé par M. Balladur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

À la suite de l'intervention de notre collègue M. Muller, je veux dire que je suis un fervent défenseur de nos langues régionales - chez nous, nous l'appelons « le dialecte » et cela ne nous pose pas de problème de l'appeler ainsi !

Comme M. Alfonsi, je parlais le dialecte, alsacien pour moi, avant d'apprendre le français. Mes trois enfants ont suivi la même voie. Avant d'être une affaire du pays, apprendre une langue régionale ou minoritaire est d'abord une affaire familiale. À cet égard, nombre de ceux qui donnent des leçons n'ont jamais appris à leurs enfants à parler le dialecte ou la langue régionale !

Au point où nous en sommes, ma préoccupation, aujourd'hui, est de faire en sorte que nous puissions, demain, aller plus loin sur l'Europe grâce ce texte. Je suis un fervent partisan du traité de Lisbonne et je ne voudrais pas que l'on « pollue » le débat.

Certes, je le répète, je suis également un fervent partisan des langues régionales. Ma collectivité, le conseil général du Bas-Rhin, est très engagée, avec le Haut-Rhin et avec la région Alsace, pour promouvoir l'apprentissage de cette langue régionale, y compris dans sa forme écrite qui est l'allemand. Néanmoins, un tel débat n'a pas nécessairement sa place ce soir.

Je souhaite, en ce qui me concerne, que, au-delà du ministère de la justice, on associe à cette réflexion à venir le ministère de l'éducation nationale ; j'ai eu l'occasion d'en parler avec Xavier Darcos récemment.

Quoi qu'il en soit, ce sujet mérite une vraie discussion et il serait préférable, ce soir, d'en rester à ce qui est le coeur de notre débat. C'est pourquoi je suis davantage enclin à voter ce soir en faveur de ce qui nous a été proposé initialement.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le groupe des signataires souhaite qu'il le soit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié bis.

Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 75 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Le second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

« Elle peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Pour mémoire, je rappelle qu'en 2005 le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution comportait un article 1er complétant l'article 88-1 de la Constitution par un second alinéa prévoyant que la République « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004 ».

On nous avait dit, à l'époque, que la généralité de cette formule avait pour but de lever l'ensemble des obstacles juridiques à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Il nous avait également été précisé que, lorsque ce traité constitutionnel entrerait en vigueur, l'article 3 de la loi du 1er mars 2005 ayant prévu une réécriture complète du titre XV de la Constitution, les dispositions de cet article s'appliqueraient.

À ce moment-là, la possibilité que le peuple français se prononce contre la Constitution européenne n'avait pas été envisagée une seule seconde ! Tout avait été validé par avance par le Gouvernement !

Pourtant - faut-il le rappeler ? -, le peuple français, par le référendum du 29 mai 2005, a clairement et massivement exprimé son refus de voir entrer en vigueur un traité établissant une constitution pour l'Europe.

Après la victoire du « non » au référendum, qu'est-il advenu de l'article 1er du projet de loi constitutionnelle de 2005 ? Eh bien, comme nous l'avions prévu, il est resté inscrit dans la Constitution française, devenant lettre morte.

Oui, cet article est resté inscrit dans notre Constitution et nous voici aujourd'hui réunis pour adopter un nouveau projet de révision constitutionnelle dont l'article 1er prévoit de remplacer les dispositions du second alinéa de l'article 88-1.

Que signifie cette procédure, qui aurait pu être évitée par la notification expresse de l'inapplicabilité de l'article 1er en cas de rejet de la ratification Ne s'agissait-il pas, sous couvert de cohérence juridique, de valider par avance une disposition non acceptée par le peuple et, par conséquent, de passer outre la souveraineté nationale ?

À l'heure où nous sommes réunis pour nous prononcer sur un nouveau projet de loi constitutionnelle, il est bien regrettable de constater que le même schéma a été retenu : l'article 1er du projet de loi, qui modifie le second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution, reprend en effet la même méthode qu'en 2005 en prévoyant que la République « peut participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne [...] signé le 13 décembre 2007 ».

Il s'agit ici, comme en 2005, de faire valider par avance le traité de Lisbonne. Cette fois-ci, aucun risque n'a été pris. Le Président de la République a décidé de contourner le peuple et d'instrumentaliser une nouvelle fois le Parlement. C'est tout simplement inacceptable !

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 3, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

I. Rédiger comme suit le début du texte proposé par cet article pour le second alinéa de l'article 88-1 de la Constitution : « Sous les réserves d'interprétation résultant des décisions du Conseil constitutionnel n° 2004-505 DC et n° 2007-560 DC des 19 novembre 2004 et 20 décembre 2007, elle peut...II. Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout acte européen qui méconnaît les décisions précitées du Conseil constitutionnel est nul et de nul effet à l'égard de la France. »

La parole est à M. Michel Charasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Madame le président, la présentation de l'amendement n° 3 vaudra également pour l'amendement n° 4, puisqu'ils ont le même objet et le même dispositif qui concernent les articles 1er et 2 du projet de loi constitutionnelle.

Le Conseil constitutionnel, les 19 novembre 2004 sur le précédent traité repoussé par le peuple et le 20 décembre dernier sur le traité de Lisbonne, a estimé que, dans la mesure où le traité sera loyalement et strictement appliqué conformément à son texte même, éclairé notamment par les explications du présidium de la Convention de 2004, les principes de la République française ne seront pas remis en cause et ne sont pas susceptibles de l'être.

Les dispositions, pour prendre quelques exemples, qui reconnaissent le communautarisme à travers les minorités et les églises - je parle notamment de la charte des droits - et qui suppriment toute limite et condition à la pratique des cultes, ne peuvent comporter, selon le Conseil constitutionnel, aucune incidence pour la République française laïque et indivisible.

Le Conseil, sur ce point, n'a donc pas recommandé de révision : au demeurant, une révision aurait été impossible, puisqu'il s'agit de l'essence même de la République et que l'article 89 de la Constitution interdit de réviser la République.

Malgré les réserves exprimées par le Conseil constitutionnel et les conclusions qu'il en tire, qui sont plutôt rassurantes, la République n'est, hélas ! pourtant pas à l'abri de toute atteinte. Si l'on peut raisonnablement penser que les responsables européens qui siègent dans les institutions de l'Union européenne respecteront les principes de la République française, personne ne peut dire ce que feront les juges de Luxembourg ou ceux de Strasbourg compétents en ce qui concerne la Convention européenne des droits de l'homme. On les connaît peu ou pas attachés à la République française exception en Europe, et on peut dire qu'ils y sont même plutôt franchement opposés ; ils ne sont pas toujours très laïques, tant s'en faut, ils sont souvent communautaristes, bref, j'en passe et des meilleures !

Il est donc tout à fait nécessaire, pour éviter de se trouver un jour dans une situation qui constituerait un « vice de consentement » puisque nous aurions approuvé naïvement une révision constitutionnelle, puis un traité - la semaine prochaine - censé être conforme à la Constitution - et une juridiction européenne dirait plus tard subitement le contraire - et pour ne pas avoir à appliquer des règles non approuvées par le peuple français ou ses représentants, de préciser que, en ce qui la concerne, la France ne peut participer à l'Union européenne et adhérer au nouveau traité que dans les conditions et limites posées par les décisions du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2004 et du 20 décembre 2007.

C'est ce qu'on appelle une réserve d'interprétation. Je propose d'inscrire cette réserve d'interprétation dans la Constitution et de préciser que le traité s'applique sous toutes les réserves émises par le Conseil constitutionnel et dans le cadre strict de la présente révision que ne porte aucune atteinte à la République.

Je signale au passage à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes qu'il y a peu de temps le président du groupe libéral du Parlement européen, qui est un Anglais, a de nouveau dit que, une fois le traité voté, la laïcité en France et la loi sur le voile disparaîtraient puisqu'elles ne seraient plus conformes au traité. C'est vous dire dans quel état d'esprit se trouvent ceux qui rêvent de « tordre le cou » à ce qui fait l'originalité de République à la française.

Donc, cette réserve d'interprétation, je propose de l'ajouter à la Constitution, pour que nous soyons garantis de tous côtés contre quelque raid que ce soit contre la République.

J'avais fait exactement la même proposition lorsque nous avons examiné le traité de 2005, finalement repoussé par le peuple français. À l'époque, monsieur le secrétaire d'État, votre prédécesseur m'avait dit : « La France visera la décision du Conseil Constitutionnel, le moment venu, dans le projet de ratification ». Je crois que c'était M. Barnier et l'on peut évidemment retrouver ses déclarations au Journal officiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je suis prêt à ne pas insister ce soir sur ces deux amendements, puisque je les reprendrai la semaine prochaine sur le traité lui-même. Mais si le Gouvernement voulait bien nous donner l'assurance que les réserves d'interprétation nécessaires seront bien présentées par la France, nous serions complètement à l'abri et rassurés.

J'ajoute que ce n'est pas un précédent puisqu'en 1977 - nos collègues gaullistes s'en rappellent certainement - lorsqu'il a fallu ratifier le traité européen sur l'élection du Parlement au suffrage direct, la majorité de l'époque, à l'Assemblée nationale et au Sénat, avait suivi. Les parlementaires ont alors, dans la loi de ratification, précisé clairement que le Parlement européen n'appartenait pas à l'ordre institutionnel français et ils ont complété sur ce point, pour la première fois, l'article habituel et bref autorisant la ratification d'un traité, et ajouté un article 2 qui encadre strictement la portée de l'engagement souscrit par la France. Ces dispositions figurent d'ailleurs intégralement dans « Pouvoirs publics », qui est à notre disposition sous le bureau du président de séance.

Voilà les raisons qui motivent ces deux amendements. Il est indispensable et essentiel que la France présente les réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel et dise très clairement que tout acte européen qui méconnaît les décisions précitées du Conseil est nul et de nul effet à l'égard de la France, pour que nous n'ayons pas, demain, une mauvaise surprise, non pas sans doute à cause du Parlement, non pas sans doute à cause de la Commission, non pas sans doute à cause du Conseil des ministres ou du Conseil européen, mais vraisemblablement en raison d'une jurisprudence émanant de juges étrangers qui n'ont pas - c'est le moins qu'on puisse dire - la même fibre républicaine que le peuple. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 8, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne ne s'appliquent pas à la France.

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

L'Union européenne voudrait, semble-t-il, définir progressivement une politique de sécurité et de défense commune, qui pourrait conduire à une défense commune. Cela est notamment énoncé dans le préambule du traité sur l'Union ainsi que dans l'article 24.1 du traité de l'Union européenne.

Mais, pour définir une politique de sécurité et de défense commune digne de ce nom, il serait grand temps de lever toute ambiguïté concernant la position de l'Union européenne vis-à-vis de l'OTAN.

En effet, si l'Europe veut réellement se doter d'une politique de défense commune, elle doit, une fois pour toutes, s'affirmer sans référence à l'OTAN, se défaire de son statut subordonné au sein de l'OTAN.

Or, le traité de Lisbonne, comme les précédents, par des formules alambiquées, s'efforce de dire une chose et son contraire, de mettre en avant la défense européenne tout en proclamant la nécessaire compatibilité avec l'OTAN.

C'est ce qui ressort clairement du premier paragraphe de l'article 24 et du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne.

Le premier paragraphe de l'article 24 dispose : « La compétence de l'Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune ».

Au contraire, le deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 42 prévoit que « La politique de l'Union (...) respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États membres, qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'OTAN, et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ».

L'ambiguïté demeure donc !

Pis, sans savoir quelle sera la politique de l'OTAN dans l'avenir, on s'engage les yeux fermés à ne jamais avoir de politique en rupture avec elle.

Les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne, qui subordonnent la politique de sécurité et de défense commune à l'OTAN, contreviennent au principe affirmé à l'article 3 de la Constitution française selon lequel : «La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

En effet, l'affirmation d'une allégeance à l'OTAN sans consulter le peuple ou ses représentants est contraire à l'article 3 de la Constitution française.

Enfin, à la lecture de telles dispositions, qui figuraient déjà dans le traité établissant une constitution pour l'Europe et qui avaient suscité de vives critiques en 2005, on ne peut que déplorer le manque d'ambition d'une autonomie politique de l'Europe et son attachement à son statut subordonné au sein de l'OTAN sous commandement américain.

Aux termes de ces explications, je vous invite à voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 10, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne ne s'appliquent pas à la France.

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne prévoient que « Les États membres s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires. »

Il est également écrit : « L'Agence dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l'armement - l'Agence européenne de défense - identifie les besoins opérationnels, promeut des mesures pour les satisfaire, contribue à identifier et, le cas échéant, mettre en oeuvre toute mesure utile pour renforcer la base industrielle et technologique du secteur de la défense, participe à la définition d'une politique européenne des capacités et de l'armement et assiste le Conseil dans l'évaluation de l'amélioration des capacités militaires. »

Ces dispositions sont très claires : il s'agit de demander toujours plus de mobilisation, toujours plus d'argent pour la fabrication des armes.

Il est inquiétant de constater que le seul domaine où le traité de Lisbonne, comme le traité établissant une Constitution pour l'Europe, encourage les États à augmenter leurs dépenses publiques est le budget militaire. C'est le seul secteur. Il n'y a aucune perspective de convergence vers le haut des systèmes de protection sociale, mais la militarisation croissante de l'Union européenne est bel et bien prévue.

Il est donc affligeant de constater que l'Europe a choisi de se laisser entraîner par les États-Unis dans la spirale infernale de l'augmentation des capacités militaires. L'Union européenne, pour peser sur la scène internationale, aurait pu faire le choix de privilégier les autres dimensions que recouvre la notion de sécurité telles que la coopération ou le développement, ou encore la préservation de l'environnement.

Mais, malheureusement, au sein de l'Union européenne aussi, l'après-11 septembre 2001 et l'instauration d'un nouvel ordre mondial répressif sur fond de discours va-t-en-guerre ont entraîné une formidable relance des initiatives sur les capacités militaires.

Nous considérons que cette orientation prévue au deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne porte atteinte à la liberté de choix et à l'indépendance d'action du pays dans un assujettissement organisé à la politique des États-Unis. C'est un chemin dangereux que les dirigeants européens et votre gouvernement veulent faire prendre à notre pays et à l'Europe dans son ensemble.

Les dispositions de cet article, qui poussent à la course aux armements, contreviennent à l'alinéa 15 du préambule de la Constitution de 1946, auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958 selon lequel « Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix. »

Nous considérons que la France et ses partenaires européens ont besoin de définir ensemble les cadres et les politiques indispensables pour le progrès de la sécurité internationale, pour s'engager dans la voie du désarmement, pour contribuer à la résolution négociée des conflits dans le respect des principes et des objectifs de la Charte des Nations unies, dans le rejet des politiques de puissance et le respect du multilatéralisme.

Or les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne sont contraires à l'objectif de défense de la paix et à son corollaire, l'engagement vers la voie du réarmement. C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 12, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, les dispositions du paragraphe 7 de l'article 48 du traité sur l'Union européenne ne s'appliquent pas à la France.

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Cet amendement porte sur le recours aux « clauses passerelles ». Les dispositions du paragraphe 7 de l'article 48 du traité sur l'Union européenne prévoient le recours à ces clauses.

Une « clause passerelle » permet, si le Conseil européen le décide à l'unanimité et après l'approbation d'une majorité des membres du Parlement européen, d'adopter une décision autorisant le Conseil des ministres à statuer à la majorité qualifiée dans un domaine qui nécessitait jusqu'alors l'unanimité et/ou à statuer selon la procédure législative ordinaire dans un domaine jusqu'alors soumis à une procédure législative spéciale.

Il est dit que ces « dispositions passerelles » concourent à la simplification du fonctionnement de l'Union européenne en permettant de dépasser les risques de blocage liés à l'unanimité et que l'opposition à cette procédure est permise, le cas échéant, par le pouvoir accordé aux parlements nationaux. Mais, à y regarder de plus près, on remarque que le recours aux « clauses passerelles » ne confère pas un véritable pouvoir d'opposition aux parlements nationaux.

L'article 48, paragraphe 7, alinéa 3, du traité sur l'Union européenne prévoit que la décision du recours à une « clause passerelle » est « transmise aux parlements nationaux » et que la décision ne peut être adoptée « en cas d'opposition d'un parlement national, notifiée dans un délai de six mois après cette transmission ».

Le pouvoir reconnu aux parlements nationaux de s'opposer à la mise en oeuvre de la procédure de révision simplifiée n'est donc qu'un pouvoir d'empêchement relatif et n'est en aucun cas un pouvoir de proposition.

L'opposition ne peut être exprimée que par le parlement national, c'est-à-dire, dans le cas de la France, par une motion adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, ce qui donne au Sénat un droit de veto quand la majorité de l'Assemblée nationale n'est pas de la même couleur politique.

En outre, certains articles qui prévoient le recours à une « clause passerelle » n'évoquent pas la transmission aux parlements. Il en est ainsi, par exemple, de l'article 31, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne en matière de politique étrangère et de sécurité commune. On peut en conclure que, dans cette matière, la transmission aux parlements n'est pas nécessaire, ce qui relativise d'autant plus leur pouvoir d'opposition.

Or, selon nous, le recours à ces « clauses passerelles » exigerait une consultation des Françaises et des Français, en conformité avec l'article 3 de la Constitution française de 1958.

C'est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 14, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, les dispositions de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'appliquent pas à la France.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Lors de notre intervention dans la discussion générale et lors de la défense de l'exception d'irrecevabilité, nous avons défendu l'idée qu'un certain nombre d'articles du traité de Lisbonne n'étaient pas conformes à la Constitution.

Je compléterai ce constat en ajoutant que ce qui a mobilisé les Français dans leur rejet du traité constitutionnel est bien l'inquiétude qu'ils éprouvaient relativement au sort des services publics, inquiétude fondée sur leur expérience en matière de libéralisation des services publics depuis seize ans. Cette question agite d'autres peuples dans d'autres pays.

Il est évident que la conception des services publics que nous continuons de défendre en France, en conformité avec le préambule de la Constitution de 1946, ne saurait être remise en cause par le traité de Lisbonne - ni par les précédents, d'ailleurs ! Mais nous en sommes aujourd'hui aux corrections apportées aux dispositions refusées par notre peuple en 2005 et, puisque d'autres États membres, notamment le Royaume-Uni, appliquent les dispositions des traités « à la carte », nous vous proposons, mes chers collègues, de décider que les dispositions de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui soumettent les services publics aux règles de la concurrence, sont contraires à la conception française du service public et qu'elles ne s'appliquent pas à la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 16, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, les dispositions de l'article 282 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne s'appliquent dans le respect de l'article 3 de la Constitution.

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

L'article 282 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne confirme le principe de l'indépendance de la Banque centrale européenne. Par cet amendement, nous souhaitons souligner que ce principe d'indépendance doit être concilié avec le principe de souveraineté formulé à l'article 3 de la Constitution française de 1958.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 18, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, la participation de la France à l'Union européenne s'effectue dans le respect du principe de laïcité posé à l'article 1er de la Constitution.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Par cet amendement, nous proposons que la participation de la France à l'Union européenne s'effectue dans le respect du principe de laïcité, reconnu par la Constitution de notre pays dans son article 1er.

Le traité de Lisbonne, dès son préambule, diverge de la conception française de la laïcité en se référant explicitement à l'histoire religieuse comme élément fondateur de l'Europe. Cette référence, d'entrée de jeu, n'est pas anodine.

Comment ne pas faire le lien entre cette pétition de principe et le « retour du religieux » annoncé par le Président de la République ? Celui-ci tente d'aligner la France sur des États européens qui accordent aux Églises un rôle officiel de partenaire de l'État, et ce afin, à terme, de remettre en cause la séparation des Églises et de l'État. Le Président de la République propose d'ailleurs de faire entrer les forces religieuses au Conseil économique et social...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Qui ne sert à rien, heureusement ! Vous imaginez l'archevêque de Paris, le Grand rabbin...

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

M. Sarkozy est très loin du général de Gaulle, qui déclarait en 1958 : « Vous dites que la France est catholique, mais la République est laïque. »

Au nom de la « rupture » et de la modernité, Nicolas Sarkozy a donc réouvert ce débat complexe, aux conséquences potentiellement graves pour l'avenir de notre pays mais aussi pour le maintien du pacte républicain, dont la laïcité est la garantie suprême.

Comment ne pas lire le préambule du traité de Lisbonne en se rappelant les propos tenus par M. Sarkozy à Rome - je les cite bien qu'il me soit quelque peu douloureux de les répéter : « Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes. [...] Un homme qui croit, c'est un homme qui espère. Et l'intérêt de la République, c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent. [...] J'appelle de mes voeux l'avènement d'une laïcité positive [...] qui ne considère pas que les religions sont un danger mais plutôt un atout. [...] Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ».

Comment donc ne pas interpréter ces propos, qui me heurtent et heurtent ma liberté de conscience, comme une charge contre la loi de 1905 et contre la laïcité. Dans ce domaine, la « rupture » de M. Sarkozy, c'est la rupture avec le pacte républicain.

À Riyad, le Président de la République allait plus loin encore : « C'est peut-être dans le religieux que ce qu'il y a d'universel dans les civilisations est le plus fort. »

M. Sarkozy citait également André Malraux, en reprenant la formule célèbre selon laquelle le xxie siècle « sera religieux ou ne sera pas ». En prononçant cette phrase, fort connue par ailleurs, il semblait vouloir lui conférer une portée absolue. Pour ma part, je ne pourrai que paraphraser l'ancien ministre de la culture pour dire que la République, au xxie siècle, sera laïque ou ne sera pas !

Cet amendement n'est donc pas conjoncturel, mais exprime une rébellion face aux menaces réelles qui pèsent sur la laïcité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je traiterai cette première série d'amendements portant sur l'article 1er en même temps que la série d'amendements relatifs à l'article 2, de façon à ne pas me répéter, puisque ce sont les mêmes amendements.

L'amendement n° 6 est un amendement de suppression. Par là même, il est contraire à la politique de la commission des lois, par conséquent je ne puis qu'émettre un avis défavorable.

Les amendements n° 3, 8, 10, 12, 14, 16 et 18 posent un certain nombre de problèmes, notamment un problème de fond par rapport à notre conception du droit international : les réserves d'interprétation peuvent exister en droit international, mais elles doivent être formulées avant la signature du traité...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Une fois le traité signé, on ne peut pas revenir sur les engagements pris. C'est la raison pour laquelle je ne pourrai pas donner un avis favorable à cette série d'amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Puis-je vous interrompre, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Charasse, avec l'autorisation de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. Je ne suis pas de votre avis, monsieur le rapporteur. Vous avez raison quand vous dites qu'il n'est pas possible d'émettre des réserves d'interprétation une fois le traité ratifié et appliqué.

M. le rapporteur proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Par exemple, lorsque la France a ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, elle a formulé une réserve et refusé le recours individuel. Cette réserve a été levée par la suite, sous la présidence intérimaire du président Poher, après la mort du président Pompidou. Or, cette réserve n'avait pas été formulée au moment de la signature, mais de la ratification.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Sous cette réserve concernant les réserves, monsieur le rapporteur, je vous rejoins sur les autres points.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

J'ajoute cependant que les réserves d'interprétation doivent être prévues, au moment de la signature, par le traité lui-même, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

sinon on ne peut pas ajouter des réserves. Il est impossible de modifier unilatéralement un traité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

On ne modifie rien ! On indique simplement que, pour la France, telle disposition s'interprète de telle manière !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Quoi qu'il en soit, j'estime que ces réserves, telles qu'elles sont rédigées, n'ont pas leur place dans la Constitution. Cette observation vaut pour votre amendement, monsieur Charasse, mais aussi pour la série d'amendements qui suit et qui repose sur la même conception des réserves d'interprétation.

Après ces considérations générales, j'en viendrai à des observations plus détaillées.

S'agissant de l'amendement n° 8, je rappelle que les dispositions qu'il remet en cause ne sont pas introduites par le traité de Lisbonne et qu'elles sont d'ores et déjà en vigueur. En outre, elles n'obligent la France à rien. Par conséquent, l'avis de la commission est défavorable.

L'amendement n° 10 porte sur l'Agence européenne de défense. Il introduit également une réserve d'interprétation, je ne développerai donc pas à nouveau mes arguments.

L'amendement n° 12 est un peu différent : il vise à exclure l'application de la procédure de révision simplifiée prévue par l'alinéa 7 de l'article 48 du traité sur l'Union européenne, tel que modifié par le traité de Lisbonne. Comme il a déjà été indiqué, il n'est pas envisageable de prévoir des réserves unilatérales après la négociation du traité.

Au demeurant, sur le fond, cet amendement est inutile, puisque l'objet de l'article 88-7 de la Constitution, tel qu'il est prévu par le projet de loi constitutionnelle, permet justement d'organiser un droit d'opposition, qui est en fait un véritable droit de veto accordé au Parlement français, et donne satisfaction, par conséquent, aux préoccupations exprimées par les auteurs de l'amendement n° 12. Je demanderai donc à ces derniers de retirer leur proposition, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

... sinon j'émettrai un avis défavorable.

L'amendement n° 14 vise à exclure l'application, en droit français, de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif aux services publics. Là encore, c'est une réserve d'interprétation ; je ne reviendrai donc pas sur ce que j'ai déjà dit.

En fait, le traité de Lisbonne est plus favorable à la conception française du service public que ne l'est actuellement le droit communautaire. Un protocole annexé à ce traité reconnaît en effet explicitement, pour la première fois, « le rôle essentiel et le pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d'intérêt économique général, d'une manière qui réponde aux besoins des utilisateurs ; la diversité des services d'intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison des situations géographiques, sociales ou culturelles différentes ; un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des utilisateurs. »

Par conséquent, dans une certaine mesure, vous avez satisfaction avec cet élargissement de la reconnaissance de notre conception du service public. Si cet amendement devait ne pas être retiré, la commission émettrait, bien entendu, un avis défavorable.

L'amendement n° 16 vise les dispositions relatives à l'indépendance de la Banque centrale européenne.

Le problème est que la rédaction de cet amendement est loin d'être claire, puisqu'il est écrit que « les dispositions de l'article 282 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne s'appliquent dans le respect de l'article 3 de la Constitution ». On ne sait pas très bien quelle est la portée juridique concrète de cet amendement.

De surcroît, il s'agit, une fois encore, d'une réserve d'interprétation.

Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

Enfin, l'amendement n° 18 a trait au respect du principe de laïcité.

Je dois dire que le Conseil constitutionnel, qui a lu l'ensemble du traité, n'a pas éprouvé de craintes à cet égard. Le préambule du traité ne comporte d'ailleurs qu'une simple référence à l'héritage religieux de l'Europe, quel qu'il soit, chrétien, musulman, juif...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Par conséquent, le Conseil constitutionnel n'a pas estimé qu'il y avait là une menace particulière pour la laïcité. Je le suis sur ce point également et émets un avis défavorable sur l'amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

M. Gélard a déjà dit beaucoup de choses.

S'agissant de l'amendement n° 6, je répète que l'article 1er du texte ne valide pas par avance le traité de Lisbonne. Il a pour objet de réviser la Constitution pour permettre la ratification de ce traité.

Comme l'a justement rappelé M. Hyest, sans cette procédure préalable, aucun débat ne pourrait se tenir sur le traité de Lisbonne lui-même. L'autorisation de ratifier ce traité sera soumise au vote de la représentation nationale. Le débat aura lieu le 7 février prochain.

J'ajoute que, comme cela a été souligné à plusieurs reprises, notre organisation institutionnelle place sur un pied d'égalité la ratification parlementaire et la ratification référendaire.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 3 de M. Charasse, le Conseil constitutionnel, comme cela a été relevé, s'est prononcé, dans ses décisions du 19 novembre 2004 et du 20 décembre 2007, sur les stipulations du traité de Lisbonne qui rendent nécessaire la révision préalable de notre Constitution. Il a considéré que seules sont concernées celles qui sont de nature à porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale et celles qui définissent les prérogatives nouvelles accordées aux parlements nationaux. Il a, en revanche, estimé que les dispositions relatives aux droits fondamentaux de l'Union européenne n'appelaient pas de révision constitutionnelle.

L'article 6 du traité sur l'Union européenne précise bien que les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme font partie du droit de l'Union européenne, tel qu'il résulte des traditions constitutionnelles communes aux États membres. La même réserve figure à l'article 52 de la charte des droits fondamentaux. Ces droits doivent être interprétés en harmonie avec les traditions constitutionnelles communes aux États membres.

Par conséquent, les craintes invoquées par M. Charasse ne nous paraissent pas fondées, étant entendu que les propos de M. Graham Watson sur la laïcité n'engagent que lui. Cette personne a certainement des qualités, mais n'est pas le meilleur connaisseur du droit français à cet égard.

En outre, comme cela a été indiqué par M. Gélard, les réserves doivent être faites, en ce qui concerne les traités communautaires, au moment de la signature. C'est un usage qui a été reconnu par la convention de Vienne sur le droit des traités.

Par ailleurs, ainsi que je l'ai souligné, l'article 52 préserve les constitutions nationales. Comme l'a également fait observer M. Gélard, le Conseil constitutionnel n'a pas considéré que ces dispositions faisaient courir un risque à notre Constitution.

Enfin, je n'ai pas trouvé trace - mais peut-être ai-je mal cherché - des déclarations qui auraient été faites par M. Barnier lors de son intervention du 16 février 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Je vous ferai passer leur retranscription pour la semaine prochaine !

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Je vous en remercie, monsieur le sénateur !

Quoi qu'il en soit, il ne nous paraît pas nécessaire, dans ces conditions, d'insérer une réserve d'interprétation résultant des décisions du Conseil constitutionnel ni de prévoir dans la Constitution que tout acte européen qui méconnaîtrait les décisions du Conseil constitutionnel serait nul et de nul effet à l'égard de la France.

Pour ces raisons, je souhaiterais que M. Charasse puisse retirer son amendement. À défaut, nous préconiserions son rejet.

En ce qui concerne l'amendement n° 8, il n'a pas, en soi, de lien direct avec le projet de loi constitutionnelle ni avec le traité de Lisbonne, comme l'a remarqué M. Gélard. L'obligation d'appliquer les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne n'est pas une nouveauté introduite dans le cadre du traité de Lisbonne, puisque ces dispositions sont issues du traité de Nice : aucune modification n'est intervenue.

Sur le plan politique et sur le plan opérationnel, je dirai, pour être complet, que la politique européenne de sécurité et de défense s'est construite de façon non contradictoire avec l'OTAN. Cela est normal, puisque vingt et un des États membres de l'Union européenne sont également membres de l'OTAN. La France exerce d'ailleurs actuellement, dans le cadre de cette organisation, le commandement de la KFOR au Kosovo. Des arrangements entre les deux organisations garantissent l'autonomie de décision pour chacune d'entre elles.

Pour ces raisons de fond, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 10, il nous paraît quelque peu contradictoire avec l'amendement précédent, car pour construire une Europe de la défense garantissant une autonomie de son action et la paix sur le continent européen, il est indispensable que les États membres accroissent leur capacité militaire. L'Union européenne s'est dotée d'une capacité opérationnelle autonome, à la fois civile et militaire, ce qu'illustrent les opérations qui ont été conduites dans les Balkans, au Moyen-Orient, en Afrique et en Afghanistan.

C'est également dans ce cadre que le Conseil des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne a décidé hier le lancement d'une nouvelle opération de sauvetage et de stabilisation dans le contexte de la crise au Darfour, afin de protéger les populations civiles.

Comme vous le savez, le traité prévoit la mise en place d'une coopération structurée, élargit les missions de l'Union européenne, notamment en matière de désarmement, de prévention des conflits et de stabilisation à la fin de ces conflits.

Ces mesures ne pourront être prises sans notre consentement, puisque le traité prévoit qu'elles devront l'être à l'unanimité.

Par conséquent, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 12, les dispositions en cause visent à permettre au Conseil européen, composé des chefs d'État et de gouvernement, d'autoriser le Conseil à statuer à la majorité qualifiée au lieu de l'unanimité. Cette autorisation devra être donnée à l'unanimité. Elle ne pourra pas concerner les décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.

Le Conseil européen pourra, de la même manière, décider d'adopter la procédure législative ordinaire, qui repose sur la règle de la majorité qualifiée, au lieu d'une procédure spéciale.

Enfin, comme l'a souligné M. Gélard, il suffira de l'opposition d'un parlement national, exprimée dans un délai de six mois après la transmission des initiatives qui seront prises en la matière par le Conseil européen, pour faire obstacle à la décision. Compte tenu de cette garantie forte offerte aux parlements nationaux, ce mécanisme ne saurait être considéré comme méconnaissant l'article 3 de la Constitution.

En conséquence, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 14 relatif à l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et aux services publics, il prévoit que les règles de concurrence ne s'appliqueront aux entreprises chargées de la gestion des services d'intérêt économique général que dans la mesure où elles ne feront pas échec à l'accomplissement de leurs missions.

Vous savez, madame Borvo, que l'article 345 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que les traités n'ont pas à préjuger le régime de propriété des entreprises dans les États membres. Comme l'a également souligné le rapporteur de la commission des lois, il y a, dans le traité de Lisbonne, une innovation concernant le protocole sur les services publics, selon laquelle les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres pour fournir, faire exécuter et organiser des services non économiques d'intérêt général.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 16, j'indiquerai que l'indépendance de la Banque centrale européenne ne constitue pas une nouveauté introduite par le biais du traité de Lisbonne, puisque l'article 108 du traité instituant la Communauté européenne définit et encadre cette indépendance. Ce principe n'est en rien contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion, dans le cadre de l'examen d'autres traités, de statuer sur ce point.

À mon sens, le traité de Lisbonne consacre plutôt, dans ce domaine, une avancée, puisqu'il reconnaît l'existence de l'Eurogroupe et le dote d'une présidence stable. Il permettra aux États de la zone euro de prendre seuls les décisions qui les concernent directement. Enfin, il tend à renforcer la visibilité internationale de la zone euro, notamment dans ses relations avec ses principaux partenaires sur le plan monétaire : les États-Unis, la Chine et le Japon.

Pour ces raisons, à défaut d'un retrait de cet amendement, nous émettrons un avis défavorable.

Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° 18, il ne nous paraît pas utile, outre les raisons de fond qui ont été évoquées par M. Gélard, puisque le Conseil constitutionnel n'a pas considéré que le nouveau préambule du traité sur l'Union européenne était contraire à la Constitution, en particulier au principe de laïcité, qui figure à son article 1er.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Au demeurant, il convient de rappeler que l'article 4 du traité sur l'Union européenne prévoit que l'Union européenne respecte l'égalité des États membres devant les traités, ainsi que leur identité nationale inhérente à leurs structures fondamentales, politiques et constitutionnelles. La nôtre comprend la laïcité.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État

Pour toutes ces raisons, nous serions défavorables à cet amendement, s'il devait ne pas être retiré.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

J'ai tenu à poser la question des réserves aujourd'hui, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure.

Pour gagner du temps à cette heure tardive, je retire les deux amendements que j'avais déposés aux articles 1er et 2. Mais je les reprendrai la semaine prochaine quand nous examinerons le projet de loi autorisant la ratification du traité parce que, en réalité, mes suggestions doivent figurer dans le projet de loi d'autorisation pour l'élection du Parlement européen. Je renvoie les ministres à la lecture de ce texte. C'est d'ailleurs ce que m'avait dit à l'époque M. Barnier, la décision du Conseil constitutionnel sera visée dans la loi d'autorisation du traité comme en 1977.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Les amendements n° 3 et 4 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 6.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

À compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007, le titre XV de la Constitution est ainsi modifié :

1° Il est intitulé : « De l'Union européenne » ;

2° Les articles 88-1 et 88-2 sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. 88-1. - La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.

« Art. 88-2. - La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l'Union européenne. » ;

3° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 88-4, les mots : « les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative » sont remplacés par les mots : « les projets d'actes législatifs européens ainsi que les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne comportant des dispositions qui sont du domaine de la loi » ;

4° Dans l'article 88-5, les mots : « et aux Communautés européennes » sont supprimés ;

5° Après l'article 88-5, sont ajoutés deux articles 88-6 et 88-7 ainsi rédigés :

« Art. 88-6. - L'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité. L'avis est adressé par le président de l'assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le Gouvernement en est informé.

« Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement.

« À ces fins, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée.

« Art. 88-7. - Par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, le Parlement peut s'opposer à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne dans les cas prévus, au titre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération judiciaire civile, par le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Josselin

En dépit de l'heure tardive, je voudrais évoquer les dispositions de l'article 2 qui concernent le rôle des parlements nationaux, question à laquelle j'ai consacré de nombreux efforts.

J'ai eu l'honneur de présider pendant huit ans la délégation de l'Assemblée nationale aux Communautés européennes. À l'époque, nous avions déploré l'extrême difficulté pour le Parlement d'avoir connaissance de documents qui étaient déjà à la disposition du Gouvernement. J'avais même déposé une proposition de loi - qui a d'ailleurs été adoptée - pour obliger le Gouvernement à nous communiquer à temps ces informations.

M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes a insisté, devant la commission des lois, sur le rôle de lien entre démocratie européenne et démocratie nationale que les parlements nationaux seraient appelés à jouer, notamment avec le contrôle de la subsidiarité. Il affirme que le lien est établi. Mais la liaison va-t-elle se faire ? Je voulais soulever cette question à l'occasion de la discussion de cet article, en rappelant l'extraordinaire exigence que représente pour le parlement national ce rôle de surveillance du respect de la subsidiarité.

Les délégations de l'Assemblée nationale et du Sénat font l'essentiel de ce travail, mais il faudra qu'elles disposent de moyens à la mesure de cette responsabilité. Les équipes en place font du bon travail, mais les choses sont singulièrement compliquées par une législation européenne qui, d'une part, ne cesse de se densifier et de se techniciser, et qui, d'autre part, enjambe allégrement la frontière entre domaine législatif et domaine règlementaire.

Il faudra aussi que les parlementaires soient présents. Je ne peux - hélas ! - que constater qu'il en va de même à la délégation du Sénat comme à celle de l'Assemblée nationale il y a quelques années : nombreux sont ceux qui veulent en faire partie, mais peu sont ceux qui s'y investissent.

Il faudra aussi développer la coopération interparlementaire - la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des parlements de l'Union européenne, que nous avons créée en son temps, peut certainement y contribuer -, mais aussi la coopération avec le Parlement européen. Je regrette que les occasions de rencontre entre parlementaires nationaux et européens soient rares. Des initiatives en ce sens doivent-elles être prises par l'Assemblée nationale et le Sénat ou par le Gouvernement ? En tout cas, cette absence de relations est extrêmement préjudiciable.

Enfin, il faudra que le Gouvernement ait la volonté d'entretenir un dialogue constant avec le Parlement, et plus particulièrement avec ses délégations. L'implication du Parlement - et je m'adresse à mon collègue Jean-Luc Mélenchon -, c'est aussi l'implication du peuple au travers de ses représentants. Elle est largement dépendante de la bonne application de la règle européenne et de sa transposition dans le droit national. C'est parce que le Parlement est trop souvent totalement absent du vote mais surtout de la préparation de la norme européenne qu'il est si difficile ensuite de la transposer.

Le projet de loi constitutionnelle prévoit que le Gouvernement a l'obligation de transmettre les actes législatifs européens et les autres propositions lorsqu'ils sont présentés devant le Conseil. Mais, monsieur le secrétaire d'État, c'est déjà trop tard ! Au moment où les projets arrivent au conseil des ministres, l'affaire est bouclée. Il faut que nous anticipions sur la préparation de ces textes. Nous y sommes prêts, et une relation de confiance, je le répète, solide entre Parlement et Gouvernement devrait nous aider à jouer ce rôle. Nous devons gagner du temps et être prévenus au moins en même temps que les lobbyistes de Bruxelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Monsieur Josselin, je suis d'accord avec vous pour l'essentiel. La question des parlements nationaux a été abordée par mon collègue Jean-Claude Peyronnet et moi-même dans deux rapports d'information dont les conclusions ont été intégralement reprises par le comité Balladur. Ce sujet sera vraisemblablement de nouveau évoqué lors du débat qui se tiendra au printemps prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'ajoute que la conférence des présidents a porté une attention toute particulière, à deux reprises, à ces rapports qui présentent un grand intérêt.

La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Je donne très volontiers acte à mon collègue Charles Josselin que l'implication des parlements dans le débat européen est effectivement l'une des formes de l'implication populaire.

Je n'ai peut-être pas très bien compris, ou quelque chose m'aura échappé, mais j'ai un doute sur la nouveauté que constituerait ce contrôle plus étroit du principe de subsidiarité par les parlements nationaux. M. Karoutchi nous a effectivement ici récemment affirmé, sans que nous puissions le contredire, qu'un grand progrès avait été effectué.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Vous allez peut-être nous le prouver, monsieur le président de la commission. Ma lecture n'est pas la même.

Selon moi, le contrôle s'exerce de la manière suivante : il faut que neufs parlements concluent que le principe de subsidiarité est mis en cause. Une fois leurs observations déposées, la Commission peut maintenir, modifier, ou amender la disposition en question.

Aurais-je mal compris ? Le contrôle est-il plus important ? Mais si ce n'est que cela, je regrette, mais ce n'est vraiment pas grand-chose ! Ces neuf États finissent par s'accorder sur une position qui porte uniquement sur le non-respect du principe de subsidiarité, car, sur le contenu du texte, le droit d'amendement des parlements nationaux est toujours égal à zéro.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

L'amendement n° 9, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 88-1 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 2 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne ne s'appliquent pas à la France.

L'amendement n° 11, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 88-1 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 42 du traité sur l'Union européenne ne s'appliquent pas à la France.

L'amendement n° 13, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 88-1 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, les dispositions du paragraphe 7 de l'article 48 du traité sur l'Union européenne ne s'appliquent pas à la France.

L'amendement n° 15, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 88-1 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, les dispositions de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'appliquent pas à la France.

L'amendement n° 17, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 88-1 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, les dispositions de l'article 282 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne s'appliquent dans le respect de l'article 3 de la Constitution.

L'amendement n° 19, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 88-1 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, la participation de la France à l'Union européenne s'effectue dans le respect du principe de laïcité posé à l'article 1er de la Constitution.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

Je mets aux voix l'amendement n° 7.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

La loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution est ainsi modifiée :

1° L'article 3 est abrogé ;

2° Dans l'article 4, les mots : «, dans sa rédaction en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l'Europe, et l'article 88-7 » sont supprimés, et les mots : « ne sont pas applicables » sont remplacés par les mots : « n'est pas applicable ».

L'article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais rappeler en quelques mots la position des sénateurs Verts sur ce texte.

Réaffirmant notre ambition d'une Europe véritablement sociale et environnementale, en phase avec l'aspiration des citoyens, nous avions initialement rêvé d'une consultation européenne, qui aurait donné sens à un projet validé, ou non, en commun, puis attendu l'organisation d'un référendum en France.

Aujourd'hui, nous dénonçons avec la plus grande fermeté la manoeuvre par laquelle l'étape démocratique que constitue la modification constitutionnelle devient pour le Président de la République et sa majorité le moyen de refuser au peuple de s'exprimer librement.

Après le rejet de la Constitution européenne exprimé en 2005 et l'élaboration d'un nouveau traité, il aurait été démocratiquement normal et cohérent de consulter à nouveau ces mêmes citoyens. C'est un manque de courage politique et un déni démocratique qu'exprime M. Nicolas Sarkozy en recourant à la simple consultation des deux assemblées.

Les abstentions de Dominique Voynet, Marie-Christine Blandin et Jacques Muller marquent leur refus de prendre position sur cette étape du processus. Les « non » de Jean Desessard et de moi-même expriment le nôtre de la manoeuvre du Gouvernement. Nos cinq votes, dans leur diversité, vous disent combien une construction européenne qui ne se fait qu'au sommet perd en qualité et éloigne la confiance.

Nous continuerons notre lutte commune pour un grand espace démocratique, respectueux des droits humains et de la diversité culturelle, attentif aux ressources naturelles, à la justice planétaire, sociale et environnementale, et garant de la paix.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 76 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi constitutionnelle est adopté dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je rappelle au Sénat que, en application de l'article 30, alinéas 1 et 4, du règlement du Sénat, Mme la présidente Nicole Borvo Cohen-Seat, par demande signée d'au moins trente sénateurs, a demandé la discussion immédiate de la proposition de loi constitutionnelle présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Robert Bret, Jean-Luc Mélenchon, Charles Gautier, Jean Desessard et Mme Alima Boumediene-Thiery, visant à compléter l'article 11 de la Constitution par un alinéa tendant à ce que la ratification d'un traité contenant des dispositions similaires à celles d'un traité rejeté fasse l'objet de consultation et soit soumise à référendum.

En conséquence, je vais appeler le Sénat à statuer sur la demande de discussion immédiate.

Je rappelle que, en application de l'alinéa 6 de l'article 30 du règlement, le débat engagé sur cette demande « ne peut jamais porter sur le fond ».

Ont seuls droit à la parole l'auteur de la demande, un orateur contre, le président ou le rapporteur de la commission, et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cet après-midi même, vous avez déclaré irrecevable le débat sur la motion référendaire que nous avons déposée. Pourtant, cela aurait été un gain de temps, puisque cela nous aurait permis de discuter l'opportunité de consulter le peuple sur le traité de Lisbonne.

Votre refus nous a conduits à déposer cette proposition de loi constitutionnelle, qui, je vous le rappelle, a déjà été examinée à l'Assemblée nationale et a été approuvée par 140 députés contre 176.

Cette proposition de loi constitutionnelle porte non pas sur le traité de Lisbonne, mais sur le respect de la parole du peuple : elle interroge donc nos principes démocratiques. Pour vous opposer aux raisonnements que nous avons développés afin de justifier le dépôt de cette motion référendaire, vous avez été contraints, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, d'avancer quatre arguments principaux que je résumerai ainsi.

Premièrement, le traité de Lisbonne est différent du traité instituant une Constitution pour l'Europe.

Deuxièmement, en votant majoritairement pour Nicolas Sarkozy en 2007, les Français ont de facto approuvé par avance qu'un futur traité européen ne soit pas soumis à référendum, puisque le candidat l'avait annoncé.

Troisièmement, ceux qui réclament le référendum ne veulent pas faire avancer l'Europe.

Quatrièmement, les partisans de la voie référendaire contestent la légitimité du Parlement, voire mettent en cause les institutions de la République.

Madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, les représentants du peuple que nous sommes ont des devoirs envers celui-ci.

Je ne reviendrai pas en détail sur l'argumentation déployée, car nous avons déjà tenté d'y répondre, notamment à grand renfort de citations.

En ce qui concerne le premier point, je rappellerai que le débat de 2005 a porté exclusivement sur le fond et que, de ce point de vue d'ailleurs, les deux traités sont identiques.

Pour ce qui est du deuxième point, nous avons fait observer que le candidat à la présidence de la République s'était en quelque sorte réclamé d'un « mini-traité », qui ne concernait que le fonctionnement de l'Union européenne, mais pas du tout d'un traité similaire à celui qui a été rejeté par le peuple.

Sur le troisième point, sans doute n'avons pas répondu de manière suffisante, alors qu'il se rapporte précisément à l'objet de cette proposition de loi. Ma question est la suivante : qui fera avancer l'Europe et pour qui ? Pensez-vous un seul instant que l'Europe ait un avenir si elle se construit contre le peuple ? Le bonheur des peuples malgré eux, cela ne vous rappelle-t-il rien ? Personne ne peut accepter ce genre de proposition !

Le peuple français est très majoritairement favorable à l'Europe, pour peu que celle-ci démontre à la fois son efficacité sociale et économique face à une mondialisation des capitaux sans foi ni loi - ce qui n'est pas encore le cas -, son efficacité diplomatique face aux désordres et aux horreurs du monde, notamment dans les rapports Nord-Sud, et son efficacité face aux enjeux écologiques. Nous ne constatons rien de tout cela aujourd'hui et c'est bien la raison pour laquelle le peuple a du mal à saisir le bien-fondé de l'Europe à laquelle on lui demande d'adhérer. Il est vrai que les politiques européennes menées actuellement laissent à désirer et sont souvent sujettes à critiques.

S'agissant du quatrième point, qui est le plus important du point de vue de la proposition de loi constitutionnelle que nous vous soumettons, puisqu'il sous-entend que nous contesterions la légitimité du Parlement, il prête à sourire. En effet, vous inversez les facteurs. Permettez-moi de les remettre dans le bon ordre.

Tout d'abord, le Parlement tire sa légitimité du peuple, et non l'inverse. Ensuite, nous ne méconnaissons pas l'article 3 de la Constitution, qui met sur un pied d'égalité l'exercice de la souveraineté par le peuple - c'est le référendum - et par ses représentants. Mais cet article n'en dit pas moins que la souveraineté nationale appartient au peuple et que, héritage de Rousseau dont se revendiquent les démocrates, la volonté générale ne peut s'aliéner. Or le peuple ayant exprimé sa volonté sur une question en 2005, ses représentants ne peuvent le désavouer sur le même sujet.

Il est vrai que la Constitution de la Ve République ne prévoit pas que le peuple puisse être contredit par une autre voie lorsqu'il a été préalablement consulté par référendum. Mais cette lacune est en elle-même significative : comment imaginer le contraire ? D'ailleurs, quand, en 1946, le peuple a rejeté le premier projet de Constitution ou quand, en 1969, il a refusé le projet de réforme du Sénat et des territoires, les gouvernements en place en ont immédiatement tiré les conséquences.

Or, le 29 mai 2005, rien n'a changé. Au lieu de prendre acte du résultat référendaire, vous entendez ratifier le même projet sans consulter le peuple. Voilà une façon assez étrange et pour le moins inacceptable de répondre à la volonté populaire !

Les parlementaires, ceux du oui comme ceux du non, s'apprêtent à commettre un déni de démocratie sans précédent. Nous devons d'autant plus réfléchir à ce que nous faisons que, quelques semaines avant le rejet très large du traité constitutionnel par le peuple, le Parlement avait approuvé le texte à 93 %.

Vouloir échapper à l'expression du peuple par le biais de l'expression du Parlement ne renforce pas le rôle de ce dernier, n'en déplaise à ce que d'aucuns ont pu prétendre. Au contraire, cela revient à renforcer le fossé entre le peuple et ses institutions et représentants.

Certes, le peuple peut changer d'avis sur la politique européenne, sur le contenu du traité, comme sur d'autres questions, mais il ne peut « être changé » d'avis par ses représentants.

C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi constitutionnelle complète, puisqu'il en est apparemment besoin, notre Constitution. Elle a pour objet de rendre obligatoire le recours au référendum pour l'adoption des lois qui contiennent des dispositions précédemment rejetées par référendum, afin d'éviter ce déni de démocratie qui n'honore pas les représentants du peuple !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

... à l'examen du texte qui tend à modifier la Constitution, même si elle est toujours juridiquement possible.

Je ne porterai pas de jugement sur le fond de cette proposition de loi constitutionnelle, puisque le débat ne s'y prête pas. Il n'en reste pas moins que vouloir faire passer une disposition qui ne peut être examinée par la commission saisie au fond et qui met à mal l'égalité inscrite par l'article 3 de la Constitution entre exercice de la souveraineté nationale par la représentation nationale et exercice de cette souveraineté par voie référendaire me paraît un peu gros. Car c'est cela que vous proposez !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le changement profond susceptible d'être introduit par cette proposition de loi constitutionnelle, que vous défendez à la suite de vos collègues de l'Assemblée nationale, pour atteindre un objectif à très court terme - faire obstacle à une ratification par la voie parlementaire du traité de Lisbonne, dont la nature politique, symbolique et juridique est bien différente de celle du traité établissant une Constitution pour l'Europe -, mériterait un examen attentif auquel nous ne pouvons procéder.

En outre, cette proposition de loi constitutionnelle vise des « dispositions analogues ou similaires ». Une telle rédaction est de nature à plonger les juristes dans des abîmes de perplexité !

M. le secrétaire d'État acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

De surcroît, selon moi, une telle démarche ne serait pas applicable.

Je vous rappelle, ma chère collègue, que, lors de la révision plus générale de la Constitution, le recours au référendum pourrait très bien faire l'objet de propositions.

De surcroît, au lieu de soumettre à la Haute Assemblée une motion référendaire, puis une proposition de loi constitutionnelle, vous auriez pu déposer un amendement au projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, inscrit aujourd'hui à l'ordre du jour du Sénat et que nous venons d'adopter. Nous aurions pu alors discuter au fond de votre proposition.

Mme

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour toutes ces raisons, la commission des lois propose le rejet de la demande de discussion immédiate.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Je partage totalement les arguments et les observations formulés par M. Hyest. Nous venons de débattre du projet de loi constitutionnelle qui devrait être définitivement adopté en Congrès le 4 février prochain.

Certes, le Gouvernement n'a pas la maîtrise de l'ordre du jour réservé du Sénat. Il ne souhaite cependant pas l'inscription à cet ordre du jour de la proposition de loi constitutionnelle qui nous est soumise. Les débats l'ont bien montré : nous devons procéder rapidement à la ratification du traité de Lisbonne qui doit passer par la voie parlementaire.

En tout état de cause, la Constitution n'est pas un texte dont on modifie les équilibres au gré des circonstances et des traités. Dans notre tradition, il n'a jamais existé de hiérarchie entre la souveraineté parlementaire et la souveraineté populaire. Tenons-nous en à ce grand principe. Le Gouvernement ne souhaite donc pas la discussion immédiate de la proposition de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je mets aux voix la demande de discussion immédiate.

Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC et, l'autre, du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 77 :

Le Sénat n'a pas adopté la demande de discussion immédiate.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale par la mise en conformité du code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire relatif à un groupement européen de coopération territoriale.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 182, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Position commune du Conseil 2008/.../PESC du concernant des mesures restrictives à l'encontre du Liberia.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3761 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet d'action commune du Conseil relative à la mission de l'Union européenne à l'appui de la réforme du secteur de la sécurité en République de Guinée-Bissao (RSSUE Bissao).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3762 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Projet d'action commune du Conseil concernant la mission état de droit de l'Union européenne au Kosovo.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3763 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil renouvelant et renforçant les mesures restrictives instituées à l'encontre de la Birmanie/du Myanmar et abrogeant le règlement (CE) n° 817/2006.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3764 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

J'ai reçu de M. Nicolas About, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le pouvoir d'achat.

Le rapport sera imprimé sous le n° 180 et distribué.

J'ai reçu de M. Jean Bizet un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (urgence déclarée) (n° 149, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 181 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 30 janvier 2008 à quinze heures et le soir :

Discussion du projet de loi (158, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Rapport (174, 2007-2008) de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 30 janvier 2008, à deux heures cinquante.