Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 29 janvier 2008 à 22h00
Titre xv de la constitution — Suite de la discussion et adoption conforme d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Il l'a dit !

Voilà qui n'est pas de nature à renforcer la confiance des Français dans leurs institutions, ni dans l'Europe telle que vous la faites, sans les peuples. Si je comprends bien, vous estimez que, pour que cette Europe progresse, il faut tenir le peuple à l'écart. C'est une bien curieuse conception de la démocratie !

Finalement, ce fameux déficit démocratique qu'il est toujours de bon ton de déplorer n'est ni un hasard ni un simple dysfonctionnement ; il est même une condition de cette construction particulière. Jacques Delors, à Strasbourg, en 1999, reconnaissait d'ailleurs avec clairvoyance et avec un certain courage que l'Europe s'était constituée sous l'égide d'un « despotisme doux et éclairé », moderne en somme !

Non, le traité de Lisbonne n'est certainement pas une simple étape intermédiaire. Il constitue une étape décisive dans la mise en place d'une quasi-structure étatique fédérale, dotée de la personnalité juridique, qui acquiert au fil des traités la faculté de déterminer son propre champ d'intervention, c'est-à-dire ce que l'on appelle la compétence de la compétence, grâce à la clause de flexibilité inscrite à l'article 308, aux clauses passerelles, et surtout grâce aux juges de la Cour de justice des Communautés européennes. Combinée avec la règle de la décision à la majorité et celle de la primauté du droit européen, c'est elle qui donne sa pleine-puissance constitutionnelle et fédérale au traité.

L'option fédérale est une opinion parfaitement respectable. Encore faut-il l'assumer devant le peuple et le dire tout haut, au lieu de s'en cacher.

Mes chers collègues, j'ai la conviction que vous prenez un risque majeur, celui d'une perte du sens civique, du sens collectif, au moment même où l'individu et ses intérêts prennent trop souvent la place du citoyen et de ses idéaux, comme l'a écrit Dominique Schnapper dans un très bon livre. Il faut en effet du temps, beaucoup de temps, pour créer une unité politique et pour que chacun accepte de dépasser sa singularité dans une longue chaîne de solidarité qui nous permet de vivre ensemble. D'ailleurs, ce n'est sans doute pas un hasard que le non soit venu des Français, peuple éminemment politique s'il en est, c'est-à-dire de la France qui est la nation qui jouit de la plus ancienne conscience d'elle-même.

L'Europe peut-elle devenir une nation, une véritable unité politique ? À vingt-sept États membres et plus, rien n'est moins sûr ! Il faudra beaucoup plus que cette construction juridique pour créer un véritable sentiment d'appartenance, qui est la véritable condition d'une démocratie européenne.

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