Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 29 janvier 2008 à 22h00
Titre xv de la constitution — Suite de la discussion et adoption conforme d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

La révision de la Constitution est un acte grave. Lorsqu'elle a pour effet d'entamer les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté, de transfert de la souveraineté, il revient au peuple de décider ce qu'il consent comme concession et ce qu'il considère comme le noyau intangible de la Constitution.

De la même manière, tout projet de loi ayant pour effet de porter atteinte aux conditions primordiales d'exercice de la souveraineté devrait faire l'objet d'une ratification par le peuple.

L'article 3 de la Constitution le prévoit dans son premier alinéa : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Il est bien précisé « et », et non pas « ou » !

Dans cet article, la théorie de la souveraineté nationale, chère à Sieyès, côtoie celle de la souveraineté populaire, chère à Rousseau. La première confère au Parlement le droit d'exercer la souveraineté, la seconde attribue au peuple le soin de l'exercer directement, par la voie du référendum.

Il fut une époque, sous la Ve République et particulièrement en 1969, où le référendum avait un sens : à lui seul, il pouvait défaire le pouvoir.

Comprenez bien, chers collègues, que le peuple ne veut pas légiférer. Il souhaite seulement pouvoir s'exprimer sur des questions touchant à l'essence de la souveraineté.

En 2005, la révision de la Constitution a été votée dans la perspective de la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Or, quelques mois après, les Français ont décidé par référendum de refuser ce texte. Pourtant, la Constitution avait été révisée par le Congrès, mais la coquille est restée vide en raison du non qui l'avait emporté.

Beaucoup avaient cru que le peuple suivrait. Il ne l'a pas fait ! Est-ce un désaveu ? Je ne le pense pas : il s'agit de la marche normale de la démocratie.

En votant contre le projet de traité européen, pour les besoins duquel la majorité parlementaire avait modifié la Constitution, le peuple nous a donné un signal : ce que la majorité exprime au Parlement, ce n'est pas forcément ce qui est exprimé par la majorité du peuple. Il aurait fallu en tenir compte.

Depuis presque trois ans, notre loi fondamentale, pierre angulaire de notre système juridique, contient des dispositions qui ne servent plus à rien. Elles vont être supprimées par ce projet de loi constitutionnelle, mais leur existence est un symbole à lui tout seul : elle nous rappelle que le peuple est maître de son destin démocratique. Si sa volonté a été respectée en 2005, elle est sur le point d'être bafouée par la réunion du Congrès le 4 février prochain !

Je vous rappelle que, selon un dernier sondage, 75 % des Français souhaitent que le traité de Lisbonne soit ratifié par voie référendaire. Or ces citoyens sont de tout bord politique. Favorables ou non au contenu de ce traité, ils veulent s'exprimer !

Ces Français, que nous ne faisons que représenter, sont les premiers destinataires du traité de Lisbonne. Nous ne pouvons donc pas nous substituer à eux : la majorité qualifiée qui siège au Congrès ne peut se substituer à ces 75 % de Français, pas plus que la majorité simple qui adoptera la loi de ratification du traité de Lisbonne.

Puisqu'en 2005 le choix du référendum avait été fait, le principe du parallélisme des formes impose aujourd'hui que ce nouveau traité soit ratifié par le peuple, quelle qu'en soit l'issue. Nous ne devons pas craindre l'expression démocratique.

Les élus Verts estiment que si l'on souhaite vraiment édifier une Europe des peuples, ce sont les peuples d'Europe eux-mêmes qui doivent définir dans quelle mesure ils souhaitent y prendre part.

Dans une Europe où le déficit démocratique est trop souvent reconnu et déploré depuis longtemps, nous avons une occasion unique de montrer que la France donne l'exemple d'une démocratie respectueuse de la volonté de son peuple, courageuse et audacieuse. En choisissant de convoquer le Congrès, le Président de la République commet un hold-up démocratique, une imposture morale et politique.

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