Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 29 janvier 2008 à 22h00
Titre xv de la constitution — Suite de la discussion et adoption conforme d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

La volonté du peuple de pouvoir s'exprimer directement est aujourd'hui bafouée. Pourquoi tant de mépris ? La crédibilité du chef de l'État serait-elle en jeu ?

Pourquoi ce refus obstiné du référendum, alors que M. Sarkozy, lorsqu'il était étudiant, avait présenté un mémoire de DEA sur le référendum du 27 avril 1969 ? Notre président a-t-il peur de subir le même destin que le général de Gaulle ?

Pourquoi tant de mépris pour l'expression populaire de la part d'un homme qui, lorsqu'il était ministre de l'intérieur, défendait le recours au référendum pour le défunt traité constitutionnel européen ?

Je souhaite citer les propos tenus par M. le Président de la République, alors qu'il était ministre, au cours d'un conseil national de l'UMP le 9 mai 2004 : « l'Europe doit être au service des peuples [...] Mais l'Europe ne peut pas se construire sans les peuples [...] la souveraineté c'est le peuple. À chaque grande étape de l'intégration européenne il faut donc solliciter l'avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple.

« Si nous croyons au projet européen comme j'y crois, alors nous ne devons pas craindre la confrontation populaire. [...]

« Je le dis comme je le pense, simplement. Je ne vois pas comment il serait possible de dire aux Français que la Constitution européenne est un acte majeur et d'en tirer la conséquence qu'elle doit être adoptée entre parlementaires, sans que l'on prenne la peine de solliciter directement l'avis des Français. »

Il concluait par ces mots : « J'appartiens à la famille gaulliste qui - à tort ou à raison - a toujours considéré le référendum populaire comme l'une des expressions les plus abouties de la démocratie ».

Aujourd'hui, le Président de la République oublie ses propres déclarations. Il bafoue non seulement la volonté du peuple, mais également les idées de sa propre famille politique. Pourquoi ce changement significatif ? Il n'y a aucune raison à cela, si ce n'est que le choix de la ratification parlementaire est en l'espèce un choix strictement personnel du Président de la République, et non un choix pour les Français et pour la France.

D'ailleurs, tout le monde consent à dire que le Président de la République a porté ce traité comme son propre enfant depuis le début. Il lui a même donné plusieurs noms - mini- traité, traité simplifié -, avant que la conférence intergouvernementale ne lui en attribue un d'office. Il l'a porté devant nous, comme si nous étions le conseil de famille de la construction européenne.

Il en a fait une affaire personnelle, alors que ce traité concerne tous les Français. Ce sont eux qui doivent décider directement ; ce sont eux les parents de la démocratie.

La voie de la ratification parlementaire est un déni de souveraineté ; l'absence de référendum nie le droit du peuple français de décider de la construction européenne. Le Président de la République, en faisant ce choix, condamne les Français à être les parents pauvres de la construction européenne. Il condamne le peuple français, relégué au rang de spectateur muselé, à perdre la maîtrise de sa liberté démocratique.

Que pensera ce peuple de France, à qui l'on retire le droit de se prononcer, d'un Gouvernement et d'un Président de la République qui bafouent ainsi leur volonté ?

Pour certains, présents dans cet hémicycle, la question serait tranchée depuis les élections présidentielles. En effet, puisque le candidat Nicolas Sarkozy évoquait déjà, dans son programme électoral, le recours à la voie parlementaire pour la ratification du traité de Lisbonne, en votant pour lui, les Français auraient également voté pour le recours à la ratification parlementaire !

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