Intervention de André Lardeux

Réunion du 29 janvier 2008 à 22h00
Titre xv de la constitution — Suite de la discussion et adoption conforme d'un projet de loi constitutionnelle

Photo de André LardeuxAndré Lardeux :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il nous est proposé de modifier notre Constitution, ce pour la dix-septième fois au cours des quinze dernières années.

Les difficultés que nous éprouvons pour nous y retrouver dans ce patchwork seront encore accentuées par les modifications annoncées, modifications qui se révéleront d'ailleurs certainement inutiles, si, comme cela n'est que trop probable, le traité de Lisbonne est ratifié, puisqu'il a pour objet de faire disparaître la souveraineté du peuple français.

Les partisans de l'abandon s'offusquent en qualifiant l'attitude de ceux qui pensent comme moi de souverainisme, croyant, en vertu d'un penchant bien français, la déconsidérer. Si cette position est minoritaire dans certaines sphères bien pensantes, est-on sûr qu'elle le soit dans nos quartiers et dans nos campagnes ?

Pour ce qui me concerne, je n'ai pas vu, dans le texte du traité, non plus que dans les commentaires lénifiants qui l'accompagnent, de motifs à reconsidérer ma position : comme en 2005, c'est toujours non !

Il est trop facile d'opposer l'argument de paresse intellectuelle consistant à dire que les adversaires de la ratification sont contre l'Europe. Il n'y a rien de plus faux. Ce sont du reste des affirmations de ce genre qui ont contribué, en 2005, à affaiblir les positions du oui, au point qu'il fut minoritaire, car elles laissaient entendre que les partisans de la ratification n'avaient pas d'autres arguments.

Ce qui nous différencie, ce n'est pas de croire ou non en la nécessité d'une construction européenne ; ce sont nos conceptions respectives de ladite construction européenne et la façon dont, les uns et les autres, nous entendons la réaliser.

Je regrette évidemment que l'on ne recoure pas à la procédure référendaire. Bien sûr, la procédure suivie est conforme à la Constitution, mais est-elle légitime ? Je ne le crois pas !

Une fois de plus, on adresse aux citoyens, à propos de l'Europe, des messages négatifs - « Circulez, il n'y a rien à voir ! », « Cause toujours, tu m'intéresses ! » - comme si ces questions étaient hors de leur portée. Je les crois, au contraire, parfaitement aptes à comprendre : si les tenants et les aboutissants du traité, avec leurs points forts et leurs points faibles, avec les avantages que la France peut en espérer, leur étaient expliqués clairement, ils pourraient éventuellement voter oui.

Le meilleur moyen de « remettre la France en Europe », selon la très discutable formule employée, est de donner la parole au peuple plutôt que de le faire de façon contestable, en catimini, dans le secret des cabinets et le clair-obscur des cours de justice. On est fondé à parler d'une conspiration du silence pour imposer le culte du fédéralisme.

On préfère continuer à construire l'Europe sans les peuples, voire contre les peuples et les États qui les représentent.

Évidemment, les potentats qui règnent dans l'ombre à Bruxelles se méfient, car, quand on donne la parole aux peuples, ceux-ci posent des questions et peuvent exiger que la copie soit revue. Pourtant, comme le déclarait en 1962 le général de Gaulle, la voie du référendum s'impose parce que c'est la plus démocratique. Cela éviterait la quasi-clandestinité de la ratification. En réalité, les promoteurs du texte ont tout simplement peur du peuple.

L'utilisation du référendum serait plus conforme à l'article 3 de la Constitution et plus en harmonie aussi avec les conclusions de la commission Balladur sur le rôle accru qu'elle souhaite donner aux citoyens dans le fonctionnement de nos institutions.

Quand on voit ce qui se passe à propos des traités précédents, on peut craindre que, dans quelque temps, les thuriféraires du traité n'en disent pis que pendre et tentent même de s'affranchir de certaines de ses contraintes, mais ce sera trop tard.

À cet égard, l'exemple le plus caricatural est notre attitude vis-à-vis du traité de Maastricht, de la monnaie unique et du rôle de la Banque centrale : « Avons-nous déjà oublié le franc fort à tout prix qui nous a coûté cher en emplois, en pouvoir d'achat, en déficits et en endettement public pour que nous nous sentions obligés de recommencer, alors même que nous n'avons plus à gérer la réunification allemande et la marche vers l'euro ? Être un Européen conséquent, c'est admettre les grands principes de la concurrence comme fondement du marché unique, mais c'est refuser que le droit européen de la concurrence laisse les entreprises européennes à la merci des prédateurs du monde entier. » ; ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Président de la République.

J'avoue ne pas comprendre : on ne peut pas, d'un côté, remettre en cause les politiques européennes et, de l'autre, nous demander de réduire encore plus les marges de manoeuvre de la France vis-à-vis des instances européennes qui, conformément aux traités, mettent en oeuvre ces politiques.

De deux choses l'une : ou bien on s'aligne, et on le dit aux Français, ce qui est le sens du traité de Lisbonne ; ou bien on le refuse, et on a le courage de proposer une construction de l'Europe plus conforme à l'avenir de la France et de l'Europe.

Il est d'ailleurs à noter que nous n'avons guère respecté les critères fixés par le traité de Maastricht depuis que le peuple français l'a approuvé.

Que dire également de notre attitude vis-à-vis de certaines règlementations, comme les quotas, qui, si on l'a bien compris, ne sont que l'application des politiques que les gouvernements français successifs ont approuvées à Bruxelles ? C'est regretter des effets dont on a chéri les causes.

Il est vrai aussi que l'on attend toujours la réalisation des promesses mirifiques de 1992 sur l'Europe sociale. M. Védrine a d'ailleurs déclaré : « Le terme d'Europe fédérale et sociale est un oxymore. » Je crois qu'il parle d'or en la circonstance.

Les questions que l'on peut se poser à propos du traité de Lisbonne sont les suivantes : y a-t-il eu simplification, et le traité est-il allégé ? S'il y a un changement par rapport à 2005, a-t-on tenu compte de l'avis des peuples ? La réponse à ces deux questions est non.

Je note d'ailleurs la discrétion, voire la pudeur dont ont fait preuve les rédacteurs de l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle sur les raisons qui ont nécessité l'élaboration de ce projet de loi. Une telle réserve est quasiment un aveu : « Cachez ce texte qu'on ne saurait montrer aux citoyens ! »

En effet, il ne s'agit pas d'un traité simplifié. Un document qui s'étend sur 287 pages, comprend plus de 400 articles, est complété de 65 annexes, de 13 protocoles additionnels, ne saurait mériter ce qualificatif, ...

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