Madame la secrétaire d’État, j’attire à nouveau l’attention du garde des sceaux, par votre intermédiaire, sur la situation des prisons en France.
Avec plus de 69 000 personnes incarcérées pour quelque 58 000 places, le nombre de détenus dans nos prisons a atteint en juillet dernier un triste et nouveau record. Les prisons françaises n’ont jamais été aussi peuplées. Dans certaines prisons, le taux d’occupation dépasse 200 %. Certains détenus vivent à trois ou quatre par cellule et sont désœuvrés.
Les conséquences de cette surpopulation sont bien connues : tensions et violences entre détenus et envers les surveillants, épuisement du personnel administratif, diminution des activités, moindre disponibilité des conseillers d’insertion, risques accrus de radicalisation et de récidive, enfin abandon de l’un des objectifs premiers de la détention, à savoir la préparation de la réinsertion.
Si l’annonce, le 25 octobre dernier, de la fin des unités de déradicalisation en prison et de la création de six quartiers d’évaluation de la radicalisation mérite d’être saluée, le plan de cinquante-cinq mesures annoncé le même jour par le garde des Sceaux et axé sur la construction de places de prison est nécessaire, mais non suffisant.
En effet, les fonds budgétaires figurant dans ce plan sont essentiellement affectés à la construction de places. Or le délai de construction d’une prison est de dix ans en moyenne. Il me semble donc essentiel de développer les options alternatives à l’enfermement.
Ainsi, j’avais déjà émis en avril 2010, lorsque j’étais secrétaire d’État à la justice, des propositions en vue de la mise en place d’un régime ouvert de détention dans le champ pénitentiaire français.
Le dispositif de « prison ouverte » ou de « prison sans barreaux » amorcé après la Seconde Guerre mondiale avec la création de l’établissement de Casabianda, en Corse, représente une réponse concrète en vue de l’humanisation des prisons et de la facilitation de la réinsertion. Cet établissement reste, encore aujourd’hui, le seul en France d’un type qui s’est beaucoup développé ailleurs. La France se situe en bas de l’échelle européenne sur ce plan. Dans la plupart des pays qui nous entourent, entre 8 % et 30 % des personnes incarcérées purgent leur peine dans de telles prisons.
Or les résultats sont probants : le coût des infrastructures et de la détention est moindre, le taux de récidive est très bas et celui de réinsertion est élevé, grâce notamment à l’occupation systématique des détenus à des travaux de nature agricole ou artisanale.
Je regrette sincèrement que ce dispositif ne suscite pas davantage l’intérêt des gouvernements successifs, de droite comme de gauche, et j’espère que vous allez m’annoncer qu’un travail de réflexion a enfin été engagé sur ce sujet.