Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 15 novembre 2016 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Marisol Touraine, ministre :

Ainsi, lors de sa réunion du 9 novembre dernier, votre commission des affaires sociales – avec laquelle nous travaillons néanmoins de façon tout à fait positive et constructive et dont je salue le président et le rapporteur général – a voté le rejet des tableaux d’équilibre du texte.

L’an dernier, vous nous engagiez à aller plus loin dans la réduction des déficits, en nous expliquant que le Gouvernement n’en faisait décidément pas assez. Or, maintenant que le cap est mis sur le rétablissement de l’équilibre, vous le contestez, en vous fondant d’ailleurs sur des arguments quelque peu composites, dont je ne suis pas certaine qu’ils soient tous cohérents : vous contestez les choix politiques qui ont permis ce retour à l’équilibre, s’agissant par exemple de la branche famille – je peux l’entendre, car c’est un débat politique ; vous affirmez que ce rétablissement ne doit rien aux mesures prises par le Gouvernement, mais tout à la loi sur les retraites du précédent quinquennat, qui aurait également permis, à elle seule, de remédier au déficit de l’assurance maladie et à celui de la branche famille ; vous contestez l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, et l’ensemble des articles d’équilibre, ce que vous n’aviez pas fait l’an dernier, sans produire un seul argument pour soutenir cette position.

Et dans le même temps, vous proposez de priver la sécurité sociale de ressources nouvelles en supprimant la mise à contribution des industriels du tabac – ce qui revient à priver l’assurance maladie d’outils de prévention –, ainsi que la régulation des dépenses d’imagerie et les moyens de financer l’innovation selon une logique pluriannuelle, alors même que vous vous faites l’écho de demandes des industriels allant en ce sens !

Comme souvent, nous constatons chez vous une grande appétence pour la réduction du déficit en général, mais beaucoup moins d’enthousiasme lorsqu’il s’agit de proposer des mesures concrètes, réalistes et justes. Nous vous laissons le soin de méditer sur ces contradictions entre les ambitions et les moyens…

Pour notre part, nous poursuivons avec détermination et sérénité la dynamique engagée, qui permet de garantir à nos concitoyens la pérennité des droits, de l’accompagnement et du soutien social auxquels ils peuvent prétendre.

Cette nouvelle donne ne peut être prétexte à l’immobilisme, à l’inaction. Nous devons, dès 2017, poursuivre, amplifier les efforts, aller encore plus loin.

Nous poursuivons la modernisation de notre système de retraites en facilitant la transition entre activité et retraite. La retraite progressive sera ainsi étendue aux salariés ayant plusieurs employeurs.

Nous poursuivons la modernisation de notre politique familiale, avec la création de l’Agence nationale de recouvrement des impayés de pensions alimentaires. Elle fait suite à celle de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, qui est probablement l’une des mesures les plus importantes prises en faveur de femmes élevant souvent seules leurs enfants et dont l’ancien conjoint témoigne peu d’empressement à verser ce qu’il doit.

Nous prolongeons par ailleurs l’action engagée depuis 2012 pour améliorer la protection sociale des indépendants, en continuant d’alléger et de rendre plus justes leurs cotisations sociales, en poursuivant l’amélioration du fonctionnement du recouvrement de leurs cotisations par les URSSAF et le régime social des indépendants, le RSI, et en permettant aux membres d’une partie des professions libérales non réglementées d’améliorer leur couverture retraite et de bénéficier d’indemnités journalières.

Nous poursuivons le renforcement et la transformation de l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées. Ce PLFSS prévoit à ce titre 590 millions d’euros de mesures nouvelles, qui permettront de renforcer les moyens des établissements et services, et de créer 4 100 places nouvelles pour les personnes handicapées et 4 000 places nouvelles dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Les moyens dédiés à l’aide à domicile sont aussi accrus.

Cette modernisation de l’offre médico-sociale s’inscrit dans la dynamique engagée par la loi d’adaptation de la société au vieillissement, qui représente un investissement majeur, de 740 millions d’euros pour 2016.

Je veux une nouvelle fois rappeler que l’ensemble des mesures nouvelles – amélioration de l’allocation personnalisée d’autonomie, mise en place du droit au répit et des mesures de prévention de la dépendance – sont intégralement financées par les ressources affectées à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’appelle les départements à mettre en œuvre ces mesures visant à faciliter l’accompagnement au quotidien de nos concitoyens les plus âgés.

Nous continuons aussi, bien évidemment, à transformer notre système de santé, en cohérence avec les objectifs et les orientations suivis depuis 2012.

La logique de notre politique de santé est clairement établie. Nous avons fait le choix du mouvement, de l’innovation, de la modernisation, au service d’une seule et même ambition : l’égalité d’accès à la santé pour tous.

En 2012, nous avons constaté l’ampleur de la tâche. Notre système de santé solidaire, bâti au milieu du siècle dernier, a su faire face, au fil des décennies, à de nombreux défis ; d’autres sont aujourd’hui à relever, en particulier celui du vieillissement de la population. Or ce système de santé avait été malmené : le service public hospitalier avait été rayé d’un trait de plume, la prévention en santé était au point mort et, en matière de lutte contre la désertification médicale, la résignation semblait s’être emparée des différents acteurs.

Nous voulons, en 2017, prolonger l’action engagée depuis 2012 pour améliorer la santé de l’ensemble de nos concitoyens.

Avec la loi de modernisation de notre système de santé, nous avons fait de la prévention le socle de notre politique de santé, nous avons conforté l’hôpital public en rebâtissant le service public hospitalier et en lançant la grande réforme des groupements hospitaliers de territoire, nous avons écrit l’avenir de la médecine de ville en accompagnant le virage ambulatoire en termes de coordination des acteurs et de travail en équipe.

Avec le PLFSS pour 2017, nous prenons acte de la réorientation de notre système de santé, de la « nouvelle donne » que j’évoquais tout à l’heure, et nous prenons de nouvelles initiatives, par exemple en lançant un plan ambitieux pour améliorer l’accessibilité des soins dentaires et réduire le coût qui reste à la charge des patients, en proposant de revaloriser certains soins conservateurs, en échange d’un plafonnement du coût des prothèses. Nous renforçons également la protection universelle maladie, la PUMA, pour mieux protéger des ruptures de droits ceux qui changent souvent de situation professionnelle, notamment les travailleurs saisonniers.

Nous constatons les premiers effets de notre politique de prévention, que nous entendons poursuivre. Le nombre de fumeurs quotidiens a ainsi diminué chez les lycéens. Nous devons continuer de faire de la lutte contre le tabagisme des jeunes une priorité. Nous prolongeons cette action au travers de ce PLFSS en alignant la fiscalité applicable au tabac à rouler – qui est à la fois le produit le plus nocif et le moins cher – sur celle des cigarettes. Nous proposons également de mettre en place une contribution sur le chiffre d’affaires des fournisseurs agréés par les fabricants de tabac, qui alimentera le fonds de lutte contre le tabagisme.

Nous ouvrons une nouvelle étape en matière de soutien à l’innovation. La période que nous vivons est incontestablement marquée par l’accélération du rythme de l’innovation dans le domaine de la santé. De nouveaux traitements, de nouvelles organisations, de nouveaux médicaments permettent à nos concitoyens malades d’espérer guérir – je pense au traitement contre l’hépatite C – ou en tout cas mieux vivre avec leur maladie.

Le temps de l’espoir est venu pour traiter un nombre croissant d’affections, mais le prix des médicaments proposés est parfois extrêmement élevé. Nous devons mettre en place des mécanismes de régulation et des modes de financement appropriés pour amortir les dépenses d’innovation. C’est ce que nous faisons, par exemple, pour les douze plateformes haut débit de séquençage du génome de notre pays : 670 millions d’euros y seront consacrés dès 2017. L’enjeu est de permettre à l’ensemble des Français d’accéder à une médecine personnalisée, adaptée au capital humain de chacun.

Avec ce PLFSS, nous continuons à soutenir les professionnels de santé en portant l’ONDAM à 2, 1 %, ce qui nous permet d’engager des moyens nouveaux au bénéfice de l’hôpital. Ils marquent la reconnaissance du travail souvent difficile de la communauté hospitalière, à travers la revalorisation du point d’indice, profitant à l’ensemble des catégories de personnels, mais aussi des revalorisations ciblées qui peuvent être significatives – environ 450 euros pour les personnels de catégorie C, par exemple. Pour les infirmières et infirmiers, nous avons engagé la troisième étape d’un plan qui aura permis une revalorisation de leur traitement pouvant aller jusqu’à 3 400 euros, selon l’ancienneté.

Nous consacrons également des moyens nouveaux à la médecine de ville, ce qui est le gage de la mise en œuvre effective du virage ambulatoire. La convention médicale trouve ici son aboutissement financier, avec la revalorisation des tarifs. C’est la consécration d’un choix politique structurel défendu par ce gouvernement. Le PLFSS traduit la reconnaissance de l’importance du rôle des professionnels de santé libéraux. Il nous permet d’amplifier encore nos efforts pour inciter les médecins à s’installer dans les territoires sous-dotés.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à constituer des équipes de médecins libéraux remplaçants auprès des agences régionales de santé, les ARS, qui viendront soutenir les médecins libéraux installés en zones sous-denses. Cela répond à une attente forte exprimée par les jeunes professionnels eux-mêmes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en quatre ans, nous aurons renversé la vapeur. J’entends dire, sur certaines travées ou à l’extérieur de cet hémicycle, que les réformes de structures manqueraient ! Mais de quelles réformes parlez-vous ?

Depuis 2012, la réforme du système de santé, c’est la priorité donnée à la prévention, le renforcement des équipes ambulatoires, le recentrage de l’hôpital sur ses compétences de recours, le renforcement du maillage territorial, la garantie d’accès aux soins, avec notamment –mais pas uniquement – le tiers payant généralisé, le développement de l’innovation.

Pour votre part, que proposez-vous ? Plutôt qu’à nos débats en commission, je me référerai aux programmes des candidats à la primaire du centre et de la droite.

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