La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
M. le président. Mesdames les ministres, mes chers collègues, nous avons appris il y a quelques jours le décès de notre doyen, Paul Vergès, sénateur de La Réunion.
Mmes les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.
Je prononcerai dans quelque temps son éloge funèbre, mais je tiens à saluer d’ores et déjà sa mémoire.
Avec sa disparition, c’est en effet une grande voix de La Réunion et du Sénat qui s’éteint. Je me souviens tout particulièrement des discours qu’il prononça en tant que doyen de notre assemblée en 2011 et en 2014.
Résistant dès 1942, il fut, pendant plus d’un demi-siècle de vie publique, successivement conseiller général, député, maire, parlementaire européen, sénateur – de 1996 à 2005, puis depuis 2011 – et président du conseil régional de La Réunion.
Défenseur infatigable de La Réunion et des outre-mer, il fut l’un des premiers à alerter sur les effets du réchauffement climatique. Il présidait d'ailleurs depuis 2001 l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique.
Ses funérailles ont eu lieu tout à l’heure dans sa commune du Port, dont il avait été le maire. Le président Thierry Foucaud, qui me représentait à la cérémonie avec la présidente Éliane Assassi, a prononcé un hommage en mon nom.
Au nom du Sénat tout entier, je veux présenter nos condoléances à la famille de Paul Vergès et assurer ses proches, la présidente et les membres du groupe communiste républicain et citoyen de notre compassion. J’ai également une pensée pour nos compatriotes du département de La Réunion, si attachés à la République.
Je vous propose d’observer un moment de recueillement en sa mémoire.
Mmes les ministres, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.
Conformément à l’article 32 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le ministre de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Gélita Hoarau est appelée à remplacer, en qualité de sénatrice de La Réunion, Paul Vergès.
Son mandat a débuté le dimanche 13 novembre 2016, à zéro heure.
Par courrier en date de ce jour, j’ai saisi, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, le Conseil constitutionnel sur la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord d’exprimer les condoléances du Gouvernement à la suite de la disparition de Paul Vergès. Nous nous associons aux mots qui viennent d’être prononcés par le président Larcher.
Je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Christian Eckert. Retenu pour quelques heures à l’Assemblée nationale, il nous rejoindra en milieu d’après-midi et s’attachera alors à répondre de manière argumentée aux orateurs de la discussion générale.
Le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat permet de mesurer combien la donne a changé depuis 2012.
Notre sécurité sociale était grevée par les déficits ; nous l’avons redressée, année après année. Elle était affaiblie par des reculs des droits sociaux ; nous l’avons modernisée en innovant, pour répondre aux besoins nouveaux d’une société qui se transforme, tout en garantissant de meilleures prises en charge, de meilleurs accompagnements à nos concitoyens.
Nous avons réhabilité notre protection sociale, ce qui consistait d’abord à garantir sa pérennité, en lui permettant d’être tournée vers l’avenir.
En quatre ans seulement, nous avons ramené le déficit du régime général de 17, 5 milliards d’euros à 3, 7 milliards d’euros en 2016. Pour 2017, nous prévoyons un déficit de l’ordre de 400 millions d’euros, qu’il convient de rapporter aux presque 500 milliards d’euros de dépense. On peut donc dire que le régime général sera quasiment à l’équilibre, pour la première fois depuis 2001.
N’en déplaise aux fatalistes, le redressement est bien là.
Ses sources sont connues, identifiées : réforme des retraites, meilleure prise en compte des revenus des familles pour les prestations familiales, amélioration de la pertinence des actes en matière de santé, maîtrise du coût des médicaments, mise en place du virage ambulatoire, efficacité maîtrisée de la dépense hospitalière. Nous avons engagé des réformes de fond, des réorganisations, des modernisations qui ont porté leurs fruits.
Cette réalité est un puissant démenti apporté à ceux qui confondent recul social et réforme, affaiblissement de la protection des Français et rétablissement des comptes. Pas un seul déremboursement économique n’est intervenu. Aucune franchise, aucun forfait n’a été instauré. Au contraire, la protection des Français progresse de nouveau depuis 2012.
En matière de santé, le reste à charge des Français diminue. Bien évidemment, certains le voient plus directement que d’autres, mais, de manière globale, alors que nos concitoyens devaient financer de leur poche 9, 3 % des dépenses de santé en 2011, cette part s’établit, en 2015, à 8, 4 % seulement, soit à un niveau historiquement bas pour la France et au niveau le plus bas de l’ensemble des pays de l’OCDE. La prise en charge par l’assurance maladie obligatoire a progressé, pour retrouver son niveau du milieu des années 2000.
Derrière ces chiffres, il y a des réalités concrètes, quotidiennes pour un grand nombre de nos concitoyens. Un million de Français supplémentaires bénéficient de la CMU et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, grâce aux décisions que nous avons prises, visant à relever les plafonds de ressources pour l’accès à ces dispositifs. Ce sont désormais 1, 4 million de Français – les plus modestes d’entre eux – qui ne paient plus de franchises médicales, et 15 millions de nos compatriotes peuvent d’ores et déjà bénéficier du tiers payant chez le médecin : il s’agit des malades les plus gravement atteints, des malades chroniques, des femmes enceintes et, là encore, des plus modestes des Français.
Rétablissement des comptes d’un côté, nouvelles protections de l’autre : je regrette que la majorité sénatoriale refuse de reconnaître ces réalités
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, j’avoue avoir du mal à saisir la logique de votre position.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI -UC.
Ainsi, lors de sa réunion du 9 novembre dernier, votre commission des affaires sociales – avec laquelle nous travaillons néanmoins de façon tout à fait positive et constructive et dont je salue le président et le rapporteur général – a voté le rejet des tableaux d’équilibre du texte.
L’an dernier, vous nous engagiez à aller plus loin dans la réduction des déficits, en nous expliquant que le Gouvernement n’en faisait décidément pas assez. Or, maintenant que le cap est mis sur le rétablissement de l’équilibre, vous le contestez, en vous fondant d’ailleurs sur des arguments quelque peu composites, dont je ne suis pas certaine qu’ils soient tous cohérents : vous contestez les choix politiques qui ont permis ce retour à l’équilibre, s’agissant par exemple de la branche famille – je peux l’entendre, car c’est un débat politique ; vous affirmez que ce rétablissement ne doit rien aux mesures prises par le Gouvernement, mais tout à la loi sur les retraites du précédent quinquennat, qui aurait également permis, à elle seule, de remédier au déficit de l’assurance maladie et à celui de la branche famille ; vous contestez l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, et l’ensemble des articles d’équilibre, ce que vous n’aviez pas fait l’an dernier, sans produire un seul argument pour soutenir cette position.
Et dans le même temps, vous proposez de priver la sécurité sociale de ressources nouvelles en supprimant la mise à contribution des industriels du tabac – ce qui revient à priver l’assurance maladie d’outils de prévention –, ainsi que la régulation des dépenses d’imagerie et les moyens de financer l’innovation selon une logique pluriannuelle, alors même que vous vous faites l’écho de demandes des industriels allant en ce sens !
Comme souvent, nous constatons chez vous une grande appétence pour la réduction du déficit en général, mais beaucoup moins d’enthousiasme lorsqu’il s’agit de proposer des mesures concrètes, réalistes et justes. Nous vous laissons le soin de méditer sur ces contradictions entre les ambitions et les moyens…
Pour notre part, nous poursuivons avec détermination et sérénité la dynamique engagée, qui permet de garantir à nos concitoyens la pérennité des droits, de l’accompagnement et du soutien social auxquels ils peuvent prétendre.
Cette nouvelle donne ne peut être prétexte à l’immobilisme, à l’inaction. Nous devons, dès 2017, poursuivre, amplifier les efforts, aller encore plus loin.
Nous poursuivons la modernisation de notre système de retraites en facilitant la transition entre activité et retraite. La retraite progressive sera ainsi étendue aux salariés ayant plusieurs employeurs.
Nous poursuivons la modernisation de notre politique familiale, avec la création de l’Agence nationale de recouvrement des impayés de pensions alimentaires. Elle fait suite à celle de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, qui est probablement l’une des mesures les plus importantes prises en faveur de femmes élevant souvent seules leurs enfants et dont l’ancien conjoint témoigne peu d’empressement à verser ce qu’il doit.
Nous prolongeons par ailleurs l’action engagée depuis 2012 pour améliorer la protection sociale des indépendants, en continuant d’alléger et de rendre plus justes leurs cotisations sociales, en poursuivant l’amélioration du fonctionnement du recouvrement de leurs cotisations par les URSSAF et le régime social des indépendants, le RSI, et en permettant aux membres d’une partie des professions libérales non réglementées d’améliorer leur couverture retraite et de bénéficier d’indemnités journalières.
Nous poursuivons le renforcement et la transformation de l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées. Ce PLFSS prévoit à ce titre 590 millions d’euros de mesures nouvelles, qui permettront de renforcer les moyens des établissements et services, et de créer 4 100 places nouvelles pour les personnes handicapées et 4 000 places nouvelles dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Les moyens dédiés à l’aide à domicile sont aussi accrus.
Cette modernisation de l’offre médico-sociale s’inscrit dans la dynamique engagée par la loi d’adaptation de la société au vieillissement, qui représente un investissement majeur, de 740 millions d’euros pour 2016.
Je veux une nouvelle fois rappeler que l’ensemble des mesures nouvelles – amélioration de l’allocation personnalisée d’autonomie, mise en place du droit au répit et des mesures de prévention de la dépendance – sont intégralement financées par les ressources affectées à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’appelle les départements à mettre en œuvre ces mesures visant à faciliter l’accompagnement au quotidien de nos concitoyens les plus âgés.
Nous continuons aussi, bien évidemment, à transformer notre système de santé, en cohérence avec les objectifs et les orientations suivis depuis 2012.
La logique de notre politique de santé est clairement établie. Nous avons fait le choix du mouvement, de l’innovation, de la modernisation, au service d’une seule et même ambition : l’égalité d’accès à la santé pour tous.
En 2012, nous avons constaté l’ampleur de la tâche. Notre système de santé solidaire, bâti au milieu du siècle dernier, a su faire face, au fil des décennies, à de nombreux défis ; d’autres sont aujourd’hui à relever, en particulier celui du vieillissement de la population. Or ce système de santé avait été malmené : le service public hospitalier avait été rayé d’un trait de plume, la prévention en santé était au point mort et, en matière de lutte contre la désertification médicale, la résignation semblait s’être emparée des différents acteurs.
Nous voulons, en 2017, prolonger l’action engagée depuis 2012 pour améliorer la santé de l’ensemble de nos concitoyens.
Avec la loi de modernisation de notre système de santé, nous avons fait de la prévention le socle de notre politique de santé, nous avons conforté l’hôpital public en rebâtissant le service public hospitalier et en lançant la grande réforme des groupements hospitaliers de territoire, nous avons écrit l’avenir de la médecine de ville en accompagnant le virage ambulatoire en termes de coordination des acteurs et de travail en équipe.
Avec le PLFSS pour 2017, nous prenons acte de la réorientation de notre système de santé, de la « nouvelle donne » que j’évoquais tout à l’heure, et nous prenons de nouvelles initiatives, par exemple en lançant un plan ambitieux pour améliorer l’accessibilité des soins dentaires et réduire le coût qui reste à la charge des patients, en proposant de revaloriser certains soins conservateurs, en échange d’un plafonnement du coût des prothèses. Nous renforçons également la protection universelle maladie, la PUMA, pour mieux protéger des ruptures de droits ceux qui changent souvent de situation professionnelle, notamment les travailleurs saisonniers.
Nous constatons les premiers effets de notre politique de prévention, que nous entendons poursuivre. Le nombre de fumeurs quotidiens a ainsi diminué chez les lycéens. Nous devons continuer de faire de la lutte contre le tabagisme des jeunes une priorité. Nous prolongeons cette action au travers de ce PLFSS en alignant la fiscalité applicable au tabac à rouler – qui est à la fois le produit le plus nocif et le moins cher – sur celle des cigarettes. Nous proposons également de mettre en place une contribution sur le chiffre d’affaires des fournisseurs agréés par les fabricants de tabac, qui alimentera le fonds de lutte contre le tabagisme.
Nous ouvrons une nouvelle étape en matière de soutien à l’innovation. La période que nous vivons est incontestablement marquée par l’accélération du rythme de l’innovation dans le domaine de la santé. De nouveaux traitements, de nouvelles organisations, de nouveaux médicaments permettent à nos concitoyens malades d’espérer guérir – je pense au traitement contre l’hépatite C – ou en tout cas mieux vivre avec leur maladie.
Le temps de l’espoir est venu pour traiter un nombre croissant d’affections, mais le prix des médicaments proposés est parfois extrêmement élevé. Nous devons mettre en place des mécanismes de régulation et des modes de financement appropriés pour amortir les dépenses d’innovation. C’est ce que nous faisons, par exemple, pour les douze plateformes haut débit de séquençage du génome de notre pays : 670 millions d’euros y seront consacrés dès 2017. L’enjeu est de permettre à l’ensemble des Français d’accéder à une médecine personnalisée, adaptée au capital humain de chacun.
Avec ce PLFSS, nous continuons à soutenir les professionnels de santé en portant l’ONDAM à 2, 1 %, ce qui nous permet d’engager des moyens nouveaux au bénéfice de l’hôpital. Ils marquent la reconnaissance du travail souvent difficile de la communauté hospitalière, à travers la revalorisation du point d’indice, profitant à l’ensemble des catégories de personnels, mais aussi des revalorisations ciblées qui peuvent être significatives – environ 450 euros pour les personnels de catégorie C, par exemple. Pour les infirmières et infirmiers, nous avons engagé la troisième étape d’un plan qui aura permis une revalorisation de leur traitement pouvant aller jusqu’à 3 400 euros, selon l’ancienneté.
Nous consacrons également des moyens nouveaux à la médecine de ville, ce qui est le gage de la mise en œuvre effective du virage ambulatoire. La convention médicale trouve ici son aboutissement financier, avec la revalorisation des tarifs. C’est la consécration d’un choix politique structurel défendu par ce gouvernement. Le PLFSS traduit la reconnaissance de l’importance du rôle des professionnels de santé libéraux. Il nous permet d’amplifier encore nos efforts pour inciter les médecins à s’installer dans les territoires sous-dotés.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à constituer des équipes de médecins libéraux remplaçants auprès des agences régionales de santé, les ARS, qui viendront soutenir les médecins libéraux installés en zones sous-denses. Cela répond à une attente forte exprimée par les jeunes professionnels eux-mêmes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en quatre ans, nous aurons renversé la vapeur. J’entends dire, sur certaines travées ou à l’extérieur de cet hémicycle, que les réformes de structures manqueraient ! Mais de quelles réformes parlez-vous ?
Depuis 2012, la réforme du système de santé, c’est la priorité donnée à la prévention, le renforcement des équipes ambulatoires, le recentrage de l’hôpital sur ses compétences de recours, le renforcement du maillage territorial, la garantie d’accès aux soins, avec notamment –mais pas uniquement – le tiers payant généralisé, le développement de l’innovation.
Pour votre part, que proposez-vous ? Plutôt qu’à nos débats en commission, je me référerai aux programmes des candidats à la primaire du centre et de la droite.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
En matière de santé, ces programmes sont assez proches.
On y trouve, dans le meilleur des cas, des équations comptables qui, le plus souvent, conduisent à préconiser purement et simplement des déremboursements à la pelle et la privatisation du système de santé.
Certes, la privatisation du système de santé constitue une réforme structurelle, je ne le nie pas. Il s’agit d’une réorganisation complète. Les uns expliquent que ce que l’on appelle le « petit risque » doit désormais être pris en charge par les assurances privées, les autres que les Français appartenant aux classes moyennes et supérieures doivent payer davantage pour leur santé : cela revient bien à une privatisation du système de santé. C’est simple, c’est clair, c’est net, c’est écrit dans les programmes de vos candidats !
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
C’est une réforme structurelle, certes, mais à rebours de notre histoire, de notre force, et les Français ont raison d’être inquiets ! Ces programmes sont préoccupants.
Certaines mesures tiennent de l’anecdote : une amende de 40 euros pour un passage indu aux urgences – je ne sais pas, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, comment un tel dispositif pourrait être mis en œuvre ! –, de 30 euros pour un rendez-vous non respecté… De la part de responsables politiques qui prétendent vouloir simplifier et déréglementer, bonjour la complexité !
Concrètement, vos candidats proposent de réaliser de 6 milliards à 20 milliards d’euros d’économies par an, la sécurité sociale devant concentrer son intervention sur les pauvres. C’est le système américain d’avant l’Obamacare !
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. –Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Au moment où, aux États-Unis, le président nouvellement élu semble revenir sur ses promesses de suppression de l’Obamacare, vous annoncez benoîtement la fin du modèle français, pourtant unanimement considéré comme l’un des plus solides.
Notre sécurité sociale progresse désormais avec confiance. Le redressement de nos comptes sociaux garantit aux Français que, à l’avenir, ils seront toujours mieux accompagnés lorsqu’ils en auront besoin. Ce redressement, nous ne le faisons pas payer aux patients, ni aux professionnels de santé. Nous avançons sur la voie de la réforme, de la modernisation et de l’innovation au service de la santé.
Je souhaite que nos débats permettent d’amplifier cette dynamique, de répondre à des interrogations et de montrer que nos positions sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale reflètent des projets différents, voire divergents, pour la société française à l’aube d’une année électorale.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à mon tour me joindre à l’hommage rendu à Paul Vergès. Je garde un souvenir lumineux de la séance qu’il avait présidée en 2011, en tant que doyen d’âge du Sénat. Président, durant de nombreuses années, de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, il était un précurseur, un visionnaire. Paul Vergès n’était certes pas un climato-sceptique ; il était un climato-humaniste.
En matière de politique familiale, le PLFSS pour 2017 s’inscrit dans la continuité de la politique ambitieuse, socialement juste et budgétairement responsable que nous mettons en œuvre depuis 2012.
Nous avons souhaité faire évoluer la politique familiale pour l’adapter aux transformations de notre société, notamment en menant une politique volontariste en faveur des familles monoparentales.
En effet, une famille sur cinq est aujourd’hui monoparentale. Cette situation peut s’accompagner d’une plus grande vulnérabilité, encore accentuée par les impayés de pension alimentaire, dans un tiers des cas. S’intéresser à ces familles, composées à 85 % de femmes seules, c’est aussi faire progresser les droits des femmes et ceux des enfants.
Le Gouvernement a donc décidé de revaloriser l’allocation de soutien familial, l’ASF, de 25 % sur cinq ans et de créer, puis de généraliser, la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, la GIPA.
Les politiques sociales ne sont pas que recherche de l’équilibre budgétaire et prestations financières. Elles comprennent aussi l’innovation sociale, que j’ai souhaité encourager avec, en particulier, la mise en place d’un réseau d’entraide pour les familles monoparentales.
Une autre innovation sociale que je porte est la création de l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, annoncée par le Président de la République lors de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier. L’article 27 du PLFSS prévoit la mise en place de cette agence en deux temps.
Dès le 1er janvier 2017, l’agence se verrait confier le recouvrement des pensions alimentaires impayées pour tous les créanciers ayant à charge des enfants de moins de 2 ans, y compris s’ils sont de nouveau en couple. Jusqu’à présent, les créanciers devaient avoir préalablement épuisé les voies de recours et peu de ceux d’entre ceux qui vivaient de nouveau en couple pouvaient bénéficier de l’aide des caisses d’allocations familiales. L’objectif est, plus largement, de permettre un recouvrement plus réactif et plus efficace auprès de l’ensemble des parents débiteurs défaillants, dès le premier mois d’impayés.
Le PLFSS prévoit en outre de confier à l’agence, toujours en 2017, un rôle d’intermédiation, sur décision du juge, en cas de violences ou de menaces exercées par le débiteur de la pension. L’agence encaisserait directement les pensions auprès de l’ancien conjoint et les reverserait au créancier. Ce dispositif constitue également une mesure de prévention contre les violences faites aux femmes.
Dans un second temps, il est proposé que l’agence puisse donner, à compter de 2018, une force exécutoire aux accords amiables fixant une pension alimentaire pour les couples antérieurement pacsés ou en concubinage et ne relevant donc pas d’une procédure de divorce. En cas d’impayés, la pension pourra ainsi être recouvrée ultérieurement.
Cette proposition s’articule avec le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, puisqu’elle ne concernera que les accords amiables entre parents non mariés. Le ministère .de la justice nous a particulièrement aidés à élaborer ce projet de réforme.
L’article 27 du PLFSS prévoit de confier à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, la responsabilité de mettre en place cette agence, en lien avec la Caisse centrale de mutualité sociale agricole. La montée en charge de cette réforme se ferait de manière progressive et s’appuierait sur la mutualisation des procédures engagée avec la GIPA.
Ainsi, l’article 27 du PLFSS est important à plusieurs égards : la création de cette agence contribuera à réduire la pauvreté des foyers monoparentaux et à responsabiliser les parents débiteurs, notamment dans l’intérêt de leurs enfants.
La deuxième mesure nouvelle relative à la politique familiale est la simplification du versement du complément de mode de garde, ou CMG, de la prestation d’accueil du jeune enfant.
Notre pays se caractérise par une diversité de solutions d’accueil des jeunes enfants et par leur accessibilité financière pour toutes les familles. C’est ce qui permet à la France de conjuguer des taux élevés de natalité et d’activité professionnelle des mères.
Au total, entre 2012 et 2015, 70 000 nouvelles places en crèche ont été créées. Afin de soutenir l’investissement des collectivités locales, en plus des aides financières à la création et à la rénovation des établissements, la branche famille a apporté 2 000 euros supplémentaires pour toute création de place d’accueil décidée en 2015. Le Gouvernement a décidé de reconduire cette aide supplémentaire en 2016 dans les territoires prioritaires.
Les aides au fonctionnement ont aussi été fortement revalorisées. Les créations de places sont un peu en deçà des objectifs, mais nous ne renonçons pas pour autant à accompagner les collectivités locales dans la création de places de crèche.
J’ai présenté ce matin le plan d’action pour la petite enfance, qui complète le volet quantitatif et financier de cette politique par un volet qualitatif. Ce plan d’action fait suite au rapport de mission que Sylviane Giampino m’a remis en mai dernier et qui pose les bases d’une politique globale d’accueil du jeune enfant à partir de ses droits et de ses besoins.
Ce plan entend donner une impulsion nouvelle au secteur de la petite enfance par une refondation de l’identité de tous les professionnels de l’accueil collectif et individuel autour de valeurs et d’actions communes.
Par ailleurs, j’y ai inscrit le développement des maisons d’assistantes maternelles. Je tiens à saluer le travail accompli par Caroline Cayeux et Michelle Meunier, qui m’ont remis leur rapport voilà quelques semaines.
Dans la continuité du plan d’action et de mobilisation contre le sexisme que j’ai lancé le 8 septembre dernier, je souhaite également favoriser le développement de modes d’accueil qui renforcent l’égalité entre les filles et les garçons dès leur plus jeune âge et accroître la mixité dans les métiers de la petite enfance. L’objectif est bien de développer un accueil de qualité, ouvert, multidisciplinaire et sans stéréotypes – de genre ou handiphobes.
Nous n’avons pas non plus oublié l’accueil individuel par des salariés à domicile ou des assistants maternels. Pour aider toutes les familles qui ont recours à un mode d’accueil individuel, nous proposons de simplifier les circuits de versement du complément de mode de garde.
L’article 28 du PLFSS prévoit plusieurs mesures en ce sens : un délai maximal pour l’envoi de la déclaration sociale, une extension, à compter du 1er janvier 2018, des missions du centre Pajemploi pour proposer aux familles un service « tout-en-un » permettant d’intégrer les différentes aides sociales, en lien avec la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
Ces mesures visent à simplifier le circuit de versement du CMG et à limiter les avances de trésorerie pour les familles ayant recours à ces modes d’accueil.
En matière de politique familiale, ce PLFSS s’inscrit ainsi dans la continuité des quatre précédents. Comme je l’ai souligné, il est budgétairement responsable – la branche famille sera à l’équilibre en 2017, alors qu’elle connaissait un déficit de 2, 5 milliards d’euros en 2012 – et socialement juste, car l’effort budgétaire que nous avons réalisé a permis non seulement le retour à l’équilibre, mais aussi l’amélioration des prestations familiales pour ceux qui en avaient le plus besoin. Ces prestations ont ainsi assuré un rôle d’amortisseur social que bien d’autres États européens nous envient !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
S’il est une chose, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, que vous avez réussie, c’est bien la médiatisation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Qui n’a pas entendu affirmer, sur tous les médias de France et de Navarre, que la sécurité sociale est enfin à l’équilibre, que la sécurité sociale est sauvée…
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’assurance maladie en aurait presque fini avec les déficits. Mieux, le système de retraites serait à l’équilibre, voire en excédent, pour des décennies !
Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.
Je n’ai pas le don de divination, je ne suis pas la Pythie de Delphes ou d’ailleurs, et j’ignore si nous arriverons à assurer l’équilibre des retraites à l’avenir. Mais si tel est le cas, ce sera, que vous le vouliez ou non, uniquement grâce aux réformes que nous avons réalisées avant vous !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Vous avez ajouté, madame la ministre, que les voix qui pourraient s’élever pour discuter ce bilan étaient disqualifiées. Parce que nous avons une exigence de transparence, nous aurions une volonté punitive ! Qui a parlé de volonté punitive à l’égard de nos concitoyens ? Pas nous, ni notre commission. Je puis vous assurer, madame la ministre, qu’une telle volonté ne nous anime pas, non plus que celle de privatiser la sécurité sociale.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Nous sommes attachés, autant que vous, à la sécurité sociale, à cette volonté de solidarité qui anime nos concitoyens depuis la Libération.
Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.
Nous sommes des parlementaires mus par l’intérêt général, et non les porte-parole de tel candidat ou de tel think tank ou officine prônant une autre politique. Notre seule préoccupation est d’analyser les faits, le contenu du texte, vos actes et vos intentions. Il n’est pas interdit d’avoir un regard critique, le cas échéant. Si le Gouvernement nous entend, nous pourrons peut-être contribuer à améliorer ce texte par nos amendements. Tel est notre rôle ! Nous nous en tiendrons aux faits, aux actes, aux chiffres.
Nous reconnaissons tout à fait les efforts que le Gouvernement a réalisés pour réduire les déficits, d’autant plus que, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, madame la ministre, nous vous avons souvent poussée à aller plus loin dans les économies. Et vous l’avez fait ! Vous avez aussi su jouer des recettes, mais nous en reparlerons…
Pour autant, nous vous demandons de continuer dans cette voie, car qu’en est-il réellement de la situation de la sécurité sociale aujourd’hui ?
Nous constatons tout d’abord qu’elle n’est pas à l’équilibre, sauf à passer sous silence le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, qui s’établit encore en 2017, comme en 2016, à quelque 3, 8 milliards d’euros. Madame la ministre, le FSV faisant bien partie de la sécurité sociale, comme le montrent d’ailleurs parfaitement les tableaux d’équilibre, le déficit global est bien de 4, 1 milliards d’euros.
La commission des affaires sociales ne conteste absolument pas le redressement des comptes sociaux. Au vu de l’effort consenti en prélèvements obligatoires, leur dégradation serait même plutôt regrettable. Néanmoins, nous ne pensons pas que ce processus soit parvenu à son terme.
Certes, l’assurance maladie redresse ses comptes, mais aussi elle transfère, devant la difficulté à maîtriser les dépenses, une partie de ses charges et de son déficit sur les autres branches. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, n’est tenu qu’à ce prix.
Malgré la hausse des cotisations et les fruits de la réforme de 2010, les régimes de retraite restent fragiles, et leur consolidation effective dépend plus d’hypothèses macroéconomiques favorables que d’équilibres économiques et démographiques de long terme.
Notre pays reste par ailleurs confronté à la question de l’efficacité de la dépense de sécurité sociale et de son adaptation aux besoins. C’est particulièrement vrai pour l’assurance maladie, qui présente encore, pour 2017, un déficit tendanciel de 8, 3 milliards d’euros, en dépit des réformes structurelles censées avoir été mises en œuvre – je ne doute pas d’ailleurs qu’elles l’aient été.
Ce solde ne traduit pas seulement le choc de dépenses de la convention médicale et de la hausse du point d’indice. Il traduit aussi le besoin de mesures correctives. Or celles qui ont été annoncées relèvent pour partie d’un effet d’optique, avec un impact sur l’ONDAM, mais pas sur l’assurance maladie – c’est le cas des cotisations des professionnels de santé, pour 270 millions d’euros.
D’autres mesures ont un impact sur l’ONDAM, mais elles constituent un transfert de charges, comme la mobilisation des réserves de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, à hauteur de 230 millions d’euros, ou la ponction sur les fonds hospitaliers. D’autres, enfin, ne relèvent que d’un simple changement comptable, comme les remises pharmaceutiques, pour 250 millions d’euros.
Au bilan, les recettes nouvelles contribuent au moins autant au redressement annoncé du solde de l’assurance maladie, qu’il s’agisse de la fiscalité du tabac, du gain net de la branche dans les mesures de compensation des exonérations, du transfert en provenance du FSV, ou encore de l’augmentation des cotisations, certes gagée sur celles de la branche AT-MP.
Pour nombre de nos concitoyens, l’assurance maladie est synonyme de sécurité sociale. Est-ce pour cette raison, madame la ministre, qu’il fallait absolument afficher une amélioration du solde de cette branche ?
La commission des affaires sociales s’est opposée au transfert des réserves du FSV : ce fonds est perdant dans les compensations interbranches et se trouve de surcroît privé d’une partie de ses recettes, alors qu’il concentre le déficit le plus important. Autrement dit, cette opération ne fait que déplacer le déficit d’une branche à l’autre au bénéfice de l’assurance maladie, sans effet sur le solde global. Je me devais d’en faire démonstration.
C’est pourquoi la commission des affaires sociales a rejeté les différents tableaux d’équilibre, qui reflètent tous une même priorité : afficher un redressement de l’assurance maladie qui n’est malheureusement pas encore au rendez-vous.
Malgré une tendance à l’amélioration, que nous ne contestons pas, force est de reconnaître que les déficits persistent, et nous avons des raisons de penser qu’ils persisteront à l’avenir, si des réformes de fond ne sont pas mises en œuvre. Madame la ministre, vous avez amorcé certaines de ces réformes, et nous vous avons d’ailleurs soutenue pour les voter ; en revanche, d’autres sont inabouties ou, il faut le dire, inexistantes, malgré un consensus sur leur nécessité. À cet égard, nous vous proposerons, via un amendement, de mettre en chantier une réforme que nous réclamons depuis plus de deux ans : la réforme de l’évaluation du médicament.
La première des nécessités pour l’assurance maladie est d’assurer la sincérité de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Or la Cour des comptes a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les méthodes de construction de cet objectif sont imparfaites, si bien qu’il ne permet pas un pilotage des dépenses à l’équilibre. D’ailleurs, si l’on rétablit les modes de calcul précédents, c’est à 2, 5 % que s’élève l’augmentation de l’objectif de dépenses pour 2017. Nous sommes bien loin du chiffre de 1, 75 %, présenté, je le rappelle, dans la programmation pluriannuelle.
Malgré cette augmentation particulièrement importante, l’ONDAM recouvre encore moins que les années précédentes les dépenses d’assurance maladie. Ainsi, madame la ministre, le fonds de financement de l’innovation pharmaceutique, dont vous avez parlé tout à l’heure, consiste essentiellement à faire sortir de l’ONDAM le financement des médicaments, à hauteur de 876 millions d’euros, dont 220 millions pour 2017. Nous ne pouvons y souscrire et nous y reviendrons durant les débats.
Par ailleurs, le Gouvernement se trouve contraint de minorer les dépenses et fait pour cela appel à des ressources ponctuelles, quitte à remettre en cause la cohérence des politiques suivies. Ainsi, vous avez à plusieurs reprises insisté sur la nécessité d’un pacte de confiance avec l’hôpital – nous sommes d’accord –, et vous avez annoncé des revalorisations salariales pour certaines catégories de personnel, ainsi qu’un renforcement de l’attractivité des carrières.
Or, dans le même temps, vous prélevez quelque 300 millions d’euros sur le fonds qui doit permettre de financer les formations, donc les évolutions de carrière du personnel ! Nous proposerons un amendement à ce sujet.
Enfin, vous intervenez dans les négociations conventionnelles en cours avec certaines professions de santé. Pourtant, en vertu de la loi de modernisation de notre système de santé, que nous avons votée, le Gouvernement fixe les axes des négociations conventionnelles, mais il ne saurait peser sur les négociations en cours pour faire prévaloir la position d’une des parties.
Si l’on veut que le cadre conventionnel devienne celui d’une responsabilité partagée de la dépense sociale, comme nous l’avons maintes et maintes fois souligné en commission, il faut que les règles soient consensuelles et connues avant la négociation. La commission des affaires sociales a donc déposé des amendements de suppression de ces articles.
Comme chaque année, le PLFSS comporte aussi des dispositions techniques qui n’appellent pas de commentaires de la commission des affaires sociales. Nous avons également fait le choix de soutenir les mesures de santé publique que vous nous proposez, le plus souvent sous la forme d’expérimentations. L’important est que celles-ci soient évaluées et qu’elles permettent une meilleure prise en charge de nos concitoyens.
Il faut en outre entendre les inquiétudes légitimes qui s’expriment sur les déserts médicaux. La nouvelle convention médicale comporte des mesures en ce sens, et plusieurs dispositions du PLFSS s’y rapportent. Nous discuterons de propositions, issues de plusieurs groupes, qui veulent aller plus loin. Je suis pour ma part convaincu qu’il faut trouver des solutions durables et concertées. Une évaluation de tous les dispositifs aujourd’hui mis en place dans les départements, avec plus ou moins de bonheur, serait la bienvenue.
Madame la ministre, il reste des réformes à faire. Le solde de l’assurance maladie en témoigne, s’il en était besoin.
En témoigne également le débat nourri qui s’est instauré à l’Assemblée nationale sur l’une des mesures du projet de loi, à savoir l’article 10, qui tend à une meilleure effectivité des prélèvements sur les revenus tirés des plateformes collaboratives. Il ne fait pas de doute que ces prélèvements sont dus, comme sur tous les revenus, quels qu’ils soient. Pour autant, appliquer ces prélèvements à des personnes qui, jusqu’à présent, pour des raisons techniques, avaient pu s’y soustraire semble insupportable pour certains de nos collègues siégeant sur différentes travées, alors même qu’ils sont bien inférieurs à ceux subis par l’emploi salarié. Nous aurons bien évidemment à en débattre.
Madame la ministre, notre sécurité sociale, parce qu’elle est coûteuse, complexe, et parfois inéquitable, n’est aujourd’hui pas toujours acceptée et soutenue par nos concitoyens, qui, pour certains, cherchent à s’en échapper. Pour qu’elle reste un patrimoine commun, l’expression d’une solidarité, qui ne se dément pas depuis des décennies et qui fait partie intégrante de notre identité, notre protection sociale doit évoluer.
Elle doit évoluer pour faire face à de nouveaux défis, comme l’innovation en matière de traitements ou de médicaments ; elle doit évoluer vers plus d’équité, notamment en ce qui concerne les retraites, pour une meilleure acceptation des prélèvements et des règles. Elle doit enfin se moderniser, tout simplement, pour préserver l’esprit de solidarité, qui est constitutif de notre identité républicaine et de notre modèle social. Madame la ministre, soyez assurée que nous partageons tous ici cette exigence.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je devrais selon toute logique saluer les mesures de ce PLFSS relatives au secteur médico-social, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur.
Quel rapporteur n’accueillerait pas avec satisfaction l’annonce d’un ONDAM médico-social en hausse de 2, 2 % et la promesse de 590 millions d’euros de mesures supplémentaires à destination des personnes âgées et handicapées ?
J’approuverais ces propositions sans réserve, et vous comprendrez que ce mot n’est pas anodin, si elles n’étaient pas généreusement financées par des ressources dont le Gouvernement sait bien qu’elles seront complètement épuisées d’ici à deux ans.
Vous avez, madame la ministre, assuré nos concitoyens de l’imminence du retour à l’équilibre de l’assurance maladie. Vos propos en introduction de ce débat tendent à le confirmer, mais il aurait été plus exact de les informer que le rythme modéré d’évolution de l’ONDAM, notamment médico-social, n’est en fait dû qu’au recours massif aux réserves de la CNSA pour construire l’objectif global de dépenses, l’OGD, destiné à la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Voilà rétablie la vérité !
Ces réserves ont fait, durant les deux derniers exercices budgétaires, l’objet de ponctions régulières et croissantes ; alors que le quinquennat s’achève, elles ont connu une accélération subite : 50 millions d’euros en 2016, auxquels s’ajoutent 50 autres millions dans le PLF 2017 – deux expédients bien modestes pour pallier le problème endémique des finances départementales ; 50 millions d’euros supplémentaires pour les services d’aide à domicile votés par l’Assemblée nationale la semaine dernière ; et, surtout, 230 millions d’euros pour la construction de l’OGD 2017. Un esprit chagrin, madame la ministre, ne manquerait pas d’y voir une intention d’épuiser tous les trésors de guerre avant de passer la main – en tout cas, espérons-le !
Il n’en demeure pas moins que l’épuisement de ces réserves, que l’on anticipe pour 2018, obligera le prochain Gouvernement, s’il veut maintenir le niveau de l’OGD, soit à réévaluer l’ONDAM médico-social, soit à créer une nouvelle contribution de solidarité pour l’autonomie. Contrairement à ce qui ressort du discours actuel, le devoir de solidarité risque de voir son coût progresser à court terme pour nos concitoyens.
Mes chers collègues, je souhaite également vous alerter sur le secteur des personnes handicapées. La politique menée au cours de ce quinquennat n’a certes pas manqué de rapports ambitieux – je pense en particulier au rapport Piveteau sur les ruptures de parcours –, ni d’intentions louables, mais votre bilan en matière de réalisations est indiscutablement trop mince.
Les créations de places dans le secteur du handicap, notamment à destination des adultes, n’ont pas connu le même dynamisme que dans le secteur des personnes âgées.
En cause, la lourdeur des formalités administratives, mais surtout les nombreuses incertitudes que font peser sur les gestionnaires d’établissement les retards que vous avez pris. En effet, la réforme tarifaire tant attendue, qui doit repenser la tarification des établissements en fonction d’une grille bâtie autour des besoins de la personne, prend du retard, et les recommandations de bonne pratique professionnelle dans le domaine de l’autisme, notamment, ne sont toujours pas publiées.
La « réponse accompagnée pour tous » part incontestablement d’une bonne intention, mais nous relevons de très nombreuses inquiétudes quant à sa réalisation.
Vous ne demandez aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, madame la ministre, rien de moins que de réviser pour 2018 l’intégralité de leurs procédés d’orientation, tout en réformant une part importante de leur financement dans le PLFSS et en leur annonçant la livraison d’un système d’informations généralisé en 2017. Tout cela sera très compliqué à mettre en place !
Avez-vous idée de la gageure que ces réformes représentent pour des instances de petite taille, surchargées, qui sont des relais nécessaires pour nos concitoyens frappés de handicap ? Les maigres crédits – quelque 23 millions d’euros pour 2017 à partager sur l’ensemble du territoire – dédiés à la mise en œuvre de cette « réponse accompagnée » seront autant de crédits saupoudrés, insusceptibles d’apporter une réponse adaptée à la personne en situation de handicap complexe. Je pense qu’il faut faire preuve d’un peu plus d’humilité, en évitant de susciter des espoirs qui seront vite déçus.
L’article 46 du PLFSS illustre à merveille la cadence forcée que le Gouvernement souhaite imposer à un secteur qui n’est pas encore prêt. La recherche absolue de convergence entre les secteurs « personnes âgées » et « personnes handicapées » est déconnectée des réalités, puisqu’il s’agit d’imposer dans les mêmes termes une généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, alors que les deux secteurs montrent un degré de préparation fort différent.
Les établissements accueillant des personnes handicapées, à la différence des EHPAD, n’ont pas encore bénéficié d’une réforme tarifaire, et le Gouvernement veut tout de même leur appliquer les mêmes virages, notamment en matière de dialogue de gestion. Voilà qui suffit à expliquer l’incertitude importante ressentie aujourd’hui par le secteur, qui entrave, me semble-t-il, son action.
Afin d’adapter ce mouvement nécessaire vers la contractualisation pluriannuelle aux spécificités d’un secteur qu’attendent de nombreuses réformes, la commission des affaires sociales a déposé plusieurs amendements.
Vous voyez, madame la ministre, toutes ces propositions sont véritablement inspirées par les remontées de la base. Il faut en tenir compte. Nous avons auditionné un certain nombre de gestionnaires et de représentants d’associations et de fédérations, mais aussi rencontré des services tarificateurs, qui tous nous ont fait part de leurs difficultés.
La complexité de la réforme applicable aux personnes âgées dès 2017 est particulièrement préoccupante. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé un certain nombre d’amendements, notamment pour retarder l’application des mesures liées à l’activité ou la réaffectation des résultats, en attendant l’application progressive de cette réforme, qui est prévue sur 7 ans. Nous savons que 85 % des établissements seulement seront gagnants, ce qui veut dire que 15 % seront perdants. Évitons donc de leur appliquer une double peine, au travers de modulations qui ne seraient pas compréhensibles.
En ce qui concerne les personnes handicapées, la situation est différente, puisqu’il faut arriver à une globalisation du budget autour des besoins de la personne. En l’espèce, les choses ne sont pas encore mûres. Comme il importe de bâtir des relations de confiance, nous souhaitons que soit prévu dans la loi un dialogue de gestion bien réel.
Enfin, comment ne pas relever le dynamisme insolent des recettes de la CNSA par rapport à celles des départements ? Cela fait rêver… Mes chers collègues, la CNSA est véritablement devenue un tiroir-caisse, que l’on ponctionne régulièrement en fonction des besoins, pour faire en sorte que la présentation des comptes soit équilibrée. À mon sens, la commission a remis les choses dans l’ordre, et ces points seront abordés à l’occasion de notre débat.
Toujours est-il que cette organisation est particulièrement préoccupante. C’est la raison pour laquelle il nous faut, dans un esprit pragmatique, faire en sorte que ces réformes soient davantage acceptables et réalisables sur l’ensemble des territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le retour à l’équilibre de nos comptes sociaux est un objectif partagé. S’agissant de la branche famille, il interviendrait, selon letexte qui nous est soumis, dès 2017.
On serait tenté de s’en réjouir, mais la raison et l’expérience nous invitent à une grande prudence. En effet, l’année dernière, nous exprimions déjà nos doutes quant à la trajectoire d’un déficit se réduisant progressivement, pour disparaître en 2018. Le Gouvernement avait bien tenté de nous donner des assurances, mais force est de constater que notre scepticisme n’était pas infondé, puisque le déficit sera, en 2016, supérieur de 200 millions d’euros aux objectifs fixés par la loi de financement.
Le retour à l’équilibre annoncé pour 2017 ne résulte pas de nouvelles économies, puisque les mesures de ce PLFSS, sur lesquelles je reviendrai, n’auront pas d’impact budgétaire. Il ne saurait pas davantage s’expliquer par une conjoncture économique qui demeure morose, même si la faiblesse de l’inflation et, surtout, la baisse du nombre de naissances ralentissent la progression des dépenses.
Cet équilibre est en réalité artificiel, car il résulte d’un jeu complexe de recettes exceptionnelles, d’effets de périmètre et de redistributions entre les branches des recettes fiscales affectées. Bref, mes chers collègues, vous l’aurez compris, il s’agit plutôt d’un enfumage comptable.
Au-delà de ces considérations sur l’exercice qui s’achève et sur l’année à venir, ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat est l’occasion de se pencher sur l’évolution de la politique familiale, spécificité du modèle social français ayant longtemps, et à juste titre, fait notre fierté.
Certes, le déficit de la branche famille, déficit hérité de la crise financière et qui avait atteint son niveau record en 2013, s’est nettement réduit depuis trois ans, mais à quel prix ? Celui d’un matraquage sans précédent imposé aux familles.
La réduction du déficit de la branche résulte surtout de la modulation des allocations familiales décidée, on s’en souvient, dans une improvisation totale, et qui représente, il faut le dire, une économie de 760 millions d’euros par an.
Cette modulation est d’autant plus critiquable qu’elle s’ajoute à l’abaissement du plafond du quotient familial, ponction fiscale de près d’un milliard d’euros par an, dont on avait pourtant assuré qu’il aurait pour contrepartie le maintien de l’universalité des allocations familiales. On sait aujourd’hui que tel n’a pas été le cas.
Enfin, la réforme du congé parental commencera à produire ses effets en 2017. Prévue par la loi de 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, elle était censée atténuer les effets de l’éloignement des mères du marché du travail. Les décrets d’application l’ont détournée de cet objectif, en la réduisant à une mesure d’économie assez cynique : considérant que, dans les faits, les pères ne feront pas valoir leur droit au congé parental, le Gouvernement en espère une économie de 290 millions d’euros en 2017. C’est une logique comptable indéfendable !
Une même logique comptable prévalant sur l’intérêt des familles a inspiré le décalage du versement de la prime à la naissance, économie purement artificielle qui crée de réelles difficultés pour des familles déjà fragiles. Où est donc la justice sociale ?
Au total, et même en tenant compte des revalorisations ponctuelles et ciblées, l’effort supporté par les familles représente près de deux milliards d’euros en 2017. Rendez-vous compte, mes chers collègues, quelque 2 milliards d’euros ponctionnés sur les familles ! C’est toute la politique familiale qui a été saignée à blanc et vidée de sa substance.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Tous ces éléments appellent deux séries d’observations.
Premièrement, si le Gouvernement fait valoir que les mesures prises permettent de renforcer la justice du système, les faits sont là pour le démentir. Les efforts supportés par les familles prétendument aisées et les classes moyennes n’ont que très marginalement bénéficié aux familles modestes, car c’est à une restriction globale des ressources destinées à la politique familiale que nous avons assisté.
Pis, si les familles aisées sont les plus touchées par la modulation des allocations familiales et par l’augmentation déraisonnable de la pression fiscale, les classes moyennes ne sont pas épargnées. Une étude récente de la CNAF sur les mesures adoptées depuis 2013 montre que le nombre des familles perdantes est supérieur à celui des familles gagnantes. Pire encore, cette même étude montre que près d’un quart des familles perdantes se trouve parmi les 40 % les plus pauvres. Où est donc la solidarité ? Quant à la justice sociale, il n’en est plus guère question.
Cela m’amène à ma seconde observation. Telle qu’elle a été construite progressivement depuis 1945, la politique familiale française visait à compenser la charge représentée par l’éducation d’un enfant, selon une logique de redistribution horizontale, la lutte contre la pauvreté s’appuyant sur d’autres outils. Il s’agissait de considérer que la reconnaissance qu’accorde la Nation à chaque enfant ne dépend pas des ressources de ses parents et de faire en sorte que des considérations financières ne brident pas le désir d’enfant des familles.
Or, en concentrant les prestations familiales sur les ménages modestes, les mesures intervenues depuis 2013 détournent la politique familiale de sa vocation universelle.
Au-delà du fait que cette remise en cause d’un principe fondateur de notre modèle social se fasse sans vision d’ensemble, et réponde plutôt à une logique strictement budgétaire, on peut s’inquiéter de l’acceptabilité sociale d’une politique qui tendrait à opposer ceux qui la financent, par l’impôt et par les cotisations, et ceux qui en bénéficient.
Parallèlement à ces évolutions, les objectifs de développement des solutions d’accueil du jeune enfant pour la période 2013-2017 seront malheureusement loin d’être atteints.
Après avoir soutenu au cours des deux dernières années que nos inquiétudes étaient exagérées, le Gouvernement en est arrivé cette année à se féliciter d’un taux de réalisation de ses objectifs qui ne dépasse pas 70 % pour l’accueil collectif, tandis que l’accueil individuel et la préscolarisation régressent. Ce retard accumulé est d’autant plus préoccupant que la réforme du congé parental entraînera une augmentation des besoins.
La politique familiale française a souvent été saluée, car elle a longtemps permis à notre pays de connaître une démographie dynamique. Or les signaux adressés ces dernières années aux familles ne sont guère encourageants. Je note ainsi avec inquiétude la baisse du nombre de naissances, que nous observons certes depuis 2010, mais qui s’est accélérée en 2015 et semble se poursuivre en 2016.
Je conclurai néanmoins en saluant certaines mesures figurant dans le volet famille de ce PLFSS.
Le renforcement des missions des caisses d’allocations familiales en matière d’aide au recouvrement des pensions alimentaires impayées, qui s’inscrit dans le prolongement de la généralisation de la garantie contre les impayés de pension alimentaires, adoptée l’année dernière, est une bonne chose, même s’il ne faut pas exagérer sa portée.
S’agissant de l’article 28, qui vise à faciliter la rémunération des salariés du particulier employeur et à simplifier le circuit de paiement du complément de libre choix du mode de garde, les mesures proposées vont également dans le bon sens. Mes chers collègues, la commission vous proposera toutefois de supprimer les dispositions relatives au prélèvement à la source, qui me paraissent prématurées, dans la mesure où le Sénat ne s’est pas encore prononcé sur cette réforme.
Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la famille. La commission vous proposera enfin de rejeter l’objectif de dépenses pour 2017, qui intègre des mesures d’économies que nous refusons.
Applaudissementssur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat nous donne l’occasion de dresser le bilan du Gouvernement en matière de retraite. Dans cette perspective, comme l’a dit M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, nous nous en tiendrons strictement aux faits.
Depuis la réforme de 2014, le système de retraites est évalué selon trois objectifs : premièrement, la soutenabilité financière, deuxièmement, l’équité, troisièmement, le niveau de vie des retraités. Je le dis d’emblée, s’agissant de ces trois critères, le bilan ne nous paraît pas satisfaisant.
En ce qui concerne la soutenabilité financière du système, les régimes de base nous sont présentés comme étant à l’équilibre et devant même afficher un excédent de 1, 6 milliard d’euros en 2017. Cette situation résulte de l’ensemble des réformes menées depuis 1993, qui ont corrigé la trajectoire financière du système des retraites. Encore faut-il préciser que, en la matière, toutes les réformes ne se valent pas.
La réforme de 2010 contribue puissamment à rétablir l’équilibre, en agissant à la fois sur les recettes, par l’augmentation de la durée de cotisation, et sur les dépenses, par le recul de l’âge de la retraite. En 2017, elle permettra de générer 5, 9 milliards d’euros pour le seul régime général. L’impact est encore beaucoup plus important, puisque, au sein de la branche vieillesse, le régime général ne représente qu’un peu plus de la moitié des dépenses.
À l’inverse, la réforme de 2014, en augmentant les taux de cotisation vieillesse, pour les porter à 17, 75 % en 2017, n’a rapporté qu’environ 2 milliards d’euros par an, tout en pesant, c’est certain, sur l’emploi. Son effet est d’ailleurs complètement absorbé par la décision, prise dès 2012, d’élargir le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue ; je m’en tiens ici aux chiffres et ne juge pas le système.
Ce dispositif devrait coûter près de 3, 2 milliards d’euros en 2017.
L’allongement de la durée de cotisation à 43 ans pour les générations nées après 1973, dont les premiers effets n’interviendront qu’après 2020, me semble également une mesure structurelle bien timide. Je pense, en particulier, à son calendrier de mise en œuvre, qui est prévu pour l’horizon 2030. Or, pour être efficace et mieux répartir l’effort entre les générations, il aurait fallu accélérer de cinq ans sa mise en place, soit une application dès 2025 à la génération née après 1968.
La part des pensions de retraite dans le produit intérieur brut, qui représente aujourd’hui près de 14 % dans notre pays, est l’une des plus élevées en Europe. Ce chiffre souligne la nécessité de prévoir des mesures visant à retarder l’entrée dans la retraite pour diminuer les dépenses, et non à équilibrer le système en augmentant seulement les prélèvements obligatoires. Or le Gouvernement a augmenté les cotisations sans faire de réforme structurellement significative.
L’absence de mesures courageuses ne serait pas contestable si les excédents des régimes de base suffisaient à compenser le déficit persistant du Fonds de solidarité vieillesse, le fameux FSV. Or ce déficit demeure au niveau très élevé de 3, 9 milliards d’euros en 2017, entraînant, en fait, un déficit de la branche vieillesse de 2, 2 milliards d’euros cette année.
Je reviendrai, au cours du débat, sur les mesures que vous proposez dans ce projet de loi s’agissant du FSV et qui visent à le priver brutalement de 1, 7 milliard d’euros de ressources, alors que le passage du minimum contributif, le MICO, à la Caisse nationale d’assurance vieillesse se fera, quant à lui, progressivement, sur trois ans. Toutefois, à ce stade, je le dis en toute clarté, on ne peut affirmer que la branche vieillesse est actuellement équilibrée. Et il semble bien optimiste de penser qu’elle pourra l’être en 2020…
Enfin, sur l’équilibre financier, aucune mesure n’aura été prise non plus sous ce quinquennat pour améliorer la convergence entre les régimes du secteur privé, d’une part, et ceux du secteur public et les régimes spéciaux, d’autre part.
Les projections de long terme du Conseil d’orientation des retraites postulent que ces régimes sont à l’équilibre. Oui, ils sont à l’équilibre, mais à quel prix ! En effet, il ne faut pas passer sous silence l’effort budgétaire considérable de l’État pour les équilibrer : 58 milliards d’euros en 2016, soit 13, 3 % du budget de l’État pour les régimes de fonctionnaires. Et il faut bien parler aussi des 6 milliards d’euros pour les régimes spéciaux.
Si le taux de cotisation employeur des administrations publiques était le même que celui des entreprises privées, le besoin de financement du système des retraites pourrait dépasser les 20 milliards d’euros ! Il me paraît donc hasardeux de considérer, comme vous l’avez fait devant notre commission, madame la ministre, que les futures réformes des retraites ne se justifieront plus vis-à-vis de l’objectif financier.
Je serai plus bref s’agissant des deux autres objectifs, qui sont moins au cœur des questions de financement.
En ce qui concerne l’équité, le comité de suivi des retraites indique, dans son dernier rapport annuel, que le principal problème se situe entre les régimes, dont les règles différentes persistantes nuisent à la transparence et au sentiment de juste partage des efforts. La mise en œuvre, à partir de 2019, du « bonus-malus » dans les régimes complémentaires, dont l’impact positif a été confirmé par le Trésor cette année, recréera une différence entre les travailleurs du secteur privé et les agents de la fonction publique.
Vous savez combien je suis sensible à l’égalité entre les travailleurs du secteur privé et ceux du secteur public. J’avais déposé l’année dernière un amendement visant à reporter l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans, notamment pour corriger cette nouvelle inégalité.
Qu’a fait le Gouvernement pour gommer les différences entre le public et le privé ? Je rappelle qu’une réforme des régimes spéciaux avait été entreprise sous le précédent quinquennat et que l’augmentation de la durée d’assurance dans les régimes de la SNCF et de la RATP, décidée en 2010, va finalement entrer en vigueur au 1er janvier 2017. Que d’attente pour une mesure qui ne serait que justice !
La prochaine réforme des retraites devra être courageuse sur cette question de l’équité entre les régimes, alors même que, à ce stade, l’équité entre les générations ne semble pas être contestée.
À l’avenir, elle pourrait toutefois l’être au regard du niveau de vie des retraités, qui est le troisième objectif permettant de mesurer l’efficacité du système de retraites. Il y a une contradiction. Nous connaissons tous dans nos territoires, en particulier les territoires ruraux, des personnes qui vivent avec de petites retraites. Globalement, le niveau de vie des retraités est toutefois équivalent, voire supérieur, à celui des actifs, si l’on tient compte du logement. De plus, les inégalités de revenus sont moins fortes entre personnes retraitées qu’entre personnes actives.
En revanche, il est prévu que le taux de remplacement – le dernier salaire par rapport à la première pension – baisse significativement à l’avenir : de quelque 75, 3 % pour la génération de 1949 à une fourchette comprise entre 53 % et 68 %, en fonction de la vigueur de la croissance économique, pour la génération née à partir de 1990. Cette diminution s’explique par les modalités d’indexation tant des pensions que des droits à la retraite fondés sur l’inflation.
Je partage les réflexions du comité de suivi des retraites sur la nécessaire révision de ces modalités d’indexation, afin de rendre la trajectoire du système de retraite moins sensible à l’évolution de la croissance. Nous devrons donc demeurer vigilants à cette évolution, afin de préserver l’adhésion de nos jeunes concitoyens à notre système de retraites, auquel nous sommes ici tous très attachés. Je crois que des travaux de réflexion ont été lancés sur le sujet et je m’en félicite.
Mes chers collègues, l’ensemble de ces considérations explique l’opposition de notre commission à l’adoption des deux articles fixant les objectifs de dépenses de la branche vieillesse à l’article 35 et du FSV à l’article 56. S’agissant des autres dispositions législatives, elles sont essentiellement techniques et ne posent pas de difficultés. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de la discussion des amendements.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la branche AT-MP est à l’équilibre depuis déjà plusieurs années, et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoit un excédent de 696 millions d’euros l’année prochaine, après 659 millions d’euros cette année.
Grâce à cette trajectoire excédentaire, la dette de la branche, qui s’élevait à près de 2, 5 milliards d’euros il y a quatre ans, sera intégralement apurée cette année. C’est bien sûr pour nous un motif de satisfaction. Toutefois, il faut le souligner, cette évolution n’aurait pas été possible sans le maintien d’un dialogue social de qualité au sein de la branche et, surtout, sans des ajustements réguliers des cotisations employeurs au cours des dernières années.
Je rappelle que le financement de la branche repose quasi intégralement sur les employeurs et que, à l’inverse des autres branches, sa dette ne fait pas l’objet de reprises par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.
Après une baisse significative des niveaux de sinistralité au cours des dernières décennies, la période récente se caractérise par une relative stabilisation. Le nombre d’accidents du travail, en particulier, se maintient sous la barre des 900 000 pour la deuxième année consécutive. Si ce niveau reste important, il a beaucoup diminué : on compte aujourd’hui dix fois moins d’accidents du travail qu’il y a cinquante ans. Cela montre que les efforts de prévention des entreprises portent leurs fruits et qu’ils doivent être poursuivis.
Le nombre de maladies nouvellement reconnues est, quant à lui, en légère diminution depuis 2013. Il atteint aujourd’hui un palier autour de 65 000, contre plus de 80 000 en 2011. Les années récentes semblent ainsi indiquer une rupture de tendance, et nous pouvons, bien sûr, nous en réjouir.
Par ailleurs, un nombre croissant de pathologies est reconnu en dehors des tableaux par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, les CRRMP. Il s’agit le plus souvent de troubles psychosociaux. Le nombre d’avis favorables a plus que quadruplé en l’espace de cinq ans.
Cependant, la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une pathologie psychique demeure encore difficile. Il n’existe pas d’indicateurs précis permettant de déterminer le degré d’incapacité provoquée par ces affections souvent multifactorielles. Dans le rapport que j’avais rédigé avec Jean-Pierre Godefroy sur le mal-être au travail, la commission des affaires sociales avait appelé de ses vœux un assouplissement du taux d’incapacité exigé pour prétendre à la procédure complémentaire.
À la lumière d’exemples étrangers, nous avions également souligné que certaines maladies, tel le stress post-traumatique, pouvaient facilement être reliées à un événement survenu dans le cadre professionnel et que des évolutions étaient donc possibles.
C’est pourquoi nous attendons avec intérêt, madame la ministre, le rapport du Gouvernement sur la possibilité d’intégrer les affections psychiques dans un tableau ou de modifier le critère du seuil d’incapacité permanente. En application de la loi de 2015, ces éléments d’appréciation devaient être transmis au Parlement pour le mois de juin dernier. Peut-être, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer où en sont les réflexions en cours ?
Les autres dépenses de la branche AT-MP, qui sont principalement des charges de transfert, me conduisent à réitérer les réserves que notre commission a déjà eu l’occasion de formuler. Le montant total des transferts s’élèvera en effet l’année prochaine à plus de 2 milliards d’euros. C’est un niveau considérable : il représente un cinquième des dépenses prévisionnelles pour 2017. Je le répète, mes chers collègues, ce sont des transferts d’argent – de l’argent prélevé sur les entreprises, pour être finalement affecté à d’autres branches de l’assurance maladie.
Ces dépenses incluent tout d’abord la dotation au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA. Les perspectives financières du Fonds ne remettent pas en cause la capacité à garantir une indemnisation rapide et fiable. L’État continue cependant de se désengager du financement de l’établissement. Sa contribution sera réduite de 40 % en 2017, par rapport à 2016.
Il devient malheureusement coutumier de rappeler à cet égard que la mission sénatoriale sur l’amiante avait jugé légitime de prévoir un engagement de l’État à hauteur d’un tiers du budget du FIVA. Cette préconisation nous paraît toujours d’actualité, eu égard aux missions régaliennes de l’État et à son rôle assumé en tant qu’employeur.
Quant au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, compte tenu de la baisse des effectifs d’allocataires, la réduction tendancielle de ses dépenses se poursuit. La contribution de la branche AT-MP pour 2017 est fixée à 626 millions d’euros.
En ce qui concerne le versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 reconduit la dotation arrêtée en 2015, soit 1 milliard d’euros, contre 300 millions d’euros en 2002. Je vous laisse imaginer, mes chers collègues, ce que cela représente ! Et, là encore, cette somme est bien sûr prélevée sur les cotisations des employeurs.
Nous l’avons déjà souligné plusieurs fois, la progression continue de ce versement, entièrement supportée par la part mutualisée du financement de la branche AT-MP, inspire, je dois le dire, madame la ministre, quelque doute quant à la réalité des efforts engagés pour lutter contre la sous-déclaration. Les modalités d’évaluation de ce phénomène suscitent elles-mêmes quelques interrogations, alors que la prochaine commission chargée d’évaluer son ampleur se réunira dans quelques mois pour actualiser ses travaux.
Quand l’on interroge la personne qui préside la commission, l’on a bien le sentiment que tout se fait au doigt mouillé, en fonction des sommes que l’on souhaite transférer des AT-MP vers la branche d’assurance maladie !
S’y ajoutent les nouveaux transferts mis à la charge de la branche. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit en effet deux transferts annuels successifs de 0, 05 point de cotisation de la branche AT-MP vers la branche maladie du régime général, sans véritable justification. Cette mesure conduit à ponctionner l’excédent AT-MP d’un total de 0, 5 milliard d’euros supplémentaire en 2016 et 2017. Quand on cherche à savoir sur quoi tout cela est fondé, bien sûr, on ne trouve personne qui ait la réponse ! On peut donc en déduire qu’il s’agit d’un nouveau transfert pour la partie assurance maladie à la sécurité sociale.
Quant aux perspectives financières de la branche AT-MP, elles se fondent sur un relèvement des cotisations employeurs à compter de 2018 – bien sûr. Cherchez l’erreur ! Or, compte tenu de la situation excédentaire de la branche, il paraîtrait, au contraire, logique, dans le cadre de la prochaine convention d’objectifs et de gestion, la COG, pour les années 2018 à 2021, qu’une diminution de ces cotisations soit envisagée, parallèlement à l’affectation de moyens supplémentaires en matière de prévention.
En tout état de cause, l’accroissement des excédents ne saurait justifier de nouvelles opérations comptables destinées à renflouer les autres branches. Ces transferts augmentent la part mutualisée des dépenses, en réduisant d’autant la part variable directement liée à la sinistralité de chaque entreprise. Ils contrarient donc les efforts visant à renforcer la logique assurantielle et préventive de la branche. Ils mettent à mal l’autonomie de la branche AT-MP, à laquelle nous sommes particulièrement attachés.
Je termine en précisant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ne comporte aucune mesure nouvelle de couverture du risque professionnel.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et de tous ces transferts de la branche AT-MP vers la branche maladie, la commission des affaires sociales n’a pas adopté les objectifs de dépenses de la branche AT-MP pour 2017.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le débat que nous engageons aujourd'hui ici même illustre la fragilité de la trajectoire de nos finances publiques. En effet, le Gouvernement compte principalement sur les administrations de sécurité sociale pour atteindre l’année prochaine l’objectif de réduction du déficit public en dessous du seuil de 3 %. Pas moins des deux tiers des économies à réaliser en 2017 reposeraient sur les administrations de sécurité sociale, contre moins de la moitié lors des deux précédents exercices.
Compter aux deux tiers sur les administrations sociales pour atteindre un tel objectif de déficit est un pari risqué… En effet, lors des précédents exercices, les économies réellement enregistrées sur la sphère sociale se sont révélées inférieures de près de moitié à la prévision. Compte tenu de la stratégie définie et des mesures proposées, il est à craindre que cet écart ne se produise de nouveau en 2017, ce qui remettrait en cause l’atteinte des objectifs et, surtout, la tenue des engagements européens du pays.
Tout d’abord, je souhaiterais revenir sur l’évolution des comptes sociaux depuis la crise économique, qui fait toujours l’objet d’un rappel historique de la part de Mme la ministre.
Le Gouvernement met en avant ses résultats en termes de réduction des déficits sociaux. Ils doivent être mis en perspective. En deux ans, entre 2010 et 2012, la réduction du déficit du régime général de la sécurité sociale a été identique à celle qui avait été enregistrée entre 2012 et 2016, soit en quatre ans. Il s’agit donc d’une prolongation à vitesse réduite.
Dans le même temps, alors que le déficit de la branche maladie avait été divisé par deux entre 2010 et 2012, il n’a reculé que d’un tiers entre 2012 et 2016. Nous le savons tous, la réduction des déficits depuis 2012 a reposé surtout sur la branche famille, au prix d’une mise sous condition de ressources de la politique familiale, et sur la branche vieillesse, grâce aux effets durables de la courageuse réforme des retraites conduite en 2010. Rappelons que l’impact financier de cette dernière est estimé aujourd'hui à près de 9 milliards d’euros.
C’est pourquoi l’amélioration ponctuelle et incontestable aujourd'hui constatée ne doit pas être confondue avec une véritable consolidation pérenne des comptes sociaux.
J’en viens maintenant aux motifs d’inquiétudes s’agissant de la trajectoire des comptes sociaux.
En recettes, l’optimisme des hypothèses retenues pour l’augmentation de la masse salariale et des cotisations y afférentes, liée à un taux de croissance illusoire, a été souligné par le Haut Conseil des finances publiques. Il réduit plus que sensiblement la crédibilité de la trajectoire qui nous est soumise aujourd'hui.
En dépenses, alors même que les administrations sociales doivent assurer la plus grande part des efforts en 2017, il ne nous est guère proposé de mesures nouvelles étayant cette stratégie. Plus de 4 milliards d’euros sont attendus d’un renforcement des mesures du plan ONDAM, fixé l’année prochaine à 2, 1 %, au lieu de 1, 75 %. Les résultats à attendre de cette proposition ne seront certainement pas à la hauteur des enjeux. En effet, l’amélioration envisagée des salaires, pour ne parler que d’elle, engloutit déjà largement les marges de l’ONDAM.
Le dispositif concernant l’économie numérique retient particulièrement l’attention de la commission des finances, qui s’est penchée depuis longtemps sur l’appréhension de ces nouveaux modes d’échanges. Le mécanisme de seuils et d’affiliation au régime social des indépendants semble pour l’instant assez maladroit et improvisé, peu productif donc.
Surtout, le Gouvernement intègre de fausses mesures d’économies. D’une part, il confond prévision budgétaire et volontarisme politique, en espérant quelque 1, 6 milliard d’euros d’économies sur l’assurance chômage. D’autre part, il propose des débudgétisations, notamment pour les médicaments innovants. Il se trouve que, pour beaucoup de thérapies, nous sommes aujourd'hui à un carrefour entre les molécules anciennes amorties et peu coûteuses, et les nouvelles, plus performantes et plus coûteuses. Cette position contre le progrès est insoutenable dans la durée !
Le Gouvernement a aussi dû revoir à la baisse ses ambitions en matière de maîtrise des dépenses en relevant le taux d’évolution de l’ONDAM, en dépit des engagements renouvelés. Ce relèvement de l’ONDAM illustre les difficultés du pilotage des dépenses d’assurance maladie, sans réforme de structures pérennes, de fond. Il met sous tension les professionnels de santé, comme nous le percevons tous actuellement dans nos départements.
Surtout, comme le Haut Conseil des finances publiques l’a relevé, les économies prévues et le relèvement de l’ONDAM ne suffiront pas à couvrir l’évolution tendancielle des dépenses de santé en 2017. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales l’a justement rappelé.
En somme, l’essentiel de l’effort provient de la réorientation du pacte de responsabilité – vous le savez, mes chers collègues, ce fameux pacte, qui devait permettre de réduire de 50 milliards d'euros les dépenses publiques –, ou plutôt du renoncement du Gouvernement à le mettre en œuvre aujourd‘hui. En particulier, la suppression totale de la C3S, qui représente tout de même une recette de l’ordre de 4 milliards d'euros, a finalement été écartée, malgré tous les engagements et les discours sur l’allégement des charges des entreprises et la compétitivité de notre économie.
Que le Gouvernement, poussé par sa majorité, décide de baisser la CSG en faveur des retraités modestes est en soi une mesure tout à fait défendable, mais qu’il mette le coût de 280 millions d’euros de cette mesure à la charge des entrepreneurs, en détricotant un dispositif de la loi Macron adopté il y a tout juste quelques semaines, ce n’est pas sérieux !
Enfin, qu’un gouvernement socialiste laisse en quasi déshérence le financement du Fonds spécial vieillesse, le FSV, qui assure, mes chers collègues, pour l’essentiel, le paiement des cotisations de retraite des chômeurs, avec depuis des années un trou compris entre 3, 5 milliards d'euros à 3, 8 milliards d’euros, transférés à la CADES par un mécanisme maintenant bien connu, en dit plus que tous les discours sur la réalité du socialisme à la française !
Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de juin 2016 conclut ainsi : « Les résultats de la branche vieillesse et du FSV sont intrinsèquement liés, rendant illusoire la satisfaction d’un retour à l’équilibre de la première, alors que le déficit du second demeure élevé ».
Les choses sont d’une clarté impitoyable : des faux-semblants et un peu de publicité outrancière, parfois même mensongère, ne font pas une politique à la hauteur des enjeux !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Or le principal enjeu consiste à pérenniser la sécurité sociale à laquelle nos concitoyens sont si attachés !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
M. Jean-Louis Carrère. Il ne vote pas à la primaire, mais il vote Trump !
Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en ouvrant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale devant l’Assemblée nationale le 25 octobre dernier, vous avez déclaré, au nom du Gouvernement, madame la ministre, avoir « en quatre ans, remis à flot la sécurité sociale » et « mis fin à des années d’errements budgétaires, de fatalisme et de renoncements ».
Ainsi, la précédente majorité porterait la responsabilité de la crise mondiale qui a entraîné la France dans sa pire récession depuis 1945, faisant bondir les déficits sociaux de près de 20 milliards d’euros. Elle serait totalement étrangère aux mesures qui ont permis de réduire ces déficits de 10 milliards d’euros de 2010 à 2012, mesures qui contribuent aujourd’hui encore à l’amélioration des comptes.
Or le Gouvernement actuel pourrait, quant à lui, se prévaloir de laisser, pour reprendre une autre de ses expressions, une « maison remise en ordre » au terme de la législature.
Cette présentation plutôt schématique appelait les mises au point nécessaires que viennent d’effectuer nos rapporteurs, que je remercie de leur travail approfondi et rigoureux.
Il ne s’agit pas aujourd’hui de nier que le déficit s’est réduit.
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Toutefois, pourquoi ne pas dire clairement que la réforme des retraites de 2010 contribue à elle seule pour près de 6 milliards d’euros à cette amélioration ? Il n’y a vraiment aucune raison que le mérite en revienne à ceux qui l’ont si âprement combattue !
Pourquoi vouloir attribuer ce résultat à des réformes de structure que le Gouvernement aurait menées, alors que pour le restant, il tient largement à des hausses de prélèvements sur les ménages – hausse des cotisations retraite, création de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, prélèvements sociaux sur les revenus mobiliers et immobiliers –, ainsi qu’à la réduction d’avantages familiaux qui n’avaient jusqu’à présent jamais été remis en cause ?
Enfin, n’est-il pas audacieux d’annoncer par anticipation la disparition du déficit de la sécurité sociale et de nous présenter une trajectoire supposée générer des excédents à compter de 2019-2020 ?
Comme l’a indiqué le rapporteur général, sur un plan purement factuel, le déficit prévu pour 2017 reste supérieur à 4 milliards d’euros. Sa diminution repose en partie sur une accumulation de mesures comptables qui tendent à gonfler les recettes et à minorer les dépenses de manière artificielle.
Le plafond des transferts à la CADES ayant été épuisé cette année, près de 20 milliards d’euros de dette se trouveraient à la fin de 2017 sans solution de financement.
Quant aux projections au-delà de 2017, elles se fondent sur des hypothèses macroéconomiques vraiment très théoriques. Voilà pourquoi nous ne pouvons souscrire aux satisfécits que se délivre le Gouvernement.
Le domaine de l’assurance maladie est certainement celui dans lequel notre scepticisme trouve le plus largement à s’exprimer. La réduction du déficit suppose plus de 4 milliards d’euros d’économies, qui sont loin d’être garanties, alors que le comité d’alerte estime que les dépenses d’assurance maladie seront plus dynamiques en 2017 qu’en 2016.
Comme le montre de manière très détaillée le rapport de la commission, près de 700 millions d’euros de charges entrant habituellement dans le champ de l’ONDAM seront imputés sur d’autres périmètres, le futur Fonds de financement de l’innovation pharmaceutique, par exemple, et financées par des ressources non pérennes issues de ponctions sur divers fonds ou organismes, y compris le FSV, pourtant si fortement déficitaire !
De même, l’an prochain encore, les transferts depuis la branche AT-MP vers l’assurance maladie atteindront un niveau record.
Si l’amélioration des résultats ne nous paraît pas traduire une tendance profonde au rééquilibrage des recettes et des dépenses, c’est parce que ce PLFSS comporte un peu trop de ces opérations de tuyauterie qui brouillent la lecture des comptes. C’est aussi parce que nous percevons, dans la soutenabilité du financement de notre système de santé, des tensions qui persistent et qui, parfois, s’aggravent.
Je pense, bien entendu, à la situation des hôpitaux, dont les personnels soignants ont exprimé leurs difficultés voici quelques jours. Il est clair qu’une partie des efforts de maîtrise de l’ONDAM se traduit par un report de charges sur le secteur hospitalier public, dont le déficit global pourrait atteindre, si j’en crois la presse, près de 600 millions d’euros en fin d’année.
Au-delà de cet aspect strictement financier, l’avenir de notre système hospitalier demeure lourd d’incertitudes. Il est aujourd’hui soumis à forte pression, tenu qu’il est de compenser les défauts de couverture ou d’organisation de la médecine de ville, sans pour autant verser dans un « hospitalo-centrisme » que l’on n’a de cesse de lui reprocher.
Nos établissements sont aujourd’hui engagés dans le lourd processus de constitution des groupements hospitaliers de territoire. Néanmoins, cette recomposition territoriale majeure est conduite sans qu’aient été levées toutes les hypothèques en termes de financement et d’organisation.
Dans ces conditions, il nous paraît vraiment inopportun de procéder à deux ponctions successives de 150 millions d’euros sur les fonds de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier. C’est pourquoi notre commission a adopté un amendement visant à supprimer cette mesure pour 2017.
S’agissant de la branche famille, je ne reviendrai pas sur notre profond désaccord de fond avec le Gouvernement.
Notre politique familiale comporte, de longue date, de nombreux dispositifs destinés à répondre spécifiquement aux situations des familles dont les ressources sont les plus modestes. Il n’en demeure pas moins qu’elle reconnaissait aussi pour chaque foyer, indépendamment de son niveau de revenus, une forme de compensation des charges familiales. Or, avec la réduction combinée du quotient familial et des allocations familiales, cet élément constitutif fort de notre politique familiale est désormais dangereusement fragilisé.
J’aborderai en dernier lieu les retraites, pour contester l’idée selon laquelle l’équilibre des régimes serait désormais assuré pour plusieurs générations.
Tout d’abord, comme l’a souligné notre rapporteur, cette vision occulte les besoins de financement des régimes du secteur public, régimes qui sont, aujourd’hui, automatiquement couverts par des ajustements budgétaires, donc par le déficit de l’État.
De surcroît, cette vision s’appuie sur des hypothèses manifestement très optimistes, que se sont bien gardés de retenir les régimes complémentaires qui, quant à eux, ne peuvent recourir à l’emprunt ou compter sur des subventions d’équilibre.
À plusieurs reprises, le Gouvernement a dénoncé notre position, en l’attribuant à une approche punitive de la question des retraites. Est-ce vouloir punir nos concitoyens que de constater que, par rapport au début des années 1980, l’espérance de vie des Français a progressé de sept années, alors que leur âge de départ en retraite a diminué de trois ans, voire de quatre ou cinq ans pour ceux qui bénéficient du départ anticipé, c’est-à-dire environ un quart d’entre eux ? Cette situation constitue, objectivement, une source majeure de déséquilibre, qui pèse sur le montant des cotisations comme sur celui des pensions.
C’est pourquoi il nous semble que, à l’exemple des régimes complémentaires, avec souplesse et pragmatisme, il faudra adapter les paramètres qui régissent aujourd’hui les conditions de départ en retraite.
Voilà, très brièvement résumées, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales propose au Sénat de rejeter les objectifs de recettes et de dépenses du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord exprimer à Mmes les ministres et au président du Sénat, M. Gérard Larcher, nos remerciements pour les mots chaleureux qu’ils ont eus à l’égard de notre collègue, ami et camarade Paul Vergès.
Permettez-moi également de remercier les rapporteurs de la commission des affaires sociales du travail qu’ils ont accompli, même si je ne partage pas les enseignements qu’ils en tirent.
Nous abordons donc le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale de ce quinquennat, qui est également le dernier avant les prochaines élections sénatoriales. Ce PLFSS – faut-il le souligner ici ? – a été adopté, à l’Assemblée nationale, à une courte majorité.
Qu’il nous semble loin, le temps où, en 2011, nous étions parvenus à faire adopter par notre assemblée des amendements communs de la gauche visant à faire figurer de nouvelles recettes dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 !
Vous vous félicitez, madame la ministre, d’avoir sauvé la Sécurité sociale, et vous refusez d’entendre que ce redressement se fait au prix d’une réduction drastique des dépenses de santé.
Certes, je suis attachée, comme tout parlementaire, à une bonne utilisation des fonds publics. Toutefois, la question qui nous est ici posée est celle du respect d’un droit fondamental : le droit à la santé pour toutes et tous. Or celui-ci est fortement remis en cause par les choix politiques que vous défendez.
Par ailleurs, nous ne partageons pas la vision tronquée et optimiste de ce sauvetage.
Tronquée, car, comme cela a déjà été signalé, vous omettez de prendre en compte dans vos calculs le Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, pour affirmer que le déficit ne sera que de 400 millions d’euros. Or le déficit du FSV est, quant à lui, de près de 4 milliards d’euros !
Optimiste, car, comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques, les prévisions de croissance sur lesquelles repose votre équilibre financier sont jugées peu réalistes.
Lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous avez déclaré : « L’équilibre de la Sécurité sociale n’est pas l’ennemi des droits sociaux. » Certes ! Vous m’avez en outre personnellement répondu que vous étiez parvenue à mettre en place la prise en charge à 100 % de l’IVG et de la contraception pour les mineures, que vous aviez développé le dépistage de certains cancers ou bien encore que vous aviez mis en place la généralisation du tiers payant.
Je ne conteste absolument pas que ces mesures ouvrent effectivement des droits nouveaux. Néanmoins, il me semble que les 4 milliards d’euros d’économies attendus sur la branche maladie pour 2017 ne sont guère facteurs, ou facilitateurs, de droits sociaux.
Non seulement je soutiens ces mesures, comme d’autres avancées contenues dans ce texte, mais – faut-il le rappeler ? – nous nous sommes mobilisés en leur faveur. Le problème, madame la ministre, est le suivant : pour parvenir à un budget en équilibre, vous demandez toujours aux mêmes de faire des sacrifices : aux assurés sociaux, aux patients et aux personnels de santé !
En effet, que vous l’admettiez ou non, c’est bien eux qui en subiront directement les conséquences, et cela alors que des milliards d’euros sont consacrés au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, et au crédit d’impôt recherche, ou CIR, dispositifs dont on ne peut que questionner la pertinence, comme l’ont très bien fait, récemment, mes deux collègues Brigitte Gonthier-Maurin et Marie-France Beaufils dans des rapports sénatoriaux.
D’une manière générale, madame la ministre, vous n’avez eu de cesse, durant ce quinquennat – c’est peut-être encore plus évident dans ce PLFSS –, d’obéir aux exigences de rigueur budgétaire et d’austérité imposées par Bruxelles.
Dans ce contexte, comment prétendre que l’accès à la santé est aujourd’hui meilleur qu’en 2012 ? Comment continuer à nier que le renoncement aux soins, pour raisons financières, ou bien par manque de professionnels, est toujours aussi inquiétant ?
Madame la ministre, pouvez-vous considérer que l’action du Gouvernement, pendant cinq ans, a porté ses fruits pour réduire les inégalités territoriales de santé, pour améliorer la prise en charge au sein des urgences, qui sont au bord de l’explosion, ou encore pour permettre aux médecins de ville de faire face à une surcharge de consultations ?
Toujours lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous m’avez affirmé ne pas avoir programmé la suppression de 22 000 postes hospitaliers, mais, tout au contraire, en avoir créé 30 000. Le problème est que ni le personnel de l’hôpital ni les syndicats n’en ont eu écho !
Dans la réalité quotidienne, les personnels vivent ces 22 000 suppressions de postes, que l’on peut notamment lier au non-remplacement des départs à la retraite ; ils vivent, au jour le jour, les fermetures de lits et de services, le manque de matériel, la réforme des 35 heures au sein de l’AP-HP, la gestion chronométrée de leurs tâches ou encore le manque de temps consacré à chaque patient.
Je rappelle que, depuis 2010, selon la Fédération hospitalière de France, ou FHF, de 1 000 à 1 200 lits de chirurgie ont fermé chaque année dans les hôpitaux publics, et que le syndicat majoritaire dans les hôpitaux publics évalue à 100 000 le nombre d’emplois qui manquent, aujourd’hui, dans les hôpitaux et les EHPAD publics.
Les groupements hospitaliers de territoire, ou GHT, que vous avez introduits dans la loi Santé, vont aggraver les choses en vous permettant, d’abord et avant tout, de réduire les budgets.
Quant au « virage ambulatoire », que vous parez de toutes les qualités, faut-il rappeler que vous ne prenez pas en compte, ou alors fort insuffisamment, les investissements à prévoir pour réorganiser et former les équipes soignantes et pour éviter que les patients et leurs familles ne subissent des sorties précipitées.
Je sais que votre cabinet a reçu il y a peu de temps l’association Jean-Louis Mégnien, du nom du professeur qui s’est suicidé, l’an dernier, à l’hôpital Georges-Pompidou de Paris, à la suite d’une longue période de harcèlement et de souffrance au travail.
Malheureusement, Jean-Louis Mégnien n’est pas la seule victime ; je veux donc profiter de notre débat pour lancer une alerte sur les drames vécus au sein des hôpitaux, sur le problème de gouvernance, sur le manque de moyens, ainsi que sur les conséquences de la loi HPST et, prochainement, de la loi Santé.
Voilà, parmi d’autres raisons, pourquoi j’ai demandé à ce que cette association soit officiellement auditionnée par la commission des affaires sociales. Je remercie à cet égard son président, M. Alain Milon, qui s’y est engagé dans le cadre d’un travail plus large sur la continuité des soins, la situation critique des urgences nous tenant particulièrement à cœur.
La souffrance au travail touche bien tous les professionnels de santé, dans le public comme dans le privé : je pense aux orthophonistes, aux gynécologues médicales, aux professionnels de la psychiatrie, ou encore aux infirmières, toutes professions qui ont l’impression de ne pas être entendues. Il y a véritablement non-assistance à personnes en danger !
Comment interprétez-vous, madame la ministre, le fort mouvement de grève qui a eu lieu, mardi dernier, à l’appel de la coordination nationale infirmière, qui rassemble dix-sept organisations professionnelles syndicales et associatives ?
Je puis vous dire, moi qui suis allée à leur rencontre, que ces professionnels du public comme du privé dénoncent le malaise soignant, mais aussi le silence ministériel face à leurs conditions d’exercice, à leur formation ou encore à la valorisation de leurs compétences et de leurs responsabilités.
Or ce PLFSS est loin de les rassurer ! Quand allez-vous ouvrir le dialogue ? Plus généralement, qui est rassuré par ce PLFSS ?
Prenons la branche maladie : c’est elle qui subit les économies les plus drastiques, pour pouvoir respecter l’ONDAM. Ce dernier, malgré une légère hausse, est toujours loin des besoins, d’autant que cette progression repose sur des restrictions budgétaires de l’ordre de 4, 1 milliards d’euros.
Comment, à ce propos, ne pas s’insurger du détournement de 300 millions d’euros depuis le fonds de formation pour la fonction publique hospitalière ? Cette somme provient de la contribution obligatoire des employeurs, mais n’est pas allouée à la formation des soignants.
Quant aux autres branches ou secteurs, ils ne sont malheureusement guère mieux lotis.
La branche AT-MP est à nouveau excédentaire, mais que peut signifier ce résultat quand on sait qu’il est, surtout, le signe de la sous-déclaration chronique et de la non-reconnaissance des maladies professionnelles ? Je crains d’ailleurs que cette situation ne s’améliore pas, au vu de l’insuffisance du nombre d’inspecteurs du travail et de médecins du travail. C’est la conséquence d’une politique menée depuis de nombreuses années, que vous avez hélas poursuivie pendant ce quinquennat avec, notamment, les lois Rebsamen et El Khomri. Pourquoi ne pas dédier cet excédent à la prévention et à la réparation ?
Le secteur médico-social est également en souffrance : on constate un manque de reconnaissance et de valorisation de ces personnels, ainsi qu’une pénurie d’établissements. Nous dénonçons en outre avec force le prélèvement de 230 millions d’euros effectué sur les fonds de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Que dire de la branche famille, qui est certes à l’équilibre, mais, là aussi, à un lourd prix pour nos concitoyens ? Comment ne pas dénoncer, une nouvelle fois, la modulation des allocations familiales, qui remet en cause le principe d’universalité ?
La réforme du congé parental est à nos yeux un échec, comme nous l’avions prédit, puisque sa conception même n’incite évidemment pas les pères ou les familles à y avoir recours. Quant à la généralisation du dispositif GIPA, la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, à l’œuvre depuis le 1er avril dernier, si 23 000 demandes ont été adressées à la Caisse nationale d’allocations familiales, preuve du besoin de cette mesure, nous ne pouvons que nous interroger sur son plafond, fixé à environ 100 euros, quand on sait que le montant mensuel médian des pensions de famille s’élève à 150 euros.
Quant à la branche vieillesse, elle aussi est le symbole de votre politique : réduire coûte que coûte les déficits, quitte à remettre profondément en cause, dans la continuité des réformes engagées par la droite, l’acquis social que constitue l’âge légal de départ à la retraite.
À l’évidence, pour le Sénat, ce n’est jamais assez, puisque notre rapporteur, M. Gérard Roche, propose de « prévoir des mesures efficaces et rapides visant à retarder l’entrée dans la retraite pour diminuer les dépenses et non à équilibrer le système de retraites en augmentant les recettes. »
Notre groupe a mené de nombreuses auditions et reçu des interpellations de bien des organisations : la FNATH–Association des accidentés de la vie, l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, ou UNIOPSS, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, ou ANDEVA, la Coordination des associations des victimes de l’amiante et de maladies professionnelles, ou CAVAM, les syndicats de santé, les chirurgiens-dentistes, l’Association des paralysés de France, ou APF, ou encore les associations de retraités. Or je suis au regret de vous dire, madame la ministre, que personne ne partage votre satisfaction. Chacune de ces organisations, dans son propre domaine, est très inquiète.
Je veux ajouter que le retour à l’équilibre des comptes serait une bonne nouvelle s’il ne s’accompagnait pas de la poursuite, voire de l’amplification, de la suppression de postes au sein des organismes sociaux, URSSAF, CPAM et CAF. Ces choix ont des conséquences sur le public. Chacun d’entre nous se souvient ainsi du scandale des retraites impayées pendant des mois faute de personnel suffisant au sein de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Nord-Picardie ! Permettez-moi d’assurer les personnels de tous ces organismes du soutien de notre groupe.
Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots des articles 18, 51 et 52, consacrés aux médicaments et aux produits de santé.
Comme on le sait, les chiffres d’affaires réalisés par les industriels et autres laboratoires pharmaceutiques sont vertigineux. Des mesures intéressantes figurent bien dans ce PLFSS : nous les soutenons, nous les accompagnons. Pour autant, madame la ministre, à l’occasion de ce dernier PLFSS du quinquennat, pourquoi ne pas avoir eu le courage de créer un pôle public du médicament ? Ce pôle public, ainsi que les licences d’office, permettrait de répondre aux besoins de la population en sortant les médicaments du « tout marchand ».
Je viens de dénoncer la gravité des choix que vous avez faits pour ce PLFSS. En outre, je crains qu’ils ne soient encore aggravés par la majorité sénatoriale. D’ailleurs, est-ce un hasard si, en commission, la droite est apparue moins critique qu’elle ne peut l’être sur certains autres textes ? N’est-ce pas la preuve qu’elle trouve une certaine satisfaction dans ce texte de rigueur budgétaire, tout en relevant les jeux d’écritures et les transferts budgétaires visant à camoufler tel ou tel solde négatif ?
On a d’ailleurs assisté à une espèce de jeu de ping-pong entre Mme la ministre et M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales quant à la paternité de telle ou telle réforme. Nous savons bien néanmoins que l’hôpital public, ou encore l’accès aux soins des plus démunis, ne fait guère partie des priorités défendues par la majorité sénatoriale. Pour notre part, nous rejetterons tous les amendements qui tendraient à aggraver encore ce texte.
En revanche, comme chaque année, nous apporterons aussi notre pierre, en proposant des recettes nouvelles. Celles-ci sont à nos yeux la garantie d’une meilleure prise en charge des frais de santé, à l’instar du « 100 % » défendu par Ambroise Croizat. Elles sont aussi la preuve qu’il est possible d’améliorer les comptes publics par de nouvelles recettes, qui ne plombent pas davantage la santé des Français. Je manque de temps pour les détailler à cette tribune. Sachez en tout cas que nous nous battrons pour leur adoption !
En résumé, vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe s’opposera à ce PLFSS 2017.
Pour conclure, je laisserai la parole à Gilles Perret, réalisateur du film La Sociale, que je vous encourage très vivement à aller voir. Ce documentaire est au cœur de nos débats, puisqu’il retrace l’histoire de notre système de protection sociale.
Je cite donc ses propos, que je fais miens : « Le film démontre que la Sécu est moins chère, plus égalitaire et plus efficiente que les assurances privées. Il faut d’ailleurs marteler ce discours, tant il est difficile de le rendre audible face à une idéologie libérale omniprésente, qui veut imposer l’idée que la concurrence et le privé sont forcément les bonnes solutions.
« Alors, si l’archaïsme, c’est créer une société plus juste en redonnant à tous l’accès à la santé ou à des retraites décentes, si c’est donner des allocations aux familles pour élever leurs enfants, je me range bien volontiers dans le camp des archaïques ! »
Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Jean Desessard et Hervé Poher applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget, la santé, l’assurance vieillesse, voilà bien des sujets d’une extrême importance, qu’il conviendrait d’aborder avec le plus grand sérieux et, surtout, la meilleure projection à long terme, si nous voulons que notre système, non seulement perdure, mais puisse également être bénéfique et protecteur pour les générations à venir.
Ces lois de financement sont d’une complexité rare. Elles ont pourtant un impact sur chacun d’entre nous.
Pour autant, après avoir étudié ce texte, notamment grâce au travail poussé de nos rapporteurs, que je remercie, j’ai conclu que celui-ci, quoiqu’il fût ambitieux et novateur sur de nombreux points, manquait de rigueur budgétaire.
Je m’en explique : le Gouvernement n’a cessé de se féliciter du retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Toutefois, en y regardant de près, j’ai tendance à penser que le compte n’y est pas, ou du moins pas encore.
Tout d’abord, ce budget est construit sur une hypothèse de croissance du produit intérieur brut de 1, 5 %, et ce malgré les mauvais résultats du deuxième trimestre 2016. Le maintien de cette prévision paraît optimiste, de l’aveu même du Haut Conseil des finances publiques, et ce à cause, notamment, des multiples inquiétudes pesant sur l’année 2017.
Toujours selon l’avis du Haut Conseil des finances publiques, la baisse des dépenses paraît « improbable ». En effet, les risques pesant sur celles-ci en 2017 sont plus importants que pour les années précédentes ; on peut ainsi noter de fortes incertitudes quant à la réalisation des économies de grande ampleur prévues dans l’ONDAM.
Je rappellerai à ce propos que les prévisions font actuellement état d’une progression de 2, 6 % de la masse salariale, alors que, à moyen terme, comme le rappelait M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour que ce budget soit viable, il faudrait une augmentation de 4 %. Certes, tous les gouvernements ont abusé des transferts de branche à branche et d’astuces comptables.
Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir sur l’une des deux dépenses que je qualifierai de « hors cadre » par rapport à l’ONDAM. En effet, ce PLFSS instaure un Fonds de financement de l’innovation pharmaceutique. Ce fonds vise à faire face aux dépenses liées aux médicaments innovants, dépenses qui plombaient jusqu’à présent l’ONDAM.
Comme nous l’a montré le cas du Sovaldi et, surtout, l’enquête du Sénat américain, les prix fixés pour ces médicaments qui, je me permets de le rappeler, se révèlent miraculeux pour certaines pathologies, sont non seulement difficiles à évaluer, mais aussi souvent estimés en fonction du pouvoir de financement du payeur, à savoir, dans notre cas, de la Sécurité sociale.
Dès lors, retirer du tableau prévisionnel de l’ONDAM ce qui constituera dans les prochaines années l’essentiel des médicaments innovants me paraît relever de la simple écriture comptable.
Un autre artifice comptable est utilisé pour masquer notre dette sociale, notamment par le biais du Fonds de solidarité vieillesse. L’article 24 de ce texte montre, pour ce fonds, un déficit dix fois plus important que le reste des déficits de toutes les branches confondues : 3, 8 milliards d’euros !
Ce budget, conçu sur une prévision de croissance optimiste et comportant, au moins, ces deux artifices comptables, manque aussi cruellement de vision à long terme. À ce propos, mes chers collègues, je ne comprends pas qu’un minimum de pluriannualité ne soit pas intégré dans notre processus budgétaire.
Pis encore, non seulement ce texte relance une débudgétisation, mais il manque encore de poser les bases des réformes structurelles nécessaires au maintien du bon fonctionnement de notre système de protection sociale.
Le peu de temps qu’il m’est donné pour discuter de ce texte capital m’oblige à me concentrer sur seulement deux sujets qui me paraissent, si vous me pardonnez l’expression, symptomatiques.
Tout d’abord, je reviendrai sur le problème du prix du médicament, qui est central dans la philosophie de notre système de santé.
Les progrès de la médecine sont, aujourd’hui plus que jamais, des progrès technologiques de pointe. On traite un cancer, non plus selon l’organe qu’il touche, mais selon les caractères génomiques qu’il présente. À bien des égards, le cancer tend à devenir une maladie chronique. Le progrès médical ne saurait cependant selon moi s’écarter de la justice sociale : notre système est là pour garantir un égal accès aux soins ; or l’accès aux soins reste imparfait.
Le fonds d’innovation prévu dans ce PLFSS n’est, à mon grand regret, qu’une solution de court terme. En outre, il ne devra son existence qu’au transfert de réserves de la section III du FSV, à hauteur de près de 900 millions d’euros, dont 220 millions d’euros pour la seule année 2017.
De fait, je m’oppose au financement de traitements coûteux par ce fonds d’innovation. Celui-ci risque de perturber plus que de raison le fragile équilibre financier de notre Sécurité sociale. Je m’y oppose, non pas par simple objectif d’économie, mais parce que le meilleur soin, pour qu’il soit accessible à tous, doit être pensé, y compris économiquement, sur le long terme.
Cette débudgétisation du financement du médicament n’est pas le seul problème : de manière générale, la fixation du prix des molécules mériterait une plus grande transparence de la part des laboratoires, ainsi qu’une meilleure coordination entre les entités qui en ont la charge.
Le second sujet qu’il me paraît impossible de ne pas aborder est celui de la couverture maternité des médecins. Voilà une semaine, sous le nom d’« appel du 7 novembre », une initiative, inédite en France, nous alertait une fois de plus sur les inégalités salariales entre hommes et femmes. Cette différence de rémunération est souvent liée, tout au long de la carrière, à la maternité.
Je me permettrai donc de mettre en perspective cette initiative avec la question de l’amélioration des droits sociaux des médecins et, notamment, des femmes médecins lors de la maternité.
Il y a de cela un mois, madame la ministre, vous annonciez des mesures visant à valoriser l’exercice médical à l’hôpital public, parmi lesquelles l’amélioration des droits sociaux, comme le maintien à 100 % de la rémunération pendant les congés maternité.
L’article 43 de ce PLFSS a soulevé de nombreuses protestations. En effet, dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, il prévoyait le bénéfice d’une prestation maternité-paternité – la parité va dans les deux sens –, mais seulement pour les médecins liés par un contrat d’accès aux soins ou s’inscrivant dans le cadre de l’option de pratique tarifaire maîtrisée.
En séance publique, madame la ministre, vous rappeliez que cette prestation n’avait « pas été conçue comme un nouveau droit social, mais comme un élément d’attractivité vers certaines conditions d’exercice ».
Comment expliquer ce grand écart ? La mise en place de cette mesure d’amélioration des droits sociaux comprendra-t-elle le maintien de la rémunération, pendant le congé maternité, des jeunes contractuelles déjà en poste à l’hôpital ?
Surtout, comment expliquer que, pour les médecins libéraux, vous voyiez la maternité et les dispositifs de protection qui lui sont liés comme l’outil d’une régulation de la profession et de la démographie médicale, et non comme un droit social ?
Mes chers collègues, je serai comme vous vigilant aux dispositions spécifiques de ce projet de loi, de l’assiette d’imposition pour les personnes louant des meublés via des plateformes collaboratives à la retraite des travailleurs handicapés, à la facilité de vaccination, ou encore au financement des soins de suite et de réadaptation, les SSR.
Enfin, pour que le système de santé se porte bien, il nous faut être attentifs à ce que les personnels de santé, eux aussi, se portent bien ! Nous le savons, la souffrance de ces personnels ne fait que s’accroître depuis de longs mois. Au-delà du sort des amendements que nous avons déposés, mon vote, et celui des autres membres du groupe du RDSE, dépendra de l’atteinte d’un juste équilibre entre le coût et le prix de la santé.
Applaudissements sur les travées du RDSE. – Mme Brigitte Micouleau applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’interviendrai, au nom du groupe écologiste, à propos de la branche maladie et de la branche AT-MP. Mon collègue Jean Desessard traitera des autres branches dans la suite du débat.
Je voudrais tout d’abord dire quelques mots sur les équilibres budgétaires. Nous saluons la réduction du déficit de la branche maladie, qui témoigne du souci de ménager les difficultés des comptes publics et des générations futures. C’est tout à fait positif. Nous formulerons néanmoins deux remarques.
En premier lieu, la branche AT-MP est en excédent depuis maintenant trois ans. Concernant cet excédent, nous sommes totalement opposés à ceux qui, à droite, proposent en conséquence de réduire les cotisations.
En revanche, nous regrettons que cet excédent ne soit pas utilisé pour améliorer la santé au travail et la prévention, alors que les troubles musculo-squelettiques et les burn out explosent et que, selon les statistiques de l’assurance maladie pour 2014, le nombre de maladies reconnues comme professionnelles a augmenté de 3, 4 % par an depuis dix ans, sans compter le phénomène de sous-déclaration de ces pathologies.
La branche AT-MP ne peut pas être un livret d’épargne que l’on ponctionne pour compenser les déficits des autres branches ! Des problèmes existent : nous les dénonçons depuis des années. On peut ainsi citer le cas de certains travailleurs malades de l’amiante qui ne parviennent pas à être suivis ou indemnisés, ou encore la situation des personnes exposées à des pesticides ou à d’autres produits chimiques.
En second lieu, concernant la branche maladie, les économies ne peuvent évidemment pas être faites au détriment des conditions de travail des personnels. Il nous semble important de poursuivre et de renforcer le dialogue avec les personnels hospitaliers en souffrance. Je pense sincèrement que leur point de vue, issu de leur expérience, ainsi que de leur engagement professionnel, peut nous aider à trouver des solutions.
Madame la ministre, nous saluons les avancées que vous avez obtenues, au cours de ce quinquennat, dans le domaine de l’accès aux soins : le tiers payant, notamment, ou encore la protection maladie universelle. Nous saluons également votre détermination à lutter contre les immenses dégâts sanitaires provoqués par les addictions au tabac et à l’alcool, responsables respectivement de près de 80 000 et 50 000 morts par an.
Dans ces deux domaines, vous intervenez souvent dans un milieu hostile, parfois haineux, voire sexiste. Vous avez tout notre soutien. Il serait irresponsable de continuer comme avant. Nous approuvons donc les mesures de lutte contre le tabagisme prévues dans ce PLFSS.
Il nous semble très important qu’une proposition forte soit ajoutée, afin d’inciter et d’aider les buralistes à diversifier leurs activités en distribuant des produits autres que ceux du tabac. Des compensations financières ont été prévues ces derniers jours dans le cadre de la renégociation de leur contrat d’avenir, mais il faudrait aussi améliorer, selon nous, l’accompagnement à la diversification économique des activités des bureaux de tabac, lesquels sont souvent les derniers commerces dans des campagnes désertées et dans de nombreux quartiers. Nous avons déposé un amendement en ce sens.
Cela dit, mon rôle de parlementaire est aussi de lancer des alertes et de prendre date. Il serait inconvenant de ma part de ne pas le faire. Au nom du groupe écologiste, j’insisterai donc cette année encore sur quelques points.
Des économies de fond, durables, sont possibles, mais elles font invariablement défaut dans les textes budgétaires qui se succèdent. L’augmentation constante des dépenses de la branche maladie est largement due à l’explosion des maladies chroniques dans notre pays, explosion liée, pas uniquement, mais bien souvent, à nos modes de vie et à notre environnement, et pour lesquelles la prévention est l’élément clef.
En France, on estime que plus de 80 % des dépenses remboursées par l’assurance maladie sont attribuables à des maladies non contagieuses, comme le diabète, les cancers, les maladies respiratoires chroniques et cardiovasculaires, le stress, dont l’apparition et l’aggravation sont souvent directement ou indirectement liées à des éléments sur lesquels nous avons la possibilité d’agir.
Le groupe écologiste proposera comme à son habitude plusieurs amendements visant à réduire l’impact de certains facteurs environnementaux et de certains produits nuisibles pour la santé. C’est non pas une manie, une attitude obsessionnelle ou du radotage, mais l’expression d’une conviction forte. C’est surtout le constat objectif qu’il est possible de réaliser des milliards d’euros d’économies dans la durée.
Il existe une autre piste pour limiter les déficits à l’avenir. Même si des efforts et des progrès ont été accomplis dans ce domaine, la lutte contre le non-recours aux droits doit se poursuivre énergiquement. De nombreuses personnes modestes sont encore perdues, isolées, dans les méandres de l’administration, et n’ont souvent accès aux droits, notamment aux soins, que lorsque leur maladie s’est considérablement aggravée. Cela coûte très cher aux finances publiques !
Certains efforts ont été annoncés récemment par le Premier ministre, et nous nous en réjouissons, mais nous insistons : entre 21 % et 34 % des personnes éligibles à la CMU-C n’avaient pas ouvert leurs droits en 2013 selon le Fonds CMU, soit entre un et deux millions de personnes selon les estimations. Des économies considérables pourraient être réalisées à moyen et à long terme si l’on renforçait l’accès aux droits de ces personnes.
Par ailleurs, c’est un constat, les droits prévus dans la loi doivent être mis en application. On ne peut pas miser dans le budget de la Nation sur une part de non-recours pour faire des économies. Dans une démocratie, les droits doivent être respectés, sous peine de voir se brouiller les repères républicains, sous peine de voir grandir la méfiance et, de façon incontrôlable, un certain nombre de mouvements extrêmes, populistes, antirépublicains. Nous déposerons des amendements dans ce sens.
Le groupe écologiste sera très attentif aux débats dans l’hémicycle et arrêtera sa position sur ce texte à l’issue de son examen.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans quelques années, les observateurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 verront sans doute dans ce texte un moment fort de l’histoire de notre protection sociale, car il acte le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, en toute raison, avec un souci de vérité qui crédibilise la parole politique.
Oui, mes chers collègues, la discussion qui s’engage est un moment heureux de la vie de notre sécurité sociale, née, ne l’oublions pas, d’un programme appelé Les Jours heureux, élaboré dans la clandestinité en mars 1944. Cette histoire nous oblige à nous tenir éloignés des accusations caricaturales de tuyauterie ou d’insincérité.
Le retour à l’équilibre n’est pas le seul résultat arithmétique d’additions et de soustractions dans une masse financière de près de 500 milliards d’euros. C’est l’assurance de la pérennité dans l’économie mondialisée d’un système que nos aïeuls avaient fondé sur le pilier de la solidarité. C’est un message de confiance adressé aux Français et aux Françaises, aux plus jeunes en particulier, qui ont pu douter de leurs futures retraites et de la solidité de notre système de soins. C’est la fin de la plus insupportable des injustices consistant à demander à nos enfants et à nos petits-enfants de payer pour le remboursement de nos feuilles de maladie, en plus des leurs.
Les chiffres, mes chers collègues, ne sont pas moins crédibles lorsqu’ils sont favorables et porteurs d’espoir que lorsqu’ils traduisent tendances négatives et craintes. Alors que le déficit du régime général était de 23, 9 milliards d’euros en 2010, il devrait être de 3, 4 milliards d’euros en 2016 et de 400 millions d’euros en 2017. La branche famille sera de retour à l’équilibre. Quant aux branches vieillesse et AT-MP, elles seront excédentaires. Enfin, la branche maladie connaîtra un déficit de 2, 6 milliards d’euros, soit une réduction de 1, 5 milliard d’euros par rapport à 2016.
Cette lecture des résultats du seul régime général ne porte aucune insulte à la vérité, car là est bien le cœur de notre protection sociale. Le Fonds de solidarité vieillesse n’a-t-il pas été créé en 1993 pour distinguer entre une prestation vieillesse reposant sur le paiement de cotisations et d’autres avantages de retraite relevant de la solidarité nationale ? Son déficit atteindrait 3, 8 milliards d’euros en 2017 et se situerait au même niveau qu’en 2016, contre 4, 1 milliards d’euros en 2012. Le retour à l’équilibre sur la période 2017-2020 est engagé, avec le transfert de la charge du minimum contributif à la branche vieillesse.
Deux éléments confortent ce redressement des comptes. La réduction de l’endettement de la sécurité sociale, engagée dès 2015 pour 2, 7 milliards d’euros, se poursuivra pour plus de 7 milliards d’euros en 2016 et à hauteur de 10 milliards d’euros en 2017. Depuis 2015, les déficits annuels sont devenus inférieurs au montant de capital remboursé chaque année par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Cette dette doit s’éteindre à l’échéance de 2024. L’encours sera de 135, 8 milliards d’euros au 31 décembre 2016 et le déficit de trésorerie de l’ACOSS sera ramené à 16, 3 milliards d’euros.
L’absence pendant la période 2012-2015 de tout déremboursement économique, de nouvelle franchise, de nouveau forfait montre que la modernisation engagée de notre système de santé n’induit pas de recul social.
La protection des Français a progressé depuis 2012, le reste à charge des dépenses de santé ayant diminué pour s’établir à 8, 4 % en 2015, contre 9, 3 % en 2011. La prise en charge par l’assurance maladie obligatoire est passée de 77, 1 % en 2011 à 78, 2 % en 2015. Nous sommes, madame la ministre, résolument à vos côtés quand vous affirmez le rôle irremplaçable de la sécurité sociale, fondée sur la seule solidarité, et quand vous défendez l’objectif d’un rôle de nouveau dominant de l’assurance maladie dans la prise en charge des soins dentaires.
J’en viens aux mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le PLFSS fixe des objectifs d’efficacité, de justice et d’équité quand sont plafonnées les rémunérations éligibles à l’exonération de cotisations sociales accordée aux chômeurs créateurs et repreneurs d’entreprises ; quand le bénéfice de ce dispositif est étendu aux reprises dans un quartier prioritaire de la ville ; quand est affirmée la responsabilité conjointe des réseaux du régime social des indépendants, le RSI, et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, dans le recouvrement des cotisations dues par les travailleurs indépendants ; quand, dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, sont réduits les taux des cotisations des travailleurs indépendants à faibles revenus ; quand est mieux assurée la continuité des droits des frais de santé en cas de changement de situation professionnelle ; quand est prorogée pour une année la participation des organismes complémentaires au financement des nouveaux modes de rémunération des médecins ; quand, enfin, le droit de communication est étendu aux agents des organismes de protection sociale.
Le PLFSS a pour objectif l’adaptation de notre système social à la nouvelle économie, comme en témoigne l’exemple des particuliers loueurs de meublés de tourisme via des plateformes collaboratives. Rien ne justifie que les revenus élevés tirés d’une activité professionnelle échappent au financement de la protection sociale et entraînent une concurrence mortelle pour les entreprises de services classiques ! Deux seuils d’adhésion au RSI ont été fixés, à 23 000 euros et 7 720 euros. À titre de comparaison, le SMIC net annuel s’élève à 13 700 euros. Il est indispensable de donner un signe équilibré.
Le PLFSS fixe des objectifs de justice et de solidarité quand sont revalorisés les deux seuils de revenu fiscal de référence, permettant à 290 000 ménages retraités, pour un revenu net mensuel inférieur à 1 018 euros, de ne plus payer de CSG, et à 260 000 ménages, pour un revenu inférieur à 1 331 euros, de bénéficier du taux réduit de 3, 8 % ; quand est réintroduite une possibilité de mutualisation par les branches pour les contrats de prévoyance. J’appuie cette mesure, qui concilie liberté contractuelle de l’entreprise et garantie de l’égalité de traitement des salariés et des employeurs d’une branche pour des risques lourds, hors risques santé.
Le PLFSS fixe également des objectifs en matière de prévention. Une nouvelle contribution assise sur le chiffre d’affaires des distributeurs de tabac est créée et le poids relatif de la fiscalité du tabac à rouler est aligné sur celui des cigarettes.
Le tabac est la première cause de mortalité évitable en France. Madame la ministre, vous venez de lancer l’opération « Moi(s) sans tabac ». Votre combat mérite un grand respect et notre total soutien. Des amendements seront néanmoins proposés sur l’article 16. Il s’agit non pas de savoir si l’on est pour ou contre le tabac, mais de mettre en œuvre des dispositifs éducatifs plus inventifs face à la faible réceptivité de nos concitoyens aux campagnes de santé publique. La France est ouverte sur des pays à faible fiscalité, de la Belgique à l’Espagne. Baisse de ventes ne signifie pas baisse équivalente de consommation.
Nous avons une exigence, la mise en œuvre de la traçabilité, dans le cadre du protocole de Séoul de 2012, et nous formulons une proposition, l’alignement des sanctions des trafiquants en bande organisée de tabac sur celles des trafiquants de drogue.
Par ailleurs, nous avons une satisfaction, à savoir la prise en compte de la situation des buralistes dans le quatrième contrat d’avenir liant l’État aux débitants de tabac.
Enfin, l’autorisation donnée aux CAARUD, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, de dispenser les médicaments correspondants est également une mesure de prévention.
J’aborderai maintenant les mesures relatives à la branche maladie. L’ONDAM progressera de 2, 1 % en 2017. C’est là un objectif exigeant, qui suppose des économies de plus de 4 milliards d’euros par rapport à une évolution tendancielle non maîtrisée, qui serait de 4, 3 %. Surtout, cet objectif ne doit pas masquer la progression des dépenses. À 190, 7 milliards d’euros, l’ONDAM pour 2017 augmente de 8, 9 milliards d’euros par rapport à 2015. L’ONDAM hospitalier progresse sur la même période de 2, 8 milliards d’euros.
Comme vous, madame la ministre, je suis opposé au dispositif de régulation de l’installation des médecins libéraux introduit en commission à l’Assemblée nationale. Je salue, comme la majorité des internes et des jeunes médecins, le contrat de praticien territorial médical de remplacement, élément de plus dans la lutte contre les déserts médicaux.
L’adoption d’un congé maternité et paternité pour les médecins généralistes, quel que soit le secteur d’exercice, a reçu un avis favorable de notre part en commission.
Face au dangereux déni de la vaccination en France, nous approuvons l’autorisation donnée aux pharmaciens, à titre expérimental, de vacciner contre la grippe et aux médecins généralistes de stocker les vaccins.
Nous approuvons également la mesure prévoyant la consultation d’un psychologue afin de lutter contre la souffrance psychique des jeunes âgés de 6 ans à 21 ans, ainsi que l’extension de la télémédecine et la prise en charge intégrale des frais de santé des victimes d’actes de terrorisme.
L’hôpital, mes chers collègues, est l’une des forces de notre pays. Le concept d’« hôpital-entreprise » l’a déstabilisé profondément, en modifiant les rapports entre les médecins et l’administration. Depuis 2012, la notion de service public hospitalier a été réaffirmée et 10 milliards d’euros supplémentaires ont été consacrés à l’hôpital, soit 1, 3 milliard d’euros de plus en 2017. Au total, 31 000 postes de soignants ont été créés. Ce sont des réalités. L’ONDAM pour 2017 permettra la revalorisation du point d’indice et la mise en place du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ».
Nous savons cependant à quel point les conditions de travail des professionnels de santé à l’hôpital sont difficiles. Je dis mon souci que les infirmières, au-delà de l’enchaînement d’actes techniques, conservent un temps de dialogue avec le patient. Vous engagez, madame la ministre, un travail de fond avec les professionnels, qui sont souvent en première ligne sur le front de la violence sociale, sur les conditions de travail, la sécurité et la formation. L’essentiel est bien de développer l’attractivité de ces carrières. À cet égard, les groupements hospitaliers de territoire doivent s’appuyer sur des projets médicaux visant à l’homogénéité et à la graduation de l’offre de soins.
Certaines mesures actent par ailleurs la fin de la logique du « tout 2A ». Nous ne pouvons que les approuver.
Madame la ministre, vous affirmez votre soutien total à l’innovation. Nous sommes à vos côtés. Nous vivons une époque formidable : de nouveaux médicaments apparaissent et guérissent des maladies graves et allongent la vie de patients atteints d’affections mortelles il y a peu. Les thérapies ciblées, les immunothérapies ouvrent des champs immenses d’espoir.
Permettre à toutes et à tous d’accéder le plus rapidement possible à ces médicaments coûteux est un défi pour notre société. Notre pays a montré sa capacité de réaction lors de l’apparition soudaine du Sovaldi guérissant l’hépatite C. Quatre articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale – les articles 18, 49, 50, 51 et 52 – vont avoir un impact sur les dispositifs en place.
La création du Fonds pour le financement de l’innovation pharmaceutique est une satisfaction. Nous nous interrogeons toutefois sur l’effet de la présence dans la clause de sauvegarde de deux taux distincts pour les médicaments de ville et d’hôpital. La constitution de deux périmètres de solidarité ne sera-t-elle pas pénalisante pour les laboratoires les plus innovants ?
L’article 50 relatif aux médicaments biosimilaires suscite une inquiétude, madame la ministre. Il n’évoque en effet que la substitution, acte du pharmacien, et ne traduit pas en cela exactement la position de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé relative à l’interchangeabilité, laquelle relève du prescripteur. Nous craignons que ne se reproduise avec les biosimilaires la situation que nous avons connue avec les génériques.
Nous avons une ambition, celle de conserver l’efficacité de notre dispositif d’autorisation temporaire d’utilisation, l’ATU, et un souhait, celui de ne pas dégrader la primauté de la négociation conventionnelle entre le Comité économique des produits de santé et les industriels dans la recherche du « juste » prix du médicament.
Madame la ministre, vous pouvez compter sur le soutien et la grande conviction du groupe socialiste et républicain. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est le fruit de cinq années de choix ambitieux et courageux qui vous doivent beaucoup. Au nom du groupe socialiste et républicain, je tiens à vous en remercier et à vous féliciter. Nous défendons avec sérénité et assumons avec fierté un bilan fondé sur les valeurs de progrès et de solidarité, d’efficacité et de justice, lesquelles sont à l’origine depuis 2012 d’une nouvelle donne sociale.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat nous offre la possibilité de dresser un bilan quasi définitif de la politique sociale menée au cours des cinq dernières années. Au-delà des questions se rapportant strictement à ce PLFSS, qui seront traitées par ma collègue Corinne Imbert, je tenterai d’esquisser les grandes lignes qui font la singularité de votre action, madame la ministre.
La stabilité ministérielle dont a bénéficié cette politique publique depuis 2012 est de nature à faciliter l’identification de ses grands traits et son évaluation. Pour autant, ce qui caractérise votre politique, madame la ministre, c’est au contraire l’absence de grandes orientations à même d’adapter notre système de protection sociale aux exigences de notre monde pour le faire entrer dans le XXIe siècle.
Plus grave, le Gouvernement n’a eu de cesse de repousser la discussion des véritables enjeux et a alterné entre réformes anecdotiques et obsessions bureaucratiques. Je prendrai pour exemple la réforme des retraites et la loi santé, chacune illustrant ces deux dimensions.
Pour ce qui est de l’anecdotique, la réforme des retraites de 2014 apparaît comme une non-réponse à la crise structurelle que rencontre le système par répartition.
La loi Fillon de 2010 prévoyait une réflexion sur une réforme systémique. Il s’agissait en effet d’adapter nos retraites aussi bien à l’enjeu démographique, comme le vieillissement de la population, qu’aux nouvelles données du marché du travail et à la diversité des parcours professionnels. Le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, s’est contenté d’augmenter le coût du travail et d’allonger la durée de cotisation sans s’attaquer à la multiplicité des régimes.
Comme l’a fort justement souligné le rapporteur Gérard Roche, le coût du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue va croissant et diminue donc les effets de la réforme de 2010. L’amélioration de la branche vieillesse n’est donc pas de votre fait, loin de là, mais vos mesures diminuent l’impact positif de nos réformes.
Mme Catherine Deroche. La loi de modernisation de notre système de santé de 2015 illustre, quant à elle, l’obsession bureaucratique de ce gouvernement, qui s’attaque à un principe essentiel de notre protection sociale : la liberté, celle des professionnels comme celle des patients.
M. Jean Desessard s’exclame.
Ainsi, la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, qui visent à centraliser la gestion des hôpitaux publics, se fait à la discrétion des agences régionales de santé, les ARS, alors que le Sénat avait proposé que cette mise en place soit commandée par le projet médical.
L’approche hospitalocentrée de cette loi, en opposition avec la promotion de la médecine libérale, traduit des présupposés idéologiques, entraîne la contrainte et se révèle finalement inadaptée au besoin impérieux de développer les soins ambulatoires.
La généralisation du tiers payant obligatoire, qui remet en cause le lien direct entre patients et médecins, élément pourtant essentiel de cette relation bien particulière, est un coup de grâce porté à l’exercice libéral au profit d’un système administré.
Face à ce triste balancement entre frilosité et bureaucratisation, vous affichez un optimisme bien mal à propos. Loin d’être « sauvé », notre système de protection sociale souffre toujours d’un déficit important, notamment du fait des 3, 8 milliards d’euros de déficit du Fonds de solidarité vieillesse, déficit que le Gouvernement a mis à l’écart afin de proclamer la fin du « trou de la Sécu ».
Comme l’a évoqué M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Jean-Marie Vanlerenberghe, il convient de rappeler que la dette sociale demeure à un niveau préoccupant. De l’aveu même du président de la CADES, celle-ci ne pourra pas « mourir » en 2024, comme cela était initialement prévu, si la CRDS n’est pas augmentée d’au moins 50 %.
Il y a donc urgence à se libérer de l’irresponsable illusion donnée par ce gouvernement, selon lequel les problèmes sont derrière nous. À cet égard, notre groupe a engagé une réflexion de fond, afin de proposer les grandes orientations qui définiront la protection sociale de demain. Bien que l’architecture globale de notre projet n’ait pas vocation à faire l’objet d’amendements, du fait notamment des règles des articles 40 et 41 de notre règlement, je souhaiterais en présenter quelques aspects, qui sont, à mon sens, incontournables.
La réalisation d’une protection sociale fondée sur la proximité et l’équilibre public-privé, à rebours de l’étatisation défendue par le gouvernement actuel, est une dimension majeure de notre projet. Ainsi, nous proposerons la création de centres ambulatoires universitaires, qui récupéreraient une partie des prérogatives hospitalières en matière d’enseignement et de soins. Ces centres viseraient précisément à faire basculer notre système vers un modèle ambulatoire, en intégrant cette dimension dans la formation des professionnels de santé.
Parallèlement, nous sommes favorables à une plus grande autonomie de gestion pour les établissements publics hospitaliers, ainsi qu’à un repositionnement des CHU sur leur cœur d’activité, c’est-à-dire l’excellence de la recherche. Les récentes manifestations du personnel hospitalier ont à ce titre révélé l’ambivalence de votre discours : alors que vous faites de l’hôpital la matrice de votre politique de santé, vous le soumettez à des coupes budgétaires sans vision ni réforme de fond.
La nouvelle orientation de notre système de protection sociale doit également passer par une redéfinition de son financement.
À côté des incontournables réformes de structure de la politique de santé, nous défendons des mesures simples telles que le rétablissement du jour de carence, supprimé par le Gouvernement en 2014, comme le demandent les représentants des hôpitaux publics. Le Sénat avait d’ailleurs adopté l’année dernière un amendement dans ce sens. Nous ne réitérerons pas l’expérience cette année, connaissant le sort qui lui sera réservé.
Une réforme systémique est également nécessaire au sein de la branche vieillesse. Nous défendons ainsi la mise en place d’un régime universel unique de retraite prenant acte de l’universalisation des droits sociaux attachés à la personne. Ce régime donnerait lieu non seulement à la fusion de tous les régimes, mais aussi à l’unification des régimes complémentaires avec les régimes de base.
Dans cette perspective, la mise en œuvre d’un calcul universel par points serait la conséquence nécessaire de la prise en compte de la réalité du travail, à savoir la pluralité et la discontinuité des parcours professionnels. Le système de répartition par points permettrait d’offrir une plus grande transparence, tout en assurant la prise en compte de la diversité des situations, notamment celles des personnes exerçant des métiers difficiles, lesquelles pourraient, dans ce cadre, bénéficier d’une bonification de leurs points.
Comme vous pouvez le constater, réformer profondément ne signifie pas remettre en cause la solidarité nationale. C’est au contraire s’inscrire dans la continuité de l’histoire de notre système de protection sociale en proposant des mécanismes de solidarité et de répartition. Porter des réformes structurelles est un devoir pour tout responsable politique attaché à la pérennité de notre protection sociale.
La démarche de notre groupe est donc éminemment constructive, car elle vise non pas à rapiécer quelques régimes ici ou là, mais à bâtir la protection sociale de demain. Il s’agit non plus de « sauver » la sécurité sociale à tout bout de champ, mais bien d’en faire, de nouveau, l’un des ciments de notre communauté nationale.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en préambule, je tiens à remercier le président de la commission des affaires sociales de la qualité des échanges au sein de notre commission et à féliciter le rapporteur général, notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, ainsi que l’ensemble des rapporteurs par branche de leur approche objective et de leur analyse détaillée et argumentée.
L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 revêt un caractère particulier, puisqu’il s’agit du dernier de ce quinquennat. Un bilan s’impose, afin de poser un regard clairvoyant sur l’état des finances de la sécurité sociale, car nous sommes tous soucieux de l’avenir de notre système de protection sociale.
Au nom du groupe UDI-UC, mon intervention portera sur les équilibres généraux du texte et sur les branches famille, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles.
Le déficit des régimes de sécurité sociale devrait s’élever à 6, 9 milliards d’euros pour l’année 2016, contre 10, 2 milliards d’euros en 2015. Ce résultat est inférieur de 2, 4 milliards d’euros à la prévision de la loi de financement pour 2016. Cette amélioration est principalement imputable à la branche maladie et, dans une moindre mesure, à la branche vieillesse, alors que la branche famille et le FSV enregistrent des comptes plus dégradés que prévus.
Il ne fait pas de doute que le déficit de la sécurité sociale se réduit, et cela après plusieurs années d’efforts significatifs, mais je n’irai pas jusqu’à affirmer que les comptes de la sécurité sociale sont à l’équilibre, comme le fait le Gouvernement depuis deux mois ! La réalité est bien plus nuancée : le régime général présente bien encore un déficit, de 4, 2 milliards d’euros.
Madame la ministre, vous prévoyez une réduction du déficit de 3 milliards d’euros pour 2017, soit une prévision de déficit de 400 millions d’euros pour le régime général, mais cette présentation occulte, volontairement je pense, un déficit élevé, celui du Fonds de solidarité vieillesse, qui, en 2017, atteindra 3, 8 milliards d’euros.
Selon les dernières estimations, le retour à l’équilibre, initialement prévu pour 2017, devrait être repoussé à l’horizon 2020, voire 2021. Dès lors, au regard des efforts consentis et face à la faiblesse des résultats, quel message transmettre à nos concitoyens, madame la ministre ?
L’avenir de notre protection sociale inquiète toujours autant nos concitoyens. La dernière enquête parue montre bien leur manque d’optimisme : quelque 84 % des personnes interrogées ne croient pas au retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, alors qu’elles sont 96 % à estimer que le retour des finances sociales à l’équilibre est un objectif prioritaire.
La situation des finances de l’assurance maladie laisse présager un avenir incertain aux comptes de la sécurité sociale. Pourtant, nous nous devons, mes chers collègues, de garantir la pérennité de notre système de santé. Ce devra être l’une des priorités du prochain gouvernement. Et cela passe, madame la ministre, par la transparence des chiffres, d’une part, et par une meilleure maîtrise des dépenses, d’autre part.
L’équilibre des comptes sociaux ne pourra être atteint que grâce à des efforts plus importants et par une plus grande maîtrise des dépenses, notamment au niveau de l’assurance maladie.
Au regard des défis que nous devons relever, il est clair que ce PLFSS manque d’ambition. Je prendrai l’exemple d’un problème qui touche l’ensemble de notre territoire, celui de l’accès aux soins, nos fameux déserts médicaux.
La présence médicale n’est plus assurée dans de nombreux départements. C’est une rupture inacceptable de l’égalité d’accès aux soins de tous nos concitoyens. Ne pas répondre à cette désertification médicale, c’est prendre le risque de voir celle-ci s’étendre à d’autres professions de santé, ce qui est déjà le cas dans certains départements.
Nous comprenons parfaitement l’attachement des professionnels de santé à la libre installation, mais nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas proposer un égal accès aux soins. C’est notre rôle en tant que législateurs.
Tout comme l’érosion de la protection sociale, qui, elle aussi, compromet l’égal l’accès aux soins, certains restes à charge sont de plus en plus importants. Que prévoit ce PLFSS pour 2017 ? Voyons plus en détail l’évolution du régime général par branche.
La branche famille semble à l’équilibre pour 2017.
La branche vieillesse déclare un excédent de 1, 6 milliard d’euros, alors que le déficit du FSV, de 3, 8 milliards en 2017, reste aussi élevé qu’en 2016.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles demeurerait excédentaire au même niveau qu’en 2016.
La branche maladie, qui fait figure d’« homme malade » selon la Cour des comptes, représente près de la moitié du budget du régime général et reste en déficit avec moins 2, 6 milliards d’euros, même si celui-ci se réduit de 1, 5 milliard d’euros par rapport à 2016.
Je tiens à souligner la réduction des déficits et le retour à l’équilibre de la branche famille, mais je regrette, comme la plupart de mes collègues, que les efforts aient été principalement supportés par les familles. Celles-ci n’ont pas été épargnées, avec les baisses successives du plafond du quotient familial, de la prestation d’accueil du jeune enfant, la division par deux de la prime de naissance et son versement deux mois après la naissance de l’enfant, ou bien encore l’imposition de la majoration des retraites versées aux parents ayant élevé au moins trois enfants.
En matière de garde d’enfants, entre 2013-2015, quelque 17 960 places de crèche ont été créées, soit moins de 20 % de ce que vous aviez annoncé, madame la ministre. Tout comme l’année dernière, ma crainte est que le manque de réformes structurelles ne permette pas un équilibre durable.
Je souligne néanmoins le renforcement des missions données aux caisses d’allocations familiales, avec la création de l’Agence nationale de fixation et de recouvrement des pensions alimentaires, qui s’inscrit dans le prolongement de la généralisation de la garantie contre les impayés de pension alimentaire, la GIPA.
À titre personnel, je regrette que nous n’ayons pas de retour chiffré nous permettant de constater que la GIPA a véritablement amélioré le taux de recouvrement des pensions dans les vingt départements tests.
L’article 28 visant à favoriser la rémunération des salariés du particulier employeur prévoit des mesures qui vont dans le bon sens. Notamment en matière de garde d’enfants, les parents pourront bénéficier du complément du libre choix du mode de garde « emploi direct », qui est un dispositif alliant exonération de cotisations et prise en charge partielle de la rémunération du salarié.
Je tiens également à rappeler ici, en tant que représentant des collectivités, que certains départements sont en grande difficulté concernant le paiement du RSA. L’Association des départements de France a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme, afin de mettre en évidence l’effort de solidarité nationale, qui se traduit par un important déséquilibre au niveau local : le RSA pèse environ 254 euros par habitant dans l’Aude, contre seulement 54 euros en Haute-Savoie. C’est une réalité qu’il faut évoquer.
Sur les 4, 1 milliards d’euros de déficit de la sécurité sociale, la branche vieillesse pèse pour 2, 2 milliards d’euros, qui résultent d’un excédent de 1, 6 milliard d’euros pour les régimes de base, mais aussi pour un déficit persistant du FSV de 3, 8 milliards d’euros.
Le seul levier déployé par le Gouvernement entre 2012 et 2014 aura été l’augmentation des cotisations d’assurance vieillesse. Cette décision pèse aujourd’hui durablement sur les salaires, donc sur l’emploi.
La dette de l’assurance chômage s’établit à un niveau des plus préoccupants, avec un montant de près de 30 milliards d’euros et une prévision de 41 milliards d’euros pour 2019.
La branche AT-MP, quant à elle, prévoit un excédent de 696 millions d’euros pour l’année prochaine. Nous savons tous que le financement de cette branche repose quasi intégralement sur les employeurs. Je terminerai mon propos sur cette branche en rejoignant le propos du rapporteur Gérard Dériot : ce PLFSS ne comporte aucune mesure nouvelle de couverture du risque professionnel. C’est à mon sens une erreur.
Sur la branche assurance maladie, je serai bref, laissant la parole sur ce sujet à mon éminente collègue Élisabeth Doineau. Je souligne simplement que l’ONDAM pour 2017 est construit de façon à minorer, au détriment de sa fonction de pilotage et de suivi, l’évolution réelle des dépenses d’assurance maladie.
Madame la ministre, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse sur un point qui me paraît vital : où en sommes-nous s'agissant du fonds d’indemnisation des victimes de la Dépakine ? Vous aviez annoncé qu’il serait intégré dans ce texte par amendement gouvernemental, mais, à ce jour, nous n’avons rien vu venir.
Mes chers collègues, la Cour des comptes a appelé à une réforme en profondeur de l’assurance maladie, et je partage ce point de vue. En effet, environ 40 % du déficit résultent de causes structurelles, indépendantes de la conjoncture.
Des réformes s’imposent pour préparer l’avenir et sauver notre régime social. Nous ne pouvons pas continuer de penser que les générations futures paieront pour nos dépenses.
L’équilibre des comptes sociaux ne pourra être atteint que grâce à des efforts plus importants et par une plus grande maîtrise des dépenses au sein de l’assurance maladie.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur Gérard Dériot, mes chers collègues, nous entamons ce jour l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat, projet de loi qui est, à l’image de l’action gouvernementale dans son ensemble, peu performant et peu rigoureux.
En septembre dernier, vous déclariez tambour battant, madame la ministre, à un grand quotidien national : « En 2017, le trou de la Sécu aura disparu ». Reconnaissez que vous avez enjolivé les comptes !
Vous avez également annoncé un régime général « quasiment à l’équilibre » en 2017. N’en jetez plus, l’autosatisfecit connaît certaines limites que l’arithmétique sait, fort heureusement, contrecarrer. En effet, si les projections concernant le déficit du régime de la sécurité sociale et la branche maladie s’avèrent exactes, il y a un oubli colossal : le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, une bagatelle de 3, 8 milliards d’euros !
En réalité, le déficit global de la sécurité sociale devrait atteindre 4, 2 milliards d’euros en 2017, soit un résultat, certes, en amélioration, mais très loin de l’équilibre escompté. Par ailleurs, si la situation du déficit des comptes sociaux s’améliore, la dette sociale cumulée – plus communément dénommée « trou de la Sécu » – s’élève à quelque 156, 4 milliards d’euros en 2015, ce qui représente plus de 7 % du PIB français. Avouez que cela est remarquable !
Entrons dans le détail. Comment expliquez-vous que, une nouvelle fois, vous ayez déposé près de cinquante amendements sur votre propre texte ? Depuis votre prise de fonction, vous avez sciemment privilégié la hausse des recettes et vous n’avez donc pas fait des économies une priorité, alors que c’est indiscutablement indispensable pour influer sur le niveau de dépenses.
L’amélioration des comptes dont vous vous targuez n’est autre que la résultante d’un matraquage fiscal inédit, pour ne pas dire historique, ciblant l’ensemble des ménages et les entreprises. De surcroît, l’optimisme béat du Gouvernement rejaillit en matière de prévision de recettes, puisque votre base de croissance est de 1, 5 % là où le FMI annonce un maximum de 1, 2 %. Par conséquent, la réalisation de vos objectifs semble plus que jamais compromise.
Enfin, rappelons que 40 % du déficit résultent non pas de la conjoncture, mais de causes structurelles. Or, comme l’a très justement souligné dans son intervention ma collègue Catherine Deroche, le Gouvernement a brillé par l’absence de réformes visant à adapter et à consolider le régime de protection sociale, qu’il reviendra à vos successeurs d’assumer.
Côté dépenses, là non plus la situation n’est pas étincelante. Pourtant, le résultat de la branche vieillesse est annoncé comme excédentaire pour 2017 : merci, soit dit en passant, à la réforme structurelle de 2010, que vous avez pourtant combattu ardemment, mais qui, en repoussant l’âge légal de la retraite à 62 ans, a incontestablement permis d’obtenir les résultats que nous connaissons aujourd’hui et qu’il nous faudra néanmoins, consolider demain.
Aussi, madame la ministre, pas de triomphalisme ni de conclusion hâtive ! La Cour des comptes a récemment alerté sur le risque de rechute des comptes de la branche vieillesse d’ici à une dizaine d’années, compte tenu du contexte économique et social particulièrement dramatique. Il s’agit d’une situation qui, superposée avec les mesures de départs anticipés et de création du compte pénibilité prises par le Gouvernement, n’en sera que plus fragilisée. Par ailleurs, vu le niveau du déficit du Fonds de solidarité vieillesse pour 2017, la branche vieillesse est plus que jamais dépendante et soumise à la conjoncture, ce qui rend les prévisions plus qu’incertaines.
La branche famille est également annoncée à l’équilibre pour 2017. Cependant, ce résultat est obtenu au détriment des familles, plus précisément celles qui ont des enfants en bas âge, alors que le taux de natalité diminue sérieusement : les baisses successives du plafond du quotient familial, la fiscalisation des majorations de retraites et le conditionnement des ressources des allocations familiales ont été des marqueurs de la politique du Gouvernement contre les familles françaises.
Enfin, que dire de la branche maladie, si ce n’est que le Gouvernement a rehaussé l’ONDAM, fixé pour 2016 à 1, 75 %, à 2, 1 % pour 2017, soit une augmentation de 650 millions d’euros, alors même que la Cour des comptes appelait à consolider les efforts ?
Le dernier avis du Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie n’a pas manqué de nous interpeller : il dénonce une minoration volontaire de l’ONDAM, via des dispositions permettant de financer en dehors du dispositif certaines dépenses d’assurance maladie.
De son côté, la Cour des comptes fait le constat alarmant d’une « érosion rampante […] qui compromet l’égal accès aux soins ». Tout un programme… Oui, ça va vraiment beaucoup mieux !
En effet, de nouvelles dépenses sont programmées pour 2017 et sont évaluées à 1, 1 milliard d’euros : 400 millions d’euros au titre de la hausse des consultations médicales et 700 millions d’euros de revalorisation du point d’indice des fonctionnaires hospitaliers. Là, on assiste à l’organisation d’un véritable système « deux poids deux mesures », puisque les seules économies annoncées portent encore sur le médicament, ainsi que sur la pertinence et le bon usage des soins, l’efficacité de la dépense hospitalière et le virage ambulatoire.
Bien que la généralisation de l'assurance complémentaire de santé aurait dû se traduire par une diminution du reste à charge pour les assurés, force est de constater que de nombreux salariés sont aujourd’hui contraints de souscrire une surcomplémentaire. J’ajouterai que la fiscalisation de la part employeur s’est traduite par une nouvelle pression fiscale.
Côté assurance maladie, nous avons toujours l’impression d’une équation impossible à résoudre entre la réponse aux besoins de santé, l’accès des malades aux produits innovants et l’équation du budget de l’assurance maladie. Les baisses de prix de médicaments constituent encore aujourd'hui l’élément premier de maîtrise des dépenses de l’assurance maladie. Ce système connaît des limites, à commencer par le financement de l’innovation.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale complète également la longue liste au père Noël, commencée il y a un an. Il est jonché de cadeaux fiscaux et électoraux. Bien que nous soyons à un mois des festivités de fin d’année et, surtout, à six mois des échéances électorales nationales, je n’y crois plus, comme beaucoup, depuis bien longtemps, surtout quand le père François se cache sous la barbe du père Noël.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
La baisse de la CSG pour les retraités en est l’exemple le plus marquant : non pas que le principe de cette mesure, dont je partage l’objectif, ne soit pas bon, mais les moyens ou plutôt les compensations ne sont pas les bonnes.
Quant à l’expérimentation de la vaccination contre la grippe par les pharmaciens d’officines, plusieurs questions subsistent.
Afin d’améliorer la couverture vaccinale, qui a diminué ces dernières années, nous nous interrogeons sur la pertinence de cette expérimentation. Les pharmaciens ont un rôle important à jouer concernant l’information et la promotion de la vaccination. Sur la base du volontariat, bien évidemment, certains pourront pratiquer cette vaccination. Mais vous l’avez vu, madame la ministre, à chacun son métier et tout ira bien dans le meilleur des mondes possibles !
Pour preuve, vous avez déposé un amendement pour apaiser les crispations entre les professionnels de santé, tout en autorisant les médecins à posséder un stock de vaccins dans leur cabinet médical : voilà le grand retour, peut-être, des médecins propharmaciens ! Madame la ministre, pour que cette expérimentation ait du sens et améliore réellement la couverture vaccinale contre la grippe, il ne faut pas limiter la prise en charge aux personnes ayant plus de 65 ans ou souffrant de certaines pathologies.
Vous vous préoccupez des déserts médicaux. Soit ! La conjugaison de la féminisation de la profession et de l’augmentation des zones sous-denses nécessite un réajustement du parcours universitaire, de l’internat et des conditions d’installation. Or, à ce jour, malgré ce constat alarmant, de l’aveu même du directeur de la CNAM, nul ne sait définir la notion de « zones surdenses ». Je vous laisse à cette réflexion, puisque vos propositions font allusion aux zones « sous-denses ».
La bonne santé de notre système de santé – cela a été dit précédemment – passe par celle de l’hôpital et de l’ensemble des professionnels de santé. L’impact des 35 heures, tant sur l’hôpital que sur les professionnels de santé, a été dévastateur. C’est l’origine de la colère de l’ensemble des professionnels, qu’ils soient aides-soignants, infirmiers, médecins ou sages-femmes.
Or, s’il y a bien une certitude, c’est que tous les soignants sont des femmes et des hommes à l’engagement sans faille. Ils l’ont démontré, y compris dans les heures les plus tristes que notre pays a traversées ces derniers mois. Ce sont des professionnels qui aiment leur métier et qui font preuve d’un humanisme remarquable. Nul ne peut leur jeter la pierre. Il faut donc vraiment que la politique de santé demeure la première de nos priorités.
Madame la ministre, le groupe Les Républicains regrette profondément que ce quinquennat n’ait pas permis de réformes structurelles. Les projets de financement de la sécurité sociale successifs, tout comme le projet de loi Santé, n’ont pas été des véhicules législatifs suffisamment décisifs pour assurer à l’ensemble de nos concitoyens une qualité et une continuité de soins égale et performante.
Le financement de la sécurité sociale nécessite des réformes systémiques et courageuses, en mettant la solidarité au cœur de notre politique sociale.
Le groupe Les Républicains suivra bien sûr la position de la commission des affaires sociales et rejettera les propositions de dépenses et de recettes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
M. Gilbert Barbier. Madame la ministre, j’ai écouté la présentation que vous avez faite de votre action au cours de l’actuelle mandature : vous vous tressez cette couronne de laurier qui, dans l’Antiquité, célébrait la victoire, le génie et l’immortalité. Je vous écoutais, il y a quelques jours, sur une chaîne de télévision. Pour résumer, grâce à vous, nous sommes passés, en matière de santé, « de l’ombre à la lumière ».
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
À trop vouloir prouver, on se disqualifie. On devient ou l’on reste inaudible. Je pense qu’un peu moins de triomphalisme vous aurait permis, avec les mesures électoralistes que contient ce budget – mesures que je n’approuve pas – de vous rendre plus crédible aux yeux des Français.
Loin de moi de considérer que tout était parfait avant.
Des erreurs, ou plutôt des décisions trop timorées n’avaient pas permis un redressement complet de notre système de santé. Toutefois, depuis quatre ans, budget après budget, vous avez utilisé cet instrument merveilleux qu’est le rabot. Et vous avez raboté, de préférence là où la résistance est la moins populaire. Vous reprochez à vos prédécesseurs « des décisions brutales et dogmatiques ». Pourtant, vous n’êtes pas en reste !
Pour résumer, vous avez une sainte horreur de la médecine libérale, et des médecins en particulier.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Vous éprouvez une méfiance évidente pour les établissements de soins privés. Vous avez une cible préférée, l’industrie pharmaceutique
Mêmes mouvements.
Tout le monde a compris qu’en politique familiale – cela a déjà été évoqué par les orateurs précédents –, votre cible était les classes moyennes. Ce n’est plus l’enfant qui vous intéresse, mais le statut social des mères. Ainsi, vous prévoyez, d’une manière caricaturale, la création d’une allocation maternité pour les femmes médecins à condition qu’elles exercent en secteur I ou en secteur II, avec accord de modération des tarifs. Belle politique nataliste !
Pour en venir à votre budget, l’ensemble des postes d’observation le confirme, il est qualifié d’insincère par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, par le Haut Comité des finances publiques – mon collègue Michel Amiel a beaucoup insisté sur ce point – ou par la Cour des comptes. Au sujet des observations de cette dernière, un hebdomadaire a pu titrer, il y a quelques semaines : « Le ministre du budget s’assoit dessus ».
La surestimation de la croissance à 1, 5 % pour bâtir ce budget est aujourd’hui reconnue par le ministre de finances lui-même, de même que la progression de la masse salariale à 2, 7 %.
En matière de recettes pour ce budget, vous avez utilisé un certain nombre d’artifices, de transferts, de ponctions sur les fonds de roulement au-delà du raisonnable, toutes manœuvres que le rapporteur général de la commission des affaires sociales a soigneusement répertoriées, tout cela pour pouvoir annoncer que la sécurité sociale est proche de l’équilibre.
Pour l’avenir, ce que je relève de grave dans les observations de la Cour des comptes, c’est le risque de dérapage des comptes de dépenses avec les mesures électoralistes proposées, …
… que vos successeurs auront à assumer.
Néanmoins, plus grave encore – je cite toujours l’analyse de la Cour des comptes : « Notre système est en train de créer de nouvelles inégalités entre patients ». En effet, contrairement à vos allégations, madame la ministre, c’est bien ce qui se passe dans le pays.
Les groupements hospitaliers de territoire, les GHT, sont une réponse insuffisante par rapport au coût des hôpitaux publics. Nous avons trop d’établissements de petite dimension, peu efficaces et financièrement très coûteux, mais, je le sais, il faut beaucoup de courage politique pour opérer une fermeture. Chaque jour, pourtant, on apprend la fermeture de telle ou telle spécialité dans un hôpital par défaut de recrutement d’un médecin-chef de service. Bonne occasion de fermer cette activité dans l’établissement !
Devant le peu d’attrait de la carrière hospitalière, les rares diplômés qui sortent se tournent logiquement vers le privé aujourd'hui.
Une inégalité majeure que la Cour des comptes, d'ailleurs, oublie de souligner et qui mériterait d’être analysée – je suis déjà intervenu plusieurs fois sur ce problème –, est la grande variabilité de la qualité des soins sur notre territoire. Nous sommes confrontés à une mutation profonde de la médecine, avec une spécialisation de plus en plus nécessaire.
Le problème du recrutement d’un personnel médical de qualité doit être posé. Il est majeur pour l’avenir de nombreux hôpitaux locaux et généraux. Il est urgent de réaliser un bilan qualitatif. Peut-être l’open data en matière de santé le permettra-t-il un jour.
J’ai évoqué la désertification médicale hospitalière, mais la situation n’est pas meilleure en dehors de l’hôpital. Toutes les mesures prises au fil des années par les uns et par les autres n’influencent que faiblement l’inexorable. La seule solution est de former plus de médecins, plus de généralistes et plus de spécialistes, notamment dans certaines disciplines particulièrement sinistrées.
En effet, la pratique médicale a beaucoup évolué : les jeunes médecins veulent du temps libre, la profession fortement féminisée n’aspire pas à aller s’installer au fin fond du Jura, dans un petit chef-lieu de canton de 500 ou 600 habitants. Il faut déverrouiller le numerus clausus, madame la ministre, autant que les capacités de formation des universités le peuvent. Cela me paraît largement préférable à l’installation de médecins formés à l’étranger, en dehors du cursus universitaire qui est une des richesses de nos facultés françaises.
Nous manquons de médecins et votre parade est de confier, budget après budget, un certain nombre d’actes médicaux – nous avons beaucoup discuté sur ce point en commission des affaires sociales – à d’autres professionnels de santé : vaccination, interruption volontaire de grossesse, correction visuelle, distribution de médicaments.
Faut-il en rire ? M. Daudigny a fait un rappel historique et évoqué l’année 1944. Pour ma part, je remonterai plus loin, pour rappeler le décret de 1793
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je l’ai dit précédemment, comme plusieurs autres orateurs, votre cible préférée est l’industrie pharmaceutique. Rassurez-vous, je serai plus modéré sur ce dossier que certaine députée de votre majorité à l’Assemblée nationale. Toutefois, je veux souligner qu’à vouloir réduire mécaniquement les dépenses de ce secteur, vous avez, année après année, entamé sérieusement le potentiel industriel que représente le médicament dans notre pays.
Cette année, c’est encore 1, 6 milliard d’euros d’économies que vous entendez récupérer sur ce secteur. Et vous instaurez un nouveau système, à savoir le « Lv » et le « Lh ». Sachant que les produits innovants se trouvent avant tout à l’hôpital, vous allez brider d’une manière importante la recherche et le développement de nouveaux traitements – M. Daudigny a évoqué cette question sous un autre angle. Le taux de 0 % pour le « Lv » n’est pas très contraignant, parce que la dépense de ville baisse régulièrement avec les génériques ou en en raison d’autres pratiques et de la diminution de la consommation.
Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Le temps de parole imparti est dépassé de deux minutes, monsieur le président !
Si nous voulons conserver à notre pays une certaine attractivité dans ce domaine, évitons ce genre de montage dissuasif. Si l’on veut conserver quelques industries, il faut que les taxes, les taux régulateurs et les impositions soient fixés une fois pour toutes et ne changent pas chaque année.
Voilà quelques remarques sur un budget essentiellement comptable, dont l’équilibre de façade ne vise qu’à faire illusion, en masquant les profonds déséquilibres qui existent dans l’accès aux soins de qualité pour nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Madame la ministre, « nous avons sauvé la Sécu », avez-vous annoncé à l’occasion de différentes interviews. Voilà une affirmation qui tombe bien à propos à la fin d’un quinquennat laissant si peu de résultats satisfaisants, dans bien des domaines.
Cette affirmation en fait pourtant rêver plus d’un ! Elle fait d’abord rêver les Françaises et les Français, qui sont inquiets de laisser la facture à leurs enfants. Elle fait aussi rêver les responsables politiques que nous sommes, attachés à notre système de protection sociale et à sa préservation. La réalité est tout autre, comme le montrent trois éléments : tout d’abord, un affichage des comptes en trompe-l’œil, ensuite, un climat social dégradé, enfin, l’absence de solution pour les déserts médicaux.
Le résultat affiché est trompeur, notamment sur la branche maladie, parce qu’il est construit sur un savant système de plomberie comptable.
Les mesures ponctuelles, exposées par le rapporteur général de notre commission des affaires sociales, permettent de tenir artificiellement l’ONDAM année après année. Des mesures structurelles seraient nécessaires. Le groupe UDI-UC ne cesse de le répéter, mais il n’est pas le seul. La Cour des comptes en fait de même dans ses rapports.
Si, malgré tout, la tendance est à la réduction des déficits, personne ici ne peut le nier, la branche maladie présente un différentiel négatif de 2, 6 milliards d’euros. Si l’on y ajoute les 3, 8 milliards d’euros du FSV, l’équilibre est loin d’être atteint. Cette réduction est d’autant plus artificielle que des arrangements comptables permettent de dégonfler l’ONDAM de près d’un milliard d’euros. En effet, une partie des économies annoncée est, en réalité, issue de la mobilisation d’autres sources de financement non décomptées dans l’ONDAM.
C’est le cas, par exemple, de la création du fonds de financement de l’innovation thérapeutique, doté de 220 millions d’euros pour 2017 par un transfert provenant du FSV, soit 876 millions d’euros au total, j’y reviendrai.
Je peux également citer la mobilisation des réserves de la CNSA, soit 230 millions d’euros de moins, ou encore la réduction des dépenses comptabilisées dans l’ONDAM et la CNAM, soit 270 millions d’euros, par une modification du taux de cotisations maladies des personnels de santé exerçant en ville. Si cette mesure n’est pas une vraie économie, elle permet de réduire le taux facial d’évolution de l’ONDAM soins de ville de 0, 3 point.
Autre manœuvre : le jeu d’écriture de près de 700 millions d’euros sur la CSG, permettant de soustraire cette somme du résultat de l’exercice 2016.
Compte tenu des nouvelles dépenses prévues par le Gouvernement – la nouvelle convention médicale et la revalorisation du point d’indice de la fonction publique –, l’ONDAM sera relevé inévitablement à 2, 1 %, contre 1, 75 % en 2016.
Cette hausse est sciemment sous-estimée, selon la Cour des comptes et le directeur général de la CNAM. Une augmentation de l’ONDAM de 2, 5 % serait bien plus crédible.
S’agissant du climat social dégradé, en dehors des données financières, j’observe le malaise et les tensions qui se multiplient dans le monde sanitaire et social, le déclin de l’industrie pharmaceutique, pourtant l’un des fleurons de notre pays, les difficultés des hôpitaux et de leurs personnels, ou encore les inégalités croissantes entre les assurés sociaux.
Le secteur du médicament, qui ne représente que 15 % des dépenses d’assurance maladie, concentre la moitié des économies visées, soit 1, 4 milliard d’euros. Il y a une mise en danger du secteur en termes d’innovation, d’investissement et d’emploi.
Faute de ressources suffisantes, le Comité économique des produits de santé, le CEPS, ne tient plus, depuis longtemps, le délai de 180 jours pour inscrire les dispositifs médicaux sur la liste des produits et prestations remboursables par l’assurance maladie. Cela ne manque pas d’inquiéter.
Face à une concurrence internationale exacerbée, les contraintes administratives et juridiques en France sont un repoussoir pour l’industrie pharmaceutique. À la suite du rapport de mes collègues, Gilbert Barbier et Yves Daudigny, des mesures pourraient être prises afin de favoriser le développement des industries pharmaceutiques sur le sol français, donc de l’innovation.
L’hôpital, je l’ai dit, connaît des tensions. Les dernières manifestations des infirmières, la semaine dernière, montrent le manque de reconnaissance vis-à-vis d’un personnel dont les cadences ne permettent plus la délivrance de soins avec humanité. Les professionnels de santé perdent le sens de leur métier et de leur vocation.
Par ailleurs, comment ne pas s’interroger sur la complexité croissante des modalités de prise en charge de l’assurance maladie et des niveaux individuels de prise en charge, qui s’inscrivent en baisse ? Nous devons nous engager à limiter le reste à charge des ménages, car c’est la cause d’inégalités croissantes, en renforçant l’idée de contrat responsable par assuré, et à donner plus d’efficience au suivi des malades en affection de longue durée, ou ALD.
Le dernier point concerne les déserts médicaux. La désertification médicale ne concerne pas seulement les secteurs ruraux, mais aussi certains quartiers de grandes villes. Ce sujet a fait l’objet de nombreux diagnostics, rapports et analyses. En conséquence, chacun y va de ses mesures, et je salue celles qui ont été engagées par le Gouvernement – il n’a pas manqué de mettre en place des sollicitations financières et d’augmenter le numerus clausus –, mais aussi celles qui ont été mises en œuvre par les collectivités locales, communes, départements ou régions, qui financent des maisons de santé et aident les étudiants en médecine ou les médecins stagiaires.
Toutefois, cela ne suffit pas, car rien n’est possible sans l’adhésion des professionnels et leur implication. Ainsi, sur mon territoire, si les médecins ne s’étaient pas personnellement impliqués, le succès n’aurait pas été aussi net.
Nous l’observons, certaines de ces dispositions apportent satisfaction, mais elles ne suffisent pas véritablement pour remédier à cette fracture sanitaire. Une évaluation des dispositifs pourrait être commandée à la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, ou, éventuellement, faire l’objet d’une mission parlementaire, afin de lancer, par la suite, un véritable plan Marshall sur ce sujet.
L’idée serait de conjuguer ces différents dispositifs en les modulant selon les territoires et en y introduisant, probablement, une régulation choisie par les médecins.
Je ne terminerai pas mon intervention sans évoquer deux articles.
D’une part, l’article 49, qui crée un fonds d’innovation thérapeutique. Son financement interpelle et cache mal son intention véritable, qui est de permettre de diminuer l’ONDAM artificiellement. Comme l’indique le rapporteur général de la commission des affaires sociales, la fonction même de l’ONDAM est de prévoir les dépenses supplémentaires, y compris celles qui sont liées à l’innovation.
D’autre part, l’article 40, qui met en place une expérimentation pour trois ans d’une prise en charge et d’un suivi de jeunes en souffrance psychique. J’approuve cette mesure, mais elle ne masque pas l’urgence de refonder notre politique de soins psychiques et psychiatriques.
Pour conclure, je déplore les artifices comptables déployés par le Gouvernement pour présenter un ONDAM dégonflé. Le quasi-équilibre, affiché à tous crins pour 2017, est un trompe-l’œil. Le retour à l’équilibre des comptes sociaux est, en réalité, encore reporté, malgré une diminution des déficits. L’assurance maladie en est le premier exemple. Elle nécessite des réformes structurelles.
Je souhaite, enfin, remercier le rapporteur général de la commission des affaires sociales de la clarté de son exposé, ses collègues rapporteurs et les fonctionnaires du Sénat ayant examiné avec précision ce PLFSS pour 2017, plus que jamais équivoque.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente ce PLFSS pour 2017 en se félicitant d’un redressement des comptes de la sécurité sociale.
Certes, on peut se réjouir de différentes dispositions, comme les mesures salariales à destination du personnel hospitalier. Certes, on peut se réjouir de l’extension, par nos collègues députés, du bénéfice du taux réduit ou nul de la CSG à 550 000 petits retraités supplémentaires.
Sourires.
Comment s’enthousiasmer du sauvetage proclamé de la sécurité sociale, quand l’usage délibéré de crédits d’impôt reporte à 2018 plusieurs milliards d’euros de pertes de recettes ? Et ce n’est pas la perspective d’une éventuelle alternance politique qui serait de nature à nous rassurer, tant les candidats à la primaire de la droite promettent une surenchère de baisses de cotisations et de dégradations de la couverture sociale.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Je compléterai, ici, le propos de ma collègue Aline Archimbaud, qui a évoqué les branches maladie et AT-MP, en parlant des branches famille et vieillesse.
S’agissant de la branche famille, si l’on trouve dans ce texte quelques mesures intéressantes – le recouvrement des créances alimentaires, ou encore la simplification des aides aux particuliers employeurs –, on est passé à côté d’une grande réforme de la politique familiale. Pour redresser la branche famille, le Gouvernement a choisi de supprimer l’universalité des allocations familiales et de moduler celles-ci en fonction des revenus des bénéficiaires. Nous regrettons toujours vivement ce choix, qui porte atteinte au fondement même de la sécurité sociale, à savoir son universalité.
M. Jean Desessard. Nous le regrettons d’autant plus qu’une autre solution – sur ce point, je vais vous décevoir, chers collègues de la majorité sénatoriale – existait pour réaliser des économies bien plus considérables : la suppression du quotient familial.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Notre choix politique est de réutiliser les quelque 14 milliards d’euros que coûte chaque année le quotient familial pour verser une allocation universelle à chaque enfant, dès le premier-né, d’un montant de 730 euros par an, ce qui constituerait une première étape vers la mise en œuvre d’un revenu universel.
S’agissant de la branche vieillesse, on est, là aussi, passé à côté d’une indispensable refondation. On a appliqué une démarche comptable, fondée sur les hypothèses d’un marché du travail mort au siècle dernier, pour remplacer des retraités par des chômeurs. En effet, la stabilisation des dépenses, dont se targue le Gouvernement, s’explique essentiellement par le relèvement de l’âge de la retraite, entamé par la droite et poursuivi par le Gouvernement, dramatiquement converti au néolibéralisme.
Comment peut-on encore imaginer, dans notre pays où le taux de chômage des jeunes avoisine les 25 %, que la solution réside dans le report de l’âge de la retraite à 62, 65 ou même 67 ans ? Cette idée saugrenue ne prend pas non plus en compte les difficultés des chômeurs de plus de 55 ans à trouver du travail… Chômage, financement, croissance en berne, automatisation et numérisation du travail, aucune de ces données ne semble avoir été prise en compte pour réfléchir à la pérennité de notre régime de retraite.
Il convient pourtant de développer une véritable réflexion sur le sujet, en envisageant le temps de travail globalement, dans ses mutations, sur toute la durée de la vie, et non en se contentant de proposer, à intervalles réguliers, de relever l’âge de la retraite, comme l’a encore fait, aujourd’hui, notre rapporteur.
N’ayant pas le temps de développer tous les financements possibles, je me contenterai d’en citer quelques-uns, comme l’arrêt du CICE, l’arrêt des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, …
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
… ou encore la dépénalisation du cannabis, votée la semaine dernière dans plusieurs États américains.
S’il n’est pas le plus mauvais de ceux que nous aurons eu à examiner durant ce quinquennat, ce dernier PLFSS n’est malheureusement pas de nature à m’ôter le sentiment d’un triste rendez-vous manqué. Pourtant, en avril dernier, le rapport Sirugue invitait le Gouvernement à créer une « couverture socle commune » qui viendrait remplacer les dix minima sociaux existants… Malheureusement, ces préconisations sont restées, à ce stade, lettres mortes.
Il n’y a pas plus de vision de long terme au sein de l’opposition, qui propose la même thérapie, en pire… Pourtant, il est de notre responsabilité politique de proposer un système de protection sociale qui tienne compte des évolutions de notre société.
L’excellent travail de la récente mission d’information sénatoriale sur le revenu universel montre qu’il s’agit d’un outil fondamental pour adapter notre protection sociale aux défis du siècle ! Nous pensons que sa mise en œuvre doit être le fil rouge des futures réformes de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Laurence Cohen applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quelle merveilleuse leçon nous a été administrée par ceux qui, en 2002, dès leur arrivée au pouvoir, commençaient à creuser le déficit, et qui s’étonnent maintenant que nous n’ayons pas eu le temps d’aller assez loin !
C’est pourtant du jamais vu depuis le gouvernement Jospin, quand les comptes de la Nation étaient tous colorés en vert : la protection sociale, le budget de l’État, la balance commerciale, l’assurance chômage, et j’en oublie certainement. Le régime général de la sécurité sociale sera à l’équilibre en 2017, et c’est une grande nouvelle. C’est le résultat des efforts constants engagés depuis 2012.
C’est une grande et belle nouvelle, car elle emporte avec elle la pérennité d’un système fondé sur la répartition et, par conséquent, sur la solidarité. Au moment où l’« Obamacare », à peine né, est menacé, nous pouvons nous réjouir de l’attachement des Français à cette magnifique institution créée par le grand élan d’humanité du Conseil national de la Résistance et portée par Ambroise Croizat et Pierre Laroque.
L’équilibre pour 2017, c’est une réalité ! Les faits sont têtus, même si quelques esprits chagrins ou sceptiques cherchent laborieusement des raisons d’en faire douter.
Il y a ceux qui, traditionnellement, estiment les prévisions trop optimistes et augurent des dépassements. Ils avaient formulé les mêmes doutes les années passées, sans que jamais la réalité leur donne raison. En 2016, les résultats sont même meilleurs que les prévisions.
Puis, il y a ceux qui, sur un budget de près de 500 milliards d’euros, querelleront sur les transferts de quelques millions d’euros d’une branche à l’autre, bien qu’ils soient réalisés en toute transparence, en toute légitimité, en toute logique d’efficacité.
D’autres s’opposent aux prélèvements sur la branche accidents du travail et préconisent la baisse des cotisations des employeurs. Il en résulterait un déficit accru de l’assurance maladie, donc la nécessité d’augmenter, à ce titre, les participations. Voilà un raisonnement à somme nulle, qui ne sert qu’à nourrir une critique difficile à justifier.
Car le fait est avéré, le budget du régime général sera quasiment à l’équilibre en 2017. C’est le résultat d’une politique rigoureuse et persévérante, conduite par vous, madame, monsieur les membres du Gouvernement, une politique rigoureuse et plus équitable, marquée par de grandes avancées : une couverture sociale améliorée et étendue, une prise en charge plus large des traitements coûteux, un accès aux soins facilité pour les plus démunis d’entre nous. Nous le savons bien : c’est l’une des conditions sine qua non de la préservation de la cohésion sociale.
Par une évolution constante, persévérante, le budget du régime général retrouve une bonne santé : 17, 5 milliards d’euros de déficit en 2011, quelque 3, 4 millions d’euros en 2016, et quasiment l’équilibre en 2017. On peut mesurer le chemin parcouru pour y parvenir, notamment grâce à la mise en œuvre d’économies substantielles.
Par une détermination sans faille sur l’utilisation des génériques, la limitation des dépassements d’honoraires, le développement du virage ambulatoire et une meilleure organisation du système de santé, on obtient un résultat exceptionnel en améliorant encore la qualité des soins, l’encouragement à l’innovation et la généralisation du tiers payant.
La suppression de la franchise pour 1, 4 million de personnes en situation de précarité, la prise en charge généralisée de l’IVG comme de la contraception chez les jeunes, un meilleur remboursement des soins dentaires, l’invention de la PUMA, la protection universelle maladie, qui assure, quels que soient les aléas de la vie, la continuité de la couverture sociale pour tous, indépendants, salariés ou bénéficiaires du RSA.
La résolution des problèmes des assurances des étudiants comme des indépendants, l’amélioration de l’accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées, la lutte contre les déserts médicaux – on dit qu’elle ne va pas assez vite, mais que faisait-on avant ?
Pendant ce temps, le reste à charge des patients est passé de 9, 3 % en 2011 à 8, 4 % en 2016, soit un gain de 1, 3 milliard d’euros de pouvoir d’achat redonné aux Français.
De façon aussi péremptoire qu’injustifiée, on taxe souvent le Gouvernement de toutes les rages pour mieux le noyer. Il aura pourtant relevé de nombreux défis difficiles, tant le pays partait de loin en 2012 – Jean-François Fillon parlait à l’époque d’une situation de « faillite » de l’État.
Il a fallu redresser les comptes de la Nation, instaurer une plus grande équité en matière fiscale, sociale, familiale, engager la France sur la voie du développement et de l’innovation. Méfions-nous des anathèmes tenant lieu de démonstrations, des caricatures, des procès d’intention. Ce faisant, nous apportons de l’eau au moulin de ceux dont l’ambition est de discréditer la politique. La démocratie mérite mieux.
La démocratie a, certes, besoin du débat et de la critique, mais elle a besoin également de sincérité et de respect mutuel.
Madame la ministre, au nom du groupe socialiste et républicain, je peux vous assurer de notre gratitude admirative pour la belle œuvre accomplie, pour préserver un outil qui fait notre fierté, mais aussi assure notre sérénité et notre confiance en l’avenir. Si j’avais une couronne, je vous la poserais sur la tête !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mes propos seront d’une tonalité quelque peu différente de ceux de l’intervenant précédent.
Je tiens, pour commencer, à saluer le travail effectué par les rapporteurs afin de nous éclairer sur la lecture réelle qui doit être faite de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nos collègues Catherine Deroche et Corinne Imbert se sont largement exprimées sur la réalité des déficits et sur les difficultés de notre système de santé.
Les conclusions émises par chacun de nos rapporteurs sur ce dernier budget de la sécurité sociale de l’actuelle majorité viennent quelque peu relativiser votre satisfaction, madame la ministre, celle d’avoir sauvé la sécurité sociale, en oubliant notamment le Fonds de solidarité vieillesse.
Nous sommes loin de partager votre enthousiasme, même si nous reconnaissons que des efforts ont été accomplis. Nous sommes d'ailleurs confortés dans notre analyse par le Haut Conseil des finances publiques, qui, dans un avis du 24 septembre dernier, constatait une « fragilité de la trajectoire de retour à l’équilibre » des comptes publics.
Au-delà de ces remarques liminaires, je souhaite intervenir principalement sur le volet médico-social et sur la politique du Gouvernement en matière de handicap.
Un certain nombre de mesures proposées dans ce projet de loi nous interrogent et inquiètent les acteurs du monde du handicap. Je ne puis que soutenir la position de notre rapporteur, René-Paul Savary, sur ce point.
Dans un premier temps, je ne peux que regretter, en ce qui concerne le budget médico-social, que son financement soit fragilisé par l’utilisation des réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui vont en s’épuisant. Rappelons que nous avons pris beaucoup de retard dans la création de places d’accueil dans les établissements et les services pour les personnes handicapées. De plus, le système d’appel à projets pour la création et l’extension d’établissements entraîne des délais extrêmement longs. Il est à craindre que, dans les années à venir, il soit nécessaire de prendre des mesures difficiles afin de rattraper le retard ainsi pris.
Concernant le douloureux problème de nos compatriotes en situation de handicap, contraints de s’exiler en Belgique, faute de réponse appropriée à leur demande en France, je regrette que ce dossier ne soit plus une priorité pour le Gouvernement.
Rappelons que près de 8 500 Français, adultes et enfants, sont présents en Belgique et que nous estimons à environ 250 millions d’euros le coût actuel pour la France de l’accueil de nos ressortissants. L’année dernière, j’avais salué la mise en place par le Gouvernement d’un plan de prévention des départs non souhaités, tout en regrettant que les moyens financiers consacrés à la mise en place de ce plan – 15 millions d’euros – ne soient pas à la hauteur.
Je m’étonne qu’il n’y ait aucune disposition nouvelle pour 2017. Ce n’est pas la réponse attendue par des centaines de parents qui vivent séparés de leur enfant, ou de ces familles déchirées de devoir laisser l’un des leurs loin du domicile familial.
La seule disposition concernant ce dossier figure à l’article 46 bis du projet de loi – le rapporteur René-Paul Savary en demandera très justement la suppression –, qui prévoit la remise, par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement définissant les conditions de mise en place d’un fonds d’amorçage pluriannuel de prévention des départs non choisis en Belgique.
Il est urgent d’agir, et nous ne pouvons plus reculer. D’ailleurs, je serai amené dans les prochains jours à proposer un certain nombre de mesures, en conclusion de la mission qui nous a été confiée par la commission des affaires sociales du Sénat.
En ce qui concerne maintenant les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, à compter du 1er janvier 2017, les crédits du budget de l’État qui sont normalement alloués à ces dernières seront transférés à la CNSA. Par ce transfert, l’État se désengage financièrement des MDPH, et il sera mal aisé pour le Parlement de vérifier les sommes véritablement consacrées à leur fonctionnement.
Rappelons de nouveau que les réserves de la CNSA sont en diminution, ce qui ne peut qu’inquiéter pour la pérennité du financement des MDPH. De plus, il est regrettable que les moyens financiers ne soient pas revus à la hausse, compte tenu de la surcharge de travail que suppose la généralisation de la « réponse accompagnée pour tous », notamment l’élaboration des plans d’accompagnement globaux, les PAG, qui seront généralisés sur l’ensemble du territoire au 1er janvier 2018.
Afin que le service apporté aux personnes touchées par un handicap soit de qualité, des moyens supplémentaires, notamment humains, sont nécessaires, dans un contexte financier tendu, les départements ne pouvant engager des moyens financiers supplémentaires.
À l’occasion de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, je tiens à saluer les dispositions de l’article 30 bis, qui visent à permettre, par la mise en place d’une commission pluridisciplinaire, la prise en compte, pour le bénéfice de la retraite anticipée des travailleurs handicapés, de certaines périodes de handicap lourd que les assurés ne sont pas en mesure de justifier.
Il serait opportun que ces dispositions puissent s’appliquer à tous : salariés, fonctionnaires et indépendants, quel que soit le régime dont ils dépendent. Et je salue l’amendement déposé par le rapporteur Gérard Roche, qui tend à rétablir la prise en compte du critère de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour la retraite anticipée avec majoration de la pension.
Pour terminer, même si le sujet peut sembler de moindre importance, je suis extrêmement choqué par l’article 45 quinquies, qui prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’usage du packing. En effet, la Haute Autorité de santé s’est déclarée formellement opposée à l’usage de cette pratique, qui, selon moi, devrait être interdite et ne plus donner lieu à débat.
Cette pratique d’un ancien temps est inhumaine et devrait être proscrite. Je suis donc étonné, madame la ministre, que vous proposiez de relancer cette discussion au lieu de prendre les décisions qui, selon moi, s’imposent.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la politique familiale est l’un des piliers de notre modèle social. Elle joue un rôle majeur sur le taux d’activité des femmes, réduit la pauvreté des enfants et de leurs familles, permet aussi de rompre l’isolement et de protéger les familles monoparentales.
Depuis 2012, le Gouvernement a souhaité apporter plus de protection et d’aide aux familles les plus vulnérables et créer de nouvelles garanties. Il a préservé l’importance de la politique familiale, qui mobilise plus de 2, 5 % de la richesse nationale, soit un niveau supérieur à la moyenne européenne, tout en rétablissant l’équilibre des comptes de la branche famille de la sécurité sociale. Alors que cette dernière présentait un déficit de 3, 2 milliards d’euros en 2013, elle retrouve l’équilibre en 2017, grâce aux réformes mises en œuvre.
Oui, les politiques menées ces dernières années ont permis de renforcer le caractère redistributif des prestations familiales, en faisant du soutien aux familles les plus fragiles une priorité. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 se veut d’ailleurs dans la continuité des actions menées pour plus de redistribution et de justice sociale, sans oublier la responsabilité budgétaire.
Il y a eu tant de mesures sociales en direction des familles durant ce quinquennat ! Rappelons que l’allocation de rentrée scolaire a été revalorisée de 25 % dès 2012, pour près de 3 millions de familles.
De même, avec le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, nous avons adopté de nombreuses mesures permettant de soutenir les plus fragiles. Au terme de la montée en charge de ce plan, ce sont environ 2, 6 milliards d’euros supplémentaires qui seront redistribués chaque année à 2, 7 millions de ménages parmi les plus en difficulté. Cela revient à une somme d’environ 1 000 euros en moyenne par an et par ménage concerné.
Ce plan renforce les prestations pour ceux qui en ont le plus besoin. En 2018, le montant du complément familial aura ainsi été majoré de 50 % pour les familles dont les ressources sont inférieures au seuil de pauvreté ; quelque 460 000 familles en bénéficient. Le montant de l’allocation de soutien familial qui accompagne les parents isolés aura été revalorisé de 25 %, ce qui a amélioré la situation de 740 000 familles.
Les allocations familiales ont également été modulées en fonction des ressources. Depuis le 1er juillet 2015, le montant de ces allocations est diminué de moitié pour les familles aux revenus supérieurs à 6 000 euros nets par mois, et divisé par quatre pour les familles aux revenus supérieurs à 8 000 euros nets par mois. Cette mesure n’a concerné que 10 % des familles.
Il s’agit bien là d’une mesure de justice sociale, qui préserve l’universalité des prestations familiales, car toutes les familles continuent à toucher des allocations !
Le Gouvernement a par ailleurs fait évoluer la politique familiale en promouvant les responsabilités partagées de chaque parent dans l’accompagnement des enfants.
Afin de favoriser ce partage des responsabilités parentales et de limiter l’éloignement des femmes du marché du travail pendant une période trop longue, la prestation partagée d’éducation de l’enfant accompagne les parents pendant les périodes de congé parental ; elle doit être partagée entre les deux parents.
Par ailleurs, afin de mieux articuler vie professionnelle et vie familiale, quelque 70 000 places d’accueil collectif ont été créées entre 2012 et 2015. Sur le plan qualitatif, un nouveau plan d’action pour la petite enfance, porté par la ministre Laurence Rossignol, vient tout juste d’être lancé, en vue d’accompagner les professionnels du secteur, quel que soit le mode d’accueil. Bien-être et développement des potentialités de l’enfant sont donc définitivement au cœur des préoccupations de ce gouvernement.
Enfin, une protection d’un nouveau type, adaptée aux évolutions des familles, a été mise en œuvre : la garantie de paiement des impayés de pensions alimentaires, généralisée depuis le 1er avril 2016. Elle consiste à accompagner les séparations qui affectent souvent l’équilibre des familles et qui, en cas de pression financière, peuvent durablement fragiliser des foyers. Elle assure à chaque famille modeste un montant minimal de pension – près de 105 euros par enfant. La garantie conduit à compléter les pensions, dans le cas où elles sont inférieures au montant minimal, et à pallier tout retard de paiement dès le premier mois d’impayé.
Le PLFSS pour 2017 marque une nouvelle étape dans l’accompagnement des familles après les séparations, en créant, au sein de la branche famille, l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires. Son action en direction des débiteurs défaillants sera confiée à la CNAF et à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole.
Soulignons aussi que les femmes victimes de violences pourront bénéficier, sur décision judiciaire, de l’intermédiation de l’Agence, qui percevra directement les pensions auprès de l’ancien conjoint avant de les leur reverser.
Ce PLFSS permettra également de mieux accompagner les familles qui emploient un salarié pour garder leurs enfants. Le versement du complément de mode de garde sera simplifié pour rendre le système plus lisible. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Mes chers collègues, la France est aujourd’hui le premier pays d’Europe à conjuguer une natalité forte et un taux de fécondité de près de deux enfants par femme avec un taux d’activité féminine très élevé. Tous nos voisins ne peuvent pas en dire autant.
Dès 2012, des réformes ont été engagées pour améliorer, mais aussi faciliter le quotidien des familles françaises. Les résultats sont là : le Gouvernement a su protéger et faire évoluer notre modèle social, en garantir le financement, le tout sans infliger à la société française l’austérité que d’autres ont dû subir. En ces temps difficiles, nombre de pays envient d’ailleurs notre niveau de protection, qui constitue un véritable amortisseur social.
Oui, comme l’a souligné notre ministre des affaires sociales et de la santé Marisol Touraine, dont je salue le travail, « la gauche a fait le job », et personne ne peut nier que chaque loi de financement de la sécurité sociale aura été, pour nous, l’occasion d’améliorer la protection des Français.
Préserver notre modèle social en veillant aux équilibres budgétaires, tout en protégeant mieux nos concitoyens : ce ne sont pas, pour nous socialistes, de vains mots. C’est le cœur de notre action, celle que nous menons depuis bientôt cinq ans, au service de toutes les familles de France.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue l’une des prérogatives essentielles du Parlement. C’est pourquoi je tiens à saluer ceux qui, il y a vingt ans, ont été les initiateurs de son passage devant la représentation nationale, Jacques Chirac et Alain Juppé.
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Cela dit, si j’approuve l’esprit de ce PLFSS, qui affiche l’espoir de combler le trou de la sécurité sociale, le régime général et le fonds de solidarité vieillesse ne seront malheureusement pas à l’équilibre en 2017, contrairement à ce que le Gouvernement affirme : le déficit est de 7, 2 milliards d’euros en 2016 et il est prévu à 4, 2 milliards d’euros en 2017.
J’évoquerai tout d’abord l’ONDAM et les différentes branches de la sécurité sociale, puis la médecine en zone rurale.
Il est prévu que l’ONDAM progresse de 2, 1 %, ce qui sera très difficile à respecter, notamment en raison des hausses salariales de 0, 7 milliard d’euros dans la fonction publique hospitalière et des revalorisations de 0, 4 milliard d’euros pour les professionnels libéraux. Ces mesures sont tout à fait légitimes : les infirmières, par exemple, nous ont expliqué qu’elles sont obligées de faire leur travail en courant et, depuis les 35 heures, le nombre des personnes présentes auprès des malades a diminué.
Il ne sera donc pas possible de maintenir l’ONDAM au niveau prévu. C’est aussi l’avis des rapporteurs de la commission, ainsi que de la Cour des comptes, qui prévoit un retour à l’équilibre en 2020 – au mieux ! – du régime général et du fonds de solidarité vieillesse.
Dans la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, des investissements performants de la part des entreprises ont permis de faire baisser le nombre des accidents, ce qui crée des excédents. Or cette branche, qui est financée par les entreprises, subit une ponction de 2 milliards d’euros. Il aurait certainement été plus logique de diminuer les cotisations.
Quant aux retraites, l’équilibre, encore fragile, est la conséquence heureuse de la réforme menée en 2010 par François Fillon
Rires sur les travées du groupe Les Républicains.
… qui génère 6 milliards d’euros d’économies.
Toutefois, ses effets sont réduits du fait des décisions prises en 2012, qui entraînent 3 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.
De plus, le Gouvernement table sur une hausse importante de la masse salariale d’ici à 2020, alors qu’elle n’a été que de 1, 5 % en 2015. Il est évident que seule une nouvelle politique mettant les entreprises au centre de l’emploi, ainsi qu’une formation professionnelle plus dynamique et adaptée, pourra générer de l’emploi et satisfaire cet objectif. En tout cas, je n’ai pas vu, dans les programmes électoraux, de projet de « privatisation » de la sécurité sociale.
En ce qui concerne la famille, le PLFSS pour 2015 a décidé une modulation des allocations. Je dois dire, comme le montre une note récente de la CNAF, que ce ne sont pas uniquement les familles aisées qui sont touchées. En tout état de cause, il faut soutenir les familles modestes, mais aussi conserver l’aspect universel de l’esprit de 1945. Par ailleurs, je salue la mise en place des garanties contre les impayés des pensions alimentaires.
L’ONDAM médico-social augmente, quant à lui, de 2, 9 %. Des EHPAD ont certes été créées, mais il reste beaucoup à faire, notamment pour prendre en charge les personnes âgées qui entrent de plus en plus dépendantes dans les établissements.
Le personnel nécessaire est déterminé par le PATHOS moyen pondéré pour les soins et par le GIR moyen pondéré pour la dépendance, mais, en fait, sur le terrain, le personnel théorique déterminé par ces critères n’est pas au complet par manque de crédits.
Pour les personnes handicapées, la réforme est annoncée – la réponse accompagnée pour tous –, mais il reste beaucoup à faire. Le Gouvernement prévoit des lits supplémentaires, mais nous avons énormément de retard.
En ce qui concerne l’autisme, les progrès de détection sont réels, ce qui est important, mais les structures spécialisées, qui sont nécessairement spécifiques, ne sont pas en place, ou le sont peu.
Je voudrais aussi souligner les problèmes budgétaires graves des conseils départementaux, qui doivent financer l’APA, la PCH, ainsi que le RSA.
Quant aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, une concertation plus approfondie est souhaitable avant leur mise en place.
Je voudrais, enfin, aborder la question des déserts médicaux. On me dit que les facultés forment autant de médecins qu’avant. Je veux bien l’admettre, mais je note que non seulement 25 % d’entre eux ne s’installent pas, mais que très peu choisissent, qui plus est, le milieu rural.
L’avenir passera par les maisons de santé et le numérique, qui sont indispensables. Si nous ne souhaitons pas remettre en cause le principe de la liberté d’installation et éviter, si possible, un conventionnement sélectif, nous devons inventer d’autres mesures attractives, en plus des aides financières et fiscales. Je note, par exemple, que les enfants de médecins qui s’installent avec leurs parents ne bénéficient pas, d’après mon expérience, des mêmes avantages que les autres, ce qui devrait pourtant être le cas.
Je suis d’accord pour dire que le contrat territorial de remplacement est un plus, mais, pour ma part, je préconise d’augmenter la durée des stages de formation des jeunes médecins.
À ce jour, il y a seulement trois semaines de stage en rural sur huit à neuf stages de six semaines. Il faudrait au minimum doubler ou tripler ces stages, car les étudiants sont, aujourd’hui, imprégnés d’hospitalo-centrisme.
Parallèlement, il conviendrait de mieux considérer les maîtres de stage, en les intégrant davantage dans les facultés médicales, comme l’a dit Mme Deroche, et en revalorisant les indemnités qui leur sont accordées – 80 euros par semaine – et qui sont très insuffisantes pour assumer une mission essentielle d’accompagnement.
Comme Gilbert Barbier, je souhaite également augmenter le numerus clausus dans les facultés situées là où la carence de médecins est constatée.
Mes chers collègues, nous sommes absolument condamnés à réussir. L’installation dans les zones rurales est indispensable. Nous sommes favorables à la liberté d’installation, mais nous ne pouvons pas laisser sans médecin des territoires ruraux très importants, sauf à acter la désertification. Les élus devront, à ce moment-là, prendre leurs responsabilités, mais en tout cas, le conventionnement sélectif peut avoir des aspects pervers.
En conclusion, je voudrais féliciter nos excellents rapporteurs, ainsi que le président de la commission Alain Milon, qui ont accompli un travail que j’estime objectif, pragmatique et rigoureux sur le plan budgétaire pour améliorer le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En particulier, un certain nombre d’amendements cohérents ont été adoptés pour réparer certaines « tuyauteries ».
Je soutiendrai donc ce PLFSS, dans sa version modifiée par les amendements proposés par la commission des affaires sociales, avec la motivation de sauver le système social à la française qui, depuis soixante et onze ans, constitue l’un des socles essentiels de notre République.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de ce dernier PLFSS du quinquennat est l’occasion pour nous de vous féliciter, madame la ministre, pour votre engagement dans le secteur de la personne en perte d’autonomie, qu’il s’agisse des personnes handicapées ou des personnes âgées.
Aux côtés de Michèle Delaunay, Ségolène Neuville, Laurence Rossignol, puis Pascale Boistard, vous avez fait du secteur médico-social une priorité du Gouvernement.
L’augmentation constante des moyens qui y sont consacrés en témoigne : comme cela a été dit, l’objectif global de dépenses, ou OGD, est en hausse de 11, 4 % depuis 2012, sa croissance est confirmée pour l’année prochaine et, surtout, l’ONDAM médico-social atteindra 20, 1 milliards d’euros en 2017.
S’agissant des personnes en situation de handicap, la mise en place progressive du dispositif de réponse accompagnée pour tous concrétise l’ambition d’une prise en charge individualisée des personnes.
En ce qui concerne la rénovation de la politique de prise en charge de nos aînés, ce PLFSS s’engage dans la lignée de l’application de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite « ASV ». Ce grand chantier est aujourd’hui conditionné à la publication des textes réglementaires y afférents, et je salue le travail de Mme Pascale Boistard, qui veille à l’application de cette loi dans sa totalité, moins d’un an après sa promulgation.
On y retrouve la maîtrise des dépenses et la garantie d’un cadre de qualité pour les personnes en perte d’autonomie, comme pour leurs aidants. Le Gouvernement n’a pas seulement donné un élan au secteur médico-social, il a aussi permis la constitution de bases solides pour les années à venir.
Certes, comme plusieurs d’entre nous, j’étais préoccupé par l’utilisation des réserves de la CNSA et, avec Gérard Roche, je n’ai pas hésité à interroger le Gouvernement sur ce sujet.
La CNSA avait une interprétation restrictive du plan d’aide à l’investissement, le fameux PAI, réservant les crédits à des opérations de restructuration ou de mise aux normes des établissements médico-sociaux. Pourtant, lorsque nous avions inscrit dans la loi ASV l’affectation d’une enveloppe de 100 millions d’euros à ce programme d’investissement, nous entendions aussi favoriser la création de nouvelles maisons de retraite ou EHPAD. Madame la ministre, vous avez donné les instructions nécessaires à la CNSA, et je vous en remercie. Nous aurons l’occasion de reparler de ce que la Caisse a décidé d’en faire.
À l’article 46 du texte, concernant les financements complémentaires alloués aux EHPAD, le rapporteur a fait le choix d’un retour à la disposition créée par la loi ASV. Pour ma part, je vous proposerai un amendement de compromis entre l’article 58 de cette loi et le présent PLFSS, soit un rééquilibrage autour des modalités d’abondement des financements complémentaires des EHPAD.
En introduisant une fixation de ce montant de financements complémentaires à la seule initiative des agences régionales de santé, sans garantie quant à un risque de baisse de ceux-ci, le PLFSS pour 2017 entend donner toute latitude aux agences, qui pourront désormais fixer librement ce taux d’évolution.
Si je comprends le choix de la cohérence locale et de la proximité, je souhaite conserver la référence à l’exercice précédent, pour éviter que ces financements complémentaires, qui sont essentiels à la prise en charge des cas complexes en EHPAD, ne puissent subir les contrecoups de la baisse éventuelle de l’ONDAM médico-social. Je pense naturellement aux années futures…
Enfin, je voudrais profiter de cette évocation des financements des EHPAD pour vous rappeler, madame la ministre, notre reconnaissance, en tant que parlementaires, pour tout ce que vous avez pu apporter au travers des projets de loi importants que vous avez défendus ici.
Je pense par exemple aux CPOM, à la tarification des EHPAD – en particulier au mode de calcul du forfait –, mais je pense surtout au régime unique de l’autorisation pour les services d’aide à domicile, un des piliers de la politique de prise en charge de la perte d’autonomie, pour lequel Gérard Roche et moi-même avons œuvré. Sur ce dernier point, je salue la prise de conscience des difficultés traversées par les services d’aide à domicile dans la restructuration de leur activité.
L’efficacité du fonds de restructuration de l’aide à domicile, créé également pour l’appui aux bonnes pratiques, dépendra de l’identification de priorités précises en amont du versement des crédits. Il apparaît donc indispensable de définir des objectifs chiffrés, mais surtout une grille qualitative, qui sera commune à l’ensemble des départements. Nul doute que nous y arriverons !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais malheureusement être obligée de m’absenter pour me rendre devant l’Assemblée nationale, qui va débattre, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, du budget de la mission « Santé », regroupant notamment les crédits de la prévention. Toutefois, Christian Eckert répondra à ma place aux questions que vous avez posées, et je reviendrai devant vous à la suite de ce débat.
Monsieur Cigolotti, c’est justement dans le cadre de la mission « Santé » du budget de l’État qu’est présenté l’« amendement « Dépakine », qui tend à indemniser les victimes de ce médicament. Ce dispositif ne relève donc pas du PLFSS, même si nous pourrons, si vous le souhaitez, en discuter dans ce cadre. En tout état de cause, votre assemblée aura également à examiner le projet de loi de finances dans quelques jours.
Je souhaite, à ce stade de nos travaux, formuler deux observations rapides.
Tout d’abord, la discussion générale a bien montré que nous avons des débats de fond sur un certain nombre de questions. L’intervention du président de la commission des affaires sociales a confirmé qu’il existait effectivement des choix différents, que ce soit en matière de politique familiale, de retraite, d’hôpital public ou de prise en charge des soins en général. Je trouve que ces débats sont sains et légitimes dans une démocratie comme la nôtre, et nous devons montrer la variété des options et des chemins qui se présentent à nous.
Pour autant, cela ne devrait pas nous empêcher de nous réjouir, collectivement, du rétablissement des comptes sociaux. Les choix de fond sont certes en question, mais nous devons tous avoir la volonté de rééquilibrer les comptes, car seul cet équilibre permet d’inscrire notre système social dans la durée.
J’en viens à ma seconde observation. On voit bien que les primaires se sont invitées dans les débats, parfois à l’insu de certains orateurs… Le rapporteur général de la commission des affaires sociales, par exemple, a été piqué au vif par l’observation que j’avais formulée sur la privatisation et la remise en cause du modèle social.
M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales s’exclame.
Selon vous, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y aurait donc aucune inquiétude à avoir. Toutefois, cela ne correspond pas à ce que disent vos candidats à la primaire ! Il faudra bien déterminer, à un moment donné et de manière précise, comment s’articulent les propositions dont nous débattons ici et les discours politiques tenus à l’extérieur.
C’est un sujet qu’il appartiendra à certains d’entre vous de trancher.
Enfin, plusieurs orateurs se sont offusqués du terme de privatisation. Néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, comment appelez-vous le fait de réduire la prise en charge par la sécurité sociale et d’augmenter la part des assurances privées ?
Cela correspond à la définition de la privatisation, et c’est bien ce qui est préconisé dans les programmes des différents candidats à la primaire de la droite.
Je ne doute pas que nous aurons à débattre des différentes modalités de cette politique. Si vous le souhaitez, trouvez un autre mot que « privatisation », mais celui-ci correspond à ce qui est écrit noir sur blanc dans les programmes électoraux que vous soutenez : baisse des remboursements de la sécurité sociale et augmentation de la part des assurances privées, du moins pour ceux qui en ont et lorsque celles-ci sont de qualité suffisante.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’étais à l’Assemblée nationale pour un autre débat, lorsque vous avez commencé l’examen du PLFSS pour 2017. Sans reprendre l’ensemble du propos que j’avais préparé pour le début de la discussion générale, je vais tenter de répondre à un certain nombre d’interpellations que j’ai entendues.
Monsieur Vanlerenberghe, vous avez reconnu que le déficit du régime général s’est réduit. Nous avons déjà eu ce débat au sein de la commission, et, de fait, cette réduction s’inscrit dans un mouvement général constant : le déficit public va ainsi repasser sous la barre des 3 %.
Certains ont parlé d’insincérité, ce qui me semble en décalage complet avec les rapports de la Cour des comptes. D’autres ont mis en doute la croissance attendue, mais s’il est un élément important dans le montant des recettes de la sécurité sociale, ce n’est pas la croissance, c’est la masse salariale.
Souvenez-vous ! Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, nous avions prévu que la masse salariale augmenterait de 2, 3 %. Or, à la suite des constatations de l’ACOSS, qui assure la gestion de la trésorerie du régime général de sécurité sociale, nous avons déjà été conduits à la réévaluer à la hausse pour la fixer à 2, 5 %, et nous pensons même qu’elle atteindra 2, 6 %.
Je vous invite donc à un peu plus d’humilité. Le facteur essentiel des recettes de la sécurité sociale, c’est non pas la croissance, mais la masse salariale. En outre, les répercussions de son évolution sont quasiment instantanées, contrairement à ce qui se passe pour les recettes fiscales de l’État. À cet égard, la masse salariale constatée en 2016 et prévue en 2017 montre que les indices macroéconomiques que nous avons retenus sont tout à fait réalistes.
Par ailleurs, la Commission européenne s’est exprimée, il y a quelques jours, sur les prévisions et indicateurs macroéconomiques de la France, et elle a pris une position tout à fait proche de celle du Gouvernement. Ce débat devrait donc être largement derrière nous.
Ensuite, certains orateurs ont critiqué le « triomphalisme » dont ferait preuve le Gouvernement. Je les appelle, là encore, à l’humilité. Monsieur Barbier, vous avez notamment indiqué que le triomphalisme était une attitude à proscrire. Mais la caricature l’est aussi, monsieur le sénateur ! Vous avez utilisé des mots extrêmement forts, en affirmant par exemple que la ministre n’aimait pas la médecine libérale.
Vous avez tenu des propos parfaitement excessifs, ce qui n’est pas, me semble-t-il, l’habitude du Sénat. On peut certes estimer que le triomphalisme est un défaut, mais les propos que vous avez utilisés sont, quant à eux, choquants.
Plusieurs orateurs ont parlé de « cadeaux électoraux », qui pèseraient sur les finances de l’année prochaine. Toutefois, j’aurais aimé qu’ils nous disent d’abord s’ils y étaient favorables, ou non ! Mesdames, messieurs les sénateurs, êtes-vous favorables, ou non, à l’augmentation du point d’indice dans la fonction publique, notamment hospitalière ?
Exclamations.
Vous nous avez fait des couplets sur la situation, le moral, la désespérance des personnels hospitaliers, mais dites-nous si vous êtes favorables, ou non, à l’amélioration de leurs conditions salariales, que ce soit par l’augmentation du point d’indice ou par d’autres dispositifs que nous avons mis en place, comme la revalorisation des carrières.
Vous nous faites le même discours sur la médecine de ville, mais êtes-vous favorables, ou non, à l’augmentation du tarif de la consultation des médecins généralistes ? Dites-le-nous !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Vous nous parlez du taux réduit de la CSG pour les retraités. Je n’ai d’ailleurs pas très bien compris une sénatrice, qui a voulu faire une distinction entre la mesure et ses modalités… Êtes-vous favorables, oui ou non, à une CSG à taux zéro ou à taux réduit pour les petites retraites ?
Vous critiquez ces mesures, mais j’aimerais que vous nous disiez si vous les soutenez ou si vous souhaitez les abroger en cas – très improbable §– d’alternance politique. Nous nous devons d’être cohérents ! De même, êtes-vous favorables à la réduction des cotisations des travailleurs indépendants ?
Vous nous dites aussi que ce sont des mesures qui s’appliqueront pour l’avenir. Bien sûr, mais n’ont-elles pas été inscrites dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Vous êtes tellement au courant que vous en avez même cité le volume.
Vous avez affirmé qu’elles s’élevaient à 700 millions d’euros pour la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique hospitalière et à 300 ou 400 millions d’euros pour celle du tarif des consultations. Or ces chiffres ont bien entendu été intégrés. C’est ce qui a conduit à revaloriser l’ONDAM de 2, 1 %, alors que la progression initialement prévue était de 1, 75 %. Mais nous assumons ces dépenses nouvelles ! On ne peut pas d’un côté les regretter, et, de l’autre, les trouver insuffisantes.
J’ajouterai un dernier mot s’agissant du contexte général : sur l’endettement, là aussi, mettons-nous d’accord une fois pour toutes. Quelqu’un a dit que la dette de la CADES ne serait pas éteinte en 2024. Mais c’est faux ! La dette de la CADES sera éteinte en 2024, toutes choses étant égales par ailleurs. La trajectoire initialement prévue fixait d’ailleurs une telle extinction à un horizon plus lointain.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, cette évolution n’est pas liée à la faiblesse des taux d’intérêt ! Selon la commission des finances du Sénat, la dette de la sécurité sociale se réduirait – au passage, je constate qu’elle ne conteste pas ce point – parce que les taux d’intérêt sont faibles. C’est faux ! La raison en est tout simplement que nous remboursons désormais tous les ans, certes depuis peu, plus de dette que nous n’en créons par nos déficits.
Quant au déficit du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, premièrement, nous ne l’avons pas caché : pour la première fois, il figure clairement, aux articles 22 à 24 du projet de loi, dans les tableaux d’équilibre, aussi bien pour 2016 que pour 2017 – il s’agissait d’une préconisation de la Cour des comptes.
D’ailleurs, là encore, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, je vous invite à un peu de modestie ! Le déficit du FSV devrait s’élever, en 2016, à 3, 8 milliards d’euros. Toutefois, de combien était ce déficit en 2012 ? De 4, 1 milliards d’euros ! Il était donc plus important qu’aujourd’hui.
Il ne faut donc quand même pas exagérer. Avec nous, le déficit des quatre branches du régime général est passé de 17, 5 milliards d’euros à 400 millions d’euros, et celui du FSV a été lui aussi réduit, certes dans des proportions bien moins importantes, puisqu’il est passé de 4, 1 milliards d’euros à 3, 8 milliards d’euros. Il n’y a là ni artifice comptable ni argutie.
Je me suis expliqué longuement, devant votre commission, sur les fameux 700 millions d’euros. Nous reviendrons probablement sur ce morceau de CSG qui n’était pas affecté.
Je terminerai mon propos, monsieur le président, par quelques remarques.
L’une a trait à une mesure que nous étudierons dans le courant de nos débats, mais qui a été peu évoquée pendant la discussion générale : nous avons choisi d’augmenter la fiscalité sur le tabac à rouler.
Ce n’est pas là, fondamentalement, une mesure introduite pour son rendement budgétaire : le secrétaire d’État chargé du budget que je suis ne saurait négliger les quelques recettes supplémentaires liées à cette disposition, mais celles-ci ne sont pas énormes. Il s’agit surtout d’une politique de prévention : nous savons que le tabac à rouler est généralement la porte d’entrée dans le tabagisme, notamment pour les plus jeunes. Nous assumons cette hausse de fiscalité. Elle a été décrite et portée par l’ensemble du Gouvernement.
Nous avons formulé une seconde proposition, consistant à instaurer une taxe sur les distributeurs. Pourquoi ? Pour une raison assez simple : aujourd’hui, tous les fabricants sont installés à l’étranger. Ils vendent leurs produits, pour l’essentiel, à un seul distributeur, extrêmement dominant s’agissant de la distribution agréée du tabac, et cela avant l’entrée à nos frontières.
Tous les profits des fabricants – ils sont énormes ! – sont donc réalisés à l’étranger et, à ce titre, ne font l’objet d’aucune fiscalisation, alors que le chiffre d’affaires est évidemment effectué en France. Il s’agit là d’une complète anomalie. Nous souhaitons commencer à la résorber via cette mesure portant sur les distributeurs. Nous estimons en effet que les fabricants sont totalement capables d’absorber cette taxe relativement minime – elle devrait rapporter 130 millions d’euros par an.
Je le répète, en vendant leurs produits, depuis l’étranger, à un distributeur qui se trouve être, je l’indique au passage, une filiale de l’un d’entre eux, les fabricants échappent aujourd’hui complètement à la fiscalisation des revenus qu’ils tirent du commerce du tabac en France.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ces questions. Je dis simplement un mot des buralistes : après avoir assisté au congrès de la Confédération des buralistes de France, j’ai signé ce matin avec son président un accord portant sur les cinq prochaines années. Un contrat d’avenir était en cours lorsque nous sommes arrivés au gouvernement ; nous l’avons bien entendu exécuté.
Il en existe désormais un autre, qui a été conclu, l’accent étant mis sur la diversification – cela a été évoqué –, sur la concentration des aides en direction des secteurs les plus défavorisés et sur la réalisation d’un travail global passant notamment par une meilleure rémunération – là encore, nous aurons l’occasion d’y revenir.
Enfin, j’évoquerai l’économie collaborative – monsieur le président, je sollicite votre indulgence : étant retenu par les travaux de l’Assemblée nationale, je n’ai pas utilisé mon temps de parole en début de débat. La question de l’économie collaborative est une question d’avenir, que personne n’a véritablement traitée, alors qu’elle se pose depuis quelques années.
Notre objectif est double : ne rien empêcher – ce serait stupide et ne collerait ni à l’évolution de la société, des pratiques, du commerce et de l’économie, ni à la demande de la plupart de nos concitoyens ; ménager, néanmoins, une certaine équité entre l’utilisation des nouvelles technologies d’échange, de commerce et de vente sur les plateformes internet et l’économie dite « traditionnelle ».
C’est ce vers quoi nous avons cherché à tendre au travers des dispositifs que nous avons proposés. Ceux-ci mériteront peut-être des améliorations – toute œuvre humaine est perfectible. Nous avons d’ailleurs été réceptifs, à l’Assemblée nationale, à un certain nombre de modifications des seuils qui ont été évoqués.
Il reste probablement, également, à travailler sur la question des régimes auxquels les utilisateurs des plateformes devraient s’affilier de façon obligatoire. Nous formulerons des propositions s’agissant du RSI, le régime social des indépendants, ici même ou au cours de la navette.
Quoi qu’il en soit, je nous invite, collectivement, à ne pas négliger ce sujet : l’évolution de l’économie, des relations commerciales et des relations salariales, dans le contexte de ce que l’on appelle un peu facilement la « nouvelle économie », appelle une réaction. Plus le législateur, le Parlement, mais aussi le Gouvernement, tarderont, en la matière, à prendre des décisions, plus il sera difficile de revenir sur des pratiques qui sont aujourd’hui, pour le dire pudiquement, à la limite du droit.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2015
Au titre de l’exercice 2015, sont approuvés :
1° Le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
En milliards d’euros
Recettes
Dépenses
Solde
Maladie
Vieillesse
Famille
Accidents du travail et maladies professionnelles
Toutes branches (hors transferts entre branches)
Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris Fonds de solidarité vieillesse
2° Le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :
En milliards d’euros
Recettes
Dépenses
Solde
Maladie
Vieillesse
Famille
Accidents du travail et maladies professionnelles
Toutes branches (hors transferts entre branches)
Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris Fonds de solidarité vieillesse
3° Le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
En milliards d’euros
Recettes
Dépenses
Solde
Fonds de solidarité vieillesse
4° Les dépenses constatées relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, s’élevant à 181, 8 milliards d’euros ;
5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, lesquelles sont nulles ;
6° Les recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse, lesquelles sont nulles ;
7° Le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, s’élevant à 13, 5 milliards d’euros.
À lui seul, l’article 1er du projet de loi appellerait un examen approfondi de la réalité des comptes de la sécurité sociale. Nous pourrions certes, à l’instar du Gouvernement, nous satisfaire de voir la situation s’améliorer, en tout cas du point de vue comptable. Mais, à la vérité, les choses semblent bel et bien plus fragiles qu’il n’y paraît, et, sous bien des aspects, aucune solution durable ne semble avoir été trouvée aux maux dont on a accablé notre système de sécurité sociale.
Je prendrai l’exemple des pensions de retraite. Il est évident que la mise en œuvre des réformes de 2003, de 2010 et de 2014, fondées sur l’allongement de la durée de cotisation et la minoration du salaire de référence pris en compte pour calculer les retraites versées, si elle a contribué à la diminution des déficits, a aussi inscrit l’évolution des pensions de retraite dans une trajectoire plus que préoccupante.
Le problème est posé : si le comptable est satisfait, il n’en est évidemment pas de même pour l’assuré social ! Les réformes Fillon de 2003 et de 2010 ont en effet conduit à la mise en cause des droits acquis, sans que, pour ne donner qu’un exemple bien connu, la pénibilité soit enfin reconnue.
Ce n’est pas moi qui le dis, d’ailleurs, mais le Conseil d’orientation des retraites : la retraite moyenne, dans l’hypothèse macroéconomique la plus défavorable, pourrait en effet ne plus représenter que 35 % du salaire moyen d’ici à 2050-2060.
En réalité, la réforme de 2014 n’a pas fondamentalement remis en question les contraintes posées par celle de 1993, la réforme Balladur, que le groupe socialiste du Sénat avait pourtant combattue, la moindre de ces contraintes n’étant pas l’indexation sur l’inflation de l’évolution des pensions et retraites, laquelle, avec l’adjonction de nouveaux prélèvements, a conduit les retraités à disposer de pensions et retraites à pouvoir d’achat réduit.
Notre groupe aura l’occasion de revenir sur ces perspectives peu réjouissantes, qui tiennent pour l’essentiel au refus des gouvernements successifs de prendre l’argent là où il est, à savoir dans la richesse financière, et de s’attaquer au problème principal, celui du chômage de masse.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous voterons évidemment cet article 1er, de même que l’article 2 et que l’ensemble de la première partie.
Nous les voterons résolument, avec conviction, car ils montrent que le rétablissement des comptes depuis 2012 est ancré dans la durée. C’est historique ! Les chiffres constatés, ainsi que le sens des réformes engagées, en responsabilité, par Mme la ministre pour préserver un avenir solidaire, nous le confirment.
Certains, ici, laissent entendre qu’ils voteront cette première partie, mais sans vraiment l’approuver, du bout des lèvres. Pourquoi ce dénigrement ? Pourquoi cette posture ? Est-il si difficile de reconnaître, au prétexte d’une période de précampagne électorale, la réussite du Gouvernement s’agissant du retour à l’équilibre des comptes sociaux ?
Derrière cette posture, il y a certainement, et c’est plus grave, une philosophie politique qui m’apparaît bien moins innocente. En effet, notre système de sécurité sociale repose avant tout – cela a été dit – sur un pacte social et économique noué par la confiance. À défaut d’une telle confiance, ce pacte est menacé dans ses fondements. Sans confiance dans leur système de protection, nos concitoyens sont tentés de se réfugier dans le privé et la capitalisation, au détriment de la solidarité.
C’est ce que cultivent, ici, ceux qui dénigrent, ceux qui entretiennent la confusion. Il y a quelques jours, un sondage portant sur la perception de notre système de santé nous apprenait que près de 80 % des Français estiment que la préservation de notre système de santé et d’assurance maladie doit être une priorité du prochain quinquennat ; mais ils sont presque autant à anticiper une dégradation de celui-ci, tout en jugeant, avec lucidité, que la France est en meilleure situation que ses voisins européens.
Quel enseignement en tirer ? Sans doute que nous sommes à un moment décisif, où les choix politiques de ceux qui n’ont de cesse de critiquer doivent être explicités. Soit ils soutiennent la sécurité sociale et ils reconnaissent l’effectivité de son redressement, afin de redonner de la confiance, soit ils rechignent et alimentent la défiance, sans avoir pour autant le courage d’affirmer que le principe de solidarité nationale n’est plus pour eux une priorité.
Mme la ministre a eu le courage de s’engager pour préserver l’essentiel de notre système, à savoir le principe de solidarité nationale, afin que vive la sécurité sociale. Cela a été une priorité de votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, et le bilan que vous nous présentez ici nous le prouve.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
L'article 1 er est adopté.
article 2
Est approuvé le rapport figurant en annexe A à la présente loi présentant un tableau, établi au 31 décembre 2015, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits, tels qu’ils sont constatés dans les tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2 015 figurant à l’article 1er.
Annexe A
Rapport retraçant la situation patrimoniale, au 31 décembre 2015, des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents et la couverture des déficits constatés pour l’exercice 2015
I. – Situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2015
En milliards d’euros
Actif
2015
net
2014
net
Passif
Immobilisations
Capitaux propres
Immobilisations non financières
Dotations
Régime général
Prêts, dépôts de garantie
Autres régimes
Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES)
Avances / prêts accordés à des organismes de la sphère sociale
Fonds de réserve pour les retraites (FRR)
Réserves
Régime général
Autres régimes
FRR
Report à nouveau
Régime général
Autres régimes
CADES
Résultat de l’exercice
Régime général
Autres régimes
Fonds de solidarité vieillesse (FSV)
CADES
FRR
Écart d’estimation (réévaluation des actifs du FRR en valeur de marché)
Provisions pour risques et charges
Actif financier
Passif financier
Valeurs mobilières et titres de placement
Dettes représentées par un titre (obligations, billets de trésorerie, europapiers commerciaux)
Régime général
Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)
Autres régimes
CADES
CADES
FRR
Encours bancaire
Dettes à l’égard d’établissements de crédit
Régime général
ACOSS (prêts Caisse des dépôts et consignations)
Autres régimes
Régime général (ordres de paiement en attente)
FSV
Autres régimes
CADES
CADES
FRR
Dépôts reçus
ACOSS
Créances nettes au titre des instruments financiers
Dettes nettes au titre des instruments financiers
CADES
ACOSS
FRR
Autres
Autres régimes
CADES
Actif circulant
Passif circulant
Créances de prestations
Dettes et charges à payer à l’égard des bénéficiaires
Créances de cotisations, contributions sociales et d’impôts de sécurité sociale
Dettes et charges à payer à l’égard des cotisants
Produits à recevoir de cotisations, contributions sociales et autres impositions
Créances sur entités publiques et organismes de sécurité sociale
Dettes et charges à payer à l’égard d’entités publiques
Produits à recevoir de l’État
Autres actifs
Autres passifs
Total de l’actif
Total du passif
Sur le champ des régimes de base, du FSV, de la CADES et du FRR, le passif net (ou « dette ») de la sécurité sociale, mesuré par ses capitaux propres négatifs qui représentent le cumul des déficits passés restant à financer, s’élevait à 109, 5 milliards d’euros au 31 décembre 2015, soit l’équivalent de 5 points de PIB. Après une forte dégradation consécutive à la crise économique des années 2008-2009, l’amélioration constatée en 2014 s’est confirmée en 2015 (baisse de 1, 3 milliard d’euros par rapport à 2014). Cette amélioration reflète la poursuite de la réduction des déficits des régimes de base et du FSV amorcée en 2013 (10, 3 milliards d’euros en 2015 contre 12, 7 milliards d’euros en 2014, 16, 0 milliards d’euros en 2013 et 19, 1 milliards d’euros en 2012) et de l’amortissement de la dette portée par la CADES (13, 5 milliards d’euros en 2015 contre 12, 7 milliards d’euros en 2014).
Cette amélioration se traduit en particulier par le constat, pour la deuxième année consécutive, d’un résultat consolidé positif sur le périmètre d’ensemble de la sécurité sociale retracé ci-dessus (4, 7 milliards d’euros en 2015, 1, 4 milliard d’euros en 2014).
Le financement du passif net de la sécurité sociale est assuré à titre principal par un recours à l’emprunt, essentiellement porté par la CADES et l’ACOSS. L’endettement financier net de la sécurité sociale, qui correspond à la différence entre les dettes financières et les actifs financiers placés ou détenus en trésorerie, s’établit donc à un niveau proche de celui-ci et en suit en premier lieu les mêmes tendances en subissant secondairement les effets de la variation du besoin en fonds de roulement lié au financement des actifs et passifs circulants (créances et dettes) et des acquisitions d’actifs immobilisés, qui pèsent également sur la trésorerie. Du fait de la quasi-stabilité du besoin en fonds de roulement, on observe pour la première fois un léger fléchissement de l’endettement financier net en 2015 (120, 8 milliards d’euros contre 121, 3 milliards d’euros fin 2014).
Évolution du passif net, de l’endettement financier net et des résultats comptables consolidés de la sécurité sociale depuis 2009
En milliards d’euros
Passif net au 31 décembre (capitaux propres négatifs)
Endettement financier net au 31 décembre
Résultat comptable consolidé de l’exercice
II. – Couverture des déficits et affectation des excédents constatés sur l’exercice 2015
Les comptes du régime général ont été déficitaires de 6, 8 milliards d’euros en 2015. La branche Maladie a ainsi enregistré un déficit de 5, 8 milliards d’euros, la branche Famille un déficit de 1, 5 milliard d’euros et la branche Vieillesse un déficit de 0, 3 milliard d’euros, la branche Accidents du travail et maladies professionnelles ayant quant à elle dégagé un excédent de 0, 7 milliard d’euros. Par ailleurs, le FSV a enregistré un déficit de 3, 9 milliards d’euros.
Dans le cadre fixé par la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale, la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 a organisé le transfert à la CADES, dès l’année 2011, des déficits 2011 des branches Maladie et Famille du régime général. Elle a également prévu la reprise progressive, à compter de 2012, des déficits 2011 à 2018 de la branche Vieillesse du régime général et du FSV, dans la double limite de 10 milliards d’euros chaque année et de 62 milliards d’euros au total. Conformément aux dispositions organiques, la CADES a été affectataire de ressources lui permettant de financer ces sommes.
Même si la reprise des déficits de la branche Vieillesse et du FSV reste prioritaire, compte tenu des marges rendues disponibles par les différentes mesures prises en matière de redressement financier par la réforme des retraites 2014, la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 a prévu que les déficits des exercices 2012 à 2017 des branches Maladie et Famille pourraient être intégrés dans le champ de la reprise, sans modification des plafonds globaux de reprise ni de l’échéance d’amortissement de la dette transférée à la CADES.
Un montant de 10 milliards d’euros a ainsi été repris en 2015, correspondant au transfert des déficits prévisionnels de la branche Vieillesse et du FSV au titre de 2014 et au financement d’une partie des déficits de la branche Maladie et de la branche Famille au titre de 2012 et de 2013.
L’article 26 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 a modifié ce schéma et supprimé le plafond annuel de 10 milliards d’euros afin de tenir compte des conditions de financement à moyen et long termes particulièrement favorables. Il a ainsi ouvert la possibilité d’une saturation du plafond de 62 milliards d’euros dès 2016 et d’une reprise anticipée de 23, 6 milliards d’euros. Les modalités de mise en œuvre de cette reprise anticipée en 2016 ont été précisées par le décret n° 2016-110 du 4 février 2016 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse à effectuer en 2016.
Par ailleurs, les excédents de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles au titre de 2015 (0, 7 milliard d’euros) ont été affectés à la réduction des déficits cumulés passés, dont le montant est ainsi réduit de 1, 0 à 0, 2 milliard d’euros.
La plupart des régimes de base autres que le régime général présentent par construction des résultats annuels équilibrés ou très proches de l’équilibre. Il en est ainsi des régimes intégrés financièrement au régime général (régimes agricoles à l’exception de la branche retraite du régime des exploitants, régimes maladie des militaires et des marins, et régimes de base du régime social des indépendants intégrés financièrement aux branches Maladie et Vieillesse du régime général depuis 2015), des régimes de retraite équilibrés par des subventions de l’État (SNCF, RATP, régimes des mines et des marins) et des régimes d’employeurs (fonction publique de l’État), équilibrés par ces derniers.
Cependant, plusieurs régimes ne bénéficiant pas de tels mécanismes d’équilibrage ont enregistré en 2015 des résultats déficitaires. S’agissant de la branche retraite du régime des exploitants agricoles, dont les déficits 2009 et 2010 avaient été repris par la CADES, le déficit s’élève à 0, 3 milliard d’euros (contre 0, 2 milliard d’euros en 2014), portant le montant des déficits cumulés depuis 2011 à 3, 2 milliards d’euros. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a prévu que ce déficit puisse être financé par des avances rémunérées de trésorerie par l’ACOSS en complément des financements bancaires auxquels avait recours jusqu’ici la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) pour couvrir ces déficits cumulés. Au 31 décembre 2015, ces déficits ont été financés en totalité par une avance de l’ACOSS (2, 7 milliards d’euros).
Le déficit du régime des mines s’est élevé à 0, 1 milliard d’euros en 2015, portant le montant cumulé de dette à 1, 1 milliard d’euros en fin d’année. Dans le contexte d’une limitation des concours financiers de la Caisse des dépôts et consignations, partenaire financier historique de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a étendu jusqu’à 2017 les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoyant la faculté d’un recours à des avances de trésorerie de l’ACOSS à hauteur de 250 millions d’euros, en complément des financements externes procurés par la Caisse des dépôts et des établissements bancaires.
Enfin, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a dégagé, pour la deuxième année consécutive, un excédent de 0, 3 milliard d’euros, contre 0, 4 milliard d’euros en 2014. Cet excédent a été affecté aux réserves du régime, portant celles-ci à 1, 8 milliard d’euros.
La discussion de cet article est pour nous l’occasion de mettre en évidence l’un des problèmes dont souffre aujourd’hui la sécurité sociale, à savoir la persistance d’un encours important de dette de moyen et long terme au sein de la CADES.
Je formulerai rapidement quelques remarques sur la réalité du bilan qui nous est présenté à l’article 2, renvoyant à l’annexe A.
La dette sociale transformée en titres de créances n’atteint rien de moins que 165, 2 milliards d’euros, dont près de 138 milliards d’euros au titre de la seule CADES. Compte tenu des capacités actuelles de la caisse à amortir la dette sociale qui lui a été confiée, et si rien ne vient dégrader la situation entre-temps, nous devrions attendre entre dix et douze ans pour que cette dette soit tout à fait éteinte.
Nous ne sommes donc pas aussi optimistes que M. le secrétaire d’État. Eu égard, au demeurant, à sa durée de vie moyenne, il nous semble évident qu’il faudra, avant peu, émettre de nouveaux titres pour amortir ceux qui sont actuellement en circulation, ce qui ne manquera pas de prolonger la durée de vie de la caisse et, par suite, celle de la contribution pour le remboursement de la dette sociale.
Nous nous permettons, par ailleurs, de faire observer que les émissions de la CADES n’ont pas été réalisées exclusivement en euros : d’autres devises ont servi de support à certains de ces titres de créance. Des emprunts ont ainsi été émis par la CADES en dollars, en francs suisses, en livres sterling, en couronnes norvégiennes et dans certaines devises encore plus surprenantes.
Lorsque le dollar s’apprécie au regard de l’euro, on peut observer un renchérissement de la dette sociale libellée dans cette unité monétaire. Et lorsque la pression monte sur les taux d’intérêt, nous pouvons, là encore, nous inquiéter.
En tout état de cause, réduire la dette sociale ne peut être un objectif en soi : il est évident que c’est plutôt au travers d’un accroissement des recettes – je l’ai dit il y a un instant –, fondé sur des créations d’emplois de qualité, que nous déterminerons les voies et les moyens d’une amélioration durable des comptes sociaux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je ne vous étonnerai pas en vous annonçant que le groupe socialiste et républicain votera cet article 2.
Je ne vous étonnerai pas non plus en félicitant, au nom du même groupe, Mme la ministre et ses secrétaires d’État de la rigueur de cet exercice, comme des précédents.
Alors que certains prédisaient une aggravation des comptes, évoquant un manque de rigueur, et alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoyait un déficit de 9, 7 milliards, celui-ci devrait en définitive s’établir à 7, 2 milliards, voire à 7, 1 milliards d’euros, en 2016. Il était de 28 milliards d’euros en 2010, de 17, 5 milliards d’euros en 2012.
La dette globale de la sécurité sociale est passée en 2016 de 156 à 150 milliards d’euros.
Depuis 2012, nous constatons donc une baisse de la dette globale de la sécurité sociale, qui sera amplifiée en 2017, mais aussi une hausse, de 77 % à 78 %, de la prise en charge des dépenses par la sécurité sociale, ainsi qu’une baisse de la part des dépenses de santé à la charge des ménages, celle-ci passant de 9, 1 % à 8, 4 %.
La pénibilité est désormais reconnue. Les carrières longues et les salariés précaires sont mieux protégés. Les femmes le sont aussi, avec la prise en charge de la totalité des frais durant leur grossesse, ainsi que deux trimestres de retraite validés. Les familles aux revenus modestes sont aidées, avec la hausse de l’allocation de rentrée scolaire ou la fin des franchises médicales. Les travailleurs indépendants aux revenus modestes ont vu leurs cotisations baisser. Cette liste n’est bien entendu pas exhaustive ; au regard du temps qui m’est imparti, il serait trop long d’en donner l’intégralité.
Nous voterons donc ces dispositions relatives à l’exercice 2015.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
L'article 2 et l’annexe A sont adoptés.
Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.
La première partie du projet de loi est adoptée.
I. – La loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 25, le montant : « 40 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 90 millions d’euros » ;
2° Au I de l’article 85, le montant : « 307 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 62 millions d’euros ».
II. – Il est institué, au titre de l’année 2016, au bénéfice du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés mentionné à l’article 40 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001, une contribution de 150 millions d’euros à la charge de l’organisme mentionné au II de l’article 16 de l’ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé. Cette contribution est versée avant le 31 décembre 2016.
Le recouvrement, le contentieux et les garanties relatifs à cette contribution sont régis par les règles mentionnées à l’article L. 137-3 du code de la sécurité sociale.
III. – Le montant de la contribution mentionnée à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge fixé en application de l’article L. 351-1-4 du même code est fixé à 44, 7 millions d’euros pour l’année 2016.
IV §(nouveau). – Pour l’année 2016, la section mentionnée au V de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles retrace en charges la contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie au financement du plan national d’adaptation des logements privés aux contraintes de l’âge et du handicap, dans la limite de 20 millions d’euros.
L'amendement n° 286, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Cette année encore, le Gouvernement propose une ponction de 150 millions d’euros sur les réserves du Fonds pour l’emploi hospitalier, motivée, selon le rapporteur de l’Assemblée nationale, par « le contexte budgétaire restreint et l’existence d’un excédent structurel », ce que nous a confirmé Mme la ministre lors de son audition par la commission des affaires sociales.
Il y aurait 364 millions d’euros d’excédents ! Pourtant, lors des auditions que nous avons menées auprès des associations, des syndicats, des professionnels de santé, ceux-ci nous ont confié que cette décision entraînerait l’annulation de 30 % à 40 % des formations qualifiantes qui les concernent. Le Gouvernement parle de « réserve financière » ; nous ne partageons pas cette analyse : nous préférons, avec les professionnels de santé hospitaliers, parler de projection sur l’avenir.
En outre, quelle garantie avons-nous que ces sommes profiteront, en définitive, au monde hospitalier ? Il semblerait plutôt qu’elles finissent par bénéficier aux établissements privés de santé, ce qui est particulièrement injuste, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d’État.
Déjà, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, ma collègue Annie David était intervenue pour dénoncer la ponction de 40 millions d’euros de ce même fonds public afin d’abonder le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMESPP.
Je veux rappeler ici le rôle du Fonds pour l’emploi hospitalier : il permet aux établissements de financer des aménagements d’horaires, qu’il s’agisse de temps partiel, de cessation anticipée d’activité ou de certaines formations et aides à la mobilité. Ce fonds est donc bel et bien utile au sein de la fonction publique hospitalière.
S’il dégage des excédents, il serait plus judicieux d’utiliser ceux-ci pour financer des mesures efficaces en matière de formation ou de titularisation des contractuels de la fonction publique hospitalière, lesquels effectuent leurs missions de service public avec un dévouement certain et une précarité non moins certaine.
Madame Cohen, ce prélèvement est déjà engagé au titre de l’exercice 2016. La commission a donc choisi d’autoriser ce transfert du FEH, le Fonds pour l’emploi hospitalier, vers le FMESPP, pour 2016 ; en revanche – nous y reviendrons plus tard – nous n’autorisons pas ce prélèvement pour 2017.
Il nous semble que, par rapport à la proposition du Gouvernement, qui coûtait 300 millions d’euros, il s’agit d’un bon équilibre pour l’hôpital : nous ramenons cette somme à 150 millions d’euros.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Nous constatons que l’ANFH, l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier, est structurellement excédentaire depuis 1998. Les excédents représentent en moyenne, sur la période, 4 % des cotisations, ce qui lui a permis de constituer des réserves. Depuis près de vingt ans, l’ANFH n’a pas eu recours à ses fonds propres pour financer ses charges d’exploitation, lesquelles sont confortablement couvertes par les produits de l’année.
Cette situation a conduit l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, dans un rapport à paraître, à parler de « thésaurisation ».
L’IGAS n’a pas proposé de renoncer à cette mesure ; les réserves dormantes ont vocation à être remises, par l’intermédiaire du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, aux hôpitaux, et en particulier à ceux qui connaissent les plus grandes difficultés, ceux-là même, d’ailleurs, qui ont cotisé auprès de l’ANFH.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
Nous ne voterons pas l’amendement de notre collègue du groupe communiste républicain et citoyen.
Pour autant, je pense que le sujet de la formation professionnelle dans le monde hospitalier est fondamental, tant, d’ailleurs, pour les personnels paramédicaux que pour les médecins.
Nous nous félicitons des mesures prises, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, concernant les carrières et les promotions des personnels soignants paramédicaux et des médecins. Néanmoins, ce que réclament, en particulier, les personnels paramédicaux – cela vaut aussi pour les médecins –, c’est la reconnaissance de la qualité de leur travail. Ces personnels sont très investis dans leurs missions, dans leur travail et dans leurs fonctions.
En votant la création du métier d’infirmier clinicien, à l’occasion de la discussion du projet de loi de modernisation de notre système de santé, et en travaillant, plus généralement, sur la promotion des coopérations interprofessionnelles, nous avons reconnu que la question de la qualification de nos personnels hospitaliers était tout à fait fondamentale.
Même si ce fonds est régulièrement alimenté, même s’il est excédentaire, il est important qu’il puisse financer la formation professionnelle, sachant qu’il arrive souvent, dans certains services, en particulier dans les services hyperactifs, comme les services de réanimation ou les urgences, que ces formations, par manque de personnel, ne soient pas suivies – les taux d’absentéisme sont tels que les personnels ne sont pas autorisés à partir en formation !
Il s’agit donc d’un sujet véritablement très important, que nous devons prendre en compte.
Je trouve l’explication de notre rapporteur général de la commission des affaires sociales, M. Vanlerenberghe, assez légère.
En quelque sorte, il coupe la poire en deux : non pas 300 millions d’euros – il ne faudrait pas nous satisfaire ! –, mais 150 millions d’euros. C’est léger !
Lorsque l’on entend la souffrance des personnels hospitaliers – il s’agit, en l’occurrence, des personnels hospitaliers, mais j’ai dit, en intervenant au cours de la discussion générale, que tous les personnels de santé, dans le privé comme dans le public, étaient en souffrance –, on ne peut que trouver léger un tel argument : je persiste et je signe !
Les arguments de M. le secrétaire d’État ne m’ont pas non plus convaincu. Il y a excédent, le fonds n’est pas utilisé, et l’on constate en même temps, au quotidien, les difficultés du monde hospitalier. Que fait donc le Gouvernement ? Vu l’audace de Mme la ministre et les mesures courageuses qu’elle prend pour redresser la sécurité sociale, je ne comprends pas qu’elle ne puisse trouver un moyen d’utiliser cet argent !
Sourires sur les travées du groupe CRC.
Plus sérieusement, j’ai entendu et apprécié l’intervention de ma collègue Catherine Génisson : elle va tout à fait dans le sens de ce que j’ai dit au cours de la discussion générale, non pas littéralement, mais parce qu’elle se réfère à l’avis des personnels. Malgré tout, alors que Catherine Génisson reconnaît le bien-fondé de nos critiques et montre, comme nous, qu’il faut faire différemment, son groupe, le groupe socialiste et républicain, se refuse, hélas, à nous suivre. Il y a un problème !
J’en appelle à la conscience de mes collègues : nous avons tous, ici, dans cette assemblée, reconnu le courage des personnels de santé, notamment lors des récents attentats terroristes. Or lorsqu’il s’agit de défendre non pas la réduction des dépenses, mais l’utilisation des fonds existants – ces personnels la demandent ! – au profit de leur qualification et de la reconnaissance de leurs métiers, il n’y a plus personne ou, du moins, nous sommes très minoritaires ! Je le regrette.
Nous persistons et maintenons donc notre amendement, monsieur le président.
Demander la suppression de la ponction de ce fonds en novembre 2016 pour l’année 2016, cela me semble un peu hasardeux ! A priori, selon toute probabilité, ce prélèvement a été dépensé, et il est impossible de revenir sur cette dépense.
En revanche, proposer l’application des dispositions de cet amendement au titre de l’année 2017, comme l’a fait M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, me semble tout à fait logique : ce fonds ne serait pas ponctionné en 2017. Nous le proposerons, d’ailleurs, dans le cadre d’amendements qui seront présentés ultérieurement.
Cela dit, M. le secrétaire d’État a dit des choses extrêmement intéressantes, rappelant en particulier que ce fonds de l’ANFH est excédentaire. Dans ce cas, la meilleure façon de procéder n’est peut-être pas de l’utiliser à d’autres fins que celle à laquelle il est destiné, à savoir la formation. Il faudrait plutôt diminuer les cotisations concernées et abonder d’autres fonds.
Je souhaite poser une question à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales et à M. le président de la commission.
Un certain nombre d’entre nous ont été sensibles à l’argumentaire de Mme Cohen. Le rapporteur général de notre commission des affaires sociales, tout en disant – je ne trouve pas cet argument léger ! – que l’on ne peut rien faire pour 2016, puisque le montant de la ponction a sans doute déjà été dépensé, retient cette proposition, qu’il trouve intéressante, pour 2017.
Monsieur le rapporteur général, avez-vous donc déposé un amendement tendant à revenir sur cette ponction au titre de l’année 2017 ? Si vous pouviez, le cas échéant, nous préciser quel est cet amendement, cela nous permettrait d’avancer !
Madame Cohen, j’ai le sentiment d’avoir été non pas léger, mais réaliste. J’ai parlé de 300 millions d’euros : c’est du lourd ! La moitié de ces 300 millions d’euros, soit 150 millions d’euros, n’ont pas été dépensés en 2016. Que devons-nous en faire ? Les renvoyer, je ne sais où, d’ailleurs ? À la CNAM, la Caisse nationale de l’assurance maladie, à charge pour elle, ensuite, de les réutiliser à d’autres fins ?
L’exercice budgétaire de l’année en cours est quasiment clos. En tant que rapporteur général du budget de la sécurité sociale, je raisonne, en effet, en termes budgétaires.
Cependant, je suis totalement d’accord sur le fond avec Catherine Génisson à propos de la souffrance à l’hôpital. Il est nécessaire de permettre la formation des personnels médicaux, soignants et autres, mais encore faut-il disposer de temps pour les former. Il s’agit d’un réel problème. J’y ai été directement confronté lorsque j’étais président du conseil de surveillance du centre hospitalier d’Arras. C’est une difficulté récurrente, et ce n’est pas la première année que les fonds ne sont pas complètement utilisés.
Pour répondre à la question de M. Desessard, la commission des affaires sociales a bien déposé un amendement n° 134 à l’article 53, visant à prévoir le maintien de ces fonds pour l’année 2017.
Sourires.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 436, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
et les garanties
par les mots :
, les garanties et les sanctions
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Cet amendement rédactionnel vise à préciser que l’ensemble des dispositions concernant le recouvrement de cette contribution est placé sous le régime de l’article L. 137-3 du code de la sécurité sociale, en cohérence avec la rédaction retenue dans le projet de loi de finances.
La commission n’ayant pas été saisie de cet amendement, j’émets, à titre personnel, un avis favorable.
L’amendement est adopté.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’article.
Je m’abstiendrai sur l’article 3 en raison, non des dispositions relatives au fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, mais de l’alinéa 7, qui prévoit, en cours d’exercice, de ponctionner à hauteur de 20 millions d’euros la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, afin de financer le plan national d’adaptation des logements privés aux contraintes de l’âge et du handicap.
C’est l’illustration de ce que j’ai dit en préambule : la CNSA fait figure de tiroir-caisse pour toutes les actions que l’on veut mettre en place en cours d’exercice ! Ici, on prend 50 millions d’euros pour les départements en difficulté alors que ce n’est pas à la CNSA de financer des actions d’insertion. Là, on finance des plans d’investissement.
À court terme, les réserves de la CNSA vont se trouver complètement absorbées. Elles s’élevaient à 745 millions d’euros. En 2016, elles seront estimées à environ 715 millions d’euros lors du prochain conseil d’administration de la CNSA. Aujourd’hui, on prélève encore 20 millions d’euros. Il m’appartient, en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social, de dénoncer de telles manœuvres.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.
Je constate, après René-Paul Savary, qu’il est possible de faire des choses en cours d’exercice, contrairement à ce qui vient de m’être répondu au sujet des 150 millions d’euros ! Vous appliquez donc des critères à géométrie variable. Cela nous conforte, même si nous sommes minoritaires, dans notre intention de voter contre l’article 3.
La commission a adopté l’article 3. Je propose donc que nous en fassions autant aujourd’hui.
L’article 3 est adopté.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’il a été saisi le 15 novembre 2016, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Le texte de la saisine est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.