Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 15 novembre 2016 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Laurence Rossignol, ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à mon tour me joindre à l’hommage rendu à Paul Vergès. Je garde un souvenir lumineux de la séance qu’il avait présidée en 2011, en tant que doyen d’âge du Sénat. Président, durant de nombreuses années, de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, il était un précurseur, un visionnaire. Paul Vergès n’était certes pas un climato-sceptique ; il était un climato-humaniste.

En matière de politique familiale, le PLFSS pour 2017 s’inscrit dans la continuité de la politique ambitieuse, socialement juste et budgétairement responsable que nous mettons en œuvre depuis 2012.

Nous avons souhaité faire évoluer la politique familiale pour l’adapter aux transformations de notre société, notamment en menant une politique volontariste en faveur des familles monoparentales.

En effet, une famille sur cinq est aujourd’hui monoparentale. Cette situation peut s’accompagner d’une plus grande vulnérabilité, encore accentuée par les impayés de pension alimentaire, dans un tiers des cas. S’intéresser à ces familles, composées à 85 % de femmes seules, c’est aussi faire progresser les droits des femmes et ceux des enfants.

Le Gouvernement a donc décidé de revaloriser l’allocation de soutien familial, l’ASF, de 25 % sur cinq ans et de créer, puis de généraliser, la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, la GIPA.

Les politiques sociales ne sont pas que recherche de l’équilibre budgétaire et prestations financières. Elles comprennent aussi l’innovation sociale, que j’ai souhaité encourager avec, en particulier, la mise en place d’un réseau d’entraide pour les familles monoparentales.

Une autre innovation sociale que je porte est la création de l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, annoncée par le Président de la République lors de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars dernier. L’article 27 du PLFSS prévoit la mise en place de cette agence en deux temps.

Dès le 1er janvier 2017, l’agence se verrait confier le recouvrement des pensions alimentaires impayées pour tous les créanciers ayant à charge des enfants de moins de 2 ans, y compris s’ils sont de nouveau en couple. Jusqu’à présent, les créanciers devaient avoir préalablement épuisé les voies de recours et peu de ceux d’entre ceux qui vivaient de nouveau en couple pouvaient bénéficier de l’aide des caisses d’allocations familiales. L’objectif est, plus largement, de permettre un recouvrement plus réactif et plus efficace auprès de l’ensemble des parents débiteurs défaillants, dès le premier mois d’impayés.

Le PLFSS prévoit en outre de confier à l’agence, toujours en 2017, un rôle d’intermédiation, sur décision du juge, en cas de violences ou de menaces exercées par le débiteur de la pension. L’agence encaisserait directement les pensions auprès de l’ancien conjoint et les reverserait au créancier. Ce dispositif constitue également une mesure de prévention contre les violences faites aux femmes.

Dans un second temps, il est proposé que l’agence puisse donner, à compter de 2018, une force exécutoire aux accords amiables fixant une pension alimentaire pour les couples antérieurement pacsés ou en concubinage et ne relevant donc pas d’une procédure de divorce. En cas d’impayés, la pension pourra ainsi être recouvrée ultérieurement.

Cette proposition s’articule avec le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, puisqu’elle ne concernera que les accords amiables entre parents non mariés. Le ministère .de la justice nous a particulièrement aidés à élaborer ce projet de réforme.

L’article 27 du PLFSS prévoit de confier à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, la responsabilité de mettre en place cette agence, en lien avec la Caisse centrale de mutualité sociale agricole. La montée en charge de cette réforme se ferait de manière progressive et s’appuierait sur la mutualisation des procédures engagée avec la GIPA.

Ainsi, l’article 27 du PLFSS est important à plusieurs égards : la création de cette agence contribuera à réduire la pauvreté des foyers monoparentaux et à responsabiliser les parents débiteurs, notamment dans l’intérêt de leurs enfants.

La deuxième mesure nouvelle relative à la politique familiale est la simplification du versement du complément de mode de garde, ou CMG, de la prestation d’accueil du jeune enfant.

Notre pays se caractérise par une diversité de solutions d’accueil des jeunes enfants et par leur accessibilité financière pour toutes les familles. C’est ce qui permet à la France de conjuguer des taux élevés de natalité et d’activité professionnelle des mères.

Au total, entre 2012 et 2015, 70 000 nouvelles places en crèche ont été créées. Afin de soutenir l’investissement des collectivités locales, en plus des aides financières à la création et à la rénovation des établissements, la branche famille a apporté 2 000 euros supplémentaires pour toute création de place d’accueil décidée en 2015. Le Gouvernement a décidé de reconduire cette aide supplémentaire en 2016 dans les territoires prioritaires.

Les aides au fonctionnement ont aussi été fortement revalorisées. Les créations de places sont un peu en deçà des objectifs, mais nous ne renonçons pas pour autant à accompagner les collectivités locales dans la création de places de crèche.

J’ai présenté ce matin le plan d’action pour la petite enfance, qui complète le volet quantitatif et financier de cette politique par un volet qualitatif. Ce plan d’action fait suite au rapport de mission que Sylviane Giampino m’a remis en mai dernier et qui pose les bases d’une politique globale d’accueil du jeune enfant à partir de ses droits et de ses besoins.

Ce plan entend donner une impulsion nouvelle au secteur de la petite enfance par une refondation de l’identité de tous les professionnels de l’accueil collectif et individuel autour de valeurs et d’actions communes.

Par ailleurs, j’y ai inscrit le développement des maisons d’assistantes maternelles. Je tiens à saluer le travail accompli par Caroline Cayeux et Michelle Meunier, qui m’ont remis leur rapport voilà quelques semaines.

Dans la continuité du plan d’action et de mobilisation contre le sexisme que j’ai lancé le 8 septembre dernier, je souhaite également favoriser le développement de modes d’accueil qui renforcent l’égalité entre les filles et les garçons dès leur plus jeune âge et accroître la mixité dans les métiers de la petite enfance. L’objectif est bien de développer un accueil de qualité, ouvert, multidisciplinaire et sans stéréotypes – de genre ou handiphobes.

Nous n’avons pas non plus oublié l’accueil individuel par des salariés à domicile ou des assistants maternels. Pour aider toutes les familles qui ont recours à un mode d’accueil individuel, nous proposons de simplifier les circuits de versement du complément de mode de garde.

L’article 28 du PLFSS prévoit plusieurs mesures en ce sens : un délai maximal pour l’envoi de la déclaration sociale, une extension, à compter du 1er janvier 2018, des missions du centre Pajemploi pour proposer aux familles un service « tout-en-un » permettant d’intégrer les différentes aides sociales, en lien avec la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Ces mesures visent à simplifier le circuit de versement du CMG et à limiter les avances de trésorerie pour les familles ayant recours à ces modes d’accueil.

En matière de politique familiale, ce PLFSS s’inscrit ainsi dans la continuité des quatre précédents. Comme je l’ai souligné, il est budgétairement responsable – la branche famille sera à l’équilibre en 2017, alors qu’elle connaissait un déficit de 2, 5 milliards d’euros en 2012 – et socialement juste, car l’effort budgétaire que nous avons réalisé a permis non seulement le retour à l’équilibre, mais aussi l’amélioration des prestations familiales pour ceux qui en avaient le plus besoin. Ces prestations ont ainsi assuré un rôle d’amortisseur social que bien d’autres États européens nous envient !

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