Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 15 novembre 2016 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je devrais selon toute logique saluer les mesures de ce PLFSS relatives au secteur médico-social, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur.

Quel rapporteur n’accueillerait pas avec satisfaction l’annonce d’un ONDAM médico-social en hausse de 2, 2 % et la promesse de 590 millions d’euros de mesures supplémentaires à destination des personnes âgées et handicapées ?

J’approuverais ces propositions sans réserve, et vous comprendrez que ce mot n’est pas anodin, si elles n’étaient pas généreusement financées par des ressources dont le Gouvernement sait bien qu’elles seront complètement épuisées d’ici à deux ans.

Vous avez, madame la ministre, assuré nos concitoyens de l’imminence du retour à l’équilibre de l’assurance maladie. Vos propos en introduction de ce débat tendent à le confirmer, mais il aurait été plus exact de les informer que le rythme modéré d’évolution de l’ONDAM, notamment médico-social, n’est en fait dû qu’au recours massif aux réserves de la CNSA pour construire l’objectif global de dépenses, l’OGD, destiné à la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Voilà rétablie la vérité !

Ces réserves ont fait, durant les deux derniers exercices budgétaires, l’objet de ponctions régulières et croissantes ; alors que le quinquennat s’achève, elles ont connu une accélération subite : 50 millions d’euros en 2016, auxquels s’ajoutent 50 autres millions dans le PLF 2017 – deux expédients bien modestes pour pallier le problème endémique des finances départementales ; 50 millions d’euros supplémentaires pour les services d’aide à domicile votés par l’Assemblée nationale la semaine dernière ; et, surtout, 230 millions d’euros pour la construction de l’OGD 2017. Un esprit chagrin, madame la ministre, ne manquerait pas d’y voir une intention d’épuiser tous les trésors de guerre avant de passer la main – en tout cas, espérons-le !

Il n’en demeure pas moins que l’épuisement de ces réserves, que l’on anticipe pour 2018, obligera le prochain Gouvernement, s’il veut maintenir le niveau de l’OGD, soit à réévaluer l’ONDAM médico-social, soit à créer une nouvelle contribution de solidarité pour l’autonomie. Contrairement à ce qui ressort du discours actuel, le devoir de solidarité risque de voir son coût progresser à court terme pour nos concitoyens.

Mes chers collègues, je souhaite également vous alerter sur le secteur des personnes handicapées. La politique menée au cours de ce quinquennat n’a certes pas manqué de rapports ambitieux – je pense en particulier au rapport Piveteau sur les ruptures de parcours –, ni d’intentions louables, mais votre bilan en matière de réalisations est indiscutablement trop mince.

Les créations de places dans le secteur du handicap, notamment à destination des adultes, n’ont pas connu le même dynamisme que dans le secteur des personnes âgées.

En cause, la lourdeur des formalités administratives, mais surtout les nombreuses incertitudes que font peser sur les gestionnaires d’établissement les retards que vous avez pris. En effet, la réforme tarifaire tant attendue, qui doit repenser la tarification des établissements en fonction d’une grille bâtie autour des besoins de la personne, prend du retard, et les recommandations de bonne pratique professionnelle dans le domaine de l’autisme, notamment, ne sont toujours pas publiées.

La « réponse accompagnée pour tous » part incontestablement d’une bonne intention, mais nous relevons de très nombreuses inquiétudes quant à sa réalisation.

Vous ne demandez aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, madame la ministre, rien de moins que de réviser pour 2018 l’intégralité de leurs procédés d’orientation, tout en réformant une part importante de leur financement dans le PLFSS et en leur annonçant la livraison d’un système d’informations généralisé en 2017. Tout cela sera très compliqué à mettre en place !

Avez-vous idée de la gageure que ces réformes représentent pour des instances de petite taille, surchargées, qui sont des relais nécessaires pour nos concitoyens frappés de handicap ? Les maigres crédits – quelque 23 millions d’euros pour 2017 à partager sur l’ensemble du territoire – dédiés à la mise en œuvre de cette « réponse accompagnée » seront autant de crédits saupoudrés, insusceptibles d’apporter une réponse adaptée à la personne en situation de handicap complexe. Je pense qu’il faut faire preuve d’un peu plus d’humilité, en évitant de susciter des espoirs qui seront vite déçus.

L’article 46 du PLFSS illustre à merveille la cadence forcée que le Gouvernement souhaite imposer à un secteur qui n’est pas encore prêt. La recherche absolue de convergence entre les secteurs « personnes âgées » et « personnes handicapées » est déconnectée des réalités, puisqu’il s’agit d’imposer dans les mêmes termes une généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, alors que les deux secteurs montrent un degré de préparation fort différent.

Les établissements accueillant des personnes handicapées, à la différence des EHPAD, n’ont pas encore bénéficié d’une réforme tarifaire, et le Gouvernement veut tout de même leur appliquer les mêmes virages, notamment en matière de dialogue de gestion. Voilà qui suffit à expliquer l’incertitude importante ressentie aujourd’hui par le secteur, qui entrave, me semble-t-il, son action.

Afin d’adapter ce mouvement nécessaire vers la contractualisation pluriannuelle aux spécificités d’un secteur qu’attendent de nombreuses réformes, la commission des affaires sociales a déposé plusieurs amendements.

Vous voyez, madame la ministre, toutes ces propositions sont véritablement inspirées par les remontées de la base. Il faut en tenir compte. Nous avons auditionné un certain nombre de gestionnaires et de représentants d’associations et de fédérations, mais aussi rencontré des services tarificateurs, qui tous nous ont fait part de leurs difficultés.

La complexité de la réforme applicable aux personnes âgées dès 2017 est particulièrement préoccupante. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé un certain nombre d’amendements, notamment pour retarder l’application des mesures liées à l’activité ou la réaffectation des résultats, en attendant l’application progressive de cette réforme, qui est prévue sur 7 ans. Nous savons que 85 % des établissements seulement seront gagnants, ce qui veut dire que 15 % seront perdants. Évitons donc de leur appliquer une double peine, au travers de modulations qui ne seraient pas compréhensibles.

En ce qui concerne les personnes handicapées, la situation est différente, puisqu’il faut arriver à une globalisation du budget autour des besoins de la personne. En l’espèce, les choses ne sont pas encore mûres. Comme il importe de bâtir des relations de confiance, nous souhaitons que soit prévu dans la loi un dialogue de gestion bien réel.

Enfin, comment ne pas relever le dynamisme insolent des recettes de la CNSA par rapport à celles des départements ? Cela fait rêver… Mes chers collègues, la CNSA est véritablement devenue un tiroir-caisse, que l’on ponctionne régulièrement en fonction des besoins, pour faire en sorte que la présentation des comptes soit équilibrée. À mon sens, la commission a remis les choses dans l’ordre, et ces points seront abordés à l’occasion de notre débat.

Toujours est-il que cette organisation est particulièrement préoccupante. C’est la raison pour laquelle il nous faut, dans un esprit pragmatique, faire en sorte que ces réformes soient davantage acceptables et réalisables sur l’ensemble des territoires.

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