Intervention de Gérard Dériot

Réunion du 15 novembre 2016 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Gérard DériotGérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la branche AT-MP est à l’équilibre depuis déjà plusieurs années, et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoit un excédent de 696 millions d’euros l’année prochaine, après 659 millions d’euros cette année.

Grâce à cette trajectoire excédentaire, la dette de la branche, qui s’élevait à près de 2, 5 milliards d’euros il y a quatre ans, sera intégralement apurée cette année. C’est bien sûr pour nous un motif de satisfaction. Toutefois, il faut le souligner, cette évolution n’aurait pas été possible sans le maintien d’un dialogue social de qualité au sein de la branche et, surtout, sans des ajustements réguliers des cotisations employeurs au cours des dernières années.

Je rappelle que le financement de la branche repose quasi intégralement sur les employeurs et que, à l’inverse des autres branches, sa dette ne fait pas l’objet de reprises par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

Après une baisse significative des niveaux de sinistralité au cours des dernières décennies, la période récente se caractérise par une relative stabilisation. Le nombre d’accidents du travail, en particulier, se maintient sous la barre des 900 000 pour la deuxième année consécutive. Si ce niveau reste important, il a beaucoup diminué : on compte aujourd’hui dix fois moins d’accidents du travail qu’il y a cinquante ans. Cela montre que les efforts de prévention des entreprises portent leurs fruits et qu’ils doivent être poursuivis.

Le nombre de maladies nouvellement reconnues est, quant à lui, en légère diminution depuis 2013. Il atteint aujourd’hui un palier autour de 65 000, contre plus de 80 000 en 2011. Les années récentes semblent ainsi indiquer une rupture de tendance, et nous pouvons, bien sûr, nous en réjouir.

Par ailleurs, un nombre croissant de pathologies est reconnu en dehors des tableaux par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, les CRRMP. Il s’agit le plus souvent de troubles psychosociaux. Le nombre d’avis favorables a plus que quadruplé en l’espace de cinq ans.

Cependant, la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une pathologie psychique demeure encore difficile. Il n’existe pas d’indicateurs précis permettant de déterminer le degré d’incapacité provoquée par ces affections souvent multifactorielles. Dans le rapport que j’avais rédigé avec Jean-Pierre Godefroy sur le mal-être au travail, la commission des affaires sociales avait appelé de ses vœux un assouplissement du taux d’incapacité exigé pour prétendre à la procédure complémentaire.

À la lumière d’exemples étrangers, nous avions également souligné que certaines maladies, tel le stress post-traumatique, pouvaient facilement être reliées à un événement survenu dans le cadre professionnel et que des évolutions étaient donc possibles.

C’est pourquoi nous attendons avec intérêt, madame la ministre, le rapport du Gouvernement sur la possibilité d’intégrer les affections psychiques dans un tableau ou de modifier le critère du seuil d’incapacité permanente. En application de la loi de 2015, ces éléments d’appréciation devaient être transmis au Parlement pour le mois de juin dernier. Peut-être, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer où en sont les réflexions en cours ?

Les autres dépenses de la branche AT-MP, qui sont principalement des charges de transfert, me conduisent à réitérer les réserves que notre commission a déjà eu l’occasion de formuler. Le montant total des transferts s’élèvera en effet l’année prochaine à plus de 2 milliards d’euros. C’est un niveau considérable : il représente un cinquième des dépenses prévisionnelles pour 2017. Je le répète, mes chers collègues, ce sont des transferts d’argent – de l’argent prélevé sur les entreprises, pour être finalement affecté à d’autres branches de l’assurance maladie.

Ces dépenses incluent tout d’abord la dotation au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA. Les perspectives financières du Fonds ne remettent pas en cause la capacité à garantir une indemnisation rapide et fiable. L’État continue cependant de se désengager du financement de l’établissement. Sa contribution sera réduite de 40 % en 2017, par rapport à 2016.

Il devient malheureusement coutumier de rappeler à cet égard que la mission sénatoriale sur l’amiante avait jugé légitime de prévoir un engagement de l’État à hauteur d’un tiers du budget du FIVA. Cette préconisation nous paraît toujours d’actualité, eu égard aux missions régaliennes de l’État et à son rôle assumé en tant qu’employeur.

Quant au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, compte tenu de la baisse des effectifs d’allocataires, la réduction tendancielle de ses dépenses se poursuit. La contribution de la branche AT-MP pour 2017 est fixée à 626 millions d’euros.

En ce qui concerne le versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 reconduit la dotation arrêtée en 2015, soit 1 milliard d’euros, contre 300 millions d’euros en 2002. Je vous laisse imaginer, mes chers collègues, ce que cela représente ! Et, là encore, cette somme est bien sûr prélevée sur les cotisations des employeurs.

Nous l’avons déjà souligné plusieurs fois, la progression continue de ce versement, entièrement supportée par la part mutualisée du financement de la branche AT-MP, inspire, je dois le dire, madame la ministre, quelque doute quant à la réalité des efforts engagés pour lutter contre la sous-déclaration. Les modalités d’évaluation de ce phénomène suscitent elles-mêmes quelques interrogations, alors que la prochaine commission chargée d’évaluer son ampleur se réunira dans quelques mois pour actualiser ses travaux.

Quand l’on interroge la personne qui préside la commission, l’on a bien le sentiment que tout se fait au doigt mouillé, en fonction des sommes que l’on souhaite transférer des AT-MP vers la branche d’assurance maladie !

S’y ajoutent les nouveaux transferts mis à la charge de la branche. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit en effet deux transferts annuels successifs de 0, 05 point de cotisation de la branche AT-MP vers la branche maladie du régime général, sans véritable justification. Cette mesure conduit à ponctionner l’excédent AT-MP d’un total de 0, 5 milliard d’euros supplémentaire en 2016 et 2017. Quand on cherche à savoir sur quoi tout cela est fondé, bien sûr, on ne trouve personne qui ait la réponse ! On peut donc en déduire qu’il s’agit d’un nouveau transfert pour la partie assurance maladie à la sécurité sociale.

Quant aux perspectives financières de la branche AT-MP, elles se fondent sur un relèvement des cotisations employeurs à compter de 2018 – bien sûr. Cherchez l’erreur ! Or, compte tenu de la situation excédentaire de la branche, il paraîtrait, au contraire, logique, dans le cadre de la prochaine convention d’objectifs et de gestion, la COG, pour les années 2018 à 2021, qu’une diminution de ces cotisations soit envisagée, parallèlement à l’affectation de moyens supplémentaires en matière de prévention.

En tout état de cause, l’accroissement des excédents ne saurait justifier de nouvelles opérations comptables destinées à renflouer les autres branches. Ces transferts augmentent la part mutualisée des dépenses, en réduisant d’autant la part variable directement liée à la sinistralité de chaque entreprise. Ils contrarient donc les efforts visant à renforcer la logique assurantielle et préventive de la branche. Ils mettent à mal l’autonomie de la branche AT-MP, à laquelle nous sommes particulièrement attachés.

Je termine en précisant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ne comporte aucune mesure nouvelle de couverture du risque professionnel.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et de tous ces transferts de la branche AT-MP vers la branche maladie, la commission des affaires sociales n’a pas adopté les objectifs de dépenses de la branche AT-MP pour 2017.

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