Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le débat que nous engageons aujourd'hui ici même illustre la fragilité de la trajectoire de nos finances publiques. En effet, le Gouvernement compte principalement sur les administrations de sécurité sociale pour atteindre l’année prochaine l’objectif de réduction du déficit public en dessous du seuil de 3 %. Pas moins des deux tiers des économies à réaliser en 2017 reposeraient sur les administrations de sécurité sociale, contre moins de la moitié lors des deux précédents exercices.
Compter aux deux tiers sur les administrations sociales pour atteindre un tel objectif de déficit est un pari risqué… En effet, lors des précédents exercices, les économies réellement enregistrées sur la sphère sociale se sont révélées inférieures de près de moitié à la prévision. Compte tenu de la stratégie définie et des mesures proposées, il est à craindre que cet écart ne se produise de nouveau en 2017, ce qui remettrait en cause l’atteinte des objectifs et, surtout, la tenue des engagements européens du pays.
Tout d’abord, je souhaiterais revenir sur l’évolution des comptes sociaux depuis la crise économique, qui fait toujours l’objet d’un rappel historique de la part de Mme la ministre.
Le Gouvernement met en avant ses résultats en termes de réduction des déficits sociaux. Ils doivent être mis en perspective. En deux ans, entre 2010 et 2012, la réduction du déficit du régime général de la sécurité sociale a été identique à celle qui avait été enregistrée entre 2012 et 2016, soit en quatre ans. Il s’agit donc d’une prolongation à vitesse réduite.
Dans le même temps, alors que le déficit de la branche maladie avait été divisé par deux entre 2010 et 2012, il n’a reculé que d’un tiers entre 2012 et 2016. Nous le savons tous, la réduction des déficits depuis 2012 a reposé surtout sur la branche famille, au prix d’une mise sous condition de ressources de la politique familiale, et sur la branche vieillesse, grâce aux effets durables de la courageuse réforme des retraites conduite en 2010. Rappelons que l’impact financier de cette dernière est estimé aujourd'hui à près de 9 milliards d’euros.
C’est pourquoi l’amélioration ponctuelle et incontestable aujourd'hui constatée ne doit pas être confondue avec une véritable consolidation pérenne des comptes sociaux.
J’en viens maintenant aux motifs d’inquiétudes s’agissant de la trajectoire des comptes sociaux.
En recettes, l’optimisme des hypothèses retenues pour l’augmentation de la masse salariale et des cotisations y afférentes, liée à un taux de croissance illusoire, a été souligné par le Haut Conseil des finances publiques. Il réduit plus que sensiblement la crédibilité de la trajectoire qui nous est soumise aujourd'hui.
En dépenses, alors même que les administrations sociales doivent assurer la plus grande part des efforts en 2017, il ne nous est guère proposé de mesures nouvelles étayant cette stratégie. Plus de 4 milliards d’euros sont attendus d’un renforcement des mesures du plan ONDAM, fixé l’année prochaine à 2, 1 %, au lieu de 1, 75 %. Les résultats à attendre de cette proposition ne seront certainement pas à la hauteur des enjeux. En effet, l’amélioration envisagée des salaires, pour ne parler que d’elle, engloutit déjà largement les marges de l’ONDAM.
Le dispositif concernant l’économie numérique retient particulièrement l’attention de la commission des finances, qui s’est penchée depuis longtemps sur l’appréhension de ces nouveaux modes d’échanges. Le mécanisme de seuils et d’affiliation au régime social des indépendants semble pour l’instant assez maladroit et improvisé, peu productif donc.
Surtout, le Gouvernement intègre de fausses mesures d’économies. D’une part, il confond prévision budgétaire et volontarisme politique, en espérant quelque 1, 6 milliard d’euros d’économies sur l’assurance chômage. D’autre part, il propose des débudgétisations, notamment pour les médicaments innovants. Il se trouve que, pour beaucoup de thérapies, nous sommes aujourd'hui à un carrefour entre les molécules anciennes amorties et peu coûteuses, et les nouvelles, plus performantes et plus coûteuses. Cette position contre le progrès est insoutenable dans la durée !
Le Gouvernement a aussi dû revoir à la baisse ses ambitions en matière de maîtrise des dépenses en relevant le taux d’évolution de l’ONDAM, en dépit des engagements renouvelés. Ce relèvement de l’ONDAM illustre les difficultés du pilotage des dépenses d’assurance maladie, sans réforme de structures pérennes, de fond. Il met sous tension les professionnels de santé, comme nous le percevons tous actuellement dans nos départements.
Surtout, comme le Haut Conseil des finances publiques l’a relevé, les économies prévues et le relèvement de l’ONDAM ne suffiront pas à couvrir l’évolution tendancielle des dépenses de santé en 2017. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales l’a justement rappelé.
En somme, l’essentiel de l’effort provient de la réorientation du pacte de responsabilité – vous le savez, mes chers collègues, ce fameux pacte, qui devait permettre de réduire de 50 milliards d'euros les dépenses publiques –, ou plutôt du renoncement du Gouvernement à le mettre en œuvre aujourd‘hui. En particulier, la suppression totale de la C3S, qui représente tout de même une recette de l’ordre de 4 milliards d'euros, a finalement été écartée, malgré tous les engagements et les discours sur l’allégement des charges des entreprises et la compétitivité de notre économie.
Que le Gouvernement, poussé par sa majorité, décide de baisser la CSG en faveur des retraités modestes est en soi une mesure tout à fait défendable, mais qu’il mette le coût de 280 millions d’euros de cette mesure à la charge des entrepreneurs, en détricotant un dispositif de la loi Macron adopté il y a tout juste quelques semaines, ce n’est pas sérieux !
Enfin, qu’un gouvernement socialiste laisse en quasi déshérence le financement du Fonds spécial vieillesse, le FSV, qui assure, mes chers collègues, pour l’essentiel, le paiement des cotisations de retraite des chômeurs, avec depuis des années un trou compris entre 3, 5 milliards d'euros à 3, 8 milliards d’euros, transférés à la CADES par un mécanisme maintenant bien connu, en dit plus que tous les discours sur la réalité du socialisme à la française !