Quant aux projections au-delà de 2017, elles se fondent sur des hypothèses macroéconomiques vraiment très théoriques. Voilà pourquoi nous ne pouvons souscrire aux satisfécits que se délivre le Gouvernement.
Le domaine de l’assurance maladie est certainement celui dans lequel notre scepticisme trouve le plus largement à s’exprimer. La réduction du déficit suppose plus de 4 milliards d’euros d’économies, qui sont loin d’être garanties, alors que le comité d’alerte estime que les dépenses d’assurance maladie seront plus dynamiques en 2017 qu’en 2016.
Comme le montre de manière très détaillée le rapport de la commission, près de 700 millions d’euros de charges entrant habituellement dans le champ de l’ONDAM seront imputés sur d’autres périmètres, le futur Fonds de financement de l’innovation pharmaceutique, par exemple, et financées par des ressources non pérennes issues de ponctions sur divers fonds ou organismes, y compris le FSV, pourtant si fortement déficitaire !
De même, l’an prochain encore, les transferts depuis la branche AT-MP vers l’assurance maladie atteindront un niveau record.
Si l’amélioration des résultats ne nous paraît pas traduire une tendance profonde au rééquilibrage des recettes et des dépenses, c’est parce que ce PLFSS comporte un peu trop de ces opérations de tuyauterie qui brouillent la lecture des comptes. C’est aussi parce que nous percevons, dans la soutenabilité du financement de notre système de santé, des tensions qui persistent et qui, parfois, s’aggravent.
Je pense, bien entendu, à la situation des hôpitaux, dont les personnels soignants ont exprimé leurs difficultés voici quelques jours. Il est clair qu’une partie des efforts de maîtrise de l’ONDAM se traduit par un report de charges sur le secteur hospitalier public, dont le déficit global pourrait atteindre, si j’en crois la presse, près de 600 millions d’euros en fin d’année.
Au-delà de cet aspect strictement financier, l’avenir de notre système hospitalier demeure lourd d’incertitudes. Il est aujourd’hui soumis à forte pression, tenu qu’il est de compenser les défauts de couverture ou d’organisation de la médecine de ville, sans pour autant verser dans un « hospitalo-centrisme » que l’on n’a de cesse de lui reprocher.
Nos établissements sont aujourd’hui engagés dans le lourd processus de constitution des groupements hospitaliers de territoire. Néanmoins, cette recomposition territoriale majeure est conduite sans qu’aient été levées toutes les hypothèques en termes de financement et d’organisation.
Dans ces conditions, il nous paraît vraiment inopportun de procéder à deux ponctions successives de 150 millions d’euros sur les fonds de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier. C’est pourquoi notre commission a adopté un amendement visant à supprimer cette mesure pour 2017.
S’agissant de la branche famille, je ne reviendrai pas sur notre profond désaccord de fond avec le Gouvernement.
Notre politique familiale comporte, de longue date, de nombreux dispositifs destinés à répondre spécifiquement aux situations des familles dont les ressources sont les plus modestes. Il n’en demeure pas moins qu’elle reconnaissait aussi pour chaque foyer, indépendamment de son niveau de revenus, une forme de compensation des charges familiales. Or, avec la réduction combinée du quotient familial et des allocations familiales, cet élément constitutif fort de notre politique familiale est désormais dangereusement fragilisé.
J’aborderai en dernier lieu les retraites, pour contester l’idée selon laquelle l’équilibre des régimes serait désormais assuré pour plusieurs générations.
Tout d’abord, comme l’a souligné notre rapporteur, cette vision occulte les besoins de financement des régimes du secteur public, régimes qui sont, aujourd’hui, automatiquement couverts par des ajustements budgétaires, donc par le déficit de l’État.
De surcroît, cette vision s’appuie sur des hypothèses manifestement très optimistes, que se sont bien gardés de retenir les régimes complémentaires qui, quant à eux, ne peuvent recourir à l’emprunt ou compter sur des subventions d’équilibre.
À plusieurs reprises, le Gouvernement a dénoncé notre position, en l’attribuant à une approche punitive de la question des retraites. Est-ce vouloir punir nos concitoyens que de constater que, par rapport au début des années 1980, l’espérance de vie des Français a progressé de sept années, alors que leur âge de départ en retraite a diminué de trois ans, voire de quatre ou cinq ans pour ceux qui bénéficient du départ anticipé, c’est-à-dire environ un quart d’entre eux ? Cette situation constitue, objectivement, une source majeure de déséquilibre, qui pèse sur le montant des cotisations comme sur celui des pensions.
C’est pourquoi il nous semble que, à l’exemple des régimes complémentaires, avec souplesse et pragmatisme, il faudra adapter les paramètres qui régissent aujourd’hui les conditions de départ en retraite.
Voilà, très brièvement résumées, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales propose au Sénat de rejeter les objectifs de recettes et de dépenses du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017.