Intervention de Michel Amiel

Réunion du 15 novembre 2016 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Michel AmielMichel Amiel :

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget, la santé, l’assurance vieillesse, voilà bien des sujets d’une extrême importance, qu’il conviendrait d’aborder avec le plus grand sérieux et, surtout, la meilleure projection à long terme, si nous voulons que notre système, non seulement perdure, mais puisse également être bénéfique et protecteur pour les générations à venir.

Ces lois de financement sont d’une complexité rare. Elles ont pourtant un impact sur chacun d’entre nous.

Pour autant, après avoir étudié ce texte, notamment grâce au travail poussé de nos rapporteurs, que je remercie, j’ai conclu que celui-ci, quoiqu’il fût ambitieux et novateur sur de nombreux points, manquait de rigueur budgétaire.

Je m’en explique : le Gouvernement n’a cessé de se féliciter du retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Toutefois, en y regardant de près, j’ai tendance à penser que le compte n’y est pas, ou du moins pas encore.

Tout d’abord, ce budget est construit sur une hypothèse de croissance du produit intérieur brut de 1, 5 %, et ce malgré les mauvais résultats du deuxième trimestre 2016. Le maintien de cette prévision paraît optimiste, de l’aveu même du Haut Conseil des finances publiques, et ce à cause, notamment, des multiples inquiétudes pesant sur l’année 2017.

Toujours selon l’avis du Haut Conseil des finances publiques, la baisse des dépenses paraît « improbable ». En effet, les risques pesant sur celles-ci en 2017 sont plus importants que pour les années précédentes ; on peut ainsi noter de fortes incertitudes quant à la réalisation des économies de grande ampleur prévues dans l’ONDAM.

Je rappellerai à ce propos que les prévisions font actuellement état d’une progression de 2, 6 % de la masse salariale, alors que, à moyen terme, comme le rappelait M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour que ce budget soit viable, il faudrait une augmentation de 4 %. Certes, tous les gouvernements ont abusé des transferts de branche à branche et d’astuces comptables.

Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir sur l’une des deux dépenses que je qualifierai de « hors cadre » par rapport à l’ONDAM. En effet, ce PLFSS instaure un Fonds de financement de l’innovation pharmaceutique. Ce fonds vise à faire face aux dépenses liées aux médicaments innovants, dépenses qui plombaient jusqu’à présent l’ONDAM.

Comme nous l’a montré le cas du Sovaldi et, surtout, l’enquête du Sénat américain, les prix fixés pour ces médicaments qui, je me permets de le rappeler, se révèlent miraculeux pour certaines pathologies, sont non seulement difficiles à évaluer, mais aussi souvent estimés en fonction du pouvoir de financement du payeur, à savoir, dans notre cas, de la Sécurité sociale.

Dès lors, retirer du tableau prévisionnel de l’ONDAM ce qui constituera dans les prochaines années l’essentiel des médicaments innovants me paraît relever de la simple écriture comptable.

Un autre artifice comptable est utilisé pour masquer notre dette sociale, notamment par le biais du Fonds de solidarité vieillesse. L’article 24 de ce texte montre, pour ce fonds, un déficit dix fois plus important que le reste des déficits de toutes les branches confondues : 3, 8 milliards d’euros !

Ce budget, conçu sur une prévision de croissance optimiste et comportant, au moins, ces deux artifices comptables, manque aussi cruellement de vision à long terme. À ce propos, mes chers collègues, je ne comprends pas qu’un minimum de pluriannualité ne soit pas intégré dans notre processus budgétaire.

Pis encore, non seulement ce texte relance une débudgétisation, mais il manque encore de poser les bases des réformes structurelles nécessaires au maintien du bon fonctionnement de notre système de protection sociale.

Le peu de temps qu’il m’est donné pour discuter de ce texte capital m’oblige à me concentrer sur seulement deux sujets qui me paraissent, si vous me pardonnez l’expression, symptomatiques.

Tout d’abord, je reviendrai sur le problème du prix du médicament, qui est central dans la philosophie de notre système de santé.

Les progrès de la médecine sont, aujourd’hui plus que jamais, des progrès technologiques de pointe. On traite un cancer, non plus selon l’organe qu’il touche, mais selon les caractères génomiques qu’il présente. À bien des égards, le cancer tend à devenir une maladie chronique. Le progrès médical ne saurait cependant selon moi s’écarter de la justice sociale : notre système est là pour garantir un égal accès aux soins ; or l’accès aux soins reste imparfait.

Le fonds d’innovation prévu dans ce PLFSS n’est, à mon grand regret, qu’une solution de court terme. En outre, il ne devra son existence qu’au transfert de réserves de la section III du FSV, à hauteur de près de 900 millions d’euros, dont 220 millions d’euros pour la seule année 2017.

De fait, je m’oppose au financement de traitements coûteux par ce fonds d’innovation. Celui-ci risque de perturber plus que de raison le fragile équilibre financier de notre Sécurité sociale. Je m’y oppose, non pas par simple objectif d’économie, mais parce que le meilleur soin, pour qu’il soit accessible à tous, doit être pensé, y compris économiquement, sur le long terme.

Cette débudgétisation du financement du médicament n’est pas le seul problème : de manière générale, la fixation du prix des molécules mériterait une plus grande transparence de la part des laboratoires, ainsi qu’une meilleure coordination entre les entités qui en ont la charge.

Le second sujet qu’il me paraît impossible de ne pas aborder est celui de la couverture maternité des médecins. Voilà une semaine, sous le nom d’« appel du 7 novembre », une initiative, inédite en France, nous alertait une fois de plus sur les inégalités salariales entre hommes et femmes. Cette différence de rémunération est souvent liée, tout au long de la carrière, à la maternité.

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