Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 15 novembre 2016 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans quelques années, les observateurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 verront sans doute dans ce texte un moment fort de l’histoire de notre protection sociale, car il acte le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, en toute raison, avec un souci de vérité qui crédibilise la parole politique.

Oui, mes chers collègues, la discussion qui s’engage est un moment heureux de la vie de notre sécurité sociale, née, ne l’oublions pas, d’un programme appelé Les Jours heureux, élaboré dans la clandestinité en mars 1944. Cette histoire nous oblige à nous tenir éloignés des accusations caricaturales de tuyauterie ou d’insincérité.

Le retour à l’équilibre n’est pas le seul résultat arithmétique d’additions et de soustractions dans une masse financière de près de 500 milliards d’euros. C’est l’assurance de la pérennité dans l’économie mondialisée d’un système que nos aïeuls avaient fondé sur le pilier de la solidarité. C’est un message de confiance adressé aux Français et aux Françaises, aux plus jeunes en particulier, qui ont pu douter de leurs futures retraites et de la solidité de notre système de soins. C’est la fin de la plus insupportable des injustices consistant à demander à nos enfants et à nos petits-enfants de payer pour le remboursement de nos feuilles de maladie, en plus des leurs.

Les chiffres, mes chers collègues, ne sont pas moins crédibles lorsqu’ils sont favorables et porteurs d’espoir que lorsqu’ils traduisent tendances négatives et craintes. Alors que le déficit du régime général était de 23, 9 milliards d’euros en 2010, il devrait être de 3, 4 milliards d’euros en 2016 et de 400 millions d’euros en 2017. La branche famille sera de retour à l’équilibre. Quant aux branches vieillesse et AT-MP, elles seront excédentaires. Enfin, la branche maladie connaîtra un déficit de 2, 6 milliards d’euros, soit une réduction de 1, 5 milliard d’euros par rapport à 2016.

Cette lecture des résultats du seul régime général ne porte aucune insulte à la vérité, car là est bien le cœur de notre protection sociale. Le Fonds de solidarité vieillesse n’a-t-il pas été créé en 1993 pour distinguer entre une prestation vieillesse reposant sur le paiement de cotisations et d’autres avantages de retraite relevant de la solidarité nationale ? Son déficit atteindrait 3, 8 milliards d’euros en 2017 et se situerait au même niveau qu’en 2016, contre 4, 1 milliards d’euros en 2012. Le retour à l’équilibre sur la période 2017-2020 est engagé, avec le transfert de la charge du minimum contributif à la branche vieillesse.

Deux éléments confortent ce redressement des comptes. La réduction de l’endettement de la sécurité sociale, engagée dès 2015 pour 2, 7 milliards d’euros, se poursuivra pour plus de 7 milliards d’euros en 2016 et à hauteur de 10 milliards d’euros en 2017. Depuis 2015, les déficits annuels sont devenus inférieurs au montant de capital remboursé chaque année par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Cette dette doit s’éteindre à l’échéance de 2024. L’encours sera de 135, 8 milliards d’euros au 31 décembre 2016 et le déficit de trésorerie de l’ACOSS sera ramené à 16, 3 milliards d’euros.

L’absence pendant la période 2012-2015 de tout déremboursement économique, de nouvelle franchise, de nouveau forfait montre que la modernisation engagée de notre système de santé n’induit pas de recul social.

La protection des Français a progressé depuis 2012, le reste à charge des dépenses de santé ayant diminué pour s’établir à 8, 4 % en 2015, contre 9, 3 % en 2011. La prise en charge par l’assurance maladie obligatoire est passée de 77, 1 % en 2011 à 78, 2 % en 2015. Nous sommes, madame la ministre, résolument à vos côtés quand vous affirmez le rôle irremplaçable de la sécurité sociale, fondée sur la seule solidarité, et quand vous défendez l’objectif d’un rôle de nouveau dominant de l’assurance maladie dans la prise en charge des soins dentaires.

J’en viens aux mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le PLFSS fixe des objectifs d’efficacité, de justice et d’équité quand sont plafonnées les rémunérations éligibles à l’exonération de cotisations sociales accordée aux chômeurs créateurs et repreneurs d’entreprises ; quand le bénéfice de ce dispositif est étendu aux reprises dans un quartier prioritaire de la ville ; quand est affirmée la responsabilité conjointe des réseaux du régime social des indépendants, le RSI, et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, dans le recouvrement des cotisations dues par les travailleurs indépendants ; quand, dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, sont réduits les taux des cotisations des travailleurs indépendants à faibles revenus ; quand est mieux assurée la continuité des droits des frais de santé en cas de changement de situation professionnelle ; quand est prorogée pour une année la participation des organismes complémentaires au financement des nouveaux modes de rémunération des médecins ; quand, enfin, le droit de communication est étendu aux agents des organismes de protection sociale.

Le PLFSS a pour objectif l’adaptation de notre système social à la nouvelle économie, comme en témoigne l’exemple des particuliers loueurs de meublés de tourisme via des plateformes collaboratives. Rien ne justifie que les revenus élevés tirés d’une activité professionnelle échappent au financement de la protection sociale et entraînent une concurrence mortelle pour les entreprises de services classiques ! Deux seuils d’adhésion au RSI ont été fixés, à 23 000 euros et 7 720 euros. À titre de comparaison, le SMIC net annuel s’élève à 13 700 euros. Il est indispensable de donner un signe équilibré.

Le PLFSS fixe des objectifs de justice et de solidarité quand sont revalorisés les deux seuils de revenu fiscal de référence, permettant à 290 000 ménages retraités, pour un revenu net mensuel inférieur à 1 018 euros, de ne plus payer de CSG, et à 260 000 ménages, pour un revenu inférieur à 1 331 euros, de bénéficier du taux réduit de 3, 8 % ; quand est réintroduite une possibilité de mutualisation par les branches pour les contrats de prévoyance. J’appuie cette mesure, qui concilie liberté contractuelle de l’entreprise et garantie de l’égalité de traitement des salariés et des employeurs d’une branche pour des risques lourds, hors risques santé.

Le PLFSS fixe également des objectifs en matière de prévention. Une nouvelle contribution assise sur le chiffre d’affaires des distributeurs de tabac est créée et le poids relatif de la fiscalité du tabac à rouler est aligné sur celui des cigarettes.

Le tabac est la première cause de mortalité évitable en France. Madame la ministre, vous venez de lancer l’opération « Moi(s) sans tabac ». Votre combat mérite un grand respect et notre total soutien. Des amendements seront néanmoins proposés sur l’article 16. Il s’agit non pas de savoir si l’on est pour ou contre le tabac, mais de mettre en œuvre des dispositifs éducatifs plus inventifs face à la faible réceptivité de nos concitoyens aux campagnes de santé publique. La France est ouverte sur des pays à faible fiscalité, de la Belgique à l’Espagne. Baisse de ventes ne signifie pas baisse équivalente de consommation.

Nous avons une exigence, la mise en œuvre de la traçabilité, dans le cadre du protocole de Séoul de 2012, et nous formulons une proposition, l’alignement des sanctions des trafiquants en bande organisée de tabac sur celles des trafiquants de drogue.

Par ailleurs, nous avons une satisfaction, à savoir la prise en compte de la situation des buralistes dans le quatrième contrat d’avenir liant l’État aux débitants de tabac.

Enfin, l’autorisation donnée aux CAARUD, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, de dispenser les médicaments correspondants est également une mesure de prévention.

J’aborderai maintenant les mesures relatives à la branche maladie. L’ONDAM progressera de 2, 1 % en 2017. C’est là un objectif exigeant, qui suppose des économies de plus de 4 milliards d’euros par rapport à une évolution tendancielle non maîtrisée, qui serait de 4, 3 %. Surtout, cet objectif ne doit pas masquer la progression des dépenses. À 190, 7 milliards d’euros, l’ONDAM pour 2017 augmente de 8, 9 milliards d’euros par rapport à 2015. L’ONDAM hospitalier progresse sur la même période de 2, 8 milliards d’euros.

Comme vous, madame la ministre, je suis opposé au dispositif de régulation de l’installation des médecins libéraux introduit en commission à l’Assemblée nationale. Je salue, comme la majorité des internes et des jeunes médecins, le contrat de praticien territorial médical de remplacement, élément de plus dans la lutte contre les déserts médicaux.

L’adoption d’un congé maternité et paternité pour les médecins généralistes, quel que soit le secteur d’exercice, a reçu un avis favorable de notre part en commission.

Face au dangereux déni de la vaccination en France, nous approuvons l’autorisation donnée aux pharmaciens, à titre expérimental, de vacciner contre la grippe et aux médecins généralistes de stocker les vaccins.

Nous approuvons également la mesure prévoyant la consultation d’un psychologue afin de lutter contre la souffrance psychique des jeunes âgés de 6 ans à 21 ans, ainsi que l’extension de la télémédecine et la prise en charge intégrale des frais de santé des victimes d’actes de terrorisme.

L’hôpital, mes chers collègues, est l’une des forces de notre pays. Le concept d’« hôpital-entreprise » l’a déstabilisé profondément, en modifiant les rapports entre les médecins et l’administration. Depuis 2012, la notion de service public hospitalier a été réaffirmée et 10 milliards d’euros supplémentaires ont été consacrés à l’hôpital, soit 1, 3 milliard d’euros de plus en 2017. Au total, 31 000 postes de soignants ont été créés. Ce sont des réalités. L’ONDAM pour 2017 permettra la revalorisation du point d’indice et la mise en place du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ».

Nous savons cependant à quel point les conditions de travail des professionnels de santé à l’hôpital sont difficiles. Je dis mon souci que les infirmières, au-delà de l’enchaînement d’actes techniques, conservent un temps de dialogue avec le patient. Vous engagez, madame la ministre, un travail de fond avec les professionnels, qui sont souvent en première ligne sur le front de la violence sociale, sur les conditions de travail, la sécurité et la formation. L’essentiel est bien de développer l’attractivité de ces carrières. À cet égard, les groupements hospitaliers de territoire doivent s’appuyer sur des projets médicaux visant à l’homogénéité et à la graduation de l’offre de soins.

Certaines mesures actent par ailleurs la fin de la logique du « tout 2A ». Nous ne pouvons que les approuver.

Madame la ministre, vous affirmez votre soutien total à l’innovation. Nous sommes à vos côtés. Nous vivons une époque formidable : de nouveaux médicaments apparaissent et guérissent des maladies graves et allongent la vie de patients atteints d’affections mortelles il y a peu. Les thérapies ciblées, les immunothérapies ouvrent des champs immenses d’espoir.

Permettre à toutes et à tous d’accéder le plus rapidement possible à ces médicaments coûteux est un défi pour notre société. Notre pays a montré sa capacité de réaction lors de l’apparition soudaine du Sovaldi guérissant l’hépatite C. Quatre articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale – les articles 18, 49, 50, 51 et 52 – vont avoir un impact sur les dispositifs en place.

La création du Fonds pour le financement de l’innovation pharmaceutique est une satisfaction. Nous nous interrogeons toutefois sur l’effet de la présence dans la clause de sauvegarde de deux taux distincts pour les médicaments de ville et d’hôpital. La constitution de deux périmètres de solidarité ne sera-t-elle pas pénalisante pour les laboratoires les plus innovants ?

L’article 50 relatif aux médicaments biosimilaires suscite une inquiétude, madame la ministre. Il n’évoque en effet que la substitution, acte du pharmacien, et ne traduit pas en cela exactement la position de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé relative à l’interchangeabilité, laquelle relève du prescripteur. Nous craignons que ne se reproduise avec les biosimilaires la situation que nous avons connue avec les génériques.

Nous avons une ambition, celle de conserver l’efficacité de notre dispositif d’autorisation temporaire d’utilisation, l’ATU, et un souhait, celui de ne pas dégrader la primauté de la négociation conventionnelle entre le Comité économique des produits de santé et les industriels dans la recherche du « juste » prix du médicament.

Madame la ministre, vous pouvez compter sur le soutien et la grande conviction du groupe socialiste et républicain. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est le fruit de cinq années de choix ambitieux et courageux qui vous doivent beaucoup. Au nom du groupe socialiste et républicain, je tiens à vous en remercier et à vous féliciter. Nous défendons avec sérénité et assumons avec fierté un bilan fondé sur les valeurs de progrès et de solidarité, d’efficacité et de justice, lesquelles sont à l’origine depuis 2012 d’une nouvelle donne sociale.

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