Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 15 novembre 2016 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Ainsi, la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, qui visent à centraliser la gestion des hôpitaux publics, se fait à la discrétion des agences régionales de santé, les ARS, alors que le Sénat avait proposé que cette mise en place soit commandée par le projet médical.

L’approche hospitalocentrée de cette loi, en opposition avec la promotion de la médecine libérale, traduit des présupposés idéologiques, entraîne la contrainte et se révèle finalement inadaptée au besoin impérieux de développer les soins ambulatoires.

La généralisation du tiers payant obligatoire, qui remet en cause le lien direct entre patients et médecins, élément pourtant essentiel de cette relation bien particulière, est un coup de grâce porté à l’exercice libéral au profit d’un système administré.

Face à ce triste balancement entre frilosité et bureaucratisation, vous affichez un optimisme bien mal à propos. Loin d’être « sauvé », notre système de protection sociale souffre toujours d’un déficit important, notamment du fait des 3, 8 milliards d’euros de déficit du Fonds de solidarité vieillesse, déficit que le Gouvernement a mis à l’écart afin de proclamer la fin du « trou de la Sécu ».

Comme l’a évoqué M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Jean-Marie Vanlerenberghe, il convient de rappeler que la dette sociale demeure à un niveau préoccupant. De l’aveu même du président de la CADES, celle-ci ne pourra pas « mourir » en 2024, comme cela était initialement prévu, si la CRDS n’est pas augmentée d’au moins 50 %.

Il y a donc urgence à se libérer de l’irresponsable illusion donnée par ce gouvernement, selon lequel les problèmes sont derrière nous. À cet égard, notre groupe a engagé une réflexion de fond, afin de proposer les grandes orientations qui définiront la protection sociale de demain. Bien que l’architecture globale de notre projet n’ait pas vocation à faire l’objet d’amendements, du fait notamment des règles des articles 40 et 41 de notre règlement, je souhaiterais en présenter quelques aspects, qui sont, à mon sens, incontournables.

La réalisation d’une protection sociale fondée sur la proximité et l’équilibre public-privé, à rebours de l’étatisation défendue par le gouvernement actuel, est une dimension majeure de notre projet. Ainsi, nous proposerons la création de centres ambulatoires universitaires, qui récupéreraient une partie des prérogatives hospitalières en matière d’enseignement et de soins. Ces centres viseraient précisément à faire basculer notre système vers un modèle ambulatoire, en intégrant cette dimension dans la formation des professionnels de santé.

Parallèlement, nous sommes favorables à une plus grande autonomie de gestion pour les établissements publics hospitaliers, ainsi qu’à un repositionnement des CHU sur leur cœur d’activité, c’est-à-dire l’excellence de la recherche. Les récentes manifestations du personnel hospitalier ont à ce titre révélé l’ambivalence de votre discours : alors que vous faites de l’hôpital la matrice de votre politique de santé, vous le soumettez à des coupes budgétaires sans vision ni réforme de fond.

La nouvelle orientation de notre système de protection sociale doit également passer par une redéfinition de son financement.

À côté des incontournables réformes de structure de la politique de santé, nous défendons des mesures simples telles que le rétablissement du jour de carence, supprimé par le Gouvernement en 2014, comme le demandent les représentants des hôpitaux publics. Le Sénat avait d’ailleurs adopté l’année dernière un amendement dans ce sens. Nous ne réitérerons pas l’expérience cette année, connaissant le sort qui lui sera réservé.

Une réforme systémique est également nécessaire au sein de la branche vieillesse. Nous défendons ainsi la mise en place d’un régime universel unique de retraite prenant acte de l’universalisation des droits sociaux attachés à la personne. Ce régime donnerait lieu non seulement à la fusion de tous les régimes, mais aussi à l’unification des régimes complémentaires avec les régimes de base.

Dans cette perspective, la mise en œuvre d’un calcul universel par points serait la conséquence nécessaire de la prise en compte de la réalité du travail, à savoir la pluralité et la discontinuité des parcours professionnels. Le système de répartition par points permettrait d’offrir une plus grande transparence, tout en assurant la prise en compte de la diversité des situations, notamment celles des personnes exerçant des métiers difficiles, lesquelles pourraient, dans ce cadre, bénéficier d’une bonification de leurs points.

Comme vous pouvez le constater, réformer profondément ne signifie pas remettre en cause la solidarité nationale. C’est au contraire s’inscrire dans la continuité de l’histoire de notre système de protection sociale en proposant des mécanismes de solidarité et de répartition. Porter des réformes structurelles est un devoir pour tout responsable politique attaché à la pérennité de notre protection sociale.

La démarche de notre groupe est donc éminemment constructive, car elle vise non pas à rapiécer quelques régimes ici ou là, mais à bâtir la protection sociale de demain. Il s’agit non plus de « sauver » la sécurité sociale à tout bout de champ, mais bien d’en faire, de nouveau, l’un des ciments de notre communauté nationale.

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