Intervention de Corinne Imbert

Réunion du 15 novembre 2016 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur Gérard Dériot, mes chers collègues, nous entamons ce jour l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat, projet de loi qui est, à l’image de l’action gouvernementale dans son ensemble, peu performant et peu rigoureux.

En septembre dernier, vous déclariez tambour battant, madame la ministre, à un grand quotidien national : « En 2017, le trou de la Sécu aura disparu ». Reconnaissez que vous avez enjolivé les comptes !

Vous avez également annoncé un régime général « quasiment à l’équilibre » en 2017. N’en jetez plus, l’autosatisfecit connaît certaines limites que l’arithmétique sait, fort heureusement, contrecarrer. En effet, si les projections concernant le déficit du régime de la sécurité sociale et la branche maladie s’avèrent exactes, il y a un oubli colossal : le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, une bagatelle de 3, 8 milliards d’euros !

En réalité, le déficit global de la sécurité sociale devrait atteindre 4, 2 milliards d’euros en 2017, soit un résultat, certes, en amélioration, mais très loin de l’équilibre escompté. Par ailleurs, si la situation du déficit des comptes sociaux s’améliore, la dette sociale cumulée – plus communément dénommée « trou de la Sécu » – s’élève à quelque 156, 4 milliards d’euros en 2015, ce qui représente plus de 7 % du PIB français. Avouez que cela est remarquable !

Entrons dans le détail. Comment expliquez-vous que, une nouvelle fois, vous ayez déposé près de cinquante amendements sur votre propre texte ? Depuis votre prise de fonction, vous avez sciemment privilégié la hausse des recettes et vous n’avez donc pas fait des économies une priorité, alors que c’est indiscutablement indispensable pour influer sur le niveau de dépenses.

L’amélioration des comptes dont vous vous targuez n’est autre que la résultante d’un matraquage fiscal inédit, pour ne pas dire historique, ciblant l’ensemble des ménages et les entreprises. De surcroît, l’optimisme béat du Gouvernement rejaillit en matière de prévision de recettes, puisque votre base de croissance est de 1, 5 % là où le FMI annonce un maximum de 1, 2 %. Par conséquent, la réalisation de vos objectifs semble plus que jamais compromise.

Enfin, rappelons que 40 % du déficit résultent non pas de la conjoncture, mais de causes structurelles. Or, comme l’a très justement souligné dans son intervention ma collègue Catherine Deroche, le Gouvernement a brillé par l’absence de réformes visant à adapter et à consolider le régime de protection sociale, qu’il reviendra à vos successeurs d’assumer.

Côté dépenses, là non plus la situation n’est pas étincelante. Pourtant, le résultat de la branche vieillesse est annoncé comme excédentaire pour 2017 : merci, soit dit en passant, à la réforme structurelle de 2010, que vous avez pourtant combattu ardemment, mais qui, en repoussant l’âge légal de la retraite à 62 ans, a incontestablement permis d’obtenir les résultats que nous connaissons aujourd’hui et qu’il nous faudra néanmoins, consolider demain.

Aussi, madame la ministre, pas de triomphalisme ni de conclusion hâtive ! La Cour des comptes a récemment alerté sur le risque de rechute des comptes de la branche vieillesse d’ici à une dizaine d’années, compte tenu du contexte économique et social particulièrement dramatique. Il s’agit d’une situation qui, superposée avec les mesures de départs anticipés et de création du compte pénibilité prises par le Gouvernement, n’en sera que plus fragilisée. Par ailleurs, vu le niveau du déficit du Fonds de solidarité vieillesse pour 2017, la branche vieillesse est plus que jamais dépendante et soumise à la conjoncture, ce qui rend les prévisions plus qu’incertaines.

La branche famille est également annoncée à l’équilibre pour 2017. Cependant, ce résultat est obtenu au détriment des familles, plus précisément celles qui ont des enfants en bas âge, alors que le taux de natalité diminue sérieusement : les baisses successives du plafond du quotient familial, la fiscalisation des majorations de retraites et le conditionnement des ressources des allocations familiales ont été des marqueurs de la politique du Gouvernement contre les familles françaises.

Enfin, que dire de la branche maladie, si ce n’est que le Gouvernement a rehaussé l’ONDAM, fixé pour 2016 à 1, 75 %, à 2, 1 % pour 2017, soit une augmentation de 650 millions d’euros, alors même que la Cour des comptes appelait à consolider les efforts ?

Le dernier avis du Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie n’a pas manqué de nous interpeller : il dénonce une minoration volontaire de l’ONDAM, via des dispositions permettant de financer en dehors du dispositif certaines dépenses d’assurance maladie.

De son côté, la Cour des comptes fait le constat alarmant d’une « érosion rampante […] qui compromet l’égal accès aux soins ». Tout un programme… Oui, ça va vraiment beaucoup mieux !

En effet, de nouvelles dépenses sont programmées pour 2017 et sont évaluées à 1, 1 milliard d’euros : 400 millions d’euros au titre de la hausse des consultations médicales et 700 millions d’euros de revalorisation du point d’indice des fonctionnaires hospitaliers. Là, on assiste à l’organisation d’un véritable système « deux poids deux mesures », puisque les seules économies annoncées portent encore sur le médicament, ainsi que sur la pertinence et le bon usage des soins, l’efficacité de la dépense hospitalière et le virage ambulatoire.

Bien que la généralisation de l'assurance complémentaire de santé aurait dû se traduire par une diminution du reste à charge pour les assurés, force est de constater que de nombreux salariés sont aujourd’hui contraints de souscrire une surcomplémentaire. J’ajouterai que la fiscalisation de la part employeur s’est traduite par une nouvelle pression fiscale.

Côté assurance maladie, nous avons toujours l’impression d’une équation impossible à résoudre entre la réponse aux besoins de santé, l’accès des malades aux produits innovants et l’équation du budget de l’assurance maladie. Les baisses de prix de médicaments constituent encore aujourd'hui l’élément premier de maîtrise des dépenses de l’assurance maladie. Ce système connaît des limites, à commencer par le financement de l’innovation.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale complète également la longue liste au père Noël, commencée il y a un an. Il est jonché de cadeaux fiscaux et électoraux. Bien que nous soyons à un mois des festivités de fin d’année et, surtout, à six mois des échéances électorales nationales, je n’y crois plus, comme beaucoup, depuis bien longtemps, surtout quand le père François se cache sous la barbe du père Noël.

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