Avant de dresser le portrait de ce futur COM, je souhaite rappeler le contexte qui l'a vu émerger. Ces quatre dernières années ont, en effet, été marquées par l'accroissement du risque terroriste, la montée du populisme, la crise des migrants ou, plus récemment, la crainte sur l'avenir de l'Union européenne après le Brexit. Cette multiplication des périls ne nous décourage pas car, plus que jamais, des médias porteurs de sens sont nécessaires pour rappeler le message singulier de la France sur la scène internationale.
Dans ce contexte, trois scénarii ont été proposés en mai 2015 et c'est sur la base du plus favorable que le COM a été construit. Un effort de 23,1 millions d'euros va être fourni d'ici 2020. Cet effort important traduit, dans le contexte difficile que connaissent les finances publiques, la conscience qu'ont les pouvoirs publics de ces enjeux majeurs.
Nous ne disposons cependant pas des moyens de la British Brodcasting Corporation world (BBC world), a fortiori devant l'effort financier important dont elle bénéficie actuellement. Cet effort budgétaire - le plus important connu par le groupe depuis 1940 - va lui permettre de lancer des programmes dans plus de 11 nouvelles langues étrangères alors qu'elle disposait déjà d'un budget deux fois supérieur au nôtre. Si notre budget est sans commune mesure avec celui de BBC world, l'effort public est multiplié par deux par rapport à la période couverte par le précédent COM. Il prévoyait, en effet, une croissance annuelle d'environ 0,85 % des recettes publiques, contre 1,9 % pour le nouveau COM.
Le précédent COM a été le premier connu par notre groupe et a constitué un socle pour celui que je vous présente aujourd'hui. C'est au cours de l'exécution de ce premier COM que s'est construit un véritable groupe. La situation initiale était complexe. Un blocage existait sur le déménagement des locaux, il n'existait plus d'organigramme lisible, l'ensemble des instances étaient passibles de délit d'entrave et les procédures normales et propres à une entreprise n'existaient plus. Les accords d'entreprise précédents étaient devenus caducs après la fusion. Nous avons, depuis, répondu point par point à l'ensemble de ces difficultés. Un accord d'entreprise a été signé le 31 décembre 2015, comme le précédent COM le prévoyait. Ce changement global s'est traduit par l'adoption du nom France Médias Monde en juin 2013.
Comme l'État nous le demandait, nous avons construit un groupe dont les rédactions restent distinctes. Il en résulte des différences de culture d'entreprise en son sein. Des passerelles fortes existent néanmoins entre toutes ses entités, notamment en matière de formation et de sécurité, où sont mises en place des opérations communes. Hier, Radio France Internationale (RFI) et France 24 ont pu, par exemple, avec TV5 Monde, interviewer le Président de la République à Marrakech.
Ce précédent COM, au même titre que le projet présenté, axait sa stratégie sur la qualité des contenus proposés au public. Car à quoi bon vouloir rayonner à l'échelle internationale si l'on n'a aucun message spécifique à faire passer ? Nous n'avons pas les mêmes messages à délivrer que d'autres chaînes comme la BBC ou Al Jazeera. Cette différence est portée par la spécificité de nos grilles de programmes, qu'il s'agisse de celles de RFI, de France 24, ou de Monte Carlo Doualiya (MCD). Nous avons, en ce sens, lancé de nouvelles émissions, accru les directs, atténué le parallélisme strict des antennes de France 24 pour mieux contextualiser et hiérarchiser nos contenus. Nous nous sommes également beaucoup délocalisés à la rencontre de nos publics et avons mis l'accent sur la culture qui reste un signe distinctif de la France dans le paysage mondial.
Les douloureuses années 2015 et 2016 ont aussi vu notre groupe affirmer des valeurs. Les principes de liberté, l'égalité, l'universalité, la laïcité et le respect de l'autre ont raisonné dans les quinze langues de nos programmes et ont structuré nos antennes. Nous étions probablement les seuls dans le monde arabe, voire dans le monde anglophone, à montrer le tirage du Charlie Hebdo des survivants pour porter haut le principe de la liberté d'expression.
Nous nous sommes engagés dans l'éducation aux médias et avons conclu une convention avec l'éducation nationale. Nous sommes également très actifs dans le cadre de la semaine de la presse à l'école pour essayer de lutter contre les manipulations par le biais d'internet, qui reste un outil de propagande malheureusement performant.
La promotion de la langue française était également une priorité. Nous avons, en ce sens, mis en oeuvre des méthodes d'apprentissage du français, en particulier dans des langues africaines. L'avenir de la francophonie est en Afrique et il faut que le français y soit appris car il y est rarement la langue maternelle.
Nous nous sommes beaucoup mobilisés sur la parité, la mixité et la diversité au sens large. L'accès de nos programmes aux handicapés, dont les sourds et malentendants, a aussi été un objectif.
La place des langues étrangères a été revue avec succès puisqu'elles représentent 40 % de la consultation de nos contenus numériques. Nous comptons également sur des radios-filiales, comme RFI Romania ou RFI au Cambodge, qui y sont reconnues comme référentes. Nous avons aussi lancé une radio en mandingue, langue du Sahel très pratiquée.
Une forte offensive ciblée sur la mobilité et les réseaux sociaux a été mise en oeuvre dans le cadre de notre politique du numérique où nous avons refondu toutes nos offres. Des résultats très encourageants en ont été la conséquence puisque les audiences de France 24 ont pu croître de 22 % en trois ans pour atteindre 51 millions de téléspectateurs par semaine et ce dans seulement un tiers des pays où elle est distribuée. Sur la même période, RFI a connu une augmentation de 16 % du nombre de ses auditeurs, pour atteindre 40 millions par semaine dans seulement 37 pays ayant fait l'objet d'une étude, soit à peu près un tiers des pays couverts. MCD a atteint 7,3 millions d'auditeurs, soit une augmentation de 9 %. Il faut ici tenir compte de la situation géographique difficile là où émet cette radio. Certains de ses émetteurs sont d'ailleurs actuellement aux mains de Daesh. Les audiences sont, en ce sens, particulièrement difficiles à obtenir et a fortiori à mesurer dans ce contexte.
Nous fêtons aujourd'hui les 50 millions d'abonnés sur les réseaux sociaux pour notre groupe. RFI et France 24 ont respectivement connu une croissance de 94 % et 51 % de la fréquentation de leurs environnements numériques.
Cette croissance a été rendue possible par une forte augmentation de notre distribution. Elle a été de 50 % pour France 24 qui était présente dans 315 millions de foyers à la fin du précédent COM, 321 millions à l'heure actuelle. RFI et MCD ont, elles, acquis sept nouvelles fréquences d'émission pendant cette période.
Tous ces objectifs ont été atteints en maintenant nos équilibres financiers, en développant nos ressources propres et en obtenant de très forts gains de productivité.
C'est sur ce bilan que se construit le futur COM 2016-2020 pour lequel nous sollicitons l'avis de votre commission. Il s'articule autour de trois grands axes : des contenus toujours plus référents, un accroissement de notre présence mondiale et une gestion rigoureuse puisque nos ressources sont majoritairement issues de deniers publics.
Pour ce qui est des contenus, le prochains COM vise à capitaliser et à pérenniser le développement de notre offre éditoriale mais également à développer de nouveaux contenus. Je pense qu'il est ici important de saluer le lancement de France 24 en espagnol en septembre prochain. Le coût de cette diffusion sera, en année pleine, de 7,3 millions d'euros et une enveloppe de 2,9 millions d'euros sera allouée à son lancement en 2017. La rédaction sera basée à Bogota où cette chaîne sera adossée à RFI qui possède déjà une rédaction en espagnol. Des émissions conjointes sont d'ailleurs prévues. Cette rédaction comptera des journalistes en provenance de tout le continent latino-américain.
Notre participation à la chaîne Franceinfo est au nombre de nos nouveaux projets. Elle a débuté en 2016 et nous place comme le plus gros pourvoyeur de contenus avec ceux diffusés la nuit, mais également trois journaux par jour ainsi qu'un certain nombre d'autres émissions. Nous essayons maintenant de développer notre présence sur sa plateforme numérique.
Le numérique est, en effet, le deuxième axe par lequel nous souhaitons améliorer nos contenus. Il s'agit ici d'industrialiser le numérique, de renforcer l'animation et la modération et de développer les nouvelles écritures dont la vidéo mobile. Nous voulons également attacher au numérique une véritable mission de service public en touchant le jeune public entre 18 et 35 ans, notamment par l'intermédiaire de RFI savoirs ou RFI musique ou Mashable en français, la version française du pure player américain qui a sollicité notre collaboration. Je suis responsable de la ligne éditoriale de Mashable en français qui possède donc une ligne éditoriale française assise sur un savoir-faire partagé avec les Américains. Nous souhaitons également développer un internet citoyen chez la jeune génération par l'intermédiaire d'appels à candidatures sur des applications portant sur la santé ou bien l'éducation. RFI Challenge App Afrique ou Les observateurs du climat sont, en cela, des points majeurs. Un portail d'information à destination des migrants qui va être financé en intégralité par la Commission européenne va également bientôt être lancé, avec le partenariat de la Deutsche Welle.
Nous continuerons à affirmer la singularité de nos différents médias, non pour des raisons idéologiques, mais pour des raisons pratiques car cette pluralité permet de toucher un public plus large. Ces différents médias vont cependant travailler ensemble au profit de la chaîne en espagnol, déjà évoquée, mais également pour renforcer l'africanité de France 24. Ce COM porte, en effet, une volonté d'accentuer l'africanité du signal notamment porté en Amérique latine à travers un rapprochement avec RFI.
Nous souhaitons également continuer à marquer notre présence en se basant notamment sur la haute définition (HD), sur la Télévision numérique terrestre (TNT) en Afrique, mais également avec la version de France 24 en espagnol en Amérique latine. Cela passe aussi par la confirmation de la réelle percée de nos médias en Asie et spécialement en Inde, en Indonésie, au Vietnam et en Corée du Sud. Nous essayons aussi de trouver une entrée au Japon et, s'il s'agit pour le moment d'un rêve, la Chine pourrait également devenir un objectif ! Il ne reste ainsi que la France où nous n'avons pas pu développer nos radios dans le cadre du précédent COM. Nous espérons compter sur la Radio numérique terrestre (RNT) pour prochainement y remédier dans certaines zones ciblées et ainsi contribuer à la cohésion sociale de notre pays.
En lien avec cette optique de rayonnement, le COM prévoit le rattachement de Canal France international, qui est l'outil de coopération audiovisuel de la France. Il sera rattaché à FMM de la même manière que BBC action est rattachée à la BBC. Voulu par le ministère des affaires étrangères, ce rattachement fera l'objet d'un avenant distinct au COM où son principe y est déjà acté. Il s'agit d'une mesure très prometteuse en matière de synergie et de seuil critique permettant d'être visible sur la scène internationale.
Le troisième axe est l'optimisation de la gestion du groupe. La protection contre les risques en est un point central du fait de leur importante recrudescence sur tous les fronts. Ils concernent en premier lieu le terrain, mais également nos propres locaux, ou bien les cyberattaques. Puisque nous sommes situés en zone inondable, une crue de la Seine nécessiterait aussi, par exemple, que soit mis en place des plans de reprise d'activité ou de continuité d'antenne. La sécurité est donc un axe fort pour les années à venir.
L'application de l'accord d'entreprise précédemment évoqué est en cours. Nous devons continuer à réduire les disparités salariales résiduelles qui demeurent au sein de notre entreprise. Elle est, en effet, le fruit du rapprochement d'acteurs aux destins jusque-là très éloignés et aux systèmes sociaux très différents. Nous travaillons donc à la transposition de ce nouvel accord à l'aide d'outils de planification ainsi que différents accords complémentaires et continuons de lutter pour la parité, pour reconnaître le handicap dans l'entreprise. Ce sont des valeurs que nous défendons.
Le passage récent à la HD oriente maintenant notre politique d'investissement vers une forme de stabilité pour les années à venir. Nos procédures internes vont, afin d'augmenter notre productivité, traiter spécifiquement des marchés publics. Si nous possédons déjà une commission d'attribution et de nombreuses procédures, nous souhaitons maintenant créer un poste dédié pour renforcer notre expertise dans ce domaine.
Le développement de nos ressources propres aura la même place que lors de la période précédente avec une augmentation de 1 million d'euros, soit 15 % au cours de la période 2016-2020. Cette augmentation sera donc identique à celle observée lors du précédent COM.
Nous voulons également continuer à cultiver nos relations avec les autres services publics tels que France Télévisions et la chaîne Franceinfo, Radio France, TV 5 Monde ou CFI-TV. Nous travaillons également de très près avec l'Agence France-Presse (AFP) pour notre projet en espagnol et avec l'Institut national de l'audiovisuel (INA) pour notre plan de rétablissement de l'activité en cas de crue de la Seine.