En ce qui concerne la culture d'entreprise, la fusion de l'ensemble des fonctions support concourt à la constitution d'une identité commune. En revanche, chaque rédaction possède sa propre manière de voir les choses. Les différentes langues et les différents supports utilisés par les rédactions de France 24 ou de RFI participent à cette différenciation. Le stage commun que suivent ensemble nos grands reporters, avec ceux d'autres médias, fait, en revanche naître chez eux un sentiment de confraternité assez fort.
Le fait qu'il n'existe plus de conflits entre nos rédactions fait émerger une forme de plaisir à travailler ensemble. Nous avons d'ailleurs pour slogan « puisqu'on ne fusionne plus, si on travaillait ensemble ? ». Une forte dynamique de collaboration existe. De nombreux programmes communs à France 24 et RFI en sont le fruit et il est fréquent que les uns pensent à des idées de programmes pour les autres.
La problématique de la présence en France de FMM doit être différenciée, qu'il s'agisse de la radio ou de la télévision. En ce qui concerne la radio, le précédent COM avait prévu une action ciblée au travers d'une fréquence commune RFI/MCD en langue arabe à Marseille, qui a été un vrai succès mais qui, du fait de son caractère temporaire, a dû être interrompue. Depuis rien ne semble avoir été fait pour pérenniser un tel média alors que la loi donne à l'État la possibilité de préempter des fréquences radio. Le fait que la langue arabe soit concernée n'y est peut-être pas étranger au regard du contexte actuel passionnel. Je défends personnellement l'idée d'un service public qui puisse s'appuyer sur l'utilisation de la langue arabe dans un contexte laïc, a fortiori dans un pays qui a inventé l'agrégation d'arabe. Mais il s'agit là d'un choix souverain qui me dépasse et qui explique pourquoi MCD n'est pas distribuée sur notre sol. Néanmoins, la RNT risque, en ce moment même, de faire évoluer les choses avec les appels à candidature du CSA et la préemption possible de l'État.
Comme M. Duvernois, je suis consciente de la nécessité de creuser cet axe de réflexion et compte sur l'appui des maires, proches des réalités du terrain, pour lesquels le sujet ne génère pas d'inquiétudes particulières. Fournir une information dans une langue étrangère plus accessible à certains Français présente, en outre, un double avantage. Le premier est que le coût est marginal puisque ces médias existent déjà. Le second est qu'il évite à ces Français d'aller chercher l'information ailleurs, notamment par le biais de médias extra-européens qui ne présentent pas les mêmes garanties de neutralité et de qualité.
En ce qui concerne la télévision, il ne faut pas oublier que France 24 est accessible en langue arabe sur tout le territoire par l'intermédiaire du câble, du satellite et d'internet. Elle n'est pas disponible sur la TNT, mais je ne pense pas qu'il soit dans l'air du temps de consacrer une part de cette ressource assez rare à une chaîne entièrement en langue arabe. Des partenariats pourraient, en revanche, voir le jour pour permettre des diffusions locales. Car il est aujourd'hui acquis que les médias internationaux peuvent avoir une utilité en France, sur des zones ciblées, par rapport aux problématiques de cohésion sociale qui sont les nôtres.
Concernant les structures de notre groupe, je rappelle que la logique initiale de FMM était construite autour de l'idée de fusion dans un but d'économie et de recherche d'efficacité. En ce qui concerne les économies, nos organismes de tutelle savent que nous en avons tellement effectuées que nous ne disposons plus, à l'heure actuelle, de leviers pour accroître notre productivité. Notre budget pour 2016 en est l'exemple car il est inférieur à celui de 2011, malgré l'ensemble de nos nouveaux projets.
Ces efforts de productivité ont été obtenus sans fusionner les rédactions, voire même en les renforçant, puisque France 24 n'avait pas atteint en 2012 sa taille actuelle. Lorsque j'ai pris mes fonctions, les chaînes de FMM disposaient, en moyenne, d'un personnel d'un peu moins de 150 équivalents temps plein (ETP). À titre de comparaison, BFM TV, dont la gestion ne peut pas être soupçonnée de légèreté, dispose à l'heure actuelle de 215 ETP pour assurer 18 heures d'émission par jour sur le seul territoire national. Après les efforts que nous avons produits, France 24 dispose de seulement 160 ETP pour couvrir le monde entier, 24 heures sur 24 et pas seulement 18 heures par jour ! Je pense donc sincèrement que notre groupe est particulièrement performant et ne voit pas quelles économies majeures pourraient encore être réalisées.
BBC world émet en 37 langues et va bientôt en développer 11 de plus alors que nous ne diffusons qu'en 15 langues. Il ne nous est donc pas possible de voir la réduction du nombre de langues comme une piste d'économie.
France 24, RFI et MCD doivent aller chercher des publics différents. Nous disposons de trois formats très différents avec une chaîne d'information en continu, une radio d'actualité dont certains contenus lui donnent un vrai rôle d'éducation populaire et une chaîne généraliste. Il est prioritaire que les contenus de ces trois médias ne se concurrencent pas entre eux, mais qu'ils créent des synergies du fait de leur complémentarité pour accroître l'audience globale du groupe.
Le numérique est un lieu de regroupement de ces trois médias. Le site des savoirs de RFI utilise, par exemple, des vidéos de France 24. Des informations intéressantes de RFI peuvent aussi être reprises par Mashable. Il n'y a pas de cloisonnement. Mais lorsque l'on visite la Radio-télévision belge de la Communauté française (RTBF) et la Radio-télévision suisse (RTS) qui ont connu une fusion, on se rend bien compte que, fusion ou pas, un journaliste ne peut pas faire de la télévision, de la radio et du numérique en même temps !
Nos journalistes sont polyvalents, mais ne peuvent pas tout faire à la fois, ce qui justifie la persistance d'une forme de spécialisation, d'ailleurs soutenue par la fusion de nos services support.
Nous avons inventé un modèle original qui fonctionne et qui n'a pas encore fini de donner toute sa créativité. Je suis, par exemple, persuadée que nous allons dans l'avenir nous épanouir dans le domaine des vidéos mobiles.
Je ne peux pas vous parler de la structure du service public dans son ensemble de la même manière que j'évoque notre propre système puisqu'il comporte d'autres acteurs. Je pense néanmoins que la mission doit, ici aussi, justifier les moyens qui sont mis en oeuvre pour l'accomplir, et non le contraire. Le coût du service public de l'audiovisuel s'élève à 6,7 milliards d'euros au Royaume-Uni et 9 milliards d'euros en Allemagne contre 3 milliards d'euros seulement en France. La comparaison des effectifs va dans le même sens puisque le service public de l'audiovisuel s'appuie sur 22 000 ETP en Grande-Bretagne contre seulement 18 000 en France.
Les fusions ont aussi un coût. Nous avons financé notre rapprochement par redéploiements car nous avons pu dégager une marge de manoeuvre du fait de plans de départs. Si la fusion n'a pas forcément, en elle-même, généré des économies, elle a, à l'inverse, engendré des charges, comme celles relatives à l'harmonisation sociale ou aux déménagements. Notre situation est, à ce titre, plutôt avantageuse puisque notre harmonisation sociale ne s'est pas faite exclusivement à la hausse pour les salariés, comme c'est souvent le cas, avec une diminution du temps de travail et un alignement sur les salaires les plus élevés. Nous avons au contraire, d'un côté, augmenté le temps de travail ainsi que les salaires et avons, de l'autre côté, un peu allégé le temps de travail sans baisser les salaires. Je comprends que certains pensent qu'il était possible de faire mieux mais le risque de blocages sociaux a été évité.
J'ai très agréablement été surprise, notamment sur le plan humain, que la chaîne Franceinfo ait réussi à voir le jour malgré les difficultés inhérentes à ce projet. Cette chaîne est très récente et certains progrès sont donc encore à faire dans l'environnement complexe des chaînes d'information. Le parti-pris initial vers le numérique est très marqué et, du fait de la linéarité de cette chaîne, certains ajustements vont être effectués dans une nouvelle grille de programmes à venir. FMM est prestataire mais n'est pas responsable de la ligne éditoriale et de l'édition de cette chaîne qui reviennent à France Télévisions. Si nous n'avons pas directement la responsabilité de Franceinfo, nous constatons qu'elle est un point de rencontre qui donne de la fluidité aux rapports que l'on peut entretenir au sein du service public de l'audiovisuel. Nous collaborons ainsi avec l'INA pour notre dispositif de secours en cas de crue et cela a, plus globalement, donné envie aux gens de faire des choses ensemble.