Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 novembre 2016 à 18h05
Loi de finances pour 2017 — Audition de Mme Najat Vallaud-belkacem ministre de l'éducation nationale de l'enseignement supérieur et de la recherche

Najat Vallaud-Belkacem, ministre :

S'agissant de l'augmentation de la rémunération des enseignants, je veux insister sur le travail réalisé dans le cadre du PPCR. Derrière ce sigle technocratique, un immense progrès a été réalisé, en accord avec les organisations syndicales. Il permet de garantir aux enseignements une augmentation importante de leur salaire, perceptible dès le 1er janvier prochain. Pour les stagiaires, cela se traduit par une augmentation de 1 400 euros par an. En outre, la reconnaissance de l'engagement des enseignants, que vous appeliez tous de vos voeux, est désormais acquise, car ce n'est pas la même chose d'enseigner dans un établissement d'éducation prioritaire - je pense notamment aux directeurs d'école - ou dans un établissement de centre-ville ! Cette reconnaissance se traduira par des accélérations de carrière et des augmentations de rémunération très importantes, ce qui devrait rendre plus attractifs certains postes.

Par ailleurs, nous avons revu le mode d'évaluation des enseignants, pour se défaire de l'inspection couperet, qui ne tombait pas au même rythme pour tous. Nous avons établi un cadre clair, beaucoup moins infantilisant. Quatre vrais rendez-vous de carrière sont organisés. Ils auront lieu à une date précise, soit globalement tous les sept ans. L'enseignant fera face aux regards croisés de l'inspecteur et du chef d'établissement. Au terme de cette évaluation formative, une prescription de formation pourra être formulée si des manques sont observés. Nous soutenons ainsi fortement et structurons la formation continue, qui fera partie de manière plus évidente de la carrière de l'enseignant.

Cette évolution est quasiment une révolution. Bien qu'elle soit passée inaperçue, peut-être parce qu'elle a été mise en place de façon consensuelle, il convient de la saluer.

Vous m'avez également interrogée sur l'accueil des enfants de moins de trois ans. Entre 2012 et 2015, 1 100 classes nouvelles ont été ouvertes, ce qui représente 25 000 places. À la rentrée 2016, 231 classes supplémentaires ont vu le jour. Nous devrions donc réussir à tenir notre engagement, à savoir la scolarisation de 30 % des enfants de moins de trois ans dans les REP et de 50 % dans les REP+. Nous avons d'ores et déjà atteint notre objectif dans douze académies sur trente. Cette politique n'a pas été simple à mettre en place. En effet, il ne suffit pas d'ouvrir des places ou de créer des postes, car cela se fait lien avec les collectivités locales. Nous avons également rencontré un autre problème, d'ordre culturel : dans les territoires en grande difficulté sociale, les familles préféraient garder leurs enfants à la maison. Nous avons mené une intense campagne de communication très ciblée, pour parvenir à des chiffres positifs.

Monsieur Kern, vous avez posé la question du service civique. Depuis que le Président de la République a décidé d'engager les administrations publiques à proposer des missions de service civique, le ministère de l'éducation nationale, qui a mené une politique très active, peut se targuer d'accueillir le plus grand nombre de jeunes. Ils étaient au nombre de 5 000 en 2015 et de 10 000 en 2016. Et ceux qui font ce service civique en établissement scolaire affirment ensuite qu'ils sont attirés par la profession d'enseignant... Nous constituons ainsi des viviers de recrutement. Quant aux enseignants, ils apprécient leur présence dans l'enceinte scolaire. Ces services accompagnent des projets d'éducation artistique et culturelle, de sport ou de développement durable. Ils contribuent aussi à la lutte contre le décrochage scolaire.

Pour ce qui concerne les enfants en situation de handicap, 4 250 postes d'AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap, ont été créés depuis le début du quinquennat, qui sont venus s'ajouter à ceux qui étaient déjà en place. Il a été décidé que ces personnels bénéficieraient plus rapidement d'un CDI. À terme, à l'issue de ce quinquennat, nous aurons 280 000 AESH CDIsés, auxquels il convient d'ajouter, pour les cinq ans à venir, 50 000 auxiliaires de vie scolaire, qui sont en contrat unique d'insertion, et passeront tous progressivement au statut d'AESH. Cela signifie qu'ils bénéficieront d'une grille indiciaire, avec de vraies perspectives de carrière et de formation.

S'agissant des langues vivantes, vous me demandiez quelle était la situation, après l'instauration de la deuxième langue vivante en classe de cinquième. J'étais ce matin à un colloque organisé par la Conférence des présidents d'université (CPU) sur la pédagogie : Stanislas Dehaene, psychologue cognitif, insistait sur l'importance de l'apprentissage de plusieurs langues vivantes dès le plus jeune âge, dès la maternelle. D'après lui, c'est aux alentours de 13-14 ans qu'une moindre plasticité du cerveau rend l'apprentissage des langues vivantes plus complexe. Une telle analyse tend à confirmer notre action, à savoir une première langue vivante au CP, et une deuxième langue en classe de cinquième. On a alors affaire à des enfants plus désinhibés, à la sortie de l'enfance. C'est la raison pour laquelle nous avons de si bons chiffres concernant l'allemand : nous passons ainsi de 487 0000 élèves germanistes à 516 000 élèves germanistes. C'est une progression historique. Nous sommes donc sur la bonne voie.

Quelqu'un a dit tout à l'heure que j'étais dans l'autosatisfaction permanente. C'est faux ! J'estime en effet que, outre la précocité dans l'apprentissage des langues, il faudra travailler beaucoup sur la pédagogie, notamment par le biais du numérique, et former davantage les enseignants, notamment ceux des écoles. Il sera donc nécessaire de remettre ce sujet sur le tapis.

Madame Gonthier-Maurin, vous avez évoqué la question du remplacement des enseignants, sujet permanent de tracasserie. Nous avons eu beau, depuis le début du quinquennat, recréer des viviers de remplaçants, cela n'a pas suffi à régler le problème. Je rappelle cependant que, en 2012, ces viviers avaient été asséchés. Nous avons donc créé 5 000 postes de remplaçants.

Par une réponse qualitative, dans le cadre d'un plan annoncé récemment, nous avons apporté une réponse aux situations insupportables de remplacements successifs, qui résultaient d'un mécanisme de zone de remplacement infradépartemental, dont les zones géographiques d'affectation étaient réduites. Nous avons fait sauter ce premier verrou. On pourra désormais faire appel à des remplaçants qui seront affectés sur une zone départementale.

Par ailleurs, il existait une différence entre remplacements de courte et de longue durée. Ainsi, dans le premier temps de l'absence, on faisait appel à un remplaçant de courte durée, auquel succédait un remplaçant de longue durée. Nous avons mis fin à ce système : les remplaçants pourront désormais être affectés à un poste, quelle que soit la durée de l'absence.

J'évoquerai également les « absences perlées » : un enseignant s'absente, puis revient, puis s'absente de nouveau. Pour le chef d'établissement, il est très complexe de savoir comment le remplacer. Afin d'éviter ce genre de situation, nous avons mis en place un protocole d'accompagnement de ces personnels par la médecine du travail.

Enfin, dans le cadre de ce plan remplacement, nous avons décidé de rendre public le taux d'absences non remplacées dans le premier et le second degré, dans un souci de transparence. Cela nous permet également de mettre la pression sur certaines académies.

Le sujet des psychologues scolaires me tient à coeur. Pour la première fois, nous créons un corps unique de psychologues de l'éducation nationale, conformément aux aspirations des professionnels. Jusqu'à présent, des professeurs d'école se faisaient certifier pour intervenir en matière de psychologie, alors qu'un tout autre système prévalait dans le second degré. Or les COPSY ne communiquaient pas forcément avec les intervenants du premier degré, ce qui interdisait toute fluidité dans le suivi de l'élève. Désormais, grâce à ce corps unique de psychologues scolaires, nous aurons de vrais professionnels se consacrant uniquement à la psychologie scolaire et aux sujets très importants que sont le climat scolaire, le décrochage scolaire, le harcèlement ou la radicalisation. Le décret a été adopté aujourd'hui en comité technique. Il ne reste plus qu'à le soumettre au Conseil supérieur de la fonction publique et au Conseil d'État avant de le publier. Concrètement, le premier concours sera mis en place d'ici à quelques mois et 330 postes seront proposés.

En ce qui concerne le bac professionnel, je ne peux que souligner l'absence de sérieux ayant permis, en 2010, de passer d'une scolarité de quatre à trois ans, sans même changer les programmes. Les professeurs devaient faire faire à leurs élèves, en trois ans, un programme conçu pour une période de quatre ans ! À défaut de remettre en cause la durée des études, nous avons beaucoup travaillé sur la façon dont elles sont organisées, pour que les élèves puissent acquérir des connaissances et se préparer à leur stage en entreprise, lequel est systématiquement précédé d'une semaine de préparation.

Vous avez également évoqué la poursuite, pour ces bacheliers professionnels, d'études supérieures. Constatant que leur taux de réussite est de moins de 3 % à l'université, mais meilleur en brevet de technicien supérieur (BTS), nous leur y avons réservé des quotas de places, tout en créant 10 000 places supplémentaires de BTS, pour mieux les accueillir.

Vous vous êtes également inquiétée, madame Gonthier-Maurin, de la dématérialisation de la demande de bourse. C'est une expérimentation menée sur quelques académies, dont Paris. Il s'agit d'une possibilité, non d'une obligation. Sur ce sujet, je n'ai pas eu connaissance de difficultés particulières. Je m'apprête à vérifier ce qu'il en est.

Monsieur Grosperrin, la question de la dictée a fait couler beaucoup d'encre. Pour ma part, je suis convaincue de la nécessité de bien maîtriser le français et c'est la raison pour laquelle j'avais demandé la réalisation de l'évaluation qui a été rendue publique récemment.

Je rappelle tout de même que les élèves testés en 2015 ont bénéficié des programmes de 2008. Quand on mène une évaluation en 2015 sur le niveau d'orthographe à la sortie de l'école primaire, on évalue des enfants qui sont allés à l'école primaire entre 2010 et 2014. Quant à l'enquête PISA qui sera publiée début décembre, elle ne concernera que l'avant-refondation de l'école, puisque ce sont des élèves de 15 ans qui sont évalués. Pour bien évaluer la refondation de l'école, il faudra attendre l'enquête PISA de 2025 !

Monsieur Grosperrin, vous avez dit que les professeurs pourraient travailler deux heures de plus. Permettez-moi de vous conseiller un film génial, qui montre le quotidien d'une professeur des écoles et dont le titre est Primaire.

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