Intervention de André Gattolin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 15 novembre 2016 à 15h00
Loi de finances pour 2017 — Mission « culture » - examen du rapport spécial

Photo de André GattolinAndré Gattolin, rapporteur spécial :

À cela s'ajoutent deux autres points positifs. La priorité accordée à la jeunesse se traduit par une ambition forte en matière d'action éducative artistique et culturelle auprès des jeunes publics. Ainsi, grâce à une nouvelle hausse des crédits, les moyens sont doublés par rapport au début du quinquennat : ils passent de 30,8 millions d'euros en 2012 à 64 millions d'euros en 2017. Cela s'accompagne d'un relèvement de la cible de performance et d'une maîtrise du coût moyen par enfant des actions menées. Celui-ci a diminué de 23 % entre 2011 et 2015, de 13,40 euros à un peu plus de 10 euros. La maîtrise des coûts doit être saluée et maintenue afin de sécuriser les dispositifs d'éducation artistique et culturelle au niveau élevé auquel les a portés le Gouvernement.

Les moyens alloués aux conservatoires, après les coupes budgétaires en 2015 qui avaient fragilisé l'action de ces établissements, augmentent. Le rattrapage commencé l'an dernier se poursuit. D'après la ministre elle-même, le niveau initial n'est pas tout à fait retrouvé, mais ces crédits retrouvent une trajectoire positive. Ainsi, près de 8 millions d'euros sont destinés en 2017 à pérenniser les actions des conservatoires classés en faveur de la jeunesse et la diversité.

L'accroissement des moyens rend également possible le lancement d'un programme de 2 millions d'euros visant à renforcer la présence artistique, notamment des jeunes artistes, dans les projets d'éducation artistique en milieu scolaire. L'appel à projets « Création en cours » est conduit en lien avec l'établissement public de coopération culturelle Médicis-Clichy-Montfermeil et le ministère de l'éducation nationale. Il s'agit d'installer, chaque année, 100 artistes en résidence dans les écoles et collèges éloignés de l'offre culturelle - par exemple, quartiers de la politique de la ville, zones rurales et périurbaines, outre-mer, etc. - afin de favoriser des échanges soutenus entre les artistes et les enfants et adolescents du cycle 3, c'est-à-dire en classe de CM1, CM2 et 6e.

L'accompagnement par l'État des opérateurs culturels fragilisés à la suite des attentats doit être salué. En effet, le budget culturel public subit le contrecoup des attentats de deux façons. D'une part, l'État finance la sécurisation des opérateurs culturels publics : une augmentation de 6 millions d'euros est prévue à ce titre en 2017. D'autre part, l'État participe au financement du fonds d'urgence pour le soutien au spectacle vivant, Vincent Eblé et moi vous avions présenté une communication sur le sujet au printemps dernier, qui vise à indemniser une partie des surcoûts supportés par les établissements de spectacle privés et qui sera doté de 17,4 millions d'euros en 2017. La réduction des flux de touristes étrangers, particulièrement à Paris, n'a pas été sans conséquence pour les opérateurs de la mission « Culture » qui ont subi des pertes de recettes parfois considérables. L'État doit continuer de s'engager à leurs côtés, pour les aider à passer cette période difficile.

Mais ce budget pour 2017 présente aussi quelques points qui appellent une grande vigilance. Première observation : la réduction d'impôt au titre des dons n'est pas rattachée à la mission « Culture » bien qu'elle contribue à soutenir le secteur culturel. Or, l'absence de données précises relatives à la part de ce dispositif bénéficiant à des actions culturelles est problématique : le montant de dépense fiscale présenté au sein des documents budgétaires est agrégé et le ministère n'est pas en mesure de préciser le montant global des dons affectés à la culture déclarés à l'administration fiscale, ni leur répartition. Le montant de la dépense fiscale engagée au profit de fondations privées non reconnues d'utilité publique n'est pas non plus publié par le Gouvernement. Une enquête annuelle menée avec les services du ministère chargé du budget et les instances représentatives du mécénat et des fondations serait utile pour mieux cerner la répartition du mécénat déductible entre les différents secteurs de l'intérêt général. Il faudrait également identifier la répartition de la dépense fiscale entre les différentes structures : connaître le montant de dépense fiscale lié à un mécénat envers des organismes publics ou à l'inverse privés, avec le détail des statuts juridiques des structures bénéficiant du mécénat. Ainsi nous pourrions mieux appréhender les effets sur le secteur culturel et l'efficacité de la dépense fiscale.

Ma deuxième observation concerne le fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), créé par le présent projet de loi de finances et doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 55 millions d'euros en crédits de paiement. Il paraît dans son principe justifié, au regard des difficultés rencontrées par le secteur et de la nécessité de soutenir l'emploi. Cependant, la répartition des crédits entre les différentes aides à créer n'est pas encore connue, ni les modalités exactes d'attribution ; l'administration du fonds reste à définir. Il s'agira donc en 2017 de veiller à ce que les règles soient à la fois efficientes et en accord avec les objectifs initiaux.

Troisième point qui me paraît problématique : la très forte hausse des crédits d'intervention. Ceux-ci représentent, en crédits de paiement, 34 % du total des dépenses et près de 45 % des crédits hors titre 2 (c'est-à-dire hors masse salariale). Le projet de loi de finances prévoit une hausse des dépenses d'intervention de 12,3 %. Depuis 2013, l'augmentation totale serait de plus de 17 %, hors travaux de la Philharmonie de Paris et rebudgétisation de la redevance d'archéologie préventive (RAP).

Certes, les aides accordées sont une réponse à de réels besoins. Mais la multiplicité des dispositifs financés et la forte hausse des dépenses d'intervention appellent un examen attentif. Peut-être faudrait-il recentrer la dépense sur les dispositifs les plus efficients.

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