Les budgets des années électorales sont toujours sujets à suspicions, et les dérives en sont presque un marqueur génétique. Aux observations du rapporteur général, on pourrait ajouter les interrogations que font peser la remontée des taux d'intérêt. Cette semaine, l'État a emprunté à 0,83 % sur dix ans, alors qu'il y a quelques jours nous empruntions à 0,10 %. Le delta entre les recettes et les dépenses risque d'en être encore dégradé.
J'ai écouté avec attention les observations du rapporteur général sur chacun des articles. Un certain nombre d'articles méritent d'être amendés, notamment les dispositions sur les collectivités territoriales, la non-revalorisation des valeurs locatives, le hold up sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, la problématique de la DGF et les prélèvements sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des départements, la suppression des dispositions favorables aux ressortissants étrangers ou qui ont une forte mobilité professionnelle permettant l'exonération de plus-value sur la résidence secondaire dès lors qu'ils n'ont pas de résidence principale, etc.
J'ai participé à la discussion de vingt-et-une lois de finances annuelles. Je ne siégeais pas au Sénat lorsque fut votée une question préalable, mais j'ai le souvenir que lors des débats sur la loi de finances pour 2002, qui était aussi une année électorale, la majorité sénatoriale avait examiné la loi de finances en dépit de son caractère artificiel. Les circonstances étaient similaires. À l'époque, ce n'étaient pas les policiers mais les femmes de gendarmes qui manifestaient dans la rue. Des redéploiements de crédits avaient eu lieu en catastrophe, nuitamment, à partir d'une nomenclature budgétaire périmée, ce que le Conseil constitutionnel avait souligné, sans pour autant prendre la décision d'annuler la loi de finances elle-même.
Je rejoins les propos de Richard Yung : la discussion de la loi de finances est le coeur du parlementarisme. Je ne peux pas me résoudre, vis-à-vis de ceux qui m'ont élu, à me priver de mon droit d'amendement. Sans doute que la commission mixte paritaire n'aboutira pas, mais depuis quelques années nous constatons que sur chaque texte, un certain nombre d'amendements sont repris par les députés. Nous savons qu'il y a eu des excès à l'Assemblée nationale, notamment de la part des frondeurs. Devons-nous pour autant nous résoudre à mener la politique du pire, en ne revenant pas, par exemple, sur l'affaire des distributions gratuites pour les start up ? Si nous adoptons la question préalable, l'Assemblée nationale en restera à son texte de première lecture, et sauf courage gouvernemental pour demander des deuxièmes délibérations, ce dont je doute, un certain nombre de dispositions nuisibles demeureront inscrites. Nous y aurons contribué.
Je ne peux pas m'y résoudre et, tout en regrettant de manquer à la solidarité due à mes collègues de groupe, je ne voterai pas la question préalable.